Aujourd'hui je n'aurai pas le temps de faire un vrai billet, mais il y a deux choses que je voudrais dire pendant que nos souvenirs de le discours du grand tournant dans la campagne de Sarkozy sont encore frais. Grand tournant, j'ai dit ? Je voulais dire grand virage, histoire de tourner en rond, ou de retourner en 2007.
D'abord, donc : Schengen.
Ce que je trouve presque triste, c'est qu'une grande figure de l'Europe actuelle – oui, Sarkozy, en tant que Président de la R. F., est malgré tout une grande figure en Europe en ce moment – puisse, même complètement acculé électoralement, se baisser jusqu'à proposer de démanteler l'Europe juste pour avoir quelque chose à dire. Car même si Nicolas Sarkozy est battu pour enfin aller dans son monastère, il restera le fait qu'un Président français a suggéré que chaque pays pouvait revenir sur les traités fondamentaux de l'Union, traités qui ont force de loi, ne l'oublions pas. Sarkozy estime qu'il s'est montré suffisamment européen pour se le permettre. Qu'est-ce qui empêchera n'importe quel pays européen, la Pologne ou l'Autriche avec un nouvel Haider, de faire la même chose. Depuis hier, le vers est dans le fruit.
(Et qu'on ne vienne pas me dire que François Hollande fait la même chose en proposant de renégocier avec Merkel : ce n'est pas encore un traité, mais simplement un accord ; l'accord n'a que quelques mois, et Hollande a annoncé son intention quasiment au moment même où l'accord était formulé.)
Hier, donc, Nicolas Sarkozy a volontairement rendu l'Europe plus faible, uniquement pour sauver un ou deux meubles électoral. Irresponsable. Le petit Louis, avec sa tomate, ne ferait pas mieux.
La deuxième chose que je remarque, et là je vais faire un peu moins le gauchiste qui couine (plutôt que de simplement accepter la domination de la démagogie, de la mauvaise foi et de l'irresponsabilité narcissique), c'est que si on pouvait vraiment revenir cinq ans en arrière, ce discours de Villepinte aurait sans doute marché un peu mieux. En 2007, Sarkozy, aidé beaucoup je crois par Emmanuelle Mignon, réussissait à se placer sur chaque question en créant la confusion sur la répartition gauche/droite.
C'était un peu plus tard, mais avec la burqa la technique marchait bien : les droites républicaine, catholique, souverainiste et xénophobe trouvaient forcément leur compte ; à gauche, les arguments de laïcité et droits de femmes semaient le doute également, prenant le dessus sur les considérations des droits individuels, des réalités d'une société, oui, multiculturelle moderne. La tentative d'appliquer le "travailler plus pour gagner plus" aux enseignants devait être sur le même modèle. Les gesticulations sur Schengen et l'Europe, au delà de leur absurdité propre, sont censées donner une dimension "populaire" à une une politique résolumment anti-sociale, tout en bottant en touche sur les vraies questions : "faute à l'Europe".
Et je dirais même que toute la dérive droitière des dernières semaines suit cette même logique, comme, d'ailleurs, toute la filière Hortefeux/Guéant depuis des années. Aujourd'hui, on a quand même l'impression que cette méthode de brouiller les pistes est moins efficace, ou même plus efficace du tout.
L'une des raisons est bien sûr que maintenant nous avons un vrai bilan, et non plus seulement des annonces et des promesses. Il est toujours possible de promettre d'être à la fois A et B même quand A est le contraire de B, mais il est bien plus difficile de passer au delà de la promesse. En plus, nous avons aujourd'hui le personnage "Sarko" qui s'est avéré, même pour le grand public, bien plus désagréable que ce qu'ils avaient imaginé entre 2002 et 2007.
Mais je pense que la vraie raison de l'échec de cette triangulation paradoxale "droite extrême/gauche populaire", c'est que justement ce qui paraissait paradoxale en 2007 est aujourd'hui limpide. Et ce chez les électeurs. Pourquoi ? Parce qu'entretemps ce créneau a été amplement développé et expliqué par cette Marine Le Pen dite "sociale", qui il y a quelques mois était au dessus des 20% d'intentions de vote. C'est elle qui a véritablement poursuivi le discours, se la approprié. Les petites dérives xénophobes de Besson, Hortefeux et Guéant paraissent un peu vieillotes, retrospectivement.
2 commentaires:
"Aujourd'hui je n'aurai pas le temps de faire un vrai billet"
Qu'est ce que ça doit être quand tu as le temps !
Héhé! On dit ça en début de billet pour se donner bonne conscience, et après on se laisse aller. (Cela dit, je ne suis pas allé cherché des liens, ce que je fais d'habitude.)
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