En écrivant mon dernier billet, je savais que je m'aventurais dans un territoire problématique pour la gauche. A vrai dire, c'était le but, tout en me donnant le loisir de rajouter une couche ou deux sur l'incompétence économique du Très Grand Homme (TGH), sa tendance à préférer l'idéologie à l'efficacité réelle.
Ma note a suscitée des réactions intéressantes. J'avais proposé la formule suivante :
Toute proposition de solution politique, économique ou sociale qui, pour réussir, doit être appliquée au niveau européen, voire mondial, risque de n'être qu'une opération de communication.
Et Fer Railleur a répondu :
Soit mais comme aucune solution économique ou sociale ne peut réussir si elle n'est pas appliquée au moins au niveau européen sinon mondial (vu la mise en concurrence généralisée réalisée par l'ultra-libéralisme et la mondialisation), le serpent se mord la queue !
Et on se retrouve à papoter avec notre bonne vieille Tina.
Embêtant, non ?
Oui, c'est embêtant. C'est pourtant le risque quand on cherche à imaginer ce que pourrait être une politique de gauche... comment dire... sinon "moderne", du moins différente de celles qui jusqu'à présent n'ont pas réussi à séduire l'électorat, et qui semblent enfermées dans l'alternative entre une "gauche archaïque" et une droitisation molle. (Notez bien les guillemets ultra-puissants autour de "gauche archaïque". J'assume totalement en revanche pour droitisation molle.) Tout ça part du souci de penser une gauche efficace, d'abord électoralement, ensuite pour améliorer les choses. Il est donc plus important d'imaginer des solutions plutôt que de valider des grandes théories ou pester contre l'état pitoyable du monde actuel. Pour tout dire, ça part d'un souci de simple opposition : pour contrer Sarkozy en 2012, il ne faut pas compter sur la liste des bourdes et des imbécilités du Président pour l'emporter. Il va falloir être efficace. Les blogs servent à avancer des idées et des arguments de façon chaotique, provisoire, expérimentale. Depuis que je m'essaye à la "proposition", je me rends compte de comment c'est difficile. En même temps, c'est amusant de se lancer dans une direction sans savoir où on va atterrir.
Dans un autre commentaire, jmfayard sort la grosse artillerie en voyant dans mes derniers billets une dérive carrément jospiniste.
J'ai un peu l'impression d'avoir avalé surtout des cuillérées de soupe à la grimace pendant la lecture de tes derniers billets. Attention à ne pas virer jospinien, c'est à dire à ne pas aligner les raisonnements rationnels impeccables concluant que surtout il ne faudrait faire ni cette erreur ci, ni celle-là, ni telle autre, ni ... avant de se trouver bien embêté au moment de savoir ce qu'on pourrait faire au juste. J'ai bien conscience que c'est un travail de Sysiphe de sans cesse tenter de réveiller l'espoir tout en se gardant de faire naître des illusions sans demain, mais, allez, un petit effort la prochaine foi :-)
Voilà du commentaire qui décape! D'autant plus décapant qu'il voit juste. Ou presque. Pour me défendre, je dirais tout d'abord que mes derniers billets qui sont, effectivement, assez pessimistes vis-à-vis de certains espoirs de la gauche, n'ont pas vocation de formuler une politique générale, comme on pourrait en demander à quelqu'un comme Jospin, mais à tatonner tout en gardant un esprit critique. Donc si je dis qu'il ne faudrait pas faire ci, ni ça, ni telle autre erreur, c'est quand même sans désespérer d'en arriver au moins à quelques critères qui pourraient servir à évaluer les différentes politiques que l'on finira bien par nous proposer. Le privilège du blogueur par rapport à l'homme politique : le blogueur peut chercher, se planter, évoluer, sans en porter la responsabilité, sans avoir à représenter telle ou telle ligne. Enfin, j'ai aussi cet espoir que l'esprit critique de la gauche envers ses propres idées pourrait susciter l'invention de solutions plus originales, plus imaginivatives. En cela, j'espère aller un peu dans le sens contraire du jospinisme.
Voilà pour la forme. Pour le fond, dans la mesure où il existe, je dirais que pour l'instant l'idée de base dans ces derniers billets est plutôt que l'on a tendance à se tromper un peu sur le cadre de l'action gouvernmentale/étatique. J'entrevois, comme réponse à cette question, la thématique que j'avais dévéloppée dans l'une des gauchitudes qui s'appelait Boucle locale (mais aussi dans Fragmentons) : l'action de l'État devra soutenir justement la fragmentation du pouvoir économique et politique. A la différence des "libéraux" (que Dagrouik vient de dégommer comme il faut ici), je crois qu'un état fort est nécessaire pour maintenir l'égalité des chances, pour protéger la liberté d'action des individus, y compris leur liberté économique, qui sera ce qui nous sauvera du choix qu'on nous présente entre crever et devenir la Chine.
Et pour revenir au jospinisme, je commence à avoir le soupçon que sa faiblesse était justement cette timidité. "L'état ne peut pas tout". On garde une vision assez traditionnelle de l'action étatique de gauche, mais on le restreint pour ne pas interférer avec le marché, réduisant petit à petit les possibilités, et, effet collatéral, affaiblissant la notion même de ce qu'est la gauche. Je suis peut-être un peu sévère, peut-être que quelqu'un viendra m'expliquer en quoi j'ai tort. Mais si on veut réinventer la gauche, je pense qu'il faudrait pouvoir sortir du paradigme d'un éternel réglage entre le marché et l'État.
Le problème, c'est que pour arriver à dire tout ça, autrement que sur le mode du "voilà ce que je veux", il me semble nécessaire d'avancer par petits pas.
bonsoir confrère. Rien à voiir mais j'ai dû te taguer, coupable d'une boucle estivale que je reproduis...
RépondreSupprimerhttp://sarkofrance.wordpress.com/2008/08/10/samedi-30-juillet-bruno-le-maire-page-123-5eme-ligne/
Sur le fond, je trouve que ton analyse résonne avec un constat personnel qui m'est venu sur l'échec de la gauche à digérer l'Europe.
Sur le fond toujours, je pense qu'il faut décaper l'adversaire ET proposer. Je n'arrive pas (encore ?) à contribuer à la seconde voie.
Bonjour,
RépondreSupprimerJe trouve estimable votre souci à rechercher des solutions efficaces, notamment au niveau local, et en évitant les a priori idéologiques. Delanoë, Royal, Collomb ont illustré cette approche de différentes manières dans leurs circonscriptions.
Cependant, pourquoi vouloir évacuer si vite une réflexion à l'échelle européenne ? Bien sûr, on connaît la difficulté à faire avancer l'UE dans le domaine social. Mais faut-il pour autant en déduire que les slogans sur "l'Europe sociale" n'ont pas d'intérêt car inapplicables à court terme !
Je crois, quant à moi, que la regénération de la pensée sociale-démocrate passera un jour par une action coordonnée au niveau européen car c'est là que l'on peut désormais agir efficacement (l'Etat-nation s'étant privé de tant de ses pouvoirs autonomes).
J'arrive ici par hasard...
RépondreSupprimerAvant d'essayer de trouver des réponses, ne faut-il pas d'abord poser correctement les questions ?
Par exemple : qu'est-ce que l'égalité des chances ? Pourquoi cette notion ?
juan,
RépondreSupprimerun peu débordé ces temps-ci, mais j'ai déjà trouvé mon livre pour répliquer.
et je suis toujours partant pour décaper l'adversaire. Toujours et quand même d'abord.
fer,
Je ne veux pas évacuer la réflexion sur l'échelle européenne. Par exemple, j'ai bien aimé, dans la contrib de la Nouvelle Gauche, l'idée d'imposer un impôt européen sur les sociétés. Sur le plan social, l'Europe est trop hétérogène politiquement pour que l'on puisse espérer, sauf à très long terme, qu'elle va pouvoir nous satisfaire.
Par exemple, Lafarge, la multinationale va se faire nationalise au Venezuela.
RépondreSupprimerIl y a donc des actions d'Etat possibles pour réguler le marché !
(pour ma part, je pense que cette notion de marché est une supercherie...).
:-))