La sémantique de la campagne de Sarkozy commence à prendre forme. Le schéma fondateur, c'est l'opposition "vérité/mensonge", "le vrai/le faux", "la réalité/l'erreur". Depuis une semaine, les communicants sautent sur les paroles de François Hollande au Guardian : Fillon, Raffarin, et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a définitivement quitté son rôle de ministre très 2.0 pour la pratique du cynisme politicien le plus pur :
La vraie violence, c'est être flou ? C'est franchement très fort. Fort comme la France."Et le mensonge, c'est ce qui est pratiqué par François Hollande qui dit le matin des choses différentes de ce qu'il dit l'après-midi et qui surtout entretient le flou sur ses propositions", a poursuivi Nathalie Kosciusko-Morizet.
[…]
"Je peux faire la liste des sujets sur lesquels on ne sait pas aujourd'hui ce que pense ou ce que propose François Hollande. La vraie violence, elle est là", a-t-elle encore dit.
Mais laissons de côté les saints pour en venir au TGH et son discours de Marseille. (Le pdf est là.)
Revenons à la logique de l'exposition. En gros, si Sarkozy n'a pas de bilan à défendre, c'est la faute à la crise. À partir de là, tout est question de vérité et de mensonge. Le mensonge des socialistes serait de nier l'existence des crises financières et économiques :
Je veux le dire calmement mais aussi fortement : ceux qui font comme si rien de grave ne s’était passé depuis 3 ans dans le monde, ceux qui font comme si les risques auxquels la France s’était trouvé confrontée n’avaient pas été dramatiques, ceux-là mentent aux Français, ceux-là ne rendent pas service à la France.
Ces fameux "ceux qui font comme" sont vraiment des saligauds parce qu'ils veulent vous cacher la vérité, ils occultent la crise, ils l'ignorent, ils font comme si tout allait bien, apparamment, alors que, oui, tout va mal.
Occulter la crise ce n’est pas seulement malhonnête, c’est dangereux, parce que l’on ne se défend pas contre des périls dont on nie l’existence, parce que l’on ne protège pas contre des menaces que l’on fait semblant d’ignorer.
C'est tellement mauvais de faire comme cela, que Sarkozy doit le dire plusieurs fois :
Si on refuse la réalité, on ne peut pas comprendre les efforts qu’il nous faut faire. Et si on ne les comprend pas, on ne les fera pas. Et si on ne les fait pas alors ce sont tous les Français qui souffriront.
Nous avons compris, il faut dire la vérité : il y a bien eu des gros, gros problèmes économiques depuis trois ans. Si on ne le dit pas, on veut tuer la France. Qui ne le dit pas, au fait ?
L'élection sera donc la lutte entre la vérité et le mensonge. Il le dit, presque avec les mêmes mots :
Cette campagne doit être une campagne de vérité.
Cette vérité, les Français la méritent et la France en a besoin.
Les catastrophes auxquels nous avons échappé, par la grâce de Sarkozy, sont du côté de la vérité :
La vérité, c’est que la France n’a pas été emportée par une crise de confiance qui a ravagé tant d’autres pays dans le monde.
La vérité c’est que l’État n’a pas fait faillite.
La vérité c’est que les salaires et les pensions de retraite n’ont pas baissé.
La vérité c’est que le chômage n’a pas explosé comme ailleurs.
La vérité c’est que des milliers de Français n’ont pas été chassés de chez eux.
En revanche, chez les autres là, les ceux qui disent que, on manque gravement de vérité. Il n'y a même pas du tout :
Où est la vérité quand on explique en même temps que l’on veut punir les voyous et abroger la loi sur la récidive et abroger les peines planchers ?
Où est la vérité quand on ne dit pas la même chose selon l’interlocuteur auquel on s’adresse, où est la vérité quand on dit tout et son contraire ?
Où est la vérité lorsqu’on est d’un côté de la Manche ou de l’autre, quand on fait semblant d’être Thatcher à Londres et Mitterrand à Paris ?
Entre ces propos, et les déclarations qui ne cessent de s'accumuler à propos d'un seul papier dans la presse anglaise, la stratégie sarkozÿenne commence à se dessiner : non seulement des "valeurs" pour occulter la vérité économique (justement), mais un ensemble assez complexe, malgré tout, associant un argument politique ("c'est la faute à la crise ; j'ai sauvé tout le monde") et une attaque morale sur François Hollande. On a tendance à dire que c'est son côté "consensuel" qui est visé, mais c'est ne pas voir la visée réelle de la tactique, qui est véritablement morale. Les sarkozyztes cherchent la faille dans la personalité du candidat socialiste, et vont bâtir toute leur campagne là-dessus, en essayant d'introduire, petit à petit, le doute.
Le doute profitera à l'accusé
RépondreSupprimer