Le titre du papier de L'Expansion est plaisant : "Hausse des cotisations: les auto-entrepreneurs crient à l'assassinat". C'est une question complexe, qui fait ressortir des clivages parfois inattendus. Ainsi, le fait "de relever les taux forfitaires pour les rapprocher de ceux des indépendants", comme l'affirme le ministère du Commerce et de lArtisanat, par souci "d'équité" (les artisans avaient crié à l'assassinat les premiers). Ce n'est pas la première fois depuis la rentrée que nous entendons des cris de "Au voleur ! à l'assassin !", et ce n'est sûrement pas la dernière.
La question devient celle savoir ce qui est la réponse véritablement "de gauche" à la question de l'autoentreprise. Ainsi, Henri Novelli se veut le défenseur des pauvres :
Le père de l'auto-entreprenariat, Hervé Novelli, a pour sa part dénoncé ce week-end " une mise à mort progressive des auto-entrepreneurs", ajoutant que la mesure, "véritable agression contre les travailleurs pauvres", allait faire "revenir le travail au noir". (Du même article.)
(Notons au passage que tout le monde parle de "mort".)
Ce qui apparaît à travers cette petite dispute, où d'un côté il y des morts, et de l'autre un petit ajustement des taux, c'est que le statut d'autoentrepreneur créé en 2009, est une subvention. Au-delà des facilités d'inscriptions et les arrangements du rythme des cotisations, l'essentiel du statut est dans le "cotiser moins pour travailler plus".
Est-ce une subvention utile ? Je ne dis même pas : "est-ce équitable ?" Est-ce utile ?
La création d'entreprises est utile à la société et à l'économie. Il est normal de favoriser la création de nouvelles entreprises, compte tenu du risque que prennent ceux qui s'y lancent. Favoriser les PME, et à plus forte raison la création des PME, cela fait partie de ce débloquage et cette décentralisation de l'économie qui devraient favoriser les entrants talentueux qui aujourd'hui ont du mal à trouver leur place.
Mais…
Les autoentrepreneurs ne sont pas des autoentrepreneurs. La majorité d'entre eux, en tout cas. Ils ne créent pas des entreprises ; ils travaillent. Henri Novelli le dit bien : ce sont des "travailleurs pauvres". Le but du statut était de dépénaliser le travail au noir, en contournant (grâve aux subventions) l'État providence. Vous vous souvenez de l'obsession sarkozyënne : libérer le travail, pas taxer le travail.
C'est pour cela que le statut de l'autoentrepreneur, avec ses cotisations allégées, est comparable à aux heures supplémentaires défiscalisées. Les deux sont des subventions pour faire travailler en réduisant la participation au collectif.
Si on imagine une extension à l'absurde du principe, on imagine facilement que n'importe quel travail pourrait devenir simplement un service, y compris les ouvriers dans les usines qui ne seraient plus des salariés mais des préstataires qui enverraient des factures à la fin de la journée (et qui seraient payés six mois plus tard). Je ne pense pas que cela se produira autrement que dans les fantasmes des libéraux, mais parfois l'absurde aide à mettre les idées en place. On connaît les images des fermiers californiens qui ramassent des clandestins mexicains tous les matins comme journaliers. Tous des autoentrepreneurs ?
Je disais que les taux favorables des cotisations sociales de l'autoentrepreneur était une subvention, et que la vraie question était de savoir si c'était une subvention efficace. Ce serait efficace si la structure de l'autoentrepreneuriat favorisait la véritable création de véritables entreprises. Or, justement par sa légèreté, le format semble plutôt introduire une nouvelle forme de précarité, justement en marge du système actuel. Quand on sait, qu'après trois ans, 90 % des autoentrepreneurs gagnent moins que le SMIC, on voit que ce ne sont en effet que des heures supplémentaires sans salaire de base.
La règle à appliquer, pour cette subvention, est, à mon avis, la suivante : il ne faut pas subventionner le précariat.
Les lois Hartz, en Allemagne, ont avec leurs mini-jobs effectivement fait baisser le chômage, mais au prix de très forte précarité, et une concentration de la misère sur une portion grandissante de la population qui ne vit que petits de boulots très mal payés. Plutôt que les intégrer dans le marché du travail et de les booster vers un travail plus stable, ces lois ont transformé ce marché, en encourageant les entreprises à faire appel à du précaire chaque fois qu'il est possible. Et pourquoi ne feraient-ils pas ? Les charges sont moindres, ou même inexistantes, de même que l'engagement de l'employeur. Et, en prime, les salaires sont très bas. Subventionnez la précarité, et elle fleurit.
Pour finir, je reviens à mon idée, lancée il y a quelques mois. Plutôt que de donner de l'argent à ceux qui exploitent le plus, il faudrait que les cotisations patronales soient calculées en fonction du coût social du travail. Un CDD au SMIC à mi-temps a gros coût social. L'employeur devrait payer l'avantage qu'il retire de cette précarité. En revanche, lorsqu'une boîte garde un salarié jusqu'à l'âge de la retraite, cela pourrait être récompensé.
En somme : subventionnons les choses utiles, pas la misère.
PS : Voir aussi Dagrouik et Seb Musset.
D'un point de vue fonctionnaliste, vous avez sans doute raison.
RépondreSupprimerMais vous oubliez que bon nombre d'auto-entrepreneurs ont choisi ce statut simplifié non pas pour pouvoir proposer expressément des prestations "précarisées" (comme vous dites) mais bien pour pouvoir monétiser un hobby ou une passion en marge de leur activité principale de salarié.
En d'autres termes, ce statut permet a des gens de cumuler deux jobs, non pas parce qu'ils en ont besoin pour survivre financièrement, mais parce que cela leur apporte une certaine satisfaction personnelle (ce qui, c'est connu, contribue à la santé mentale et fait diminuer le coût de la sécu).
En ce qui me concerne, je multiplie les activités professionnelles (légalement, je vous rassure) et ce n'est pas toujours simple de jongler avec tous les statuts. Mais travailler dans plusieurs secteurs connexes m'apporte et grande satisfaction personnelle, une vision horizontale qui fait défaut à mes concurrents et je n'ai pas deux semaines qui se ressemblent…
Un des problèmes du monde du travail en France est justement cette obsession à vouloir absolument insérer chaque individu dans une case professionnelle précise en niant le fait que bon nombre aimeraient sans doute pouvoir pratiquer deux jobs différents pour se changer les idées (ce qui favoriserait certainement les reconversions).
Je n'ai rien contre la souplesse dans l'emploi. Au contraire. Mon argument principal, c'est simplement qu'il ne faut pas que ce statut soit subventionné. Le cas de quelqu'un comme vous qui est déjà salarié est parfait : vous avez déjà une activité, vous n'avez donc pas besoin d'être subventionné pour vous lancer dans autre chose. Vous n'avez pas besoin de payer 3 points de cotisation en moins que les autres, vous avez juste besoin d'un peu de souplesse.
RépondreSupprimerLe problème, c'est que la com' des "pigeons" est en train de tout mélanger. Il ne s'agit pas de supprimer le statut de l'autoentrepreneur, mais de réduire sa subvention.
N'oublions pas non plus que certains métiers sont par essence des métiers de freelance.
RépondreSupprimerPensons aux professions paramédicales par exemple, qui ont pu ouvrir une activité libérale grâce à ce statut. Auto-entrepreneur pendant un ou deux ans, le temps de se constituer une patientèle, puis basculement vers un statut classique. Ce type d'installation serait impossible avec des charges forfaitaires de 5000€ (au minimum). Il y a aussi tous les métiers du web, où le statut a permis à de nombreux jeunes de travailler, pendant leurs études ou juste après, en monétisant leurs compétence et leur hobby.
Et puis il y a tous les gens qui ne veulent pas forcément être salariés et s'épanouissent parfaitement dans la forme de travail que vous qualifiez de "précaire". J'en suis et je gagne ma vie. Le PLF va dans les faits faire passer mes charges de 5.5% (ACCRE) à 45%. Mes revenus vont donc presque être divisés par deux, AVANT impôt. Et je ne profite de rien ni personne. N'oublions pas que le régime social des Autoentrepreneurs c'est la CMU, que nous ne cotisons pas pour le chomage etc.
Enfin pour rebondir sur les commentaires ci-dessus, à propos du cumul d'activités et de la sécu. Si vous êtes salarié (et donc avez une sécu salarié), vous devez quand même cotiser en AE pour une sécu à laquelle vous n'avez pas le droit.
Je vois l'intox des "Pigeons" (ou #geonpi) a fonctionné au delà de leurs espéreances.
RépondreSupprimerCharges de 45 % ?!? Revenus divisés par 2 ?!? La réalité, c'est une augmentation de 3 POINTS, pour aligner les AE sur Travailleurs Indépendants, qui, eux, ne passaient pas leur temps à couiner.
La confusion semble être totale : vous n'avez pas droit à la sécu quand vous êtes AE et salarié ? Vous voudrez être remboursé deux fois pour le même soin ?
Tout ce qui se passe, c'est qu'on réduit la subvention des AE un peu.
Subventionner la précarité ..
RépondreSupprimerIncroyable de lire ça pour désigner le dispositif de l'auto-entrepreneur.
L'idée même de créer son propre emploi pour sortir de la précarité ne vous interpelle pas ?
Ces AE peinent à sortir un SMIC et plutôt que de les aider, ou du moins de les laisser tranquille, on "équilibre" de 3% leurs taux de cotisations, pourquoi ? Simplement pour faire plaisir au lobby de l'artisanat !
Dans ce cas là, autant autoriser la déduction des charges inhérentes à l'activité.
Les charges des TI sont d'un peu plus de 40%, avec des charges forfaitaires calculées sur une assiette de 10666€.
RépondreSupprimerSi le statut d'AE est aligné sur les TI, ca fait bien un énorme bon de charges.
@anonyme,
RépondreSupprimerOui, c'est une subvention. Quand est-ce qu'un libéral couine le plus fort ? Quand vous supprimez sa subvention.
jitai,
Le changement proposé fait augmenter de 3 points, et si vous faites 0 CA, vous cotisez 0. C'est vraiment ces 3 points qui valent ce mouvement des "pigeons" ?
Je suis auto-entrepreneur et j'en vis. L'augmentation des cotisations viendrait à me mettre sur la paille puisque je n'ai aucun droit au chômage. C'est juste stupide !
RépondreSupprimerLa vraie solution, c'est de rendre progressif le taux de cotisation et supprimer le seuil infranchissable de 32000 euros (la bascule vers le statut libéral coûte 8000 euros de chiffre d'affaire supplémentaire avant de gagner 1 ct.).
Le statut d'auto-entrepreneur, c'est l'entreprise du pauvre. Vouloir le supprimer ne peut pas être une idée de gauche.
Mais où est la démocratie participative dans tout ça ?
Anonyme du 4 octobre,
RépondreSupprimerTout à fait d'accord pour la progressivité et toute mesure qui rajouterait de la souplesse.
Vous êtes donc dans les 10 % des AE qui égalent ou dépassent le SMIC. C'est bien, même très bien, car ce n'est pas facile. Mais vous êtes une exception. La vaste majorité des AE ne gagnent rien, ou presque rien. Soit ils ont un autre boulot, et donc les 3 % supplémentaires ne sont pas un problème ; soit ils sont dans une situation extrêmement précaire, et c'est ça qui est encouragé par la subvention.
Et on ne supprime pas l'AE, la gauche ne fait que réduire la subvention, l'un des avantages qu'avaient les AE par rapport aux autres. C'est une de gauche, de la même manière que la défiscalisation des heures supplémentaires était une droite.
Encore une fois, je pense que l'ensemble du système doit être amélioré, surtout du côté des banques qui doivent soutenir davantage ces projets. Il faut aussi créer des "incubateurs" pour soutenir les petits projets, afin qu'ils puissent devenir des grands projets.
Enfin : pour la démocratie participative, il fallait élire Royal en 2007... Hollande, ce n'est pas la même chose.
interdit en auto-entrepreneur la location de chapiteaux, remorques, transport de voiture...ect .
RépondreSupprimerVoir sur le leboncoin.fr , le travail noir est visible . Aucun contrôle ?
C'est mettre les petites entreprises à genoux .
Je suis pour que ce statut A-E existe , mais il doit être encadré et respecté à la lettre .
Oui , il faut faire certifier les comptes , et l'activité de l’auto-entrepreneur pour éviter les fraudes .
La France va mal ...parce qu'avec internet ! C'est très facile de faire n'importe quoi .
Après 16 années d’activité dans la location de matériel de loisirs, j’ai été obligé de fermer mon entreprise le 30 juin 2011 avec toutes ces annonces illégales .