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6 septembre 2007

Un peu trop calme

Hier CSP vient de publier un billet sur l'état actuel de la blogosphère qui rejoint quelque chose qui me tracasse depuis quelques jours, notant

Un phénomène de lassitude collective, troublant parce que non concerté...

Sauf que.

Si mon hypothèse est exacte, celle d'un découragement par avance devant le rouleau-compresseur libéral-sécuritaire, on peut en effet se demander : "à quoi bon un blog ?"

Guy Birenbaum et MC de Cabinet de Subversion s'arrêtent, ce dernier ne s'en expliquant pas, mais on devine que de toute façon, d'une manière ou d'une autre, le jeu ne vaut plus la chandelle. J'avais réagi, à la suite de Dagrouik, à cette phrase de Guillermo, chez Radical Chic:

Vaste programme. En attendant d'en être là, ça serait pas mal que le PS se taise. Non ?

Aujourd'hui, un peu plus calme, je vois cette déclaration plutôt comme un symptôme d'un phénomène bien plus large, cette "lassitude collective" qu'identifie CSP. Devant l'omni-hyperprésidence de Sarkozy, devant la perspective de dix ans de la droite, dans cette Ve République qui laisse encore moins de place et de pouvoir à l'opposition qu'à l'époque pré-quinquennale, on peut, je suppose, se demander "à quoi bon lutter?" Ou penser qu'il faut se taire, d'une manière ou d'une autre. Sarkozy aurait-il réussi à contaminer les esprits au point où toute résistance semble futile ?

Le mois d'août aurait fut donc meurtrier dans les blogs de gauche. Moi-même, je suis revenu à mon clavier un peu désorienté après avoir décroché du net, pas tout à fait sûr comment rattraper ce train qui est pourtant déjà en marche (ça, on peut en être sûrs!). La situation est sûrement un peu différent pour quelqu'un comme CSP, qui après tout a sa Ligue et même la perspective d'un nouveau grand parti de gauche. Ici, un peu plus près du PS, c'est moins évident de fonder ses espoirs sur une personne ou des personnes précises. En attendant qu'au PS on en finisse avec la tournée de déclarations sur comment on doit aborder l'approche d'une méthodologie pour décider d'une stratégie qui pourrait aboutir à une réfondation, on se retrouve, lorsqu'on est un anti-Sarkozy viscéral, dans une sorte de vide idéologique, dans, plus précisément, le vertige de l'opposition pure, c'est-à-dire l'opposition quand les alternatives ont cessé d'être évidentes.

L'autre jour, l'influent jegpol, anciennement Nicolas J, parlait justement du départ de Birenbaum et d'autres événements blogosphériques, et en vient à se poser la question d'une fin des blogs:

Ca fait quelques temps que je note une évolution de la blogosphère politique avec le flottement de quelques blogs politiques que je suivais avec ferveur ! Je mettais ça sur le compte d'une certaine lassitude suite aux élections, le fait qu'on se prépare à cinq ans de sarkozysme et de querelles internes au PS tout en espérant une refondation de l'extrême gauche.

Pourquoi faire pendant cinq ans toujours les mêmes billets sur les mêmes sujets ? Les blogueurs se lassent. [...]

Un loisir branché qui ne l'est plus...

Dans la discussion qui a suivi, il était question de l'opposition systématique à Sarkozy. Est-on crédible, lorsqu'on s'oppose à tout? Est-ce bien raisonnable? Est-ce efficace?

La question est importante. Depuis quelques temps, je crois beaucoup en la nécessité d'une gauche efficace. Cela ne veut surtout pas dire une gauche qui se rapproche mollement du centre pour essayer de grapiller quelques voix, mais une gauche qui arrive à vendre un message fort, qui attire du monde. Donc est-ce efficace, que de vouloir s'opposer tout le temps à Sarkozy, ou, à l'autre extrême, ne faudrait-il pas adopter une stratégie comme Manuel Valls, et accepter de "faire un peu de route ensemble", ou encore essayer de paraître raisonnable ?

Chacun fait ce qu'il veut de toute façon. Surtout avec des blogs. Si le blog n'est plus un espace de liberté de parole et de pensée... Si j'en parle, c'est un peu pour expliquer et/ou trouver ce que je compte faire ici. Je passe à la première personne.

Tout d'abord, quand je blogue, je n'ai pas à me comporter comme un parti politique, qui, lui, dans sa critique du pouvoir, doit au moins esquisser une alternative. Pour un pauvre blogre comme moi, 1089e chez Wikio (!), je ne cherche pas à être une alternative à Sarkozy. Dans un sens, je ne cherche même pas à être crédible, ou même avoir une quelconque autorité. Ce n'est pas moi, un anonyme, qui compte, mais éventuellement ce que j'écris. Je n'ai pas à être crédible parce que je ne demande pas qu'on me croie; je n'apporte aucune information qui ne puisse pas être soutenu par un lien. Il n'y a que les mots sur l'écran qui compte, pas le type derrière qui pourrait être "crédible" ou pas.

Ensuite, au delà de ces considérations très générales sur les blogs et l'écriture, il y a une particularité sarkozyste qu'il ne faut pas négliger. On se rend compte, petit à petit, que pour Sarkozy, tout est communication et la communication est tout. Une enième loi sur la récidive, ou sur les pédophiles, ou sur les immigrés clandestins, ça sert à quoi sinon à envoyer des messages? La liberation des infirmières a certes permis de réussir un joli coup pour l'industrie militaire, mais plus encore c'était l'occasion de briller, et pour Cécilia de briller, et de briller encore plus parce que Cécilia brillait. Embaucher des gens du PS ne sert pas à grand'chose concrètement, mais symboliquement, médiatiquement c'est une énorme réussite. Autrement dit, du fait que c'est la com' qui domine à ce point, il est difficile de ne s'opposer qu'à une partie. C'est un tout, du paquet fiscal au discours devant les étudiants sénégalais, de la Libye à Wolfeboro. S'opposer, du moins dans un blog, c'est s'opposer à tout. La contestation décomplexée, la critique permanente.

10 commentaires:

  1. Merci pour la pub.

    A propos de ton classement Wikio :
    1. Inscris toi correctement chez eux (et chez bon vote) en tant que blog politique et mets leur logo sur ton site.
    2. Titille bien technorati.
    3. Attends quelques temps (j'ai mis 18 mois avant de décoller).
    4. Ouvre un compte twitter et "follow" quelques types de gauche du top 100 wikio (ensuite inscrit toi chez Twitterfeed).

    A propos de mon "influence", elle est purement "bidon" ! Jusqu'à il y a une quinzaine de jours, je ne décollais pas de 150 visiteurs par jour (sur trois blogs, à peu près 80 pour Partageons mon avis) dont la plupart pour des mots clés...

    Sur le fond de ton billet (notamment la com sarkozienne), on ne peut qu'être d'accord.

    Il y a néanmoins un passage qui me titille, celui sur la crédibilité. Il faut l'être si non ça ne sert à rien d'écrire sauf ce faire plaisir (ce qui est déjà pas mal !).

    Ne pas confondre crédibilité et influence...

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  2. Ah, on dirait que j'ai mis le doigt sur quelque chose! Alors bien évidemment que la tentation de hausser les épaules n'épargne personne, bon. Dix ans de Droite dans les gencives, ça en calmerait plus d'un!
    Sauf que.
    L'alternative ne passe pas entre une opposition systématico-automatique qui tournerai à vide et le Vallsisme, qui est l'autre nom du reniement. La question, c'est POURQUOI on s'oppose, ce qui signifie qu'on a une boussole politique DE GAUCHE.Que le PS a définitivement perdue, cf. les récentes déclarations de Hollande. L'espoir viendra de sa gauche. En attendant, renoncer, se dire "à quoi bon?" Certainement pas! Ne serait-ce que pour se tenir chaud et exécrer l'ennemi commun.Déja, ça fait du bien.
    Et reconstruire sur des bases saines. C'est long, oui. Mais quoi faire d'autre?

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  3. Si le PS pouvait retrouver une boussole à gauche avec mon blog.

    Je connais un tas de militants qui l'ont... mais les chefs l'ont perdue !

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  4. jegpol,

    Merci pour tes conseils. Il faudrait que j'aille voir Twitter, mais c'était en panne tout à l'heure. Au fait, 1089e, ça ne me dérange pas. J'ai des visites, des commentaires, la vie est belle.

    Quant à la crédibilité, évidemment c'est bien si on est respecté dans la blogsphère. Je voulais dire plutôt qu'on n'avait pas forcément besoin de chercher l'adhésion de ses lecteurs, comme si on représentait un parti politique, mais qu'il suffit de peut-être modifier leur avis sur tel ou tel point, les faire réfléchir à ci ou à ça. Et que dans ce cas, l'opposition permanente et acharnée, ou même l'anti-sarkozyzme primaire, ne sont pas forcément des handicaps.

    CSP,

    D'accord pour la boussole à gauche. Pour moi c'est viscéral, profond, inévitable, même si j'ai atterri moins à gauche que toi. Pour l'instant, en tout cas, je ne me sens pas obligé d'introduire des contrepropositions, ou de proposer une vision/philosophie politique globale. Je cherche plutôt à être un grain de sable de plus dans les rouages de la grande machine qu'est la communication politique sarkozyste.

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  5. Sarkozy ou l'anti-communication. Superprésident est partout, à la télé, dans les journaux et même dans les blogs. Il n'y en a que pour lui, ses ministres sont des fantômes (excellent article dans Marianne à ce sujet). Il va se planter. Parce qu'il cherche à étouffer le simple droit de s'exprimer.

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  6. lassitude un peu, fatigue plutot. ça fait jamais que 5 ans que ça dure.

    à la question que faire avec sarkozy, toujours la meme reponse: lui marcher sur sa tronche en insistant bien avec le talon.

    du pied gauche toujours evidemment.

    que faire avec le ps? je sais pas. une chose est sure je vais arreter de prendre des pincettes, et je vais surement me faire mal voir.

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  7. J'avoue que je ressens régulièrement de la lassitude à tenir un blog, un sentiment exactement identique à celui décrit ici : "à quoi bon tout ça..."

    Mais j'ai de temps en temps un léger sursaut. Cela peut être du à une citation d'un site connu ou encore le fait qu'un ami plutôt à droite me dise que nos sites le font douter de son grand manitou Sarkozien.

    Ceci, j'ai globalement l'impression de prêcher des convaincus. Ce qui me fait continuer, c'est le fait de me dire qu'on trouvera toujours des traces, des historiques de ce qui se passe. Pour ça, des sites comme celui de Juan ou le tien sont des mines d'infos.

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  8. Il y a des blogs qui ferment, et d'autres qui ouvrent. Merci de placer équilibre précaire dans ta blogroll! On va commencer "tranquillement" le 15.

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  9. juan,

    "Les grains de sable": on dirait un groupe rock des années 70 ;-)

    homer,

    Espérons qu'il se plante! Malheureusement, il semble assez doué pour convaincre les Français (ou une bonne moitité au moins) de chaque chose et de son contraire.

    martin,

    J'ai hâte de voir ce que tu vas faire avec le PS! Je voudrais bientôt casser du Valls, mais je n'arrive pas à m'organiser.

    damien,

    Ce que tu dis sur la trace historique me semble intéressant. Je pense aussi qu'il faut bien un endroit où le langage de la contestation puisse se formuler, et les blogs sont peut-être l'un des meilleurs lieux pour ça.

    eric,

    Equilibre précaire est un très beau projet, animé par un staff de très haut niveau. J'ai hâte de le voir.

    @tous

    Merci pour tous ces commentaires, ça remonte le moral!

    o16o

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