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7 février 2012

La guerre des classes et la guerre des civilisations

C'est un titre un peu marxisant, je sais. Il ne faut pas s'affoler, ce n'est pas mon sur-moi marxiste-léniniste qui prend le contrôle de mon clavier. Je m'explique.

Dans une démocratie, pour se faire élire, la droite qui représente les intérêts économiques d'une minorité puissante. Celle-ci doit trouver le moyen d'utiliser sa supériorité économique et sociale pour convaincre une grande partie de la population, qui ne fait pas partie de cette élite, de voter contre ses propres intérêts. On penserait que c'est difficile de le faire, mais les succès répétés des droites dans les démocraties du monde montrent bien que c'est presque plus difficile de faire voter les gens pour leur propre intérêt.

Rien de bien neuf, là, bien sûr. Mais les événements récents montrent que le même tour de passe-passe est en train de se préparer. Pouvait-il en être autrement ? Les choses pourraient être un peu moins claires, sans doute, mais sarkozyzme ne rime pas avec subtilité, donc on y va.

Le TGH veut augmenter la TVA. On trouve même le moyen d'augmenter les impôts des pauvres tout en ayant l'air de combattre les impôts. Concrètement, la droite RPR-UMP n'a, historiquement, pas d'autre véritable programme que de transférer les charges de l'État providence vers les classes moyennes et et les classes populaires, en allégeant celles qui pèsent sur les riches et les entreprises, notamment les très grandes entreprises. (Les PME, bof.) Hollande, dans son projet, propose de rétablir un peu de la progressivité dans la fiscalité. A droite, il y a la droite ; à gauche, il y a la gauche.

La promesse de la droite, et l'un de leurs arguments principaux depuis vingt ou trente ans maintenant, c'est que les intérêts du prolétariat (voilà, je l'ai dit) et du capital sont liés : si vous faites la grève, on ferme l'usine et c'est les chinois qui feront votre boulot… mais, si on s'arrange, et si vous acceptez des concessions, vous pourriez travailler encore pendant six mois, au moins. Bien sûr, le socialisme jospiniste n'est pas étranger à ce type de raisonnement : socialisme d'accompagnement, etc. Et les dominés d'aujourd'hui sont moins misérables que ceux du XIXe, et ont un peu plus que leurs chaînes à perdre. Les contours deviennent flous, et surtout il devient difficile de fonder une idéologie politique forte, fondée sur une opposition facile à saisir.

Les gauches, fût-elles timides et pâles, continuent à élaborer un discours fondé plus ou moins dans la réalité des intérêts économiques. Mais c'est compliqué, les gens ne suivent pas vraiment. Les droites, qui doivent dissimuler la réalité des intérêts pour que la majorité vote contre le sien, a une facilité naturelle à détourner l'attention. C'est comme dans les tours de magie : il faut attirer le regard sur une main (la gauche ? la droite ?) qui ne fait rien, pendant que l'autre agit. C'est peut-être encore plus comme les pickpockets, qui inventent une ruse pour que vous regardiez ailleurs pendant qu'ils vident vos poches.

Aujourd'hui, la ruse, la main que tout le monde regarde, c'est Claude Guéant. La main qui vous fait les poches, vous savez bien à qui elle appartient. L'offensive dans les mois à venir va être sur le plan des valeurs. Ce sont elles qui font voter les masses contre elles-mêmes, et Sarkozy, inquiet, ne va pas s'en priver.

La guerre des civilisations cache la guerre des classes. L'enjeu, jusqu'au 6 mai, est de ne pas se laisser distraire.

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