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17 novembre 2012

Le problème européen : la domination commerciale allemande

 

En 2011, les exportations françaises vers l'Allemagne totalisaient 69,1 Md€. Les importations dans l'autre sens s'élévaient à 85,2 Md€. La France était donc déficitaire de 16,1 Md€. En gros, la France domine l'Allemagne en produits agricoles et energétiques, tandis les voisins teutons nous dominent par l'automobile, l'électronique, l'informatique, produits chimiques, et même pharmaceutiques, domaine où la France l'avantage jusqu'en 2003.

Et pourtant, sur l'échelle européenne, la France est une grosse économie. La quasi-totalité (sauf les Pays-bas) des pays de l'Eurozone sont déficitaires vis-à-vis de l'Allemagne :

Les pays de l’UE contribuent à ¾ du solde commercial positif de l’Allemagne ; les pays de la zone euro à la moitié.

Je me souviens d'un article de journal que je ne retrouverai pas, où un Grec disait : "ils nous vendent des BMW, nous leurs vendons des tomates".

 

Angela Merkel a résisté depuis le début à toute suggestion d'euro-obligations. François Hollande avait promis de remettre la mutualisation de la dette sur la table, ce qu'il a fait, mais Merkel l'a re-enlevé aussitôt. Face à la crise Grecque, la crise Italienne, Espagnole, Portugaise, Irlandaise, l'Allemagne a toujours dit que ce n'était pas à elle de payer pour ces pays trop dépensiers.

(Nicolas Sarkozy disait à ses sujets qu'il fallait que la France soit plus comme l'Allemagne. Appauvrir la population est une technique intéressante pour réduire les importations, tout en baissant les salaires et les cotisations. Les gens se passent d'iPhones, de télés plates et d'Audi TT, ils travaillent pour moins, ils claquent tout en alimentaire, secteur où la France est encore forte. Tout bénef' pour les exportations et la balance commerciale.)

Peu à peu les choses deviennent plus claires. Si l'Allemagne bloque toute politique monétaire expansioniste et inflationniste, c'est qu'elle bénéficie déjà d'une expansion permanente, son excédent commercial. A cet influx de liquidités, qui va directement dans l'économie et non dans les banques, correspond des déficits symétriques dans les autres pays de l'Union.

Pascal Ordonneau écrivait dans les Echos un article qui intitulé "Quand l’Allemagne siphonne les liquidités de ses voisins…." :

Au début de la Crise de 2008, Angela Merkel, n’était pas du tout enthousiaste pour lancer l’Allemagne dans une politique de relance budgétaire. Elle n’en avait pas besoin ! Il lui suffisait que les autres pays se lancent dans une relance active, quitte à s’endetter. Alors, mécaniquement, par le jeu des importations, c'est-à-dire par le jeu d’une demande adressée par ses voisins associés aux entreprises allemandes, l’activité industrielle de l’Allemagne serait stimulée mieux encore qu’elle ne l’aurait été si ses finances publiques avaient été mises à contribution !

Voilà : les autres relancent, et c'est l'Allemagne qui est relancée !

La réussite commerciale et industrielle n'est pas, à proprement parler, une "faute" de la part de l'Allemagne. Ils produisent des produits désirés. N'importe quel pays voudrait faire la même chose, s'il en était capable.

Là où cela cloche, c'est l'Union commercial et surtout monétaire. Le pouvoir économique de l'Allemagne lui donne la possibilité de refuser toute évolution de l'Europe qui bénéficierait non au plus puissant, mais aux pays qui s'endettent pour avoir la possibilité de contribuer à la richesse du pays le plus fort.

 

L'autre jour je m'étais moqué d'un apprenti libéral 2.0 qui disait qu'il suffisait, pour s'en sortir, que la France se transforme en Suisse. Le Parisien libéral m'a répondu par un billet expliquant que la France ne saurait devenir une seule Suisse, mais devait devenir plein de petites Suisses,

Il se trouve qu'il y a à peu près 8.000.000 Suisses en Suisse, contre 65.000.000 Français en France. omelette16oeufs oublie qu'il y a 12 millions de Franciliens, 6 millions de Rhone Alpins, 5 millions de Provenceaux, 4 millions de Chtis, etc.

Mais ce gentil Parisen libéral oublie aussi que le monde n'a pas besoin d'autant de paradis fiscaux. Si la vraie Suisse peut accueillir un quart de l'argent offshore de la planète, je ne vois pas comment les Chtis vont pouvoir la concurrencer, du moins suffisamment pour soutenir la monnaie Chti et garantir que le secteur bancaire fait enfler le PIB Chti.

Quel rapport ? La France voudrait devenir comme l'Allemagne, ne voit d'autre solution que de "redresser" son industrie et répliquer à l'invasion d'Audi TT par une flotte équivalente de Mégane Renault Sport. Malheureusement, comme pour la Suisse, la solution n'est pas de faire de chaque pays de l'Europe une nouvelle Allemagne. Car il faut des perdants dans le système allemand. Il faut des pays qui s'endettent pour acheter des Mercedes, des appareils Siemens et des pesticides Bayer. Tout le monde ne peut pas être excedentaire. Et ce serait la ruine de l'Allemagne.

Il va falloir trouver autre chose.

4 commentaires:

  1. « La réussite commerciale et industrielle n'est pas, à proprement parler, une "faute" de la part de l'Allemagne. »

    Celle-là, elle est à encadrer !

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  2. Pour devenir comme l'Allemagne encore faut il avoir des produits a exporter. Le taux de change une au sein de la zone euro fait que les échanges ne sont pas équilibrés au niveau monétaire. Encore que c'est pas plus mal. L'euro s'apprécierait encore plus Mdr. Et ce serait dur de demeurer compétitif.

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  3. Nyantho,

    Oui, voilà. L'article des Echos que j'ai mis en lien explique bien l'avantage en termes de change que l'Allemagne trouve dans l'euro, et je vais y revenir dans mon prochain billet.

    Quant au problème des produits à exporter, oui, c'est un problème aussi. Et encore, avec sa puissance agricole, la France s'en tire quand même pas si mal. C'est plus facile de se passer de Mercedes que de vin...

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