Sarkozy continue à parler religion, et j'allais (re)dire ce que j'en pense, en somme qu'il s'agit de rétablir un ordre colonial sans colonies, dans lequel les colonisés (anciennement : "immigrés"; anciennement : "jeunesse issue de l'immigration"; bientôt : "vieux et jeunes issus de l'immigration"...) n'ont qu'à bien se tenir : ils ne partagent pas les "racines chrétiennes" de la classe coloniale, ne pourront jamais être des vrais français, et ainsi de suite. On comprend de mieux en mieux comment la politique de l'Identité Raciale de Brice Hortefeux n'est pas ni un détail, ni un accident, ni une concession à l'extrême droite, mais la pièce maîtresse dans le symbolisme idéologique de Nicolas Sarkozy. Enlever le racisme et la xénophobie et tout s'écroule.
Voilà donc le billet auquel vous avez échappé. Pour le moment en tout cas.
C'est ce que j'allais écrire avant de lire ce matin le billet de Juan concernant les dernières élucubrations mystiques de notre Très Grand Chanoine (TGC). Juan conclut son billet ainsi :
J'ai tendance à penser qu'il faut réserver les combats aux "causes réelles et sérieuses" d'inquiétudes. La laïcité, aujourd'hui, est-elle menacée par une décision du gouvernement Sarkozy ? Non. La sécurité sociale, oui. L'intégration, oui. La démocratie parlementaire, oui. Le pouvoir d'achat des plus pauvres, oui.
Au contraire, ne s'agit il pas d'un "vacarme" supplémentaire ? Il est toujours plus facile pour la gauche de pousser des cries effrayés sur la laïcité (qui leur reprochera ?), que de se mettre d'accord sur des contre-propositions contre les mesures de destructions sociales ou le mini Traité Européen. Cela n'empêche pas la vigilance, bien au contraire. Mais on a l'habitude.
Voilà ce qui fait "Tilt!" Chez moi en tout cas. N'oublions pas l'un des fondements essentiels du sarkozysme : les mots ne coûtent rien, le pognon est pour les amis. Il y a deux Sarkozy (je sais : un suffit largement, mais c'est pour les besoins de la démonstration) : l'un a un complexe identitaire qui le pouse à affirmer ses racines chrétiennes, à proclamer qu'il y a trop de musulmans en Europe, à montrer Bigard au Pape ; l'autre ne pense qu'à solidifier son pouvoir et à en profiter, en faisant profiter ses copains, les membres de sa caste par la même occasion. Celui-ci est prêt à dire n'importe quoi si d'aventure cela peut l'arranger : pleurer la lettre de Guy Môquet, pratiquer "l'ouverture", promettre de revaloriser le pouvoir d'achat et les petites retraites.
Bien sûr, quand Sarkozy met en cause la laïcité, oublie qu'il existe en France encore quelques athées, ce sont les deux Sarkozy qui parlent en même temps. Je ne sais pas grand'chose de ses convictions intimes (à la rigueur je m'en fous), mais j'ai le soupçon qu'avec ce thème nous ne sommes pas loin de ce que le bonhomme pense vraiment. Mais peu importe. Car l'autre Sarkozy, le narcissique qui est prêt à raconter n'importe quoi du moment que ça lui est utile, parle en même temps. Et celui-ci ne pense qu'en termes tactiques.
Quel intérêt y a-t-il à émeuter les défenseurs de la laïcité ? Comme le dit Juan, il faut créer du "vacarme". La religion est le paratonnerre du moment, comme les tests ADN avaient servi de chiffon rouge au moment de la loi Hortefeux (l'ignoble, l'infâme, l'abominable...). Il faut bien que les gauchistes aient des sujets de polémique, laissons-les dépenser leurs forces et leur salive pour des conneries, pour quelque chose qui de toute façon ne mange pas de pain. Tout est bon, en fait, qui remet la gauche en position de "donneur de leçon", tout en donnant des gages à la bonne vieille droite.
Carla Bruni est une diversion, la religion l'est aussi. Je pense. Mais c'est une diversion plus grave et plus perverse que sa vie de flambeur avec Carla B. Car s'il ne recontrait pas de résistance sur ce chemin, il est certain qu'il ne se priverait pas d'aller plus loin, avec des conséquences que l'on peut trop facilement imaginer. Comme le dit encore Juan, il faut rester vigilants.
UPDATE: je rajoute le tag "vacarme" après avoir lu ceci.
ah enfin un qui a compris que toutes ces histoires de religion ne servent qu'à énerver...
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi.
RépondreSupprimerJe note, grâce à sa conférence de presse qu'il agit aussi par à-coup, sans préparation et sans calcul.
Il lache une connerie, par exemple, le financement de l'audiovisuel publique et il regarde si ca prend.
Si cela génère commentaires et diatribes, c'est tout bon, il peut aller s'occuper d'autre chose, de bien plus politique.
Si cela ne prend pas, ou pas suffisamment, il réinvente autre chose.
Au final, c'est toujours lui qui décide des sujets de l'actualité, qui occupe la une directement ou indirectement et qui nous enfume…
Nous devrions nous en tenir à ne parler que de vrais sujets politiques mais ça n'est pas facile ! :-)))
nea,
RépondreSupprimerSarkozy a compris comment nous énerver avec n'importe quoi. C'est le MacGyver de l'énervement : tu lui donnes une boîte de sardines et un briquet, il trouvera comment t'énerver...
poireau,
Je suis constamment surpris (malgré tout) comment un chef d'Etat peut avoir la parole aussi légère, aussi déconnectée de la réalité et de ses vraies intentions. Voilà, je suis un grand naïf.
Je ne vois pas d'autre solution que d'attaquer la personnalité politique de Sarkozy : si on s'offusque à chacune de ses propositions, on tombe dans le panneau comme tu dis; si on l'ignore, il revient avec qqch de pire. Il faudrait arriver à concrétiser cette idée qu'il est fou, ment comme un arracheur de dents, manipule tout le monde en commençant par les médias, et ainsi de suite. Mais peut-être que je suis naïf encore une fois.
c'est exact, c'est un sujet de second choix qui ne fait l'actualité mais qu'il faut regarder de pres. je suis agnostique et les barbus de tout poil me font sortir de mes gongs.
RépondreSupprimerpeuples,
RépondreSupprimerOui, je trouve tout cela parfaitement inadmissible et irresponsible, et en plus ça me fait peur (choc des civilisations etc.). Mais en même temps, je sens que Sarkozy est en train de manipuler notre capacité à nous offusquer.
Attention quand même aux contre-sens toujours possibles: la personnalité de NS, son sens tactique, soit. Mais c'est une dynamique complexe qui a porté cette équipe au pouvoir, et qui va l'y maintenir avec de très gros moyens.
RépondreSupprimerLa voix de la France n'est pas rien sur la scène internationale. Les symboles forts délivrés au monde lors des discours "confessionnels" ne le sont pas au nom de l'individu NS, ni même du chef de l'exécutif. Ils le sont au nom du pays.
Je ne suis pas sûr que ce soit la laïcité, ce truc bizarre franco-français, qui est en cause: ça ressemble plus à l'adhésion tardive à un Yalta qui nous dépasse.
edgar,
RépondreSupprimerJe suis d'accord. Et c'est ce qu'il y a de plus triste, et de plus tragique dans cette histoire: Sarkozy ne prend pas ses responsabilités, notamment parce qu'il sait que les téléspectateurs ignorent la gravité de ce qu'il fait. Tout se joue sur le plan personnel, le plan le plus léger, tandis que les enjeux sont effectivement très lourds.
C'est triste parce que les notions mêmes de la gravité et de la responsabilité semblent être en train de disparaître de l'espace public.
En tout cas, je ne voulais pas dire que ce thème des "racines chrétiennes" était sans conséquences, mais seulement qu'il fait partie aussi de cette stratégie qui consiste à canaliser les réactions de la gauche.
C'est précisément là où je veux en venir: ce n'est probablement pas un thème.
RépondreSupprimerDes thèmes, des "sujets" comme on dit au JT, il s'en trouvera sans problème à l'intérieur. Ça, ce n'est pas de la provoc intérieure pour "nous énerver", c'est de la prise de position inouïe à l'extérieur.
Je dirais presque que ses dénégations postérieures ("pas de remise en cause, etc.") sont même des tentatives réelles de calmer, d'anesthésier les réactions cutanées violentes du personnel.
C'est un TINA appliqué au marché des consciences :
"La culture laïque républicaine n'est qu’une famille de pensée parmi d’autres, insuffisante en tant que telle à structurer l’espace commun sans l'apport de la religion. Les non-croyants qui instrumentalisent la laïcité sont objectivement plus proches des intégristes que les croyants. Nier contre toute raison objective que les identités nationales sont structurées par les croyances (ici les origines chrétiennes) est improductif."
Mon soupçon, c'est qu'on a moins affaire à une manoeuvre illisible sur un thème "spiritualité" qu'à des annonces de restructuration au niveau du Groupe.
A vrai dire, je n'arrive pas à cerner la finalité extérieure de ces déclarations. J'avais l'impression que Sarkozy se servait de ces invitations à l'étranger pour prononcer des discours à usage interne, profitant de l'aura de respectabilité conféré par la situation pour dire des choses qui auraient un tout autre impact s'il les prononçait en France.
RépondreSupprimerQuant à la "restructuration du Groupe", oui, à mon avis c'est bien cela. Pour Sarkozy, la religion (chrétienne) est qqch qui permet d'identifier les membres de sa caste et éventuellement les membres "méritants" de la société.
[Mode cynique ON]
RépondreSupprimerUne finalité extérieure de ces déclarations, c'est quelque chose comme l'attribution de licences UMTS (Universal Market for Theology and Spirituality) sur le marché globalisé des cultes.
Sur la zone France, l'absence de garanties données par les pouvoirs publics en matière de mécanismes concurrentiels rend depuis 1905 les opportunités de business finalement assez maigres, sorti de la rente perçue par un ancien opérateur historique en perte de vitesse.
Les déclarations récentes permettraient aux opérateurs de s'attendre à une facilitation de l'accès à la sphère publique, et plus seulement à l'espace associatif ou privatif. Cette modernisation de la culture de l'entreprise pourrait être le signal de l'ouverture d'enchères massives.
Sans jamais toucher à la laïcité, bien entendu.