Quand il veut faire "pédagogique", Nicolas Sarkozy dit "premier élément", "deuxième élément", etc. Il faudrait lancer un jeu-concours pour trouver l'intervention où l'on arrive au plus grand nombre d'"éléments". Je serais étonné s'il dépassait les quatre éléments. J'ai entendu Hortefeux dire des "éléments", ce que j'ai pris pour la preuve que c'est un usage profondément sarkozyste.
Permettez-moi donc de suivre leur magnifique exemple.
Premier élément : la SocGen et la BNP, après avoir reçu le soutien de l'État pour survivre à la crise financière, annoncent plus d'un milliard et demi de dividendes pour leurs actionnaires, le justifiant ainsi :
Pour SocGen et BNP Paribas, toutes les deux bénéficiaires, le choix est simple. "Il faut récompenser les actionnaires qui ont souffert de la baisse de l'action". Donc, on verse un dividende.
Ceci ne semble pas provoquer d'émotion particulière du côté de l'Élysée.
Deuxième élément : au tout début de la crise, Nicolas Sarkozy avait proposé la création d'un fonds souverain qui permettrait aux États européens d'investir en leurs propres entreprises, afin de maintenir artificiellement leurs cours en bourse. (J'en avait parlé à l'époque.)
Troisième élément : le plan dit "de relance", à part quelques "mesurettes", soutient essentiellement la trésorerie des entreprises, leur permettant de maintenir, encore une fois, leurs cours malgré les inévitables baisses d'activité.
Quatrième élément : la baisse de l'activité (crise économique) sera due à l'éclatement de la bulle spéculative (crise financière). Tout le monde semble d'accord pour dire que cette bulle est la conséquence d'un système qui, à travers l'endettement à tout-va, a décroché la finance de la réalité économique.
Cinquième élément : non, c'est fini. Il n'y en a que quatre.
Avec tous ces éléments, on voit bien que ce qui intéresse le Pouvoir, c'est la valeur boursière des grands groupes "français". Que ce soit l'obsession de la droite n'est guère étonnant. C'est même pour cela que la droite existe. Mais ce qui est plus inquiétant, insidieux, c'est cette tentation permanente d'utiliser l'État pour soutenir non la production (il n'y a pas de demande), non la consommation (on s'en fout, ce sont des pauvres) mais simplement la valeur des entreprises.
Je cite à nouveau cet extrait des Cordons de la bourse :
Pour SocGen et BNP Paribas, toutes les deux bénéficiaires, le choix est simple. "Il faut récompenser les actionnaires qui ont souffert de la baisse de l'action". Donc, on verse un dividende.
Malgré une crise financière internationale sans précédente qui frappe la quasi-totalité des banques, les directions de ces deux fleurons doivent d'abord remercier leurs actionnaires d'avoir "souffert de la baisse de l'action". Dans un monde véritablement "ultra-libéral", la réponse serait évidente : vous, les actionnaires, vous avez parié sur le mauvais cheval, vous allez perdre un peu de vos sous. Et arrêtez de renifler comme ça. Malgré la situation catastrophique et le besoin d'assurer leurs fonds propres, et tout en acceptant l'aide généreuse de l'État, il a fallu malgré tout payer les actionnaires pour éviter qu'ils abandonnent leurs titres SocGen et BNP.
La bulle vient précisément de cette attitude. Les grandes sociétés s'interrogent, mais la plupart semblent penser qu'il est plus important de s'enfoncer dans la dette plutôt que de se fâcher avec les actionnaires.
Dorloter des actionnaires déjà refroidis par le plongeon des marchés, garder un maximum de liquidités pour traverser la crise et ne pas abîmer son image publique, l'arbitrage est délicat. Et les discours variés.
Si Lakshmi Mittal affirme que "tout le monde doit participer" aux efforts contre la crise, Pierre Gadonneix, patron d'EDF, veut avant tout "garder la confiance" des actionnaires.
En fait, "cela dépend des rapports de force entre actionnaires et dirigeants", estime Arnaud Riverain, responsable de la recherche chez Arkéon Finance.
A ce jour, seuls Renault et Alcatel-Lucent ont décidé de ne pas verser de dividendes cette année. (Source)
Renault ne versera pas de dividendes. Encore heureux, car ses titres viennent de passer dans la catégorie "junk"...
Sixième élément : visiblement, aussi bien pour Nicolas Sarkozy que pour les capitaines de l'industrie, aucune leçon n'a été apprise. La réalité reste financière. Ce qui compte, c'est le chiffre magique qui attirera l'investisseur. L'économie continue d'être secondaire.
Septième élément : le mot "économie" vient du grec oikos, la maison ou la maisonnée. Nous en sommes très loin, encore.
7 commentaires:
Bravo
La limpidité de ce billet me laisse pantois, je suis proche de la jalousie;-).
Je vais te dire quelque chose en espèrant ne rien réveiller. A mon humble avis les blogs que je trouves les plus efficaces et intelligents sont des blogs qui soutiennent ou sont respectueux avec Ségolène Royal.
Ca participe grandement au plaisir que j'ai de continuer à la soutenir.
Rosselin,
Merci!
superpado,
Merci!
Mais la limpidité vient de la situation. La crise rend certaines choses plus claire, oblige les gens à sortir de l'ambiguïté, faire des choix. Et puis, le truc des éléments, ça aide drôlement pour la limpidité,mine de rien...;-)
Sinon, quant à l'effet SR... eh bien... je ne vais pas te contredire non plus.
Bravo !
Détaché de la réalité, l'économie financière est en crise et l'Etat intervient avec nos deniers pour la garder financière ! Effectivement, aucune leçon n'est tirée de l'expérience…
Il eut fallu relancer la production et repartir de cette valeur pour reconstruire…
[Le cinquième élément qui manque c'est l'amour, si j'en crois les films de Luc Besson ! Tu ne l'as sans doute pas fait exprès mais c'est bien vu !!!].
:-))
Autre élément : Le plan "de relance" prévoit la construction d'infrastructures qui sont en totale contradiction avec le grosnul de l'environnement. Genre on verra une fois la crise passé... on est loin d'un "green deal" !
Romain.
Signataire du manifeste EuropeEcologie.fr
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