29 juin 2009

Dette et dette, ou : l'exception UMP

J'aimerais bien être en train de parler de l'affaire Karachi, mais pour l'instant, avant d'en arriver à mon sujet, la Dette et l'Emprunt, je tiens quand même à signaler un nouveau blog consacré exclusivement à Karachigate, ainsi que du bon boulot fait par rimbus.

En attendant, je reviens à la Dette. Je veux dire : à l'Emprunt. Les dernières déclarations des uns et des autres côté UMP ne font que renforcer une impression d'improvisation, de flou et de vide.

Pour Patrick Devedjian, par exemple :

"Le fond du problème est d'abord de savoir ce qu'on veut faire", a-t-il dit.

C'est un problème, en effet. Peuples écrit :

Imaginez-vous aller voir votre banquier en lui disant: je souhaite emprunter, je ne sais pas encore combien, et je ne sais pas encore pour quel type d'investissement....vous connaissez déjà sa réponse...oui vous avez affaire aux mêmes banquiers que moi.

Le programme reste à définir :

Parmi ces "priorités", de nombreuses pistes ont été évoquées par le gouvernement : croissance verte, relance de la filière bois, biotechnologies, développement des universités de demain, rénovation des prisons, ferroutage, financement du 'Grand Paris', voitures propres, financement de nouvelles lignes TGV.... les pistes ne manquent pas !

Même si Devedjian trouve que 100 milliards d'euros, c'est un peu trop, tout le monde aura compris qu'il s'agit d'un gros truc. Après la "pédagogie" sur les mauvais déficits (quand ce sont les socialistes) et les bons (quand c'est la droite), c'est le mot "exceptionnel" qui revient sans cesse.

Luc Chatel :

"Ce seront des investissements exceptionnels qui justifient un recours à l'emprunt exceptionnel", a-t-il rappelé.

François Fillon (Premier ministre) :

Au contraire, « l’effort exceptionnel d’investissement dans des secteurs d’avenir » que doit permettre cet emprunt s’accompagnera d’une politique « sans précédent de réduction de la dépense » publique, a averti François Fillon.

Vous avez compris : ce n'est pas une Dette, c'est un Emprunt. Et même si cela coûte plus cher, par sa forme "exceptionnelle" (appel aux matelas du bon peuple), il y aura désormais deux chiffres qu'il sera interdit de confondre, au risque de perdre sa carte UMP : la dette - très grave, trou de la Sécu -, et l'emprunt, symbole de notre espoir national et de la clairevoyance de notre Très Grand Homme (TGH), qui ne pourrait pas passer son mandat sans faire un Très Grand Emprunt.

Pour être juste, j'ai toujours été favorable aux plans de relance, y compris avec endettement. Mais ici nous avons un plan plus coûteux que les emprunts bancaires quotidiens que l'État effectue. Et le surcoût, qui pourrait être très important, comme c'était le cas sur les Grands Emprunts précédents, sera à mettre dans la colonne "Frais de communication" du budget de l'Élysée. Quand les besoins de communication sont exceptionnels, il faut des mesures exceptionnels je suppose.

Derrière tout cela, l'on devine des considérations diverses. L'une des fixations de la droite sarkozyste, et du TGH lui-même, concerne l'épargne des français. Les français sont trouillards, ils épargnent trop, alors que Nous, Nous, si Nous avions accès à leur fric, que de choses glorieuses nous pourrions en faire. On sait que Nicolas Sarkozy aurait voulu instituer des "subprimes à la française", avant que ça se démode un peu. Si les français ne veulent pas investir, eh bien, on le fera pour eux. Voilà le business. Je vous laisse avec ces paroles de Patrick Devedjian.

"La France a la chance d'avoir une épargne privée très importante. Les États-Unis et l'Angleterre sont beaucoup plus endettés que la France mais en plus, les ménages sont également endettés", a-t-il fait remarquer. "Si on veut relancer la croissance, il faut essayer de diriger cette épargne vers l'investissement qui produit la croissance" alors qu'"aujourd'hui, les Français mettent plutot leur épargne vers l'assurance vie", a-t-il ajouté. "Créer un grand emprunt national qui canalisera cette épargne vers l'investissement, c'est une bonne chose", a-t-il insisté.

25 juin 2009

La dette, c'est tout bénef' !

Hier je parlais de l'idéologie droitiste de la dette, pour dire que la nouvelle droite des managers n'avait plus les mêmes valeurs que la droite bourgeoise, et qu'elle était prête à se vautrer dans la dette pour préserver la dynamique qui est fondamentale pour la survie du manager bling-bling.

Là où je voulais en venir, c'était évidemment la question de ce grand Emprunt National que l'on nous a sorti de derrière les fagots balladuriens. Laurent Mauduit a dressé immédiatement un réquisitoire très sévère sur les précédents Grands Emprunts, qui ont été en général peu efficaces et toujours très coûteux. Financièrement, il paraît qu'il n'y a aucun avantage à faire appel au public, aux veuves, orphelins, épargnants, bons pères de familles. Il coûte toujours cher des les attirer, plus cher que de pousser la porte d'une bonne banque, habituée, elle, à prêter au prix, tout simplement, du marché. Quand l'État emprunte de l'argent aux pauvres gens, c'est sponsorisé, subventionné. C'est une manière de mettre une fois de plus l'État au service du capitalisme, éternelle réflexe sarkozyste, mais je ne pense pas que ce soit la motivation principale.

L'intérêt donc de cette mesure est donc politique, ou même psychologique. Même les Échos sont d'accord. Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital France, écrit donc :

En pratique, un emprunt « spécial » coûte un peu plus cher qu'un emprunt standard, qu'il s'adresse aux particuliers ou aux institutionnels

Sa raison d'être est donc sa fonction d'annonce :

Sans attendre des réformes d'aussi vaste ampleur, l'emprunt pour financer les réformes aurait le mérite d'annoncer des priorités claires, d'en estimer les coûts et bénéfices attendus (rompant ainsi avec une tradition de non-transparence qui s'est emblématiquement incarnée dans la réforme des régimes spéciaux des retraites), et d'ancrer les promesses de réforme.

Mots cléfs : "annoncer", "ancrer", "promesses". Une nouvelle opération de com' est lancée. Les "bons pères de famille", pour qui un sous est un sous, lâchés par cette nouvelle droite, vont s'y retrouver, car ce qui sera coûteux pour l'État sera juteux pour leur épargne.

Juan a raison :

Mais un emprunt national et "populaire" est surtout un coup politique. La réussite probable de sa souscription, si succès il y a, vaudra blanc-seing à sa politique dans sa communication gouvernementale.

C'est littéralement une manière d'acheter la bonne volonté des contribuables-épargnants-investisseurs.

Autre "bénéfice" : psychologiquement, cette nouvelle dette, pourtant plus chère pour les coffres vides, sera donc à distinguer de la dette ordinaire. Déjà ce grand effort de "pédagogie" est lancé, puisqu'on nous explique la différence entre bons et mauvais déficits.

Brouillage, écrans de fumée : tous les leviers habituels du sarkozyzme sont présents. Ce qui pourrait nous surprendre, c'est de voir avec quelle facilité, avec quelle allégresse le Très Grand Homme (TGH) est prêt à nous faire payer pour étayer sa rhétorique. Mais même ça ne nous surprend plus vraiment.

24 juin 2009

Flux tendu

La droite a toujours eu un rapport émotionnel avec la dette. Des conservateurs, avec leur image de "bon père de famille", on était habitués à cette grande méfiance vis-à-vis de la dette. Le célèbre "les caisses sont vides" du malheureux François Fillon est dans la droite lignée de cette vieille logique. Les gauchistes sont irresponsables, ils dépensent les sous de nos petits enfants pour le donner à des fonctionnaires paresseux. Sur toute proposition sociale pesait le menace de la dette, ou encore le fameux "trou de la sécu" dans lequel on allait tomber un jour ou l'autre.

Ça, c'était la droite traditionnelle. Elle existe d'ailleurs encore. Je citais Fillon tout à l'heure, par exemple. C'est une droite rassurante, utile pour les inquiétudes des nantis qui, avant toute autre chose, ne veulent pas voir leur capital partir en fumée, dans les narines des mêmes fonctionnaires (toujours eux), ou même celles, encore plus gourmandes en fumée, des RMIstes.

À côté de cette bonne vieille droite, existe donc, avec Sarkozy, une droite des managers. On disait longtemps droite bling bling à propos de Sarkozy. C'est un peu la même chose : le bourgeois convservateur n'avait pas besoin de Rolex, ou s'il en avait une il la portait correctement sans ostentation, car sa richesse était de famille, ancienne, acquise, évidente. La richesse du manager, en revanche, doit être visible car elle est neuve. Le manager doit marquer le coup, comme tout bon nouveau riche. Surtout, sa richesse n'est pas structurée comme celle du bourgeois. Le manager vit dans le flux, peut-être même dans la dette, dette qui lui est permise parce qu'il ne fait aucun doute qu'il est déjà trop puissant (chef de rayon chez Carrefour, directeur d'agence chez BNP-Paribas, etc. etc.) pour être pauvre. La pèse du mois prochain sera inévitablement supérieure à celle de ce mois-ci. Pas de souci.

Bien sûr, ces deux droites se croisent et s'entrecroisent, s'aiment et se détestent. Elles partagent la conviction que le but de la politique est de supprimer les systèmes de partage, tant ils sont convaincus d'être en permanence les perdants dans les partages. Au-delà de ce socle idéologique, cependant, leurs analyses sont divergentes.

Le manager ne peut pas faire le dos rond. Il vit en flux tendu, au mois le mois. S'arrêter, c'est rendre la Rolex, la 535i. Le bourgeois n'aime pas voir baisser ses rentes, va même serrer la ceinture un peu pour protéger ses intérêts, mais il n'a pas peur. Il sait que lui et les siens se retrouvent toujours. Le manager a la trouille et applique les principes qui lui ont réussi jusque-là : foncer avec aplomb.

Dagrouik nous fait un topo sur les politiques d'endettement que la droite nous prépare. On savait déjà de quelle droite on avait affaire.

14 juin 2009

Rénovons pour n'innover en rien

C'est connu : moins on blogue, moins on blogue. Et inversément. Dans mon dernier billet, alors même que j'en écrivais la fin, je sentais déjà qu'il allait falloir y revenir, sur cette question de rénovation. J'écrivais donc :

C'est grave, mais la solution a déjà été trouvée. Il suffit de rénover. En profondeur. Pour de vrai. Les cris à la rénovation n'ont servi jusqu'à présent qu'à étouffer les envies de changement. "La rénovation? On s'en occupe." Rénover pour être sûrs que rien ne bouge, pour contenir les changements. Étouffer avec une commission. Gérer les volontés de changement. Ce sont des bons gestionnaires, après tout.

Il faut distinguer deux choses. D'un côté, la "rénovation" éventuelle du PS ; et de l'autre les appels à la rénovation, la rhétorique de la rénovation. Celle-ci, nous savons qu'elle existe. La première, en revanche, à l'heure où j'écris ces lignes, n'a aucune existence réelle et n'est, au mieux, qu'une hypothèse, un voeu. Je ne dirais même pas une fiction, parce qu'à la différence d'un bon roman, ou même d'un mauvais, nous ne savons même pas à quoi ressemblerait ce fameux PS "rénové".

Quelqu'un m'a dit une fois que le taux de réussite des météorologues serait meilleur si, au lieu de faire des calculs, ils disaient systématiquement que chaque jour il ferait le même temps que la veille. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il me semble que l'on pourrait appliquer le même principe au PS : il y a très fort à parier que, malgré toutes les promesses, déclarations, exhortations, admonestations, recommendations, etc., le nouveau PS sera identique au PS actuel.

Je vous entends déjà soupirer : Quel fataliste ! Il faut positiver au contraire...

C'est ça. Oui.

Non, je persiste : l'atonie actuelle, le marasme et la flacidité idéologiques du PS sont en fait la représentation parfaite du rapport de forces entre les VIP du Parti. Synthèse (anti- et pro- TCE) sur synthèse (fabiusiens et déesse-khaniens unis par leur anti-sorcièrisme). Nous savons que dans les luttes internes, les prises de positions sont des pions que l'on avance. Comment pourrait-il en être autrement pour des idées nouvelles ?

Le pire, c'est qu'au PS on est, semble-t-il, persuadé qu'il n'y a même pas besoin de nouvelles idées. Arnaud Montebourg répondait ainsi l'autre jour à un internaute qui avait commenté sa "Lettre d'un socialiste qui espère" :

Je ne crois pas qu'il faille à chaque fois traiter de toutes les questions afférentes à un programme de gouvernement ou de parti. Le PS regorge d'ailleurs de textes sur ces sujets. Le problème c'est qu'ils sont inaudibles. [Je souligne, o16o.]

Pour le diagnostic : oui, ils sont bien inaudibles, tous ces textes dont le PS regorge. Faute à qui ou à quoi ? Il y en aurait trop, finalement? Le programme du PS est littéralement "trop fort"? Simple problème de com', finalement. Pas la peine de repenser quoi que ce soit ; il suffira de trouver la bonne technique de gouvernance et le reste viendra tout seul, tout cuit?

Le PS dispose donc de toutes ces idées, de ce super-programme, dont personne ne veut. Il y aurait beaucoup à dire sur ce programme : mosaïque de micro-mesures, donc illisibles ? absence de relai chez les PS people ? contradictions soujacentes, conséquences des synthèses et des arrangements historiques ? Mais peut-être le plus grave est le fait de croire que toutes les idées sont déjà dans la boîte. Le Parti à des idées à en revendre, on ne va quand même pas commencer à réfléchir... À partir du moment où le Parti "regorge" d'idées, pourquoi changer, en effet ?

Reste donc le bidouillage : primaires ouverte à la gauche (à condition que le candidat socialiste gagne bien sûr), comité des sages. Reste surtout la rhétorique de la rénovation ("au boulot", "on rénove 24 heures sur 24"). Ce n'est pas couteux, ça n'engage à rien, on peut faire son petit effet.

11 juin 2009

Prendre de la place

Nicolas J. m'a dit qu'il fallait que j'écrive des billets, même si je n'ai plus le temps. Comme il est désormais le 24e blogueur européen, je suis obligé d'obéir. Je fais ce que je peux. Mais il y a aura sans doute moins de liens et de citations que d'habitude. À tous ceux qui me disent que bloguer ne prend pas de temps si on a envie de bloguer, je réponds : oui, mais il faut quand même se tenir au courant de l'actualité pour faire un blog politique. Mille pardons d'avance si je dis des bêtises...

Le PS se prend une veste. Un score largement inférieur à celui de Ségolène Royal au premier tour en 2007, malgré un MouDem en baisse de régime. Sans surprise, tant la configuration (j'allais dire "actuelle"...) du PS est le résultat de la concurrence interne pour la maîtrise de l'appareil, ce qui a abouti à des synthèses qui ne sont même plus molles avec des conséquences immédiates en termes de lisibilité politique, en termes de qualité du discours politique. Malheureusement, il ne suffit pas de mettre le mot "solidarité" dans une phrase sur deux pour avoir l'air de vouloir faire quelque chose.

J'ai l'air amer ? Leerdammer ? Oui, je le suis. Et pas seulement à cause de Reims 2008. Chaque jour un peu plus, le PS se révele une machine, un appareil, un machin, un truc. Un organisme qui gère et qui produit des gestionnaires. Que gère-t-il ? Il gère sa position de "principal parti de gauche", ou "principal parti d'opposition". Le PS occupe une place sur l'échiquier politique, et si je me suis toujours considéré sympathisant socialiste, c'est avant tout par pragmatisme, le PS étant le parti pouvant vraiment battre la droite, pouvant vraiment occuper le pouvoir.

Les élections européennes ont montré qu'une bonne partie de ce fameux "peuple de gauche" est prêt à lâcher le PS dès qu'une alternative crédible se présente. Le succès de Bayrou en 2007 relève finalement du même phénomène. Une partie importante des électeurs de gauche préfèrent voter pour n'importe quoi d'autre qui n'est pas à droite. D'ailleurs, Lionel Jospin avait déjà mis cette réaction au goût du jour en 2002...

Ce que je retire de ce 16%, c'est que la seule force (du moins sur le plan national) du Parti Socialiste, son seul intérêt, c'est d'occuper un emplacement de choix. L'occuper. Ils sont bien là. Mission accomplie. Il n'y aura pas de PS bis.

C'est dommage de voir que ça se résume à si peu d'ambition. Car des gens avec un projet, une vision de la société pour le XXIe siècle pourraient sans doute se servir de cet emplacement pour faire quelque chose d'utile. Il serait permis d'imaginer qu'avec l'importance que l'on accorde au PS, avec son influence et son pouvoir bien réels, malgré tout, avec toutes les voix d'électeurs qu'il a reçus, qu'il y aurait une certaine responsabilité. Si je continue à taper là, je vais finir par parler d'une culture du résultat. C'est grave.

C'est grave, mais la solution a déjà été trouvée. Il suffit de rénover. En profondeur. Pour de vrai. Les cris à la rénovation n'ont servi jusqu'à présent qu'à étouffer les envies de changement. "La rénovation? On s'en occupe." Rénover pour être sûrs que rien ne bouge, pour contenir les changements. Étouffer avec une commission. Gérer les volontés de changement. Ce sont des bons gestionnaires, après tout.