Alors, comme ça, notre bon vieux nucléaire français, censé résoudre tous les problèmes énergétiques du monde, y compris ceux du tiers monde, tout en permettant la France, ou plutôt une petite poignée de Français, et peut-être surtout Vincent Bolloré, de s'en mettre plein les poches, alors comme ça, le deuxième site de retraitement de déchets nucléaires en France peut "perdre" 75 kilos d'uranium, nécessitant des interdictions de baignade, de pêche et d'eau fraîche sur tout un territoire. Le chiffre est passé de 360 kilos à 75, ce qui doit sans doute rassurer les riverains, mais qui témoigne à nouveau de la confusion et de l'approximation qui semblent être un peu trop courantes dans un domaine où la sécurité est si importante.
Soixante quinze kilos d'uranium, c'est de toute façon déjà pas mal. Ils étaient contenus dans 30 mètres cubes d'eau. Trente mètres cubes d'eau, on les remarque quand ils passent. Ce n'est donc pas une petite fuite. Que fait donc... la Socatri, la filiale d'Areva qui gére le site ?
Cet incident est une bonne illustration des nombreux problèmes auxquels sera confronté la politique sarkozyënne de mêler le rentable et le cache-sexe écologique. Mais surtout, il permet de rappeler l'importance du collectif. J'explique, en revenant à mes gauchitudes.
La victoire électorale de Nicolas Sarkozy est assez souvent expliquée comme étant celle de l'individualisme sur le collectif. L'individualisme n'est pas celui du Président à Ray-Bans et à Rolex (pardon, Patek Philippe) et au roulage des mécaniques (même si ceci peut expliquer cela), mais celui quand même plus laid et nocif du "marre des fainéants", "marre des 'immigrés'", l'individualisme du "travailler plus...". (Lire à ce propos le très bon papier de Robert Castel.)
Bref, le collectif, en tant que valeur, a perdu en 2007. Débrouilles-toi toi-même. Connard. Pourtant, cette défaite n'est pas due, semble-t-il, à un changement profond dans la vision qu'ont les Français de leur société. Quand on commence à toucher à l'une ou l'autre des manifestations de ce collectif - retraites, assurance maladie, etc. -, soudain ils sont beaucoup moins Bling-Bling. Mais même dans ces cas, où précisément c'est la place du collectif dans la société qui est directement en question, le collectif en tant que valeur n'en profite pas du tout. Le mot "solidarité" a été ringardisé, sans parler de l'ultra-plouc "justice sociale". Non seulement est-ce vieillot d'en parler, c'est carrément honteux.
Et c'est pour cela que la moitié de l'enjeu dans le combat de la gauche contre la droite sera : la gauche saura-t-elle trouver les mots pour redynamiser les valeurs de gauche. Si je devais faire de la politique aujourd'hui, je ne prononcerais jamais le mot "solidarité". Ce n'est pas la peine. Que dirais-je à la place ? Je ne sais pas, mais c'est ça qu'il faut trouver. Avant 2012.
Alors, pour revenir au dernier couac en date du glorieux nucléaire français, je disais, par boutade : "que fait la Socatri?" Comme, j'imagine, la plupart des gens, je ne connaisais pas l'existence de la Socatri avant ce dernier incident. On peut se demander quels comptes cette filiale aura à rendre à Areva, et quels comptes seront rendu à l'Etat, censé, quand même, veiller à ce que des régions entières ne soient pas irradiées par des petites maladresses ? Et quelle serait la situation si le nucléaire était véritablement privatisé ? Quelle serait la situation dans une centrale nucléaire libyenne, par exemple?
Et surtout, parlons sous, gros et petits. Quel intérêt une société comme la Socatri a-t-elle à gérer correctement les substances ultra-toxiques dont elle a la responsabilité? Par la structure économique même d'une telle société, il s'agit de gagner le plus d'argent possible en satisfaisant les exigences de sécurité, telles qu'elles sont exprimées par l'autorité publique. Ne lâchez pas 360 ou 75 kilos d'uranium, ou vous aurez une blâme, qui vous coûtera 1,5% (chiffre que j'invente sur le champ) de votre chiffre d'affaires.
Autrement dit, une société comme la Socatri n'est en rien une émanation du collectif, ses intérêts sont même presque à l'opposé de ceux du plus grand nombre. Et pourtant, on lui confie des substances et des techniques qui pourraient, si les choses allaient vraiment mal, rendre l'ensemble de l'Europe inhabitable.
Le collectif peut, parfois, être utile.
Update: Correction de l'énorme faute de frappe dans le titre...
Franchement, l'exemple me semble bien mal choisi. Le collectif soviétique a t'il parfaitement géré les choses dans le sens du bien commun au lendemain de Tchernobyl ?
RépondreSupprimer(Joli troll, non ? :-)
On peut se demander si l'état soviétique oeuvré véritablement dans le sens du collectif...
RépondreSupprimerMais je reformule quand même mon argument : notre non-irradiation collective est un bien trop précieux pour le confier à une entreprise privée dont la priorité n'est pas nécessairement celle du collectif.
Merci pour ton troll!
je suis bien d'accord sur l'idée de passage du collectif à l'individualisme, mais je ne pense pas que cela date seulement de 2007.
RépondreSupprimerEn y repensant bien, on peut penser que par principe notre système est toujours fondé sur l'individualisme, et que par exception, lors de quelques passages glorieux souvent à la suite de grands évènements, on recourt à un système collectif. C'est un peu caricatural mais en l'étayant bien, je pense pouvoir le démonter assez facilement
Ce qui m'a choqué dans cette histoire, c'est que même dans le nucléaire, on retrouve cette logique de sous-traitance qui fait que la boîte tout en bas, celle qui est sensée justement faire le boulot est vraiment la plus pauvre de toute !
RépondreSupprimer:-))