Pages

20 mai 2008

La Constitution, nouveau vecteur de comm'

Deux thèmes essentiels que l'on ne doit jamais perdre de vu lorsqu'il s'agit des propositions ou des agissements de Sarkozy :

  1. Tout est communication.
  2. Le but de la communication est la consolidation du pouvoir.

A partir de ces deux principes, revenons à la "réforme" de la Constitution. Le premier point, je l'ai déjà abordé dans mon dernier billet sur la Rolex "Constitution" : la "réforme" est un moyen de marquer son temps, mais est peu efficace quant à ses buts annoncés.

Depuis, j'ai lu cet excellent papier dans le Contre-Journal de Libé (merci à jon et à Monsieur Poireau), la première partie d'une analyse de la proposition de révision par Marie-Anne Cohendet, professeur de droit constitutionnel à l'Université Paris I. Je recommande vivement la lecture de cette analyse, car l'auteur met le doigt sur les véritables dangers de cette réforme. En somme, il s'agit, par petites touches inefficaces juridiquement mais symboliquement importants, d'établir le Président en pouvoir sans contre-pouvoir.

L'article concerne surtout des questions de défense, c'est-à-dire la modification de l'Article 21.

Par exemple, si le Président prend une décision que les parlementaires jugent inacceptable, ils auront beau renverser les gouvernements, le Président pourra leur répondre que le Premier ministre est seulement un exécutant dans ce domaine du fait des nouveaux termes de l'article 21. Le Premier Ministre pourrait refuser de signer les actes présidentiels, mais il risque de se sentir obligé de se soumettre, en raison de ce nouvel article. Ni le peuple ni les parlementaires ne pourront arrêter le Président, sauf à provoquer une crise grave. Les risques d'abus de pouvoirs et de crise institutionnelle (pas seulement en période de cohabitation) sont donc considérablement accrus.

Ce qui apparaît, surtout, (mais là c'est moi qui interprète), c'est que les cadeaux faits aux parlementaires, des miettes en plus, sont faits au détriment du gouvernement. Le Président, lui, ne lâche rien. Au contraire. Et le texte de Madame Cohendet nous rappelle que, malgré les apparances créées notamment par l'hyperprésidence, la légitimité du Premier Ministre est une émanation de l'Assemblée. Il est révocable, lui, et par le Président, et par la législature. Le Président, lui, n'est révocable par personne, et le Très Grand Homme (TGH) entend bien ne pas toucher à ce privilège.

Et si tout cela ne suffisait pas, ce que l'on soupçonnait déjà devient certain : cette révision est floue, mal conçue, mal faite :

Cette réforme en matière de défense est tout d'abord profondément incohérente en droit. Ce pouvoir reste en effet soumis à contreseing, il n'y a heureusement pas de révision sur ce point. Juridiquement, ce ne sera donc pas le Président qui dirigera seul la politique de défense, contrairement à ce que laisse entendre le futur article 21.

De peur de laisser prise à l'adversaire, le TGH, en général, rend ses propositions suffisamment floues. C'est dommage quand il s'agit de la Constitution, devenue un vecteur de communication comme un autre. Le vacarme constitutionnel est un concept qui n'existait pas avant lui. Il peut en être fier.

La même remarque vaut pour cette nouvelle idée, d'inclure dans la Constitution l'obligation de l'équilibre budgétaire, apparamment pour apaiser le Nouveau Centre, pas content d'être associé à un gouvernement qui ne fait que vider les caisses déjà vides, et qui pourrait se satisfaire d'une promesse tout à fait sarkozyënne. On se permet d'espérer que, pour une fois, le ridicule de cette proposition pourrait tuer la révision. La France a déjà tant de mal à respecter le pacte de stabilité, pourtant bien moins contraigant...

Mais c'est encore et toujours la comm' qui domine. Paul Alliès écrit sur Mediapart:

On comprendra que la dernière fantaisie sarkozyste d'inscrire l'équilibre budgétaire dans le marbre constitutionnel soit l'illustration du mépris dans lequel le chef de l'Etat pourtant chargé de « veiller au respect de la Constitution » (art. 5) tient celle-ci. Elle est une variable d'ajustement dans les combinaisons au jour le jour du microcosme politique. La France va se faire condamner par l'Union Européenne pour ses déficits mais elle aura, grâce aux transfuges du « Nouveau Centre » une Constitution qui la protège de telles sanctions. C'est bien là un art d'utiliser les restes d'une Constitution déconsidérée par ses maîtres.

C'est triste que ce soit la Constitution, malgré ses imperfections, qui devienne la nouvelle victime d'une opération de communication et de consolidation du pouvoir. Mais il ne manque pas de raisons de ne pas avoir le moral, en ce moment.

2 commentaires:

  1. Je fais confiance à mes camarades députés et sénateurs pour ne pas laisser passer cette ineptie qui finalement éloignera encore le citoyen de la démocratie...

    P-S.
    Au plaisir de t'envoyer d'autres infos :)

    RépondreSupprimer
  2. Ce que je ne comprend pas au delà de tout cela, c'est en quoi est-il si urgent de retoquer la Constitution. Pourquoi une telle nécessité et une telle urgence ?
    Merci pour le lien ! L'article de Contre-Journal est vraiment intéressant !
    :-)

    [le lien vers le blog de Marc Vasseur est cassé !]

    RépondreSupprimer