Hier je parlais de l'idéologie droitiste de la dette, pour dire que la nouvelle droite des managers n'avait plus les mêmes valeurs que la droite bourgeoise, et qu'elle était prête à se vautrer dans la dette pour préserver la dynamique qui est fondamentale pour la survie du manager bling-bling.
Là où je voulais en venir, c'était évidemment la question de ce grand Emprunt National que l'on nous a sorti de derrière les fagots balladuriens. Laurent Mauduit a dressé immédiatement un réquisitoire très sévère sur les précédents Grands Emprunts, qui ont été en général peu efficaces et toujours très coûteux. Financièrement, il paraît qu'il n'y a aucun avantage à faire appel au public, aux veuves, orphelins, épargnants, bons pères de familles. Il coûte toujours cher des les attirer, plus cher que de pousser la porte d'une bonne banque, habituée, elle, à prêter au prix, tout simplement, du marché. Quand l'État emprunte de l'argent aux pauvres gens, c'est sponsorisé, subventionné. C'est une manière de mettre une fois de plus l'État au service du capitalisme, éternelle réflexe sarkozyste, mais je ne pense pas que ce soit la motivation principale.
L'intérêt donc de cette mesure est donc politique, ou même psychologique. Même les Échos sont d'accord. Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital France, écrit donc :
En pratique, un emprunt « spécial » coûte un peu plus cher qu'un emprunt standard, qu'il s'adresse aux particuliers ou aux institutionnels
Sa raison d'être est donc sa fonction d'annonce :
Sans attendre des réformes d'aussi vaste ampleur, l'emprunt pour financer les réformes aurait le mérite d'annoncer des priorités claires, d'en estimer les coûts et bénéfices attendus (rompant ainsi avec une tradition de non-transparence qui s'est emblématiquement incarnée dans la réforme des régimes spéciaux des retraites), et d'ancrer les promesses de réforme.
Mots cléfs : "annoncer", "ancrer", "promesses". Une nouvelle opération de com' est lancée. Les "bons pères de famille", pour qui un sous est un sous, lâchés par cette nouvelle droite, vont s'y retrouver, car ce qui sera coûteux pour l'État sera juteux pour leur épargne.
Mais un emprunt national et "populaire" est surtout un coup politique. La réussite probable de sa souscription, si succès il y a, vaudra blanc-seing à sa politique dans sa communication gouvernementale.
C'est littéralement une manière d'acheter la bonne volonté des contribuables-épargnants-investisseurs.
Autre "bénéfice" : psychologiquement, cette nouvelle dette, pourtant plus chère pour les coffres vides, sera donc à distinguer de la dette ordinaire. Déjà ce grand effort de "pédagogie" est lancé, puisqu'on nous explique la différence entre bons et mauvais déficits.
Brouillage, écrans de fumée : tous les leviers habituels du sarkozyzme sont présents. Ce qui pourrait nous surprendre, c'est de voir avec quelle facilité, avec quelle allégresse le Très Grand Homme (TGH) est prêt à nous faire payer pour étayer sa rhétorique. Mais même ça ne nous surprend plus vraiment.
2 commentaires:
Bien vu, comme d'hab !
Je disais aussi que d'un côté, on épargne aux possédants la blessure de l'impôt et on les rémunère pour fournir ce même argent à l'État !
:-))
Je pense aussi que nos chers dirigeants, et surtout le TGH, s'interrogent depuis longtemps sur comment empêcher les français d'épargner autant. L'Emprunt permet d'enfin vider les Livrets A, même si c'est pour les re-remplir après.
(Et comme d'hab : merci!)
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