Dans les deux dernières livraisons dans cette série de gauchitudes, j'ai voulu mettre l'accent sur l'aspect local et fragmentaire du pouvoir politique qu'une future gauche pourrait chercher à mettre en place. Maintenant, je voudrais revenir à la question pratique : comment vendre politiquement, électoralement, une telle idée. Pendant la campagne de 2007, la démocratie participative a posé quelques véritables problèmes de communication. On a souvent reproché à Ségolène Royal d'avoir passé plusieurs semaines à écouter les Français, période qui a servi à Nicolas Sarkozy pour démarrer tranquillement sa machine à communiquer, occuper déjà pleinement la scène, etc. Martin P. disait quelque part que la démocratie participative avait comme faiblesse tactique le fait de faire taire celle qui voulait l'imposer. Et plus grave encore, peut-être, la démocratie participative semblerait incompatible avec le format de plus en plus individualiste de l'élection présidentielle.
Suite à une conversation web 0.7pl12 que j'ai eue avec lui, Dagrouik résume ainsi la situation :
[...] le français à peur du bordel, de l'inconnu et en même temps veut donner son avis sur tout. Face au saut dans l'inconnu, il a préféré le caporalisme et la présidence à la Berlusconi de Sarkozy. Le français a peur du bordel (et du changement ), mais il vit dedans, et au final l'organise lui même avec tous les moyens qu'il dispose.
Il ne faut pas oublier non plus que si chacun veut s'exprimer, et à la rigueur être écouté, il est moins évident que notre électeur accepte que les autres aient le même droit à l'expression et soient tout aussi bien écoutés. Le Très Grand Homme (TGH) a réussi sa campagne grâce à sa capacité à convaincre les téléspectateurs que quand il disait : "les Français sont des fainéants", chacun comprenait qu'il parlait seulement des autres. Il ne faudrait pas négliger cet aspect des choses.
Ainsi, même si je pense que la démocratie participative pourrait être une très bonne chose, il ne faut pas se faire d'illusions sur les faiblesses tactiques qu'elle engendre. Il faut donc la vendre autrement.
Un peu de mercatique
Vous vous souvenez? La "mercatique", c'est le mot censé être l'équivalent officiel de l'anglais marketing. (Le mot n'a pas bénéficié d'assez de marketing pour s'imposer. Il a peut-être l'air trop mercantile aussi...)
Comment donc vendre l'idée d'un rapprochement entre le citoyen et les instances de décision collective, sans paraître faible soi-même, ou encore ? Je parle pas, là, seulement de la démocratie participative à la Royal, mais des toutes les mesures de démocratisation imaginables : le candidat qui proposera de limiter le pouvoir de président pour augmenter celui du parlément (autrement qu'avec des micro-mesures même pas symboliques), passera pour faiblard, cherchant à botter en touche et donc pas à la hauteur, limite incompétente. Pardon : je voulais dire : "incompétent". (Cela ne vous rappelle rien?)
Imaginons que toute la gauche se mette derrière cette idée. Deux approches se présentent alors : vendre ces idées comme une manière de contrer des siècles d'injustice, la victoire des faibles contre les forts... ou bien comme une façon de doper l'économie, libérer les énergies, rendre la vie plus amusante, positiver un max, "ensemble on peut tout faire sauter", "on va se marrer", etc.
(Dans le prochain numéro j'essaie de fournir quelques idées plus concrètes pour vendre.)
5 commentaires:
c'est vrai que je dis ça assez souvent, mais c'est surtout vrai de la démocratie participative de Ségolène Royal, qui laisse entendre que rien n'est décidé au préalable
pour eviter cet écueil il faut oser être plus affirmatif et plus situé politiquement, et verser au débat une idée dont le principe est déjà pensé.
par exemple, SR pourrait dire:
"il faut réviser les prélèvement sur les bénéfices pétroliers, pour investir dans l'énergie durable, tout en évitant de surrenchérir le prix du carburants. à vos propositions!"
là c'est plus intéressant: la conviction politique est là, on peut communiquer dessus, et sur le fait que la méthode permet d'ajuster le mode d'application.
Le fait de ne rien décider au préalable est peut-être une forme de purisme. On pourrait objecter : si les grandes lignes sont décidées à l'avance, est-ce encore de la démocratie?
Je pense surtout que la démocratie participative n'est pas une bonne stratégie dans une Ve République qui est aux antipodes de cet esprit-là. A la rigueur, il faudrait qu'elle soit imposée par une grande figure providentielle. La méthode pour obtenir le pouvoir n'a pas forcément besoin d'être à l'image de ce qu'on cherche à faire.
Pas du tout d'accord avec vos commentaires!
Ségolène Royal propose des idées, un cadre de discussion et les intervenants participent dans ce cadre bien défini. Il y a ensuite une synthèse et une décision prise. C'est la démocratie au sens originelle du terme, c'est-à-dire faite avec le peuple. Disons avec les gens concernés.
Et ce qu'il manque encore à la démocratie participative c'est une visibilité plus grande. C'est pourquoi il est importantissime qu'elle soit élue chef du PS pour organiser concrètement ce parti en mode participatif ouvert sur la société et en faire ainsi un modèle de gouvernance pour le pays.
Ce sera l'outil de la reconquête populaire de la gauche et en ce sens elle est incontournable.
Bonjour cher ami,
Pourriez-vous mettre à jour l'adresse de Plume de presse : http://www.plumedepresse.info/
Merci :)
La démocratie participative, c'est pas comme ca se passe au PS : chacun propose son propre candidat et tout le monde perd à la fin ?
[Pardon, j'avais pas mieux comme commentaire !!!].
:-)
Enregistrer un commentaire