Pages

10 juillet 2008

Sois intimidée et tais-toi!

Tout le monde va sans doute parler de la même chose aujourd'hui, mais bon. Un choeur de blogs braille plus fort. D'ailleurs, Marc Vasseur, avec un excellent billet sur la question, nous a déjà fait la plupart du travail.

L'affaire de la "mise à sac" de l'appartement de Ségolène Royal se poursuit. Libération met en une "La gaffitude". Laurent Joffrin pond un éditorial suffisant et inepte :

Que dire pour défendre Ségolène Royal ? Rien. On cherche vainement une raison qui pourrait justifier un tant soit peu les accusations à peine voilées qu'elle a portées mardi soir contre le «clan Sarkozy».

Même le Figaro est plus sérieux, malgré un titre légèrement condescandant et machiste : "Ségolène Royal se sent «suivie ou écoutée»". Elle "se sent" suivie. Car une gonzesse, ça sent les choses, car une gonzesse n'est pas raisonable, une gonzesse a peur, est parano, hystérique, émotionnelle, pas sérieuse. Ah, mais c'est le Fig, me dîtes vous tous en même temps. Oui, mais Laurent Joffrin ne fait pas mieux, il fait même pire :

L'ancienne candidate a bien été cambriolée, expérience toujours traumatisante d'autant qu'elle s'est répétée. Mais des millions de Français ont été cambriolés au fil des années. Rares sont ceux qui ont incriminé le président de la République...

Oui, c'est "traumatisant", du coup l'ex-candidate pète les plombs. C'est la variante parano du thème de la "gaffitude" : si ce n'était pas des martiens, alors c'était Nicolas Sarkozy.

Je disais donc que le Figaro était pour le coup plus sérieux. Car là où Joffrin "cherche vainement une raison qui pourrait justifier un tant soit peu les accusations", le Figaro en fournit plusieurs qui méritent d'être répétées :

  • "Les policiers du Service départemental de police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine, chargés de l'enquête parlent d'une «mise en scène», voire de «mise à sac», selon une source proche de l'enquête."
  • "le procès-verbal de [la] plainte [concernant le cambriolage précédent] a été «mis en évidence à dessein, de façon à ce que ce soit repérable», assurent les enquêteurs, confirmant une déclaration de l'avocat de Ségolène Royal, Me Jean-Pierre Mignard."
  • Les policiers auraient fait remarquer que l'heure de la mise à sac était atypique.

Visiblement, le Service départemental de police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine est une antenne de Désirs d'avenir pour pouvoir accréditer ainsi les délires de cette dame.

Sérieusement, qui peut, hormis Laurent Joffrin, soutenir que cette affaire n'a pas tout d'un acte d'intimidation politique ? Laurent Joffrin n'est-il pas assez informé pour savoir que ce ne serait pas la première fois qu'un incident de ce type vient salir l'immaculée vie politique de la France ?

Laurent Fabius, pourtant pas franchement un allié de Royal, est moins naïf que Joffrin (je prends ceci chez Marc Vasseur) :

Pssst Monsieur Joffrin ... L'ancien Premier ministre Laurent Fabius (PS) a affirmé jeudi sur LCI avoir déjà eu le sentiment d'être "suivi, écouté, espionné", mais a de nouveau refusé "d'entrer dans la polémique" à propos de la mise à sac de l'appartement de Ségolène Royal. A la question "avez vous eu le sentiment d'être suivi, d'être écouté, d'être espionné", l'ancien Premier ministre a répondu sobrement: "oui". "Donc ça existe", a poursuivi le journaliste qui l'interrogeait. "Je le crains", a rétorqué M. Fabius. source Ouest France.

Du coup, quand Laurent Joffrin écrit,

D'où vient cette hypothèse sensationnelle ? On ne sait. Rien dans l'enquête, rien dans l'appartement mis à sac, rien dans les milieux judiciaires.

on se demande s'il lit les journaux de temps en temps. Dans le sien, dans le papier correspondant à celui du Fig, les faits accréditant la piste de l'intimidation ne sont présents que sous forme de citations de Ségolène Royal elle-même, confortant ainsi l'interprétation "elle est folle".

Le pire dans cette histoire, c'est que l'effraction dans l'appartement de Madame Royal passe pour beaucoup moins grave que le fait que la première concernée en parle. Sois intimidée et tais-toi! Le fait de dire ce qui ne nous surprendrait pas du tout si le pays en question était l'Italie par exemple, semble, en France, tout à fait hors de propos.

Marc, écrit encore, en s'adressant à Joffrin :

Et pour tout dire, je crois que le temps de l'opposition gentillette est désormais révolue... il s'agit de lutter pied à pied contre une droite revancharde et idéologique. A ce propos, Je m'étonne de votre mansuétude vis-à-vis des tombereaux d'insanités qu'elle nous sert quotidiennement depuis la fin de l'état de grâce de votre ami... cela ne semble guère vous émouvoir,.

Voilà ce que si peu de personnes dans le grand consensus médiatico-politique semblent avoir compris : Ségolène Royal est la seule à taper fort contre la communication sarkozyste elle-même. Cela surprend plus encore à gauche qu'à droite, peut-être, mais, comme je le dis depuis que ce blog existe, pour gagner des élections il faut savoir communiquer, exister sur le plan de l'image. La plupart des cadres socialistes ne parviennent pas à dépasser la petite phrase, l'ironie ou, les bons jours, le sarcasme, alors que face à l'UMP, face à un Sarkozy, il faut taper fort.

L'épisode Ingrid Bétancourt le montre bien. Lisez surtout ce billet de Nicolas J., pourtant pas un ségolénophile, qui montre la nécessité absolue de dire que Sarkozy n'était pour rien dans la libération de l'ôtage des FARC. Il est essentiel de dégommer les faux-semblants sarkozyëns qui n'ont peut-être pas d'importance dans la technocratie ou dans la compétition à l'intérieur du PS, et pour l'instant une seule responsable politique semble l'avoir compris. (Enfin, il y a aussi Noël Mamère qui peut être très efficace quand il veut.)

Ségolène Royal tape fort : c'est l'une des leçons à retenir. Raffarin l'avait traitée de délinquante sociale, Royal sort l'histoire de l'appartement parisien que ce même Raffarin faisait louer par la Région Poitou-Charentes. "T'en veux une, la voilà ta baffe."

Au vu de la réaction de Laurent Joffrin, ce langage politique-là n'est pas acceptable pour la gauche, qui ne doit rien oser, qui doit rester dans sa molle acceptation de la politique et de la communication de la droite, qui doit accepter les termes du débat que la droite lui impose, qui ne doit finalement exister que comme la proposition d'une petite inflexion de la politique de l'UMP. Si on était au pouvoir, on ferait presque pareil, mais un peu mieux...

8 commentaires:

  1. Excellent papier et surtout excellente description de la bonne stratégie désormais: il faut frapper fort. Le signal/brouillage médiatique sarkozyen est tellement puissant que seul un signal encore plus fort (quitte à en rajouter un peu, mais c'est pas grave) peut parvenir à le déstabiliser.

    Je me rappelle cette séquence du film de Moati sur la campagne présidentielle quand Peillon disait à Royal au téléphone: "la droite, ça se tape ! Il faut y aller. Sarko lui ne se gêne pas !"

    Il avait mille fois raison. Mort aux mous ! C'est triste pour le débat d'idées entre gens de bonne compagnie mais on n'en est plus là hélas !

    RépondreSupprimer
  2. Très bien ! Les socialos, à force de dire "nous on travaille sur le fond" en oublie tout simplement de faire de la politique... dont la communication est maintenant un axe majeur.

    RépondreSupprimer
  3. Bonsoir. Si tu veux rejoindre messire, un énorme poulailler avec moult œufs dur dedans ! c'est sur mon top que cela se passe !
    Le bouffon te salue...

    RépondreSupprimer
  4. "Si on était au pouvoir, on ferait presque pareil, mais un peu mieux..."
    C'est tellement désolant ...
    Mais c'est vrai que le constat finit par s'imposer : des socialistes qui pensent qu'être socialiste c'est faire mieux que la droite et non plus faire autrement.
    Quand à Laurent Joffrin, second constat : il n'est pas de gauche.

    Je suis contente que les z'inflents de gauche défendent Ségolène Royal, qui finalement, n'a rien fait que d'être opposante.

    RépondreSupprimer
  5. David75

    Très bon papier.

    Laurent Joffrin n'est pas crédible de vérité.

    La gauche devrait avoir honte pour ne pas pris la défense de celle qui leur a permis de sauver la face en 2007, après les deux lamentables défaites dont celle calamiteuse de Jospin.

    Il faut penser que ca en arrange plus d'un de voir ségolène Royal se faire dézinguer.

    RépondreSupprimer
  6. Laurent Joffrin aurait pu nous ressortir la distinction entre la délinquance et le sentiment de délinquance, célèbre formule pour justifier des statistiques officielles...

    Bon papier !
    :-)

    RépondreSupprimer
  7. Merci à tout le monde. De plus en plus, on sent que le ventre mou et lâche du PS va s'aligner avec l'UMP pour essayer de discréditer Royal.

    On a l'impression de revivre 2007 mais en version dessin animé.

    RépondreSupprimer
  8. Pour ma part, ce qui m'intrigue le plus, c'est qu'en début d'année Olivier Besancenot est suivi, épié, le moindre de ses gestes surveillés et là, tout à chacun médiatiquement de s'interroger, de vouloir savoir, comprendre le pourquoi du comment...
    Ségolène Royal, que je n'apprécie que modérément soit dit en passant, est victime de cambriolage et mise à sac de son appartement à plusieurs reprises et c'est " une demeurée, une dinde, une hystérique...", j'en passe et des meilleurs.
    Décidément, les têtes non pensantes du PS, pardonnez-moi, sont d'une ineptie, d'une bêtise dont peuvent se réjouir l'UMP, NS en tête !
    A force de vouloir à tout prix l'évincer et la détruire politiquement, ils se tirent littéralement une balle dans la tête .
    Pas besoin d'ennemis pour être démolie en effet avec eux, "ces grands amis" s'en chargent.
    Quant à Joffrin, s'il avait eu un tant soit peu de capital sympathie en début d'année avec la conférence de presse que l'on sait, aurait-il depuis été retourné comme une crêpe par Tsarkozy Ier ?
    Belle analyse et bon billet.

    RépondreSupprimer