Depuis la déroute humiliante de la droite aux municipales, la mode dans les médias est de savourer les efforts de notre Très Grand Homme (TGH) pour se "présidentialiser". Il paraît que même l'intéressé parle en ces termes (voir le Canard de cette semaine). Je me suis déjà interrogé sur la possibilité d'un style bling-bling très voyant à un style qui serait, d'après Devedjian (mon UMPiste préféré), plus "classique", donc de s'afficher comme celui qui s'affiche moins.
Sarkozy a beau être la cible d'ignobles attaques dans les médias, il pourra toujours compter sur Le Monde pour une approche favorable. Aussitôt désavoué par l'opinion, il faut faire de Sarkozy un petit gars sympathique qui se plie en quatre pour bien faire son boulot.
Premier exemple : cette comparaison, par Bertrand Le Gendre, entre Sarkozy et De Gaulle, comparaison a priori défavorable : Sarkozy y a quand même l'air d'un guignol, surtout dans le récit de la scène du "honeymoon" avec Merkel devant les journalistes. Et pourtant, à la conclusion de cette "analyse", Le Gendre insiste surtout sur le côté Vieille France du Général :
Personne n'imagine non plus de Gaulle montant quatre à quatre les marches du perron de l'Elysée en short Nike. Ni faisant un jogging dans les rues de Manhattan vêtu d'un tee-shirt "NYPD" (New York City Police Department). Invariablement habillé d'un costume foncé, le Général ne le quittait que pour son uniforme de serge kaki. Même son fils Philippe ne l'a jamais vu, dans le parc de Colombey-les-Deux-Eglises, qu'en veston et cravaté.
Ce sont les dernières lignes du papier. Tout est toujours bien équilibré : si Sarkozy n'est pas assez présidentiel (Nike, NYPD), De Gaulle l'était trop, ou le serait trop encore pour notre époque. Evidemment. Ce qui confirme l'argument premier de Sarkozy : il faut un président "moderne", "transparent" et "décontracté", pas comme ce vieux schnoque de De Gaulle. Sauf que malgré tout De Gaulle était encore plus "transparent" que Sarkozy : non seulement payait ses propres "frais de bouche" et ne se serait pas autorisé à doubler son propre salaire, mais, même en termes vestimentaires, il était en public comme il était en privé : le même veston, la même cravate.
C'est donc la nouvelle technique médiatique : se moquer gentiment des excès de Sarkozy, tout en admirant chacune de ses tentatives, pourtant risibles, de se présenter comme plus digne.
Le papier de Philippe Ridet de la semaine dernière fournit bon nombre de ces anécdotes, surtout Sarkozy au plateau des Glières :
Originellement, une garde rapprochée composée de Brice Hortefeux, Nicolas Bazire et Pierre Charon aurait dû être de cette cordée haut-savoyarde. "Trop clanique", a jugé M. Sarkozy qui ne souhaite pas aller trop loin dans la comparaison. "Honnêtement, c'est mieux que l'autre...", lâche-t-il dans une allusion un rien perfide à son prédécesseur.
Admirez-moi! Admirez-moi! Personne ne peut lui expliquer que pour avoir la classe, il ne faut pas avoir l'air de chercher à tout à prix à l'avoir? Non, ne lui expliquez pas, ça ne fait rien.
Le schéma est toujours le même, pourtant : on se moque du TGH, et après on se rassure en l'admirant. Le moment le plus mielleux de l'article de Philippe Ridet est pourtant la scène du conseil des ministres :
"Plus les obstacles se multiplient, plus il faut de calme et de sang-froid", a expliqué le chef de l'Etat. On croirait du Chirac. Les anciens ministres respirent : ils ont retrouvé un président.
Il suffit de dire une connerie pour que la présidentialité de Sarkozy soit rétablie : ah, enfin un président! Oui, c'est incroyable : il a dit "calme" et "sang-froid". Dans la même phrase en plus! Quel homme! Philippe Ridet depuis longtemps me paraît sinon franchement sarkophile, du moins trop content d'avoir accès en permanence au TGH pour être contrariant. Mais le phénomène dépasse un seul journaliste, ou même un seul journal : l'obsession du style, de l'anti-style, du style de l'absence de style est en train d'occulter, à nouveau, la dimension politique de ce style.
Le style de Sarkozy n'est pas accessoire, un "habit" que l'on endosse pour communiquer plus ou moins bien. Le style de Sarkozy est indissociable d'une certaine pratique du pouvoir, réalité que tous ces bavardages autour du style ne font que dissimuler.
Vous avez raison. La presse veut nous faire croire que l'échec cuisant de Sarkozy et de l'UMP aux municipales ne s'explique que par le style du président.
RépondreSupprimerSuffirait donc de se "représidentialiser", et les Français adhéreront à nouveau...
TOUT FAUX ! Sarkozy surtout déçoit énormément sur le fond de sa politique, en menant une politique de continuité, et non de rupture, cf sur l'Europe et le passage en force sur la Constitution européenne via le parlement UMPS Modem, cf sur le libéralisme débridé qui va avec, cf sur l'insécurité, le pouvoir d'achat : que des échecs cuisants qui font contraste avec sa campagne de 2007.
Voilà la vraie raison de son naufrage.
Vivement la rupture, la vraie !
www.levraidebat.com
Je suis d'accord et pas d'accord.
RépondreSupprimerEn fait, on va dire que j'accepte ton hypothèse mais on peut la prendre dans l'autre sens aussi (oh oui…) : les médias en racontant le changement de style démonte la communication, dévoile la façade et l'arrière plan et décrédibilisent Sarkozy.
Enfin, bon, on peut dire les deux !
Pour Ridet, c'est tout le problème des journalistes du poll, du milieu autorisé, ils finissent par manquer de recul, de distance !
:-)
le vrai,
RépondreSupprimerA force de taper sur le style de Sarkozy, il en a fait une sorte d'échappatoire. Ce n'est pas sûr que ça lui réussisse si bien que ça, quand même.
monsieur poireau,
Il y a effectivement cette ambiguïté, et pour beaucoup ça tient au style des articles. Au _Monde_ je trouve qu'il sont souvent assez admiratifs des manipulations dans la comm'. Ridet est visiblement marqué par l'admiration du rôle du président et de la fonction. A ce niveau, la communication paraît comme un jeu où l'on admire les manoeuvres des uns et des autres. Je trouve qu'ils sont malgré tout assez complaisants. Si Sarkozy lisait ces articles, il se sentirait persécuté, sûrement.
(oops, j'avais publié avec le compte de quelqu'un d'autre...)