Enfin l'exemple promis depuis trois jours et deux billets, je promets un exemple, ou un contrexemple plutôt, d'une sorte de réalisme de gauche. Le voici.
Depuis deux ou trois ans, au moins, la Banque Centrale Européenne a bon dos. C'est la faute à Trichet si tout va mal, c'est un banquier, un ultra-libéral, pire encore c'est un Français, ce qui fait qu'on ne peut même pas dire que c'est la faute aux allemands et leur peur ancestrale de devoir régler leurs dettes avec des brouettes pleines de billets. C'est même l'un des points qui rassemblent, de gauche à droite, nos responsables politiques. Car si à gauche il semble normal de taper sur une logique capitaliste et anti-sociale, il se trouve que le membre le plus volubile du club des anti-Trichet, ce n'est pas Laurent Fabius ou Ségolène Royal, mais bien notre Très Grand Homme (TGH) lui-même, qui est toujours ravi de trouver plus grand que lui dès lors qu'il lui faut un responsable pour ses propres échecs. Quand il n'était que ministre de l'Intérieur, il y avait Chirac et Villepin. Maintenant qu'il a les pleins pouvoirs, il a besoin d'importer des grandes forces pour faire son Poulidor.
Loin d'être un expert en finance internationale, je me disais, pendant tout ce temps, que ce n'étaient que des manoeuvres, puisque la possibilité réelle d'avoir une influence réelle sur la conduite du BCE, même pour un Très Grand Chef d'Etat, était à peu près nulle. Ce qui s'est avéré, puisque Nicolas Sarkozy a beau pleurer en se frappant la poitrine, la BCE n'a toujours pas baissé ses taux.
Or, il se trouve aujourd'hui qu'il est beaucoup plus difficile de dire que la BCE avait tort. L'inflation est là malgré tout. Et même si la peur de l'inflation est effectivement un truc des riches, de ceux qui ont déjà de l'argent, et moins un truc de ceux qui voudraient enfin en avoir, il faut constater que, oui, les "pressions inflationnistes" que la BCE n'a eu de cesse de signaler depuis si longtemps n'étaient pas simplement une expression de la misanthropie de Trichet, mais avaient une certaine réalité après tout.
Le 8 juillet, Sarkozy s'est trouvé seul contre tous. La revue belge Trends commente :
Nicolas Sarkozy entame son semestre à la présidence de l'Union européenne de la plus mauvaise manière, en se dressant contre la politique menée par la Banque centrale européenne. Même les plus sceptiques de ses partenaires européens se sont rangés derrière Jean-Claude Trichet.
Et il y a quelque chose de pitoyable, lorsque Sarkozy doit rappeler qu'il est, tout de même, Président de la R., pour protester contre la hausse des taux:
Mais quand même, sans remettre à bas tout ce à quoi je crois, je suis légitime, en tant que président de la République française, de me demander s'il est raisonnable de porter les taux européens à 4,25%, alors que les Américains ont des taux à 2%. (...) Doit-on subir en plus un dumping monétaire qui met à genoux les entreprises européennes qui veulent continuer à exporter? Cette question doit être posée de manière respectueuse et démocratique."
Sarkozy se bat contre le "dumping monétaire" ? Au risque de relancer l'inflation... En tant que défenseur du grand capital, on dirait qu'il n'est pas allé jusqu'au bout de sa réflexion. (Ce ne serait pas la première fois.) Car même si un taux plus bas et un euro un plus moins fort seraient profitable pour le business, et pour les copains du TGH, c'est encore voir à court terme que de penser qu'il suffirait de relancer la machine pour tout baigne à nouveau. L'erreur de Sarkozy était de ne pas prévoir les effets désastreux de la guerre en Irak (le TGH n'était pas tout à fait pour, mais il était contre le fait que Villepin soit contre...) sur l'économie mondiale via le prix du pétrole. En juillet, le reste du monde, le reste de l'Europe semble avoir pris la mesure de la situation, tandis que Sarkozy s'est retrouvé seul à s'entêter contre tout et contre tous. Contre, je dirais, la réalité économique.
D'après ce que j'ai compris, le problème actuel, c'est que les taux sont déjà assez hauts, l'économie s'approche de la récession et, fait plus ou moins inédit, l'inflation monte, à cause notamment du marché du pétrole. La marge de manoeuvre est donc beaucoup plus étroite que prévue. Si on avait suivi les conseils de Nicolas Sarkozy (ou de Ségolène Royal ou de Laurent Fabius ou de Benoît Hamon), cette marge n'existerait pas, ou encore on serait devant la possibilité d'une hausse de taux beaucoup plus importante, avec tous les risques de récession que cela comporterait. Véritable de "choc de méfiance" sans commune mesure avec ce que nous avons vécu depuis l'été dernier.
Logiquement, il faudrait remercier Trichet de n'avoir pas écouté le TGH, même si ce dernier est en effet "Président de République française", comme il a cru bon de nous le rappeler. Ce faisant, Trichet n'a pas non plus écouté les autres. Ainsi, la situation et les perspectives sont moins mauvaises, même si elles sont loins d'être bonnes.
Les lecteurs qui auront perservéré jusqu'ici pourront demander où je veux vraiment en venir. Je récapitule.
- Sarkozy continue à faire et dire des bêtises dans le domaine économique, là où il était censé être si fort.
- Les habituelles tentatives, à droite comme à gauche, de rendre l'Europe responsable des maux de l'économie française étaient à côté de la plaque.
- L'économie mondiale est plus grande que les petits bras de Nicolas Sarkozy, et même plus grande que ceux de la France ou de l'Europe. Il ne faut pas surestimer le pouvoir des léviers économiques dont les Etats bénéficient.
Et j'aboutis à une ébauche de maxime. (Non, oRélie, je n'ai pas dit "débauche de Maxime"... notez au passage le nouveau URL tout beau de Victoire au poing.)
Bref, ma maxime en ébauche :
Toute proposition de solution politique, économique ou sociale qui, pour réussir, doit être appliquée au niveau européen, voire mondial, risque de n'être qu'une opération de communication.
Enfin, ce n'est pas vraiment une maxime. Pas très belle, en tout cas. Tant pis.
9 commentaires:
" Toute proposition de solution politique, économique ou sociale qui, pour réussir, doit être appliquée au niveau européen, voire mondial, risque de n'être qu'une opération de communication. "
Soit mais comme aucune solution économique ou sociale ne peut réussir si elle n'est pas appliquée au moins au niveau européen sinon mondial (vu la mise en concurrence généralisée réalisée par l'ultra-libéralisme et la mondialisation), le serpent se mord la queue !
Et on se retrouve à papoter avec notre bonne vieille Tina.
Embêtant, non ?
Il n'empêche que le RESF a tout faux :
http://herbedeprovence.over-blog.com/
rticle-21736347.html
Sarko des bêtises ? des erreurs dramatiques oui !!! Ces erreurs plongent le pays dans une récession économique pour les plus modestes et les classes moyennes, tandis que les capitaux, eux, fructifient. Sans oublier le paquet fiscal qu'on paie aujourd'hui au prix fort, à coup de réformes, allons y gaiement
Il ne faut pas négliger les leviers, c'est sûr, mais aujourd'hui je pense que la bourse de Tokyo est à observer sinon plus que Wall street. L'économie américaine fait elle aussi front à une trés mauvaise gestion.
L'inflation est une calamité pour les personnes modestes aussi bien que des classes moyennes. Dans les années 75-85, bien qu'avec retard, les salaires (et les pensions) étaient peu ou prou augmentés en tenant compte de l'inflation (à deux chiffres !)... Aujourd'hui, nous avons bien la "stagflation" (combinaison d'une forte inflation et stagnation économique... pour ne pas dire récession). Mais Nicolas Sarkozy qui se tamponne du pouvoir d'achat (réel) des Français, ne se rend même pas compte qu'en ne trouvant pas de parade efficace pour l'augmenter, scie la branche : l'économie réelle va de plus en plus mal et le serrage de ceinture ne peut qu'accentuer la récession.
Baisser les taux ? cela ne ferait que faire marcher la "planche à billets" d'une façon détournée (en augmentant la masse monétaire par le jeu des crédits) et se poursuivrait la fuite en avant des spéculateurs de tout poil qui sont responsables en dernière analyse tant de de la crise financière que de la raréfaction des matières premières (y compris agricoles), laquelle alimente à l'évidence la récession et la misère.
Nicolas Sarkozy raconte n'importe quoi : une politique restrictive de crédit (par le jeu de l'augmentation des taux) ne saurait constituer un quelconque "dumping", c'est même tout le contraire !
Enfin, il faudrait qu'il s'interroge sur l'actualité récente : les Indiens doivent être parfaitement stupides selon ses vues puisque pour lutter contre une inflation record, ils viennent d'augmenter leurs taux !
fer,
Oui, c'est embêtant, et le spectre de TINA m'embête tout particulièrement. Le problème, c'est que le genre d'intervention par "en haut" qui pourrait redresser tout ça n'existe plus et n'existera plus jamais. Il aurait fallu faire quelque chose dans les années 50 ou 60 pour éviter la situation actuelle.
Enfin, à mon avis.
C'est pour ça qu'il me semble nécessaire de trouver d'autres moyens pour infléchir le cours des choses. Mais tu poses la question essentielle.
kamizole,
Oui, voilà, on voit bien que la "pensée" économique de Sarkozy ne va pas plus loin que ses besoins rhétoriques du moment.
Sinon il y a l'interprétation mégalo : c'est le petit bonhomme qui est toujours à la recherche d'une pirouette magique qui le sortira des impasses.
J'ai un peu l'impression d'avoir avalé surtout des cuillérées de soupe à la grimace pendant la lecture de tes derniers billets. Attention à ne pas virer jospinien, c'est à dire à ne pas aligner les raisonnements rationnels impeccables concluant que surtout il ne faudrait faire ni cette erreur ci, ni celle-là, ni telle autre, ni ... avant de se trouver bien embêté au moment de savoir ce qu'on pourrait faire au juste. J'ai bien conscience que c'est un travail de Sysiphe de sans cesse tenter de réveiller l'espoir tout en se gardant de faire naître des illusions sans demain, mais, allez, un petit effort la prochaine foi :-)
Mais Maxime est déjà bien débauché, ne t'inquiète pas :)
oRélie,
tu me rassures.
jmfayard,
Je viens de faire un billet pour te répondre. :)
Mais qui pourrait croire une seule minute que le TGH soit un expert en économie ?
La preuve en est qu'il a eu besoin de s'augmenter après quelques semaines de pouvoir !!!
:-)
[Moi-même je n'y comprend pas grand chose, je dirais juste qu'il faut rendre du pouvoir économique aux structures démocratiques et en retirer aux investisseurs privés...].
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