7 avril 2012

"Je comprends votre souffrance"

Les petits gestes, les clins d'oeil, les sourires en coin, les mots doux discrètement lâchés, du pied sous la table… tout cela ne suffit plus. Nicolas Sarkozy se décide enfin de déclarer sa flamme aux électeurs du Front National :

«Aux électeurs du Front national, je dis que je comprends votre souffrance mais le vote FN ne résoudra aucun des problèmes» pour lesquels «vous voulez une solution», a affirmé le président-candidat, ajoutant que «chaque vote FN profitera à la gauche».

C'est vrai que Claude Guéant est parfois un peu trop subtile pour des électeurs habitués au style beaucoup plus direct de la famille Le Pen. Alors le courageux Très Grand Homme (TGH) doit mettre les points sur les "i".

"J-16. Sarkozy appelle les électeurs du FN à voter utile. Jusqu'ici,/ /tout va bien", touittait Brave Patrie. C'est très drôle, et très pertinent, car s'il y a un électorat qui ne vote pas "utile", c'est bien celui du Front National.

Quelle souffrance est-ce qu'il comprend, notre Chef d'État ? Il fait comme si l'on votait Front National parce qu'on s'inquiétait tout particulièrement des effets néfastes des populations juives et Arabes sur la Nation Française, un peu comme d'autres électeurs s'inquiètent pour l'école, leurs retraites ou les déficits.

Pourtant, depuis le temps que Sarkozy, Besson, Hortefeux et Guéant agitent des chiffons rouges de toutes les couleurs (sans beaucoup de succès, j'ajoute), ils auraient dû comprendre que la xénophobie n'est pas un sujet politique rationel. On parle d'"immigrés", par exemple, quand on veut dire "citoyens français issus de l'immigration maghrebine des années cinquante et soixante", et on expluse les uns parce qu'on ne peut pas supporter de voir les autres. La xénophobie ressemble plus à une maladie mentale qu'à une cause, ou à un "problème" auquel un Président pourrait chercher une "solution".

Sarkozy a réussi à "siphonner" l'extrême droite en 2007 parce qu'il promettait de tout faire péter s'il était élu : "tout devient possible". En promenant Hortefeux devant les électeurs FN, Sarkozy a réussi à leur suggérer sans vraiment le dire que, élu, la grande ratonnade pourrait enfin avoir lieu.

Maintenant que Sarkozy a cinq ans de bilan derrière lui, que les xénophobes souffrent tout autant de leur xénophobie, qu'il n'est plus possible de promettre de tout faire péter ("pourquoi ne l'a-t-il pas déjà fait ?"), il ne peut plus générer cette charge émotionnelle qui fait rêver les oppressés de leur race. C'était prévisible, d'ailleurs. Et maintenant, pitoyablement, il doit prononcer les mots : "venez avec moi, on trouvera des 'solutions'". Mais le malade ne veut pas d'une "solution", sinon il ne serait pas malade. Il veut tout faire péter, comme toujours.

Sarkozy s'abaisse, et nous rabaisse en même temps (il est encore Président de la R.). Ce serait comique, surtout l'appel simultané aux centristes, qui normalement n'ont pas la même idée que lui sur les "problèmes" et leurs "solutions", si ce n'était pas si grave. Nous nous rapprochons du "moment Millon", quand on décide qu'il vaut mieux pactiser que perdre sa place. Ce qui rassure, c'est que pour en être là, c'est que les choses ne vont pas très bien.

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