J'ai commencé à regarder l'entretien du Très Grand Homme (TGH) avec PPDA et Arlette. (Juan nous donne les liens.) Ca risque de me prendre plusieurs jours...
Depuis à peu près le 6 mai, on entend au moins quotidiennement que Sarkozy veut aller vite, réformer vite, etc. C'est une obsession, visiblement.
Nous sommes censés voir dans cette course à la réforme la réaction à une situation urgente. L'homme de la rupture prend enfin le pouvoir; il n'y a pas une seconde à perdre, sinon la France sera définitivement perdue, mangée par les Chinois.
Lorsqu'on est mauvais esprit et, pire encore, atteint de anti-sarkozysme primaire, on voit dans cette obsession plutôt une manière de bousculer ceux qui pourraient résister, mais qui ont besoin de temps pour se mobiliser.
Je continue à retenir cette dernière interprétation, bien entendu. Mais voir cet entretien, du moins le début, me fait penser que, de toute façon, Sarkozy ne serait pas capable de faire autrement, et que cette façon d'être constamment en phase d'accéleration fait partie sinon de sa personnalité, du moins du seul comportement politique qu'il connaisse.
Voici un exemple. Au cours de l'entretien, on en vient à la question des "marges arrières" dans la grande distribution:
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Les fameuses marges arrières.
LE PRESIDENT - ... Qu'ils obtiennent des fournisseurs. Personne n'y comprend rien, c'est extrêmement compliqué. Les grandes surfaces discutent...
ARLETTE CHABOT - Les prix vont baisser, en clair !
LE PRESIDENT - Voilà. Les grandes surfaces discutent avec les fournisseurs, obtiennent des ristournes. Ces ristournes, on ne les retrouve pas chez le consommateur, qui voit bien que, depuis l'euro, les prix ont augmenté. Je souhaite que les prix baissent. Donc, on va libérer les possibilités de négociation entre fournisseurs et distributeurs de grandes surfaces. Je dis tout de suite d'ailleurs que pour les prix agricoles, je ferai une exception. Parce que je considère que les prix en matière agricole et alimentaire ne se fabriquent pas de la même façon que pour les grandes marques, que je ne citerai pas parce que je n'ai pas le droit de faire de la publicité.
Sarkozy coupe la parole à PPDA pour dire que de toute façon "personne n'y comprend rien" : on n'ira pas chercher la petite bête, on va aller droit au but. Pas question d'expliquer que ces ristournes ne sont pas simplement le fruit de négociations, mais sont payés par les fournisseurs pour que leur produit apparaissent à un endroit stratégique dans le magasin. Pas question, non plus, d'expliquer que faire ce que le TGH propose, c'est concrétiser un avantage définitif pour les grandes surfaces vis-à-vis de leurs concurrents plus modestes, souvent des PME qui votent UMP/RPR d'ailleurs. Mais évoquer tout cela, c'est ne pas aller vite, et pire, c'est compliqué. Donc on réduit tout à "faire baisser les prix".
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Dans le même temps, vous avez quand même prévu la franchise médicale, ce qui est un problème aussi pour le pouvoir d'achat des gens. Cela veut dire aussi que ça va les pousser à avoir des assurances privées et peut-être à aller vers une médecine à deux vitesses.
LE PRESIDENT - C'est une affaire compliquée, il faut essayer d'en parler simplement. Nous avons un gigantesque défi devant nous, celui de la maladie d'Alzheimer. Près de 900 000 Français qui ont cette maladie, qui est un drame, un drame absolu. Nous avons le cancer qui est la première cause de mortalité, qui brise et qui cause des tragédies dans toutes les familles. Nous avons moitié moins de lits de soins palliatifs pour les malheureux malades condamnés pour les accompagner dignement vers la mort. Il faut de l'argent supplémentaire. Où est-ce que je vais le trouver ? De tous les côtés, on me dit : Plus pour la recherche Alzheimer, plus pour la recherche sur le cancer, plus pour les soins palliatifs. Où est-ce qu'on les trouve ?
ARLETTE CHABOT - Et la dépendance.
LE PRESIDENT - La dépendance, pareil, on vit plus longtemps, où est-ce qu'on les trouve ? A ceux qui me disent que la franchise, ce n'est pas gentil, peut-être. Mais où est-ce qu'on trouve l'argent ? Je ne le fabrique pas. Je veux dire la vérité aux Français. Si on veut dépenser...
Là encore, bien sûr, "c'est une affaire compliquée". Malgré nous, nous l'imaginons en train de dire "mais les français m'ont pas élu pour résoudre que les questions simples". "C'est une affaire compliquée, il faut essayer d'en parler simplement". Encore une fois, puisque les français sont des cons, on va tout réduire à un argument d'une simplicité proprement imparable, à savoir: "Alzheimer, c'est terrible, ça coûte cher. "Il faut de l'argent supplémentaire. Où est-ce que je vais le trouver ?" Il n'y a pas le choix, il n'y a qu'un choix, c'est le choix que je fais. T'es contre la franchise? Alors t'es contre les vieux.
Quand on lit ce texte, que l'Elysée met gentiment en ligne, on n'apprécie pas tout à fait le rythme du TGH. Il va très vite. Et les sauts logiques, de la franchise médicale à la maladie d'Alzheimer, ou des marges arrières à la baisse des prix, arrivent si vite que l'interlocuteur n'a pas le temps de formuler la réfutation. On a à peine le temps d'ouvrir la bouche que l'association "franchise médicale"-"aider les vieux" est faite, et que toute autre réponse à la question "où est-ce que je vais le trouver, l'argent?" est condamnée à n'être qu'au mieux une pinaillerie mesquine, sinon une insulte aux personnes âgées.
Aller vite, donc, pour faire taire les critiques. C'est essentiel au système Sarkozy.
Monsieur a été avocat, il sait monopoliser l'attention ET la parole. Le souci, c'est que ces dires sont superficiels et dans le domaine, les gens ne verront rien bouger. De ce fait, dans un an, on fera un bilan,les réformes toucheront tout le monde - en mal !?- sauf les classes supérieures et soudainement le TGH ne sera plus l'homme du peuple... Cherchez l'erreur?
RépondreSupprimerSalut homer,
RépondreSupprimerSi dans un an, les choses vont plus mal qu'aujourd'hui, ce qui semble inévitable, notre cher TGH trouvera le moyen de dire que le problème c'est qu'il n'a pas pu faire assez de ce qu'il fallait faire, à cause des syndicats, des socialistes, de l'Europe, de la BCE, de Chirac, de Mitterand, des chômeurs qui trichent, des clandestins qui clandestinent, etc. etc.
Surtout, Sarkozy sait que ça ne coûte pas cher au budget de l'Etat de dire des conneries, genre "j'aime les pompiers et les électriciens". "Les fonctionnaires sont formidables" ?!? Il faudra une grosse bêtise de sa part pour cristalliser une réaction populaire contre lui.
espérons quand même...
o16o
Bonne analyse !
RépondreSupprimertu prends le recul que je n'ai pas.
500 dépêches traitait de sarkozy vendredi, a noté Libé.
Innondation à tous les étages...
Très bon article, bravo !
RépondreSupprimerTu as parfaitement raison, il court pour ne pas qu'on voit qu'il ne fait rien, en réalité !
Il s'est même fait traité d'incompétent pour s'en être pris à la BCE par la quasi totalité des autres pays européens et pourtant on lui laisse les commandes…
Heureusement, ça ne va pas durer !
:-)
Juan,
RépondreSupprimerMerci! Je ne sais pas comment tu fais pour rassembler (et commenter) les infos avec un tel rythme.
filaplomb,
Il paraît que l'édifice est déjà en train de s'éffondrer (du moins un peu). Maintenant il faudrait avoir des socialistes capables de commander un peu de respect pour profiter de la situation.