31 août 2008

Vite, des blogs

Soudain, Juan (marquis de Sarkofrance) m'avertit qu'il est aujourd'hui Blog Day. CC en a déjà profité pour parler des left_blogs. Moi, ces temps-ci, je n'ai tout simplement pas le temps de bloguer. Ce ne sont pas les sujets qui manquent, pourtant, ni les choses à dire. Dans une semaine ou deux je devrais être à nouveau placé pour reprendre mon rythme habituel. Pour l'instant, je décupabilise.

Mais bon, c'est Blog Day (une chaîne destinée à faire exploser le Pagerank du site blogday.org), alors je fais un billet quand même. Il faut citer cinq blogs à découvrir. Allez, voici mes cinq:

Voilà, faut que je file. A bientôt.

16 août 2008

"On était tellement 2.0..."

Une page se tourne dans la blogosphère.

Plus que les états d'âme de Laure Manaudou, le feuilleton de l'été ici dans la blogosphère a surtout concerné une sorte d'attaque contre nous autres "blogueurs de gauche", regroupés depuis quelques mois sous le nom de Left_blogs.

Nous avons vu, depuis un an, la montée progressive des blogs de gauche dans le classement Wikio des blogs politiques, y compris (et c'est important de le signaler) les blogs ne faisant pas partie des Left_blogs, comme Lait d'beu (37e) ou Didier B. (35e). Le succès des Vigilants, que je constate à chaque fois que je regarde l'origine des visites ici, témoigne aussi d'une indéniable vague gauchiste sur l'internet. Ensuite il y a eu la création, par Dagrouik à partir de son blogroll tout simplement, d'un journal "Left_blogs" sur Cozop qui a, surtout, donné un nom public à un nébuleux de blogueurs qui se connaissaient déjà. Dernier développement (heureux) : le site des Left_blogs commence à prendre forme. C'est ici left_blogs.info. Ça donne un peu plus de visibilité encore à ce qui n'est, à la base, qu'un vague rassemblement de socialistes et de sympathisants. Jusque là tout va bien.

Le 22 juillet, la plupart des Left_blogs publient un billet commun : "Jack Lang n'est plus socialiste". S'ensuivit du buzz, y compris dans la presse. Le vase a débordé, quelques célébrités de la blogosphère politique française (de droite ou de centre-droite) ont décidé de sortir l'artillerie lourde pour lancer des insultes et des accusations de toutes sortes contre nous autres gauchistes, la plupart du temps sur le thème du "ils trichent en se faisant des liens pour monter dans les classements", ajoutant en général, "tandis que nous, on s'en fout des classements". Ouaip.

(A ce jour, je n'ai rien vu qui puisse m'éclairer sur la distinction entre "monter dans le Wikio grâce à des liens entre copains", et "tricher pour monter dans le Wikio grâce à des liens entre copains".)

D'ailleurs on voit mal le lien entre Jack Lang et le classement des blogs politiques, mais la coïncidence entre quelques heures de célébrité pour les Left_blogs et le début des affrontement bloguësques est significative. L'élite des blogs, sans doute encore sous le choc du départ du meilleur d'entre eux, versac, n'a pas supporté. (Lire l'analyse et les conseils très sages d'Eric Mainville.) Et depuis, on se chamaille gentiment.

Tout cela n'a que très peu d'importance, ou même aucune. Et si j'en parle, ce n'est pas pour prendre la défense de mon équipe, qui n'a pas du tout besoin d'être défendue, mais parce que, à force d'avancer des arguments divers, on en arrive à une sorte de remise en cause de l'activité blogique elle-même, du moins dans son application politique.

Si tout d'un coup l'existence même des Left_blogs est devenue un sujet de polémique, c'est que leur présence constitue une modification du terrain de "jeu" qu'est la blogosphère politique. Sans lui donner trop d'importance, le départ de Versac symbolise bien ce qui est en train de se passer. Il était le plus visible de cette prémière génération de zinfluents qui ont été les premiers à se rendre compte du potentiel de ce format, et à en profiter. S'il y a une caractéristique qui permet de réunir ces blogs-là, c'est leur dimension autoréférentielle. "Bloguer" était un truc "technique", et par là digne de beaucoup de réflexion : effet des blogs sur la politique, nouvelles dynamiques citoyennes, nouveau ci, nouveau ça. Chez versac c'était presque systématique, mais les grandes figures de la blogoisie passaient beaucoup de temps à se demander ce qu'était un blog.

Versac a blogué pendant cinq ans, paraît-il. Dans la vie de l'internet, c'est une éternité. Deux éternités peut-être. Pendant ces cinq ans, bloguer a cessé d'être une technique technico-sociale de pointe pour devenir une activité presque banale. N'importe quel collégien a son Skyblog.

Ne pourrait-on pas dire qu'un média atteint une certaine forme de maturité dès lors qu'il sert à parler d'autre chose que lui-même? Les Left_blogs, comme bien d'autres blogs, sont de cette génération là : le blog est alors simplement une façon d'avoir une activité politique. Si cela pouvait exister ailleurs que sur l'internet, ou autrement qu'avec des supers machins Web 2.0, ces blogueurs là n'hésiteraient pas à changer d'outils.

Du coup, je commence à me dire que la boucle de rétroaction (feedback loop) entre l'incroyable chose nouvelle qu'était le blog et l'image du gourou du Web qui maîtrisait l'outil, boucle dans laquelle le fait de vanter le média revenait à gonfler sa propre image, permettant de mieux encore vanter le média, et ainsi de suite, cette boucle-là a enfin arrêté de fonctionner. La "blogoisie" était constituée de ces seigneurs du Blog. Abadinte disait l'autre jour que certains d'entre eux étaient devenus "inaudible". Il a raison. Leur réaction aujourd'hui est, me semble-t-il, en toute modestie, le signe du refus de passer à un nouveau paradigme, celui, bien plus simple pourtant, du blog qui sert à parler de, par exemple, politique.

8 août 2008

La grimace

En écrivant mon dernier billet, je savais que je m'aventurais dans un territoire problématique pour la gauche. A vrai dire, c'était le but, tout en me donnant le loisir de rajouter une couche ou deux sur l'incompétence économique du Très Grand Homme (TGH), sa tendance à préférer l'idéologie à l'efficacité réelle.

Ma note a suscitée des réactions intéressantes. J'avais proposé la formule suivante :

Toute proposition de solution politique, économique ou sociale qui, pour réussir, doit être appliquée au niveau européen, voire mondial, risque de n'être qu'une opération de communication.

Et Fer Railleur a répondu :

Soit mais comme aucune solution économique ou sociale ne peut réussir si elle n'est pas appliquée au moins au niveau européen sinon mondial (vu la mise en concurrence généralisée réalisée par l'ultra-libéralisme et la mondialisation), le serpent se mord la queue !

Et on se retrouve à papoter avec notre bonne vieille Tina.

Embêtant, non ?

Oui, c'est embêtant. C'est pourtant le risque quand on cherche à imaginer ce que pourrait être une politique de gauche... comment dire... sinon "moderne", du moins différente de celles qui jusqu'à présent n'ont pas réussi à séduire l'électorat, et qui semblent enfermées dans l'alternative entre une "gauche archaïque" et une droitisation molle. (Notez bien les guillemets ultra-puissants autour de "gauche archaïque". J'assume totalement en revanche pour droitisation molle.) Tout ça part du souci de penser une gauche efficace, d'abord électoralement, ensuite pour améliorer les choses. Il est donc plus important d'imaginer des solutions plutôt que de valider des grandes théories ou pester contre l'état pitoyable du monde actuel. Pour tout dire, ça part d'un souci de simple opposition : pour contrer Sarkozy en 2012, il ne faut pas compter sur la liste des bourdes et des imbécilités du Président pour l'emporter. Il va falloir être efficace. Les blogs servent à avancer des idées et des arguments de façon chaotique, provisoire, expérimentale. Depuis que je m'essaye à la "proposition", je me rends compte de comment c'est difficile. En même temps, c'est amusant de se lancer dans une direction sans savoir où on va atterrir.

Dans un autre commentaire, jmfayard sort la grosse artillerie en voyant dans mes derniers billets une dérive carrément jospiniste.

J'ai un peu l'impression d'avoir avalé surtout des cuillérées de soupe à la grimace pendant la lecture de tes derniers billets. Attention à ne pas virer jospinien, c'est à dire à ne pas aligner les raisonnements rationnels impeccables concluant que surtout il ne faudrait faire ni cette erreur ci, ni celle-là, ni telle autre, ni ... avant de se trouver bien embêté au moment de savoir ce qu'on pourrait faire au juste. J'ai bien conscience que c'est un travail de Sysiphe de sans cesse tenter de réveiller l'espoir tout en se gardant de faire naître des illusions sans demain, mais, allez, un petit effort la prochaine foi :-)

Voilà du commentaire qui décape! D'autant plus décapant qu'il voit juste. Ou presque. Pour me défendre, je dirais tout d'abord que mes derniers billets qui sont, effectivement, assez pessimistes vis-à-vis de certains espoirs de la gauche, n'ont pas vocation de formuler une politique générale, comme on pourrait en demander à quelqu'un comme Jospin, mais à tatonner tout en gardant un esprit critique. Donc si je dis qu'il ne faudrait pas faire ci, ni ça, ni telle autre erreur, c'est quand même sans désespérer d'en arriver au moins à quelques critères qui pourraient servir à évaluer les différentes politiques que l'on finira bien par nous proposer. Le privilège du blogueur par rapport à l'homme politique : le blogueur peut chercher, se planter, évoluer, sans en porter la responsabilité, sans avoir à représenter telle ou telle ligne. Enfin, j'ai aussi cet espoir que l'esprit critique de la gauche envers ses propres idées pourrait susciter l'invention de solutions plus originales, plus imaginivatives. En cela, j'espère aller un peu dans le sens contraire du jospinisme.

Voilà pour la forme. Pour le fond, dans la mesure où il existe, je dirais que pour l'instant l'idée de base dans ces derniers billets est plutôt que l'on a tendance à se tromper un peu sur le cadre de l'action gouvernmentale/étatique. J'entrevois, comme réponse à cette question, la thématique que j'avais dévéloppée dans l'une des gauchitudes qui s'appelait Boucle locale (mais aussi dans Fragmentons) : l'action de l'État devra soutenir justement la fragmentation du pouvoir économique et politique. A la différence des "libéraux" (que Dagrouik vient de dégommer comme il faut ici), je crois qu'un état fort est nécessaire pour maintenir l'égalité des chances, pour protéger la liberté d'action des individus, y compris leur liberté économique, qui sera ce qui nous sauvera du choix qu'on nous présente entre crever et devenir la Chine.

Et pour revenir au jospinisme, je commence à avoir le soupçon que sa faiblesse était justement cette timidité. "L'état ne peut pas tout". On garde une vision assez traditionnelle de l'action étatique de gauche, mais on le restreint pour ne pas interférer avec le marché, réduisant petit à petit les possibilités, et, effet collatéral, affaiblissant la notion même de ce qu'est la gauche. Je suis peut-être un peu sévère, peut-être que quelqu'un viendra m'expliquer en quoi j'ai tort. Mais si on veut réinventer la gauche, je pense qu'il faudrait pouvoir sortir du paradigme d'un éternel réglage entre le marché et l'État.

Le problème, c'est que pour arriver à dire tout ça, autrement que sur le mode du "voilà ce que je veux", il me semble nécessaire d'avancer par petits pas.

3 août 2008

La faute à Trichet ?

Enfin l'exemple promis depuis trois jours et deux billets, je promets un exemple, ou un contrexemple plutôt, d'une sorte de réalisme de gauche. Le voici.

Depuis deux ou trois ans, au moins, la Banque Centrale Européenne a bon dos. C'est la faute à Trichet si tout va mal, c'est un banquier, un ultra-libéral, pire encore c'est un Français, ce qui fait qu'on ne peut même pas dire que c'est la faute aux allemands et leur peur ancestrale de devoir régler leurs dettes avec des brouettes pleines de billets. C'est même l'un des points qui rassemblent, de gauche à droite, nos responsables politiques. Car si à gauche il semble normal de taper sur une logique capitaliste et anti-sociale, il se trouve que le membre le plus volubile du club des anti-Trichet, ce n'est pas Laurent Fabius ou Ségolène Royal, mais bien notre Très Grand Homme (TGH) lui-même, qui est toujours ravi de trouver plus grand que lui dès lors qu'il lui faut un responsable pour ses propres échecs. Quand il n'était que ministre de l'Intérieur, il y avait Chirac et Villepin. Maintenant qu'il a les pleins pouvoirs, il a besoin d'importer des grandes forces pour faire son Poulidor.

Loin d'être un expert en finance internationale, je me disais, pendant tout ce temps, que ce n'étaient que des manoeuvres, puisque la possibilité réelle d'avoir une influence réelle sur la conduite du BCE, même pour un Très Grand Chef d'Etat, était à peu près nulle. Ce qui s'est avéré, puisque Nicolas Sarkozy a beau pleurer en se frappant la poitrine, la BCE n'a toujours pas baissé ses taux.

Or, il se trouve aujourd'hui qu'il est beaucoup plus difficile de dire que la BCE avait tort. L'inflation est là malgré tout. Et même si la peur de l'inflation est effectivement un truc des riches, de ceux qui ont déjà de l'argent, et moins un truc de ceux qui voudraient enfin en avoir, il faut constater que, oui, les "pressions inflationnistes" que la BCE n'a eu de cesse de signaler depuis si longtemps n'étaient pas simplement une expression de la misanthropie de Trichet, mais avaient une certaine réalité après tout.

Le 8 juillet, Sarkozy s'est trouvé seul contre tous. La revue belge Trends commente :

Nicolas Sarkozy entame son semestre à la présidence de l'Union européenne de la plus mauvaise manière, en se dressant contre la politique menée par la Banque centrale européenne. Même les plus sceptiques de ses partenaires européens se sont rangés derrière Jean-Claude Trichet.

Et il y a quelque chose de pitoyable, lorsque Sarkozy doit rappeler qu'il est, tout de même, Président de la R., pour protester contre la hausse des taux:

Mais quand même, sans remettre à bas tout ce à quoi je crois, je suis légitime, en tant que président de la République française, de me demander s'il est raisonnable de porter les taux européens à 4,25%, alors que les Américains ont des taux à 2%. (...) Doit-on subir en plus un dumping monétaire qui met à genoux les entreprises européennes qui veulent continuer à exporter? Cette question doit être posée de manière respectueuse et démocratique."

Sarkozy se bat contre le "dumping monétaire" ? Au risque de relancer l'inflation... En tant que défenseur du grand capital, on dirait qu'il n'est pas allé jusqu'au bout de sa réflexion. (Ce ne serait pas la première fois.) Car même si un taux plus bas et un euro un plus moins fort seraient profitable pour le business, et pour les copains du TGH, c'est encore voir à court terme que de penser qu'il suffirait de relancer la machine pour tout baigne à nouveau. L'erreur de Sarkozy était de ne pas prévoir les effets désastreux de la guerre en Irak (le TGH n'était pas tout à fait pour, mais il était contre le fait que Villepin soit contre...) sur l'économie mondiale via le prix du pétrole. En juillet, le reste du monde, le reste de l'Europe semble avoir pris la mesure de la situation, tandis que Sarkozy s'est retrouvé seul à s'entêter contre tout et contre tous. Contre, je dirais, la réalité économique.

D'après ce que j'ai compris, le problème actuel, c'est que les taux sont déjà assez hauts, l'économie s'approche de la récession et, fait plus ou moins inédit, l'inflation monte, à cause notamment du marché du pétrole. La marge de manoeuvre est donc beaucoup plus étroite que prévue. Si on avait suivi les conseils de Nicolas Sarkozy (ou de Ségolène Royal ou de Laurent Fabius ou de Benoît Hamon), cette marge n'existerait pas, ou encore on serait devant la possibilité d'une hausse de taux beaucoup plus importante, avec tous les risques de récession que cela comporterait. Véritable de "choc de méfiance" sans commune mesure avec ce que nous avons vécu depuis l'été dernier.

Logiquement, il faudrait remercier Trichet de n'avoir pas écouté le TGH, même si ce dernier est en effet "Président de République française", comme il a cru bon de nous le rappeler. Ce faisant, Trichet n'a pas non plus écouté les autres. Ainsi, la situation et les perspectives sont moins mauvaises, même si elles sont loins d'être bonnes.

Les lecteurs qui auront perservéré jusqu'ici pourront demander où je veux vraiment en venir. Je récapitule.

  1. Sarkozy continue à faire et dire des bêtises dans le domaine économique, là où il était censé être si fort.
  2. Les habituelles tentatives, à droite comme à gauche, de rendre l'Europe responsable des maux de l'économie française étaient à côté de la plaque.
  3. L'économie mondiale est plus grande que les petits bras de Nicolas Sarkozy, et même plus grande que ceux de la France ou de l'Europe. Il ne faut pas surestimer le pouvoir des léviers économiques dont les Etats bénéficient.

Et j'aboutis à une ébauche de maxime. (Non, oRélie, je n'ai pas dit "débauche de Maxime"... notez au passage le nouveau URL tout beau de Victoire au poing.)

Bref, ma maxime en ébauche :

Toute proposition de solution politique, économique ou sociale qui, pour réussir, doit être appliquée au niveau européen, voire mondial, risque de n'être qu'une opération de communication.

Enfin, ce n'est pas vraiment une maxime. Pas très belle, en tout cas. Tant pis.

Botter ou ne pas botter en touche

Depuis quelques temps, et à travers une bonne dizaine de billets différents, à partir des Gauchitudes à peu près, j'essaie de développer cette idée qu'il est dangereux, inutile, néfaste, ou tout ce que vous voulez, pour la gauche socialo-traître de s'enfermer dans une quête de solutions impossibles mais qui compensent nos frustrations avec un monde qui visiblement n'était pas dessiné par Marx, Jaurès ou le Ché. Avant hier j'ai pris le risque de dire que l'Europe sociale ne se fera pas et que l'évoquer revenait à botter en touche. Pourtant, je ne voudrais pas passer pour plus socialo-traître que je ne suis. Car j'ai horreur de cette ligne d'une "gauche presque à droite", dont Manuel Valls est la meilleure caricature, mais qui s'infiltre chez bon nombre de nos "responsables" PS, comme lorsque Bertrand Delanoë se déclare "libéral", ou comme tous ces gestes destinés à débarasser la gauche de ce fameux "sur-moi marxiste" qui existe beaucoup moins qu'on ne le prétend, surtout aujourd'hui, quand on voit que tous les candidats sérieux à une prise du PS par la force sont plutôt du côté soc-dem. Je me trouve ainsi dans une sorte de "ni-ni" : refus de la compromission avec le discours dominant, refus des fausses solutions (genre Europe sociale) qui plaisent dans la "culture de gauche" et qui peuvent permettre de marquer des points à l'occasion des luttes internes, mais qui deviennent ensuite autant d'obstacles, obstacles à la conquète d'un électorat qui dépasse cette même "culture de gauche", et obstacles à l'action si jamais la gauche devait se retrouver au volant.

L'efficacité politique et sociale doit être, me semble-t-il, l'une des valeurs phares de l'action politique de gauche. Et la première chose à faire, si on veut être efficace, c'est de partir d'une analyse lucide de la situation actuelle et des possibilités d'action. Non que je dispose d'une telle analyse : je me permets d'aboyer vainement sur les touches pour empêcher qu'on y botte (pour ainsi dire). C'est l'intérêt de bloguer : on raconte ce qu'on veut sans avoir à prétendre posséder toutes les clés.

J'allais enfin sortir mon magnifique exemple où je tape sur tout le monde (promesse faite lors de mon billet précédent), mais je crois que je vais devoir moi aussi botter en touche jusqu'au billet suivant.

1 août 2008

Nouvelle Gauche, quatrième et dernière partie : les mondes imaginaires

Ce billet ne concerne pas seulement la contribution Urgence Sociale de la Nouvelle Gauche, mais je vais partir des deux autres propositions que j'avais retenues l'autre jour pour essayer de penser un peu plus loin l'attitude qu'une nouvelle politique de gauche pourrait avoir avec la mondialisation, la finance, l'Europe et ces autres grandes entités qui nous menacent jusque dans notre libre arbitre. Encore une fois, je ne veux pas "taper" sur la contribution, mais simplement réfléchir aux légèrs désaccords que j'ai avec elle. Vous allez voir, après je vais taper sur absolument tout le monde.

Voici donc les deux autres propositions-questions?

2. Etes-vous favorable à la négociation d'un véritable Traité de l'Europe sociale comprenant des critères de convergence sociaux aussi précis et contraignants que l'étaient les critères financiers du Traité de Maastricht ? Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir pour réfléchir au meilleur moyen de négocier très vite un vrai Traité social ?

3. Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir très vite pour réfléchir au meilleur moyen de donner à l'Europe des ressources propres en créant un impôt européen sur les bénéfices, une éco-taxe et/ou une Taxe Tobin ?

Quoi, contre l'Europe sociale? Contre la taxe Tobin?

Oui et non.

L'Europe sociale serait une bonne chose, mais, comme le "nouveau Bretton-Woods" et comme une "taxe Tobin", ce sont des batailles perdues d'avance. Il n'est pas impossible que cela vaille la peine de mener ces combats, car il n'est pas impossible que cette lutte modifie un peu les discours sociaux et économiques dominants en Europe. Peut-être que le socialisme européen pourrait avoir un peu moins honte d'être socialiste. Qui sait.

La démarche n'est pas pour autant évidente, puisque, d'abord, une bonne partie des pays européens est carrément hostile à tout progrès "social" européen. Ajoutez à ces réticences le fait que les déséquilibres économiques entre les pays rendent la notion même des seuils ou des minima parfaitement inextricable. Ensuite, pour ce qui concerne la guerre des idées et des esprits, les arguments des socialistes français envers les camarades européens seront sapés par le fait que la situation sociale en France est loin d'être assez exemplaire pour l'exporter à l'ensemble du continent.

C'est un peu dur à dire, mais, ici et maintenant, "l'Europe sociale" reste une façon de botter en touche. Même si elle était possible, elle ne pourrait se réaliser que dans vingt ou trente ans. L'injustice sociale a des belles années devant elle. A la rigueur, il semble plus réaliste de se poser d'abord la question, un peu à la Ségolène Royal, de ce qui pourrait être importé en France, genre "modèle danois ou suédois". Mais ce n'est pas là ce que je veux dire aujourd'hui. Enfin, si : le réalisme.

L'autre proposition, le numéro 3 ci-dessus, est en revanche plus intéressant, hormis la "taxe Tobin" qui reste, pour moi, une autre bataille perdue d'avance, pour les mêmes raisons que les "nouveaux Bretton-Woods" et les autres tentatives de refaire le monde, et vraiment la Terre entière, selon les idées de quelques pays. C'est trop tard : des industries entières financières ultra-puissantes existent et sont bâtis sur les subtilités des règles de la finance. Et il faut dire que la contrib ne développe pas beaucoup cette piste, pour se concentrer sur celle, plus plus prometteuse, d'un impôt européen sur les bénéfices. Voilà un domaine où l'intégration européenne pourrait servir à quelque chose, voilà un problème qui nécessite une réponse supra-nationale, voilà une solution qui n'est pas trop ambitieuse.

Si je fais l'éloge du réalisme politique et économique, ce n'est pas pour freiner la politique ou pour être pessimiste ou résigné à subir la seule loi du marché, mais pour éviter les fausses solutions qui, comme l'Europe sociale, bloquent la réflexion, empêchent d'avancer. Il va falloir faire avec certaines réalités qui échappent au contrôle d'un seul État ou même de l'Europe. En faire le préalable à toute action, c'est se condamner à l'inaction.

(Il faut chaud, je vais taper sur tout le monde la prochaine fois plutôt.)