En 2012, Sarkozy sera un candidat formidable, dangereux, malin. Son impopularité ne doit pas nous tromper. Ce sera, bien sûr, une élection "imperdable", mais il ne suffira pas de se présenter contre lui pour ne pas perdre. En 2012, il ne pourra plus parler de rupture, il va avoir du mal à "vider" le Front National comme en 2007. Mais 2012 ne sera pas 2007. Le parti qui le comprendra va gagner. (Aux socialistes : 2012 ne sera pas 2002 ou 1997 non plus.)
Sarkozy l'a-t-il compris ? Dans un premier temps, on est tenté de voir dans gesticulations indignes de Claude Guéant (dont la mission consiste à dépasser Brice Hortefeux en xénophobie) simplement comme la preuve que le Très Grand Homme (TGH) sait que sa seule chance en 2012 est de rééditer le véritable exploit de 2007, qui était de donner toutes les preuves de xénophobie nécessaires pour séduire le vote des rétraités et des électeurs FN en mal de grand homme, sans pour autant aliéner les droites tradi, catho et républicaines, et même en prenant des voix de gauche par ci par là chez des gens qui voulaient tomber dans le panneau pour différentes raisons.
Aujourd'hui, tout cela paraît assez compliqué.
Pourquoi, alors, cette obstination à foncer dans la même direction, alors que, justement, en plus de toutes les autres différences entre 2007 et 2011, il y a Marine Le Pen, Nationale et Sociale, qui est venu siphonner sur les terres de son papa et celles du TGH ? C'est par réflexe ou par calcul ? Devant l'obstacle bleu-marine, Sarkozy s'entoure des plus xénophobes de ses amis, baisse la tête et fonce dans le tas ? C'est peut-être cela, en effet. On dit que quand les gens ont peur pour leur boulot, ils s'en prennent aux immigrés. Sarkozy arrive en fin de CDD et il commence à voir venir la précarité.
Il y a dans le personnage de Sarkozy quelque chose qui rejette la solution sage. Croyant à sa bonne étoile, à sa gnac et ses pouvoirs infinis de séduction, il ne recule pas, pense emporter le morceau justement dans l'excés.
Pourtant, je le crois plus malin que ça. Il y a un calcul derrière ce positionnement.
Premier tour
Le premier risque d'être le plus important des deux ; le plus dangereux sûrement. En se faisant plus National que le Front, Sarkozy espère limiter la progression de Fifille tout en maintenant son attrait dans l'aile amnésique de l'électorat populaire et réactionnaire qui n'est pas encore prêt à voter FN. De plus, il compte quand même sur la droite classique pour se qualifier pour le second tour. À ce stade, la confrontation avec la gauche n'a pas beaucoup d'importance, à condition d'être au second tour.
Second tour
Ah, vous me direz, en allant aussi loin à droite, il va s'affaiblir pour le second tour ! Là, on suppose que le PS arrive à qualifier son candidat. Un duel à l'intérieur de la droite xénophobe, de toute façon, serait alors juste le prolongement du premier tour. Dans l'hypothèse d'un affrontement droite-gauche, en revanche, le calcul de Sarkozy doit être à peu près le suivant : à force de parler sécurité, paranoïa, prières dans la rue, burqa, niqab, « on est plus chez nous même chez nous »,
Sarkozy va déplacer le coeur du débat vers ces questions là. Le PS sera réduit à dire « on trouve qu'on se sent chez nous, mais ce serait mieux de sentir encore plus chez nous que maintenant », se décrédibilisant aussi bien auprès des électeurs tentés par la xénophobie qui ne seront pas convaincus de toute façon, qu'auprès des électeurs de gauche qui seront dégoûtés par leur parti.
On a souvent dit que les « débats » sur l'identité Nationale et l'Islam font le jeu du Front National. Finalement, je pense que la stratégie est beaucoup plus insidieuse : il s'agit de réduire, aux yeux, l'ensemble du débat politique (retraites, économie, justice, sécurité… oui, même la sécurité) à des questions d'immigration, de religion et de race. Les téléspectateurs n'arrivent pas à gérer beaucoup de sujets et même temps. Quelques faits divers bien placés, en février et mars 2012, bien relayés par les télévisions publiques et privées, qui obéissent à Sarkozy, feront amplement l'affaire. Le but de l'opération est de convaincre l'opinion qu'il n'y a pas d'autre sujet.
Je pense comme toi, mais avec un raffinement dans le calcul: il a bien vu qu'il n'avait plus de réserves de voix au 2e tour. Heureusement, il s'est séparé de Borloo. Celui-ci monte un parti centre-droit (ce qui permet de torpiller VIllepin et finir Bayrou) pour lequel Sarkozy laisse la place large en s'incrustant bien à l'extrême de sa droite. Borloo rassemble ceux qui en ont marre de Sarkozy mais restent de droite. Sarkozy rassemble les autres. Ils ne marchent pas sur le même terrain électoral mais ne s'attaquent pas (même si Rama Yade continue de tresser des couronnes à Sarkozy et quand on lui demande pour qui ils appelleraient à voter, répond "on sait où on habite"...) Quand vient le 2e tour, Borloo appelle à voter Sarkozy, rappelant aux urnes quantités d'électeurs qui auraient voté blanc ou ne se seraient pas déplacés (vous pouvez parier que VIllepin n'appellera pas à voter Sarkozy!) Et voilà, le tour est joué: bon report de l'extrême et du centre-droit, neutralisation du pouvoir de nuisance VIllepin, et en échange Borlo devient 1er ministre du 2e quinquennat Sarkozy.
RépondreSupprimerPescaloun
Pescaloun,
RépondreSupprimerTout à fait d'accord! Il vaut mieux (pour Sarkozy) qu'un électeur suive Borloo pendant un certain temps, avant de revenir au chef, que de le voir partir au candidat socialiste (ou même Villepin).