28 avril 2011

Ma campagne (2) - Fret (1)

J'ai commencé une série de billets pour détailler ce qui serait pour moi un bon programme de gauche pour 2012. Le programme s'appelle « Les énergies de la France » et il est axé autour de l'écologie, la décentralisation et le fractionnement du pouvoir, à la suite des « gauchitudes » que j'avais proposées il y a deux ans.

Je voudrais parler du fret (un blogueur n'est pas obligé de présenter son programme dans un ordre alléchant), du transport ferroviaire des marchandises. C'est un sujet qui me tracasse depuis les années Jospin : la gauche avait le pouvoir, il y avait une ministre Vert et un ministre des transports communiste. C'était, me semblait-il, le moment idéal pour créer une politique du fret qui arrangeait à la fois les cheminots, peuple de gauche s'il en est, et les écologistes. Évidemment il n'en était rien, et depuis j'attends.

Pour mon programme, je pensais ne faire qu'un seul billet sur le fret, mais je vois que je vais être obligé de faire un ou plusieurs détours pour y arriver. Commençons donc par les PME et la désindustrialisation de la France. L'idée de fractionner le pouvoir économique et politique est une façon de s'adapter à un monde plus complexe, moins centralisé que celui de papa et maman (ou papy et mamie) pendant les trente glorieuses, quand la fumée montait des cheminées des usines et le modèle social français marchait à fond.

Aujourd'hui la fumée et les cheminées sont chinoises. La gauche a perdu la plupart de ses moyens pour faire pression sur les « grands patrons », et même le rapport de forces s'est inversé : dans l'intérêt des ouvriers, des salariés, la gauche ne voit pas d'autre alternative que de séduire les entreprises, surtout les grosses. D'où ce consensus jospino-chiraquien (« l'État ne peut pas tout faire »), que l'on retrouve d'ailleurs un peu partout dans les autres pays dont on disait il n'y pas si longtemps qu'ils étaient « industrialisés ».

Tout cela vous le savez aussi bien que moi, sinon mieux. L'important est de comprendre pourquoi il faut changer de modèle et changer d'échelle. Le rêve de rétablir le schéma social et industriel des années avant « La Crise » (c'était quand ça ? 1982 ?) bloque la gauche dans une position défensive, Sarkozy dirait « conservateur » même. L'issue est un changement d'organisation du pouvoir économique, en allant vers tout ce qui ne peut pas se délocaliser, et vers des plus petites structures, notamment les PME.

Ségolène Royal, en 2007, avait proposait quelque chose allant dans ce sens, et Dagrouik a raison de dire:

Je l'ai déjà expliqué plus d'une fois sur mon blog, 70 milliards d'aides à re-orienter sur PME : ABSENT ! Alors que c'était présent dans discours de Ségolène Royal en 2007. Les PME qui font 80% de l'emploi, ne bénéficiaient que de 13% du montant des aides en 2007, ça se trouve dans un rapport de la cour des comptes. Abordé par Ségolène Royal en 2007. Oublié par le PS.

C'est sans doute plus qu'un oubli, mais un problème de culture politique.

Revenons donc au fret. L'intérêt écologique du fret ne fait pas de doute, mais c'est le camion qui gagne depuis bien des années :

La part du fret ferroviaire, fluvial et maritime est passée de 42% en 1984 à seulement 14% en 2007, tout en ne parvenant pas à trouver un modèle économique équilibré.

Ce n'est pas difficile d'imaginer que le fret et l'industrie traditionnelle se sont effondrés ensemble, puisqu'ils ont également grandi ensemble. Incapable de s'adapter aux besoins de souplesse et à l'échelle plus réduite des transports modernes, le fret est peu à peu délaissé.

Voilà pour le diagnostic. Prochain épisode : les échecs des relances du fret.

23 avril 2011

Teigneux

Je l'ai d'abord lu chez Juan :

A l'Elysée, Sarkozy sur-joue, comme toujours, la confiance. La semaine dernière, il disait « bien sentir » cette campagne aux députés UMP invités à l'Elysée. Il promet d'« exploser » son futur concurrent socialiste.

Et l'AFP : Surtout, le locataire de l'Elysée reste plus que jamais confiant dans sa capacité à battre la gauche. Publiquement, il raille volontiers le programme du PS. "Il nous dit à tous vivement que le candidat socialiste soit connu, je vais l'exploser", ajoute un de ses récents visiteurs.

Bien sûr, pour garder ce qui lui reste de maîtrise sur son parti, il est important pour le Très Grand Homme (TGH) de se projetter en futur vainqueur. Chacun pense aux postes qu'il pourrait occuper s'il reste fidèle pendant les moments difficiles. La stratégie marcherait mieux sans doute si Sarkozy n'avait pas la fâcheuse habitude de privilégier les ralliements les plus récents.

Ces fanfaronnades sont néanmoins inqiétants au vue de l'état d'indécision à gauche, et le confort trompeur des sondages. Je le disais l'autre jour : cette élection va être très dure. La faiblesse du TGH va le rendre encore plus teigneux, encore plus méchant. L'élection à deux tours met l'accent sur des détails personnels, sur une perception de la force ou de la faiblesse d'un candidat. Sarkozy tentera d'humilier son adversaire. Préparez-vous.

21 avril 2011

Comment faut-il que le PS réponde à la question de l'immigration ?

Visiblement, le cocktail idéologique à base de xénophobie que la droite nous prépare pour 2012 continue d'être le grand sujet du moment. C'est ce qui me préoccupe alors que, paradoxalement, je pense que l'enjeu essentiel pour la gauche va être de pouvoir parler d'autre chose. Ce qui ne sera pas évident.

Les sondages continuent de mettre Marine Le Pen au centre des choses, et, en raison des considérations géométriques de l'élection à deux tours, les grandes questions et fantasmes idéologiques se heurtent à la grande passion, assez maladive, de la presse : qui va être le candidat du PS ?

Une chose me paraît certaine : le candidat de la gauche se fera massacrer au second tour s'il n'a pas une stratégie efficace vis-à-vis des questions d'« immigration » et d'« Islam ». Je mets des guillemets parce que ce n'est pas vraiment l'immigration qui inquiète les gens qui sont inquiets par l'immigration, et la même chose vaut, ou presque, pour l'Islam. Il y a deux ans je parlais d'une «purification symbolique de la Nation », et c'est encore à peu près ça.

Nicolas J. pose le problème clairement:

La campagne est lancée. Deux thèmes : le pouvoir d’achat et l’immigration.

Comme en 2007. Comme en 2002. Comme en 1995.

[…]

C’est reparti.

La gauche doit répondre. Sur ces thèmes.

Et dans un billet où Juan interroge, avec une maîtrise et un franc-parler réjouissants, Philippe Cohen, celui-ci souligne bien l'urgence idéologique de la situation :

Mais je crois que cette polémique renvoie à des questions qui se posent à toute la gauche et, au-delà à tous les républicains : pourquoi la gauche ne profite-t-elle pas vraiment de la plus grosse crise financière de puis 1929 ? Pourquoi l’affaiblissement de Nicolas Sarkozy profite-t-il davantage au Front national qu’à la gauche ou au centre ? Pourquoi les gens du peuple, et notamment les classes d’âge actives (les 24-49 ans) sont-ils si séduits par Marine Le Pen ? Nous ne pourrons éviter de répondre sérieusement à ces questions si nous ne voulons pas laisser un boulevard à quatre voix au Front national.

Au lieu de répondre à ces questions, une partie de la gauche préfère stigmatiser ceux qui osent aborder les thématiques du FN. Ainsi, il ne faudrait parler ni de l’immigration, ni de l’insécurité grandissante, ni des excès de l’islamisme radical. Déjà stupide en soi, cette logique aboutit aujourd’hui à une impasse : puisque Marine Le Pen parle du chômage et de la crise de l’euro, il faudrait aussi éviter ces questions ? Il faut que les responsables de la gauche se réveillent !

(En passant: il me semble inutile d'aborder la dispute assez stérile avec Sophia Aram. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas plusieurs façons de réagir et résister au Front National.)

Les remarques de Philippe Cohen sont effrayant et je suis à peu près d'accord avec son analyse de l'échec du PS auprès de l'électorat populaire. Il y a un malaise profond chez ces électeurs, et il est bien triste que ce malaise se manifeste dans cette réaction xénophobe. Je continue à penser, néanmoins, que la forme inacceptable que le malaise à finir par prendre est surtout due au fait qu'aucun autre discours politique n'était adressé à cette tranche de la population. (J'ai abordé cette question l'autre jour.) Le PS n'a jamais était un parti populaire, et, après l'évaporation du PCF, n'a jamais entrepris de le devenir. Depuis 2002, exactement neuf ans aujourd'hui, donc, il paie le prix de cette incapacité à s'adapter.

Tout cela pour dire que « l’immigration », « l’insécurité grandissante », ou les « excès de l’islamisme radical » ne sont les vrais problèmes. D'où le problème de la gauche : si elle se montre « dure » sur l'immigration, l'Islam etc., elle ne l'est jamais assez pour ceux qui sont vraiment dans la paranoïa, et elle perd sa crédibilité de gauche. Et si elle reste dans la logique de la condamnation morale et le front républicain, elle passe complètement à côté de cet électorat qui, plus qu'aucun autre, a besoin de la gauche. C'est vraiment à pleurer.

L'enjeu, pour 2012, et après, va être de trouver une manière de neutraliser la question (la « bonne question » à laquelle ils apportent des « mauvaises réponses »). Je le dis en gras : *la gauche ne doit pas valider l'idée selon laquelle c'est la faute des « immigrés »*. C'est suicidaire, répugnant et tout le reste. Mais je suis d'accord qu'il faut répondre, quand même. Faut trouver. Il reste quelques mois.

20 avril 2011

Ma campagne (1)

Finalement, je ne me présenterai pas à l'élection présidentielle. Je ne participerai pas aux primaires socialistes. C'était une décision lourde à prendre, mais je veux prendre mes responsabilités et éviter d ajouter à la confusion à gauche.

Libéré de cette perspective, je peux dors et déjà essayer de contribuer aux efforts de toute la gauche en vous livrant les grandes lignes de ce qui aurait été ma campagne. Cela prendrait peut-être plusieurs billets, on verra.

Le titre d'abord : « Les énergies de la France » Gros clin d'oeil, évidemment, à l'écologie, énergies alternatives, sortie du nucléaire, économie verte, mais aussi l'idée d'une économie plus dynamique, plus inventive, plus décentralisée, passer moins par les grands groupes et plus par les PME, mettre l'accent sur le local, etc. Plus encore, les « énergies » en question seraient celles de tous ces talents brimés par le centralisme, le copinage, les castes, mais aussi par la crispation d'un racisme subtile et silencieux.

Je continuerais de dévoiler les éléments de ce programme, élaboré en secret depuis des mois et qui poursuit un peu mes « gauchitudes », au fil des billets.

18 avril 2011

Comment Sarkozy va gagner en 2012

« Moi, je la sens bien » dit Sarkozy de sa réélection en 2012. Je suis d'accord avec lui, sauf que je dirais plutôt que je la sens mal, très mal. Pour beaucoup de raisons : les divisions et cafouillages prévisibles de la gauche ; le fait que Sarkozy contrôle encore mieux les médias aujourd'hui qu'en 2007, surtout la télévision, et que, en tant que Président, il dispose de toutes les ressources de l'État, notamment le contrôle de l'agenda politco-médiatique. Et c'est là le plus gros problème…

Très simplement : Sarkozy fera tout ce qu'il peut (et il peut beaucoup) pour transformer l'élection présidentielle 2012 en référendum sur l'Islam. Dans les mois précédant l'élection, nous allons vivre dans un tourbillon médiatique, vacarme dirait Juan, où il n'y aurait pas d'autre question que l'Islam et « l'immigration ». On sortira tous les faits divers possibles, les seconds couteaux, genre Hortefeux, feront des déclarations qui mettront le feu aux poudres et qui occuperont l'attention des téléspectateurs pendant des jours et des jours. Cinq années d'échecs et d'erreurs ? Effacés devant le péril identitaire.

Pour le candidat socialiste, les journalistes n'auront pas d'autres questions : comment réagissez-vous quand le P. de la R. dit que les musulmans n'ont que… blah blah blah ? Et quand ce pauvre candidat voudra parler de telle mesure économique, tel ou tel échec de cinq ans de Sarkozy, cela va apparaître comme une sorte de détail technique à côté de la grande question passionelle du moment, cette « interrogation » sur l'Islam, sous couvert d'une laïcité de pacotille, montée de toutes pièces. Le candidat de gauche dira : Si je suis élu, j'indexerai ceci sur cela…, ça aidera les ménages etc. et la droite répondra : Voulez-vous vraiment des minarets dans votre quartier ?

La seule façon de résister, à mon humble avis, sera non d'apporter d'autres réponses aux mêmes questions, mais de ridiculiser intégralement la question. Pas facile, je sais.

16 avril 2011

Redresser l'avenir

Il y a quelque chose d'étrange dans le langage du PS depuis que le projet est officiellement lancé, un rapport étrange au passé et au futur. La phrase de Martine Aubry nous met la puce à l'oreille : « l'avenir aimera de nouveau la France ». D'accord c'est paradoxal et accrocheur, légèrement publicitaire ; il faut s'attendre à ce genre de chose. Mais qui est vraiment cet avenir qui aime et n'aime pas ?

Dans un dossier PS intitulé justement L'avenir aime la France (qui n'est pas trop mal en analyse, assez faible en propositions) :

Après quatre siècles d'hégémonie, les nations occidentales vieillissent et semblent résignées à cultiver leur passé plutôt qu'à se projeter dans l'avenir. (page 7)

On dirait qu'ils ont réfléchi pas mal à ces histoires de passé-présent-futur-futur antérieur. Les grandes lignes du projet ont quelque chose d'étrange aussi, de ce point de vue :

  • Redresser la France et proposer un nouveau modèle de développement
  • Retrouver la justice pour bâtir l’égalité réelle
  • Rassembler les Français et retrouver la promesse républicaine

« Redresser », « retrouver » (x2) : n'est-ce pas un peu : c'était mieux avant ?

La promesse de « changement » (nom officiel du programme) Avec « l'avenir » et , suggérer que l'avenir va nous faire revenir au passé. L'idée d'un protectionisme européen va dans ce sens, par exemple : recréer les circonstances (industrielles) où le bon vieux socialisme serait à nouveau pertinent (Sans mentionner que c'est une idée parfaitement impratiquable puisqu'un consensus européen sur la question est impossible, et que la guerre économique qui s'ensuivrait ne serait pas forcément bonne pour tout le monde : on aime oublier notre dépendance vis-à-vis de la Chine…)

Et après ce retour redressé et retrouvé, revenons à cette France et l'avenir qui l'aime. Je n'ai rien contre cette formule ; elle est accrocheuse, paradoxale et maligne. En même temps, et c'est pour ça que c'est malin, elle fait la synthèse entre une idée de progrès (l'avenir) et quelque chose de vaguement patriotique : aimer la France. Ce n'est pas répréhensible, bien entendu, mais cela m'inquiète un peu. C'est comme s'il fallait que la gauche réagisse au succès de Marine Le Pen aux cantonales et à l'obsession xénophobe du pouvoir actuel. Ce n'est pas pour dire que le PS est devenu xénophobe à son tour (ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit), mais qu'il est souvent coupable, depuis des années, d'une sorte de molesse, un suivisme qui essaie de prendre en compte tout l'éventail des points de vue politiques. C'est un peu comme si le succès de Marine Le Pen et les mesures et déclarations islamophobes et xénophobes du gouvernement finissaient pas persuader les médias et les politiques que ces questions (prières de rue, etc.) passionnaient toute la population, mais à des degrés différents.

C'est une erreur, parce que cette bagarre-là concerne le FN et l'UMP. Il y a un groupe d'électeurs qui peuvent basculer entre les deux camps s'ils perçoivent que l'un ou l'autre va mieux convertir leurs vagues peurs de l'altérité en réelles mesures politiques. C'est la théorie, en tout cas, de Nicolas Sarkozy, qui semble savoir que sa réélection dépend de sa victoire dans cette lutte. Or, cela ne concerne pas le PS : ces électeurs là ne viendront pas au PS, même s'il affiche des timides petits signes patriotiques. Le reste de la population n'est pas obligatoirement hypnotisé par ces manoeuvres.

Mais, vous me direz, il y a beaucoup d'électeurs de gauche qui ont été tentés par l'extrême droite (et par le Très Grand Homme (TGH) lui-même en 2007). Bien sûr, et c'est un problème. Mais le problème n'est pas que le PS n'est pas assez xénophobe pour faire jeu égal avec la droite. Le problème, c'est que le discours populaire du PS n'existe plus, n'est plus lisible, ne porte plus. Peu à peu, on en vient à penser que le mythique électeur populaire ne veut que du racisme. Evidemment, si c'est tout ce qu'on lui propose… D'où l'urgence de fabriquer un discours populaire et de gauche pour combattre la diversion haineuse.

(PS: Le « coup du drapeau » et les autres effets chévènementestes étaient à mon avis l'erreur idéologique principale de la campagne de Ségolène Royal : ce type démarche énerve les gens de gauche et ne convainc personne à droite.)

12 avril 2011

La burqa, suite et début

Mes amis s'énervent contre les provocatrices en burqa. Il y a quelque chose de violent dans leurs propos qui m'attriste un peu.

Juan écrit :

Cette loi ne sert pas à grand chose, mais ces deux provocatrices ne méritent que le mépris. Voir l’une des deux s’exprimer à la télévision, le visage voilé intégralement, réclamer sa liberté de religion est exaspérant. Une vraie connerie qui n’a rien à faire dans notre France laïque et républicaine.

Casse-toi, ma chérie. Casse -toi.

Jegoun est plutôt Law & Order :

Si vous voulez vous habiller en Burqa, allez dans des pays où s’est toléré…

Vous avez le droit de préférer vivre en Afghanistan ou en Iran, c’est votre droit, votre liberté, je m’en fous. Dans mon pays, on ne s’habille pas en burqua. On ne se déguise pas en prison.

Alors je m’associe à mes camarades blogueurs Juan, Marc et Dagrouik et je dis : cassez-vous.

Marc fait un billet pour dire qu'il est d'accord avec Juan et pour rappeller sa position : interdire la burqa c'est résister au communautarisme.

Dagrouik est d'accord aussi:

Moi je lui dit plus directement : Casse toi pauvre conne! Va faire la leçon là où il manque la démocratie que tu nies et que tu utilises en meme temps.

Je sais que mes amis sont motivés par la laïcité, par des considérations sur l'égalité des femmes, mais cette idée que ces femmes, provocatrices, certes, doivent « se casser » me trouble quand même. Car c'est ce qui se dit le plus souvent à propos des « immigrés » : si vous n'aimez pas la France, rentrez chez vous !

Dagrouik regrette l'instrumentalisation prévisible de l'affaire par la droite xénophobe:

Et non, chers lecteurs, je ne suis pas devenu Sarkozyste. Mais voir de telles bêtises qui seront en plus montées en épingle par le FNUMP ça m'énerve.

Et falconhill voudrait qu'on puisse « passer à autre chose ».

Ce qui est embêtant, c'est que maintenant qu'il y a une loi, il va suffire pour n'importe qui, femme ou pas, musulmane ou pas, d'enfiler une burqa, pour créer l'incident, engageant droits de l'homme, liberté d'expression, conflit des civilisations. La République est déormais abonnée à ce genre de provocation, car elle doit réagir. C'est la loi.

On va me dire : oui, mais la burqa c'est horrible, etc. Évidemment. Mais nous avons collectivement pris un phénomène marginal, déjà sans doute une provocation, au moins parfois, pour en faire une de ces grosses questions de société dont la presse rafolle.

Dagrouik encore :

En quoi la burqa est elle anti république ou antinomique à la laïcité ? C'est simple, son costume est une allégorie de l'univers carcéral qu'elle promeut : la femme et l'homme enfermé dans des croyances avec supériorité de l'un sur l'autre, la notion de droit divin supérieur au droit de la Nation, promeut un modèle de société basée sur des regles non égalitaires.

Justement, la burqa est une allégorie. Mais la connerie, c'était de légiférer sur une allégorie. Je ne veux pas voir cette allégorie là sur les trottoirs de ma ville ! Et les bikers avec le drapeau des Etats-Unis sur leurs blousons, sont-ils du coup solidaires des crimes impérialistes que la République ne saurait tolérer sur ses trottoirs ? Et si je me ballade avec une couronne sur la tête, ne serai-je pas en contradiction avec les valeurs fondamentales de la République ? Pourtant, les royalistes sont tolérés.

Du coup nous avons une loi stupide et inutile (les ventes de burqa vont sûrement monté en flèche), la probable multiplication des instrumentalisations par les Guéant et Buisson.

Sarkozy a compris comment instrumentaliser la laïcité tout en flattant les penchants islamophobes d'une certaine catégorie d'électeur qui lui sera très utile en 2012. Les gars, arrêtez de tomber dans le panneau.

10 avril 2011

De l'huile sur la xénophobie

En 2012, Sarkozy sera un candidat formidable, dangereux, malin. Son impopularité ne doit pas nous tromper. Ce sera, bien sûr, une élection "imperdable", mais il ne suffira pas de se présenter contre lui pour ne pas perdre. En 2012, il ne pourra plus parler de rupture, il va avoir du mal à "vider" le Front National comme en 2007. Mais 2012 ne sera pas 2007. Le parti qui le comprendra va gagner. (Aux socialistes : 2012 ne sera pas 2002 ou 1997 non plus.)

Sarkozy l'a-t-il compris ? Dans un premier temps, on est tenté de voir dans gesticulations indignes de Claude Guéant (dont la mission consiste à dépasser Brice Hortefeux en xénophobie) simplement comme la preuve que le Très Grand Homme (TGH) sait que sa seule chance en 2012 est de rééditer le véritable exploit de 2007, qui était de donner toutes les preuves de xénophobie nécessaires pour séduire le vote des rétraités et des électeurs FN en mal de grand homme, sans pour autant aliéner les droites tradi, catho et républicaines, et même en prenant des voix de gauche par ci par là chez des gens qui voulaient tomber dans le panneau pour différentes raisons.

Aujourd'hui, tout cela paraît assez compliqué.

Pourquoi, alors, cette obstination à foncer dans la même direction, alors que, justement, en plus de toutes les autres différences entre 2007 et 2011, il y a Marine Le Pen, Nationale et Sociale, qui est venu siphonner sur les terres de son papa et celles du TGH ? C'est par réflexe ou par calcul ? Devant l'obstacle bleu-marine, Sarkozy s'entoure des plus xénophobes de ses amis, baisse la tête et fonce dans le tas ? C'est peut-être cela, en effet. On dit que quand les gens ont peur pour leur boulot, ils s'en prennent aux immigrés. Sarkozy arrive en fin de CDD et il commence à voir venir la précarité.

Il y a dans le personnage de Sarkozy quelque chose qui rejette la solution sage. Croyant à sa bonne étoile, à sa gnac et ses pouvoirs infinis de séduction, il ne recule pas, pense emporter le morceau justement dans l'excés.

Pourtant, je le crois plus malin que ça. Il y a un calcul derrière ce positionnement.

Premier tour

Le premier risque d'être le plus important des deux ; le plus dangereux sûrement. En se faisant plus National que le Front, Sarkozy espère limiter la progression de Fifille tout en maintenant son attrait dans l'aile amnésique de l'électorat populaire et réactionnaire qui n'est pas encore prêt à voter FN. De plus, il compte quand même sur la droite classique pour se qualifier pour le second tour. À ce stade, la confrontation avec la gauche n'a pas beaucoup d'importance, à condition d'être au second tour.

Second tour

Ah, vous me direz, en allant aussi loin à droite, il va s'affaiblir pour le second tour ! Là, on suppose que le PS arrive à qualifier son candidat. Un duel à l'intérieur de la droite xénophobe, de toute façon, serait alors juste le prolongement du premier tour. Dans l'hypothèse d'un affrontement droite-gauche, en revanche, le calcul de Sarkozy doit être à peu près le suivant : à force de parler sécurité, paranoïa, prières dans la rue, burqa, niqab, « on est plus chez nous même chez nous »,

Sarkozy va déplacer le coeur du débat vers ces questions là. Le PS sera réduit à dire « on trouve qu'on se sent chez nous, mais ce serait mieux de sentir encore plus chez nous que maintenant », se décrédibilisant aussi bien auprès des électeurs tentés par la xénophobie qui ne seront pas convaincus de toute façon, qu'auprès des électeurs de gauche qui seront dégoûtés par leur parti.

On a souvent dit que les « débats » sur l'identité Nationale et l'Islam font le jeu du Front National. Finalement, je pense que la stratégie est beaucoup plus insidieuse : il s'agit de réduire, aux yeux, l'ensemble du débat politique (retraites, économie, justice, sécurité… oui, même la sécurité) à des questions d'immigration, de religion et de race. Les téléspectateurs n'arrivent pas à gérer beaucoup de sujets et même temps. Quelques faits divers bien placés, en février et mars 2012, bien relayés par les télévisions publiques et privées, qui obéissent à Sarkozy, feront amplement l'affaire. Le but de l'opération est de convaincre l'opinion qu'il n'y a pas d'autre sujet.

9 avril 2011

S'engager, ou pas

À l'heure actuelle, je n'ai plus de préférence pour le candidat du Parti socialiste. Moins par lâcheté que par lassitude avec le système et les pratiques du Parti, dont le but semble être avant tout de maintenir un statu quo de personnes et d'idées. Et même quand des bonnes idées s'infiltrent dans le programme, on dirait qu'elles sont devenues ternes.

C'est peut-être sur moi que le programme produit cet effet. Je l'espère.

Bref, devant la perspective de 2012, la plupart des considérations s'effacent. Le PS ne deviendra pas subitement celui dont j'ai toujours rêvé. Je m'y fais. C'est pendant les périodes un peu creuses de la vie politique, avec une opposition réduite à la simple figuration, qu'on peut se permettre de vouloir telle ou telle gauche. Maintenant, il faut essayer de gagner.

Cela ne va pas être simple. L'élection présidentielle de 2012 sera « imperdable », bien sûr, mais très facile à perdre. Les sondages voudraient que ce soit DSK le candidat le plus dangereux pour Sarkozy. Ils ont peut-être raison, après tout. Du moins, ils auraient raison si les choses se passaient normalement ; si le second tour devait être l'affrontement entre le candidat le plus fort de la droite et le candidat le plus fort de la gauche. Or, avec la menace d'un Front National qui est toujours aussi National, mais devenu plus "social", plus Socialiste… (National et Socialiste ?)… devant cette menace, la clé du jeu risque d'être la capacité des ténors d'éviter le fractionnement dans leurs camps. C'est dans cette perspective qu'une candidature de Dominique Strauss-Kahn me semble risquée, car elle aurait sans doute tendance à en encourager d'autres dans le camp de gauche. Il sera difficile pour le Front de Gauche de ralier DSK ; quant à EELV, il faudrait savoir un peu plus sur la crédibilité écologique de Strauss-Kahn, qui, à priori, semble un peu trop dans la lignée du socialisme ami des grandes entreprises, du nucléaire, etc.

Je n'ai pas de certitude là-dessus. C'est juste une inquiétude. Les choses vont devenir plus clairs petit à petit. Ou pas. Mais au-delà de ces interrogations, il y a une chose qui me semble essentielle, dans une perspective DSKïste : s'il veut vraiment être Président de la R., il faut qu'il quitte le FMI, et le plus tôt serait le mieux (pour lui). Traîner des pieds, donner l'impression d'attendre la dernière minute pour se jeter à l'eau, cela pourrait devenir son talon d'Achille. D'abord, il y aurait un très fort risque qu'il soit mal préparé à l'élection. La France parâit sans doute comme un tout petit pays vue des hauteurs du FMI, mais une élection est très dure. Et ensuite, il serait très facile, pour le candidat de la droite, de reprocher à DSK son manque d'engagement.

8 avril 2011

Malheureusement, ça se prépare

Souvenez-vous d'Emmanuelle Mignon et les Conventions thématiques de l'UMP? C'est drôle aujourd'hui de relire cet entretien où elle relate la préparation de la campagne 2007, préparation qui a commencé en 2004. Tiens, ce serait comme si, pour 2012, quelqu'un avait commencé à préparer sa campagne en… 2009. C'est Mademoiselle Mignon qui raconte :

Notre chance a été de commencer en novembre 2004. Nous avons commencé très tôt à bâtir notre programme, et j’ai senti une immense attente d’un débat d’idées. Beaucoup de choses s’écrivaient déjà sur la situation du pays. Nicolas Sarkozy, de son côté, pense que ce ne sont pas les Français qui se désintéressent de la politique mais que c’est la politique qui n’offre rien aux Français. Pour Sarkozy, il faut faire du débat d’idées, la politique, c’est des idées. Il pense qu’il faut avancer des idées et que les gens seront alors attirés par la politique, et c’est ce qu’il a merveilleusement bien réussi en imposant des débats sur les sujets sur lesquels on n’avait plus le droit de parler. Notre chance, c’est ce calendrier très précoce. (C'est moi qui souligne, o16o.)

D'accord, pour 2009, c'est loupé déjà. Je note surtout cette idée de Sarkozy, que je partage entièrement (comme quoi…), qu'il faut d'abord développer des idées, et attirer les électeurs avec des idées, plutôt que d'essayer de trouver les idées que les électeurs ont déjà.

Le programme du PS est arrivé. C'est très bien, je suppose. À peu près ce à quoi on pourrait s'attendre, mais je ne vais pas parler du fond pour l'instant. Mais quand même, est-ce en disant

7.) Pour réduire l'endettement de la France: réaffecter la moitié de nos marges financières

qu'ils éspèrent susciter l'enthousiasme des foules ? Comme je ne comprends pas bien de quoi il s'agit, je clique sur le lien, où l'on trouve l'explication détaillée, que je cite in extenso :

Pour réduire l’endettement de la France, nous affecterons à la réduction de la dette la moitié des marges financières que nous dégagerons.

Ah!