29 mai 2008

Simple question sur Hollande et le Congrès

François Hollande lance une sorte de mini-offensive, avec, à son tour, 10 questions. Je reviendrai sur cette mode dans un autre billet, j'espère, ainsi que sur les questions elles-mêmes. Lisez le billet de Marc Vasseur à ce propos.

Ce qui a attiré mon attention, c'est ce petit détail :

Il [Hollande] plaide également pour que se dégage une majorité dès le dépôt des motions en septembre prochain, c'est-à-dire deux mois avant la tenue du congrès de Reims.

J'ai du mal avec le fonctionnement interne du PS, et surtout avec le rôle des motions. Alors j'aimerais qu'on m'explique la signification de cette idée d'une majorité décidée avant le congrès. Est-ce une nouvelle manière, en plus d'éviter le spectacle d'un congrès pas très serein, de minimiser le jeu de la démocratie interne au Parti ?

C'est une simple question. Enfin, une question et un soupçon.

28 mai 2008

Jeux de mots

Comment dire...? Je pense qu'il est probable que Bertrand Delanoë ait commis une erreur politique en se déclarant "libéral". En même temps, je pense qu'il est très bien qu'il l'ait dit. Et ce n'est pas parce que je souhaite qu'il fasse des erreurs ou qu'il dise des choses qui lui sont nuisibles.

L'effet positif de cette déclaration, très appuyée, est, ou sera, je pense, double : d'une part, elle crée les conditions d'un véritable débat sur l'identité et l'avenir du socialisme. Car c'est une vraie question : après avoir reconnu tout récemment l'existence de l'économie de marché (je plaisante : n'est-ce pas à peu près la distinction historique et originel entre le socialisme et le communisme ?), le PS doit en effet expliquer sa relation au capitalisme.

Dire que le socialisme est une forme de libéralisme, c'est sûrement aller trop loin. C'était sans doute l'intention de Monsieur Delanoë, qui a réussit, quoi qu'on en dise, son coup médiatique en se plaçant au centre d'une petite tempête sémantique. Et ce n'est pas comme si le PS n'avait jamais réfléchi à sa relation au capitalisme. Il ne pense qu'à ça, en réalité. La question ne se joue pas en termes de profonde réflexion politique, mais en termes de communication, ou encore de pédagogie. Comment expliquer la position du PS ? En s'appropriant un symbole, un mot symbolique. Et c'est là où il me semble que ce mot de "libéral" soit un peu exagéré.

On m'expliquera que le libéralisme, c'est les Lumières, les libertés individuelles, etc. Je sais. Mais la question n'est pas là. Si on ne garde que cette définition là, historique, philosophique, nous sommes tous déjà des libéraux, voire des ultralibéraux, et il n'y avait pas besoin d'en faire tout un plat. Le but de Bertrand Delanoë n'était pas de rappeler ce que tout le monde sait déjà. Cette histoire n'a d'intérêt que parce que Delanoë a brisé une sorte de tabou symbolique. Se dire "libéral et socialiste" c'est un geste, celui des pieds qui vont vers le plat.

Et c'est là où je dis tant mieux. Finalement, le "combat des personnes" va accoucher d'une discussion des idées fondamentales. Ou du moins un "combat" où les idées seront des armes. C'est déjà pas mal : on est en politique, quand même. Et du coup, Ségolène Royal ne sera plus "celle qui n'est pas vraiment à gauche".

24 mai 2008

Les dix-sept

Juste quand le PS se réveillait un peu de la torpeur d'une opposition sous la Ve pour s'opposer un peu à la révision à la fois majeure et faiblarde de la Constitution, un groupe de 17 députés socialistes croient bon de publier une tribune dans Le Monde pour annoncer leur décision de voter pour cette admirable réforme, contre l'avis de leur parti. Pour ne pas les oublier, voici les noms :

  • Patricia Adam, députée du Finistère;
  • Patrick Bloche, député de Paris;
  • Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris;
  • Christophe Caresche, député de Paris;
  • René Dosière, député de l'Aisne;
  • Paul Giacobbi, député de Haute-Corse;
  • Guillaume Garot, député de la Mayenne;
  • Jean-Patrick Gille, député d'Indre-et-Loire;
  • Gaëtan Gorce, député de la Nièvre;
  • Danièle Hoffman-Rispal, députée de Paris;
  • Jean-Marie Le Guen, député de Paris;
  • Armand Jung, député du Bas-Rhin;
  • Sandrine Mazetier, députée de Paris;
  • Didier Migaud, député de l'Isère;
  • Dominique Raimbourg, député de Loire-Atlantique;
  • Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère;
  • Manuel Valls, député de l'Essonne.

Que du beau monde, n'est-ce pas? Six députés parisiens, dont Cambadélis. Et aussi Gaëtan Gorce, et évidemment le sarkozyste de gauche, Manuel Valls.

On peut admettre certains des arguments de ces 17 députés : la "réforme" n'est pas si mauvais, la plupart des points importants ont déjà été supprimés en commission, et il y en effet quelques avancées importantes : le référendum populaire est peut-être le seul qui soit incontestable, même si on ne peut pas du tout savoir ce qu'il donnerait en pratique. Pour les autres, pas encore dégommées en commission, c'est toujours l'ambiguïté et la timidité qui règnent : suppression du 49-3, oui, mais pas pour les lois de finances, et avec un joker par session parlementaire ; une vague reconnaissance d'une opposition (contestée par François Bayrou car cela l'empêcherait de se placer délicatement entre deux chaises) qui concerne la gestion des partis mais ne confère pas de pouvoir politique ; un partage de l'ordre du jour entre le gouvernement et sa majorité à l'Assemblée, de quoi mettre un peu plus de pression sur Jean-François Copé, mais guère plus ; l'encadrement des nominations présidentielles sera également sans effet puisqu'il faudrait les trois cinquièmes de l'Assemblée pour aller contre le Président, ce qui, sauf en cas de cohabitation, impliquerait une étrange complicité entre majorité et opposition contre le Président. Même la possibilité d'une saisine du Conseil Constitutionnel par de vulgaires citoyens n'est pas encore assez nettement définie pour qu'on puisse supposer qu'il s'agisse d'un véritable progrès. Bref, essentiellement des miettes, auxquelles il faut encore soustraire deux éléments effrayants : le Président qui s'addresse au parlement, et une modification des procédures parlementaires qui transfère une partie importante du travail de l'Assemblée vers les commissions et qui aboutit à un "encadrement" du droit d'amendement. "L'encadrement" d'un droit est une manière de dire sa "réduction", ou sa suppression. En l'occurence, il semblerait que l'UMP souhaite supprimer l'une des seules armes de l'opposition, la possibilité, au nom de la nuisance générale, de proposer des centaines d'amendements.

L'argument évoqué par nos dix-sept braves, selon lequel cette révision serait un progrès important que l'on ne devrait pas laisser tomber même s'il est imparfaite, ne me semble pas recevable. Au mieux, il y a quelques améliorations légères, mais, toujours au mieux, rien qui ne va changer le cours des choses. Et surtout, on peut s'interroger sur l'opportunité de cette démarche, de cette tribune publiée au moment même où leurs camarades font, vraisemblablement, de leur mieux à l'Assemblée pour tirer de l'UMP au moins quelques concessions.

Gaëtan Gorce explique sur son blog :

J'ajoute, et ma conviction n'a pas changée, que le gauche reconquerra la confiance de l'opinion non en menant une opposition frontale, mais en faisant preuve d'un véritable esprit de responsabilité. La désinvolture de Sarkozy, son cynisme aussi, le manque de professionnalisme de son équipe et de sa majorité, ont créé un trouble profond. Faut-il en rajouter? La gauche l'emportera, et marquera des points , en témoignant de sa sagesse, de son sens de l'intérêt général, de sa maîtrise des sujets, bref, en jouant une partition symétriquement différente de celle de l'UMP.

Je ne suis peut-être pas d'accord sur le refus de "l'opposition frontale", mais là où je décroche vraiment, c'est entre l'esprit de responsabilité et le constat de la "désinvolture" et du "cynisme" de Sarkozy. Si le Président fait mal son travail, si son équipe et sa majorité ont des problèmes de "professionnalisme", en quoi est-ce "responsable" de les suivre gentiment dans leur échec? C'est comme ça que la gauche va "marquer des points"? C'est ça la sagesse? Lorsque le Très Grand Homme (TGH) annoncera son succès historique, la France prendra-t-elle le temps d'avoir une petite pensée pour le PS qui a su si bien jouer son rôle? (Lire, à ce sujet, sur le blog de Gorce, le commentaire laissé par l'intrépide Martin P.)

Cette stratégie qui est en somme celle de Valls pouvait paraître logique il y a douze mois, quand Sarkozy parvenait encore à incarner, aux yeux d'une majorité de Français en tout cas, la modernité politique. Aujourd'hui, alors que le TGH est désavoué par les sondages, et que nous avons vu à quel point les promesses étaient vides, je ne comprends plus du tout l'intérêt d'une telle stratégie, si ce n'est simplement le refus de dire qu'ils avaient eu tort.

22 mai 2008

Libéral... est-ce une si bonne idée?

Betrand Delanoë se déclare "libéral" et veut reprendre ce terme à la droite.

«Ce sont les conservateurs qui l'ont dévoyé au service du laisser-faire économique et de la perpétuation des rentes et des privilèges dont ils bénéficient».

Evidemment, une telle déclaration fait beaucoup de bruit dans la blogosphère de gauche. Des billets fusent de partout, il est même obligatoire de se prononcer sur la question. D'où le présent billet.

"Libéral" est un mot qui ne peut pas être prononcé à la légère. Il a été depuis trop longtemps utilisé comme synonyme du capitalisme sauvage, démantelement de l'Etat Providence, et même comme synonyme d'"ultra-libéral", pour que son usage aujourd'hui soit neutre.

Depuis l'arrivée de Sarkozy, le terme a cependant commencé à prendre de l'eau. D'abord parce qu'on s'est rendu compte que Sarkozy n'était pas un vrai libéral, mais plutôt un interventionniste, parfois néoconservateur, parfois archéoconservateur, au service de l'économie des grandes entreprises, surtout celles dirigées par de potes. (Bigard à la tête de la SNCF, c'est pour quand, d'ailleurs?) Les anciens madelinistes du Nouveau Centre ou de feu Démocratie Libérale ne sont pas contents des dérives déficitaires, et l'on finit par se dire qu'il y a peut-être un lien après tout entre les libertés individuelles, qui n'ont jamais semblé compter beaucoup pour le Très Grand Homme (TGH) qui préfère depuis longtemps le chiffres, et une certaine conception du marché.

Car les spécialistes de la question nous rappellent depuis longtemps déjà que "libéral" n'est pas nécessairement le synonyme de "capitalisme sauvage". Le billet d'Antoine B. nous rappelle tout ça : le libéralisme est, au sens propre et historique, l'héritage des Lumières; nous ne supporterions pas de vivre dans un monde qui ne soit pas "libéral".

Nous, gens de gauche, ne devons pas nous laisser prendre par cette escroquerie intellectuelle, qui consiste à faire croire que le libéralisme n'est que la liberté du patron. Le libéralisme économique vu de cet angle n'est que la liberté du renard libre dans le poulailler libre. L'égalité des termes de l'échange n'est plus garantie, les droits par conséquent non plus. Ce n'est pas un système "politiquement libéral", mais "économiquement dictatorial".

Redonnons au beau, au joli mot de libéralisme (Tocqueville ! Montesquieu ! Benjamin Constant !) le sens qu'il ne devrait jamais perdre, et ne le cédons pas à la droite. Ces gens-là sont incultes et manient les mots et les noms (Jean Jaurès, Léon Blum, Guy Môcquet... ) sans savoir ce qu'ils signifient.

Pour conclure :

Non, "libéral" n'est décidémment pas un gros mot.

Le problème, c'est que, malgré tout ça, si, "libéral" est un gros mot. Je plaisante un peu, mais c'est important de faire une distinction entre l'emploi "savant" du terme -- ou faut-il dire désormais "sachant" ? -- et son usage politique.

Si la gauche est, bien plus que la droite, l'héritière des Lumières, de l'esprit de libération de l'individu des différentes formes d'asservissement, et si en théorie cet héritage devrait donner à la gauche le droit de se réclamer du terme "libéral", la véritable interrogation, aujourd'hui, lorsqu'un homme politique de gauche annonce son intention de reprendre le terme à la droite, porte sur les conséquences politiques de ce geste.

Pourquoi alors faut-il reprendre ce mot? Nicolas J. se demande pourquoi les gaucho-blogistes s'émeuvent autant pour un mot : "Une bataille des mots. Rien de plus [...]. Et ils [mes copains socialos] sous-estiment à quel point les électeurs s'en foutent !" C'est la question qu'il faudrait poser à Bertrand Delanoë : quel intérêt politique ou communicationel y a-t-il à se battre pour que, dans l'esprit des électeurs, libéralisme ne signifie plus dérégulation à tout va et précarisation des travailleurs ?

Vouloir se réapproprier le terme indique qu'il y a un avantage politique à être perçu comme "libéral", même si pour cela il faut faire d'énormes efforts de pédagogie. Mais Bertrand Delanoë ne va pas convaincre Alain Madelin et les siens, et il le sait bien. Se dire "libéral de gauche", ou "libéral humaniste", c'est tenter d'occuper un terrain étonnamment près du centre. Etrange de la part de celui qui a écarté toute alliance parisienne avec le MouDem. Comme le disait hier Dagrouik : "Plutôt que de travailler avec le MoDEM devenons le MoDEM !"

Et c'est là, finalement, que cette histoire commence à m'inquiéter. Je ne suis pas pour un socialisme idéal ou idéaliste, mais pour une pratique efficace : il faut gagner des élections. Tout le reste est secondaire. Mais pour le faire, il ne suffit pas de devenir son rival. Devant la victoire de Sarkozy, Manuel Valls semble s'être dit : puisque Sarkozy a gagné avec ce programme, reprenons son programme. On pourrait penser que c'est ça, être politiquement efficace : donner aux gens ce qu'ils veulent. Le problème, c'est que pour réussir, il faut d'abord exister, et quand on cesse de défendre les valeurs de son camp, on cesse petit à petit à exister, l'identité s'estompe. C'est le danger que courent Bertrand Delanoë, et tous ceux qui pensent marquer des points en prenant des parts de marché idéologique qui devraient leur être hostiles. Le PS ne gagnera pas parce qu'il aura choisi la position juste comme il faut, pas trop à gauche, un petit peu à droite. Un adversaire comme Sarkozy aura vite fait de montrer qu'ils ne sont pas vraiment à droite, en laissant à l'aile gauche de montrer qu'ils ne sont pas vraiment à gauche non plus, et la démonstration est faite : ils ne sont rien, ne savent pas ce qu'ils veulent être. Je ne l'ai pas dit depuis un moment : la politique n'est plus une guerre de position mais une guerre de mouvement. Il faut convaincre, pas juste se conformer à ce que l'on suppose que les gens pensent déjà. Et je commence à m'égarer...

Le problème avec le libéralisme, au sens courant et journalistique, c'est que la liberté de l'individu se heurte rapidement à celle des entités plus puissantes, notamment les entreprises, les grandes sociétés, et le pouvoir économique en général. La liberté du patron et de la rente. Les récents événements économiques, les subprimes et le rachat de Bear Stearns, ont montré la nécessité d'une régulation collective. Même dans le meilleur des mondes, le libéralisme n'est véritablement libéral (au sens historique et rigoureux du terme), que lorsqu'un état ou une forme collective quelconque est prêt à intervenir.

Et c'est là, je crois, le mot essentiel dans ce débat, le mot qui manque et qui pourtant définit la gauche : le collectif. En disséquant l'usage courant de "libéral" et de "libéralisme", on retrouve surtout cette hostilité aux interventions collectives. Et là, enfin, ma question sur la réappropriation de ce terme : est-ce vraiment cette hostilité au collectif que la gauche doit chercher à reprendre à son compte? S'il y a un intérêt à reprendre libéral, c'est que le terme représente quelque chose de désirable. Est-ce l'hostilité au collectif qui est si désirable?

20 mai 2008

La Constitution, nouveau vecteur de comm'

Deux thèmes essentiels que l'on ne doit jamais perdre de vu lorsqu'il s'agit des propositions ou des agissements de Sarkozy :

  1. Tout est communication.
  2. Le but de la communication est la consolidation du pouvoir.

A partir de ces deux principes, revenons à la "réforme" de la Constitution. Le premier point, je l'ai déjà abordé dans mon dernier billet sur la Rolex "Constitution" : la "réforme" est un moyen de marquer son temps, mais est peu efficace quant à ses buts annoncés.

Depuis, j'ai lu cet excellent papier dans le Contre-Journal de Libé (merci à jon et à Monsieur Poireau), la première partie d'une analyse de la proposition de révision par Marie-Anne Cohendet, professeur de droit constitutionnel à l'Université Paris I. Je recommande vivement la lecture de cette analyse, car l'auteur met le doigt sur les véritables dangers de cette réforme. En somme, il s'agit, par petites touches inefficaces juridiquement mais symboliquement importants, d'établir le Président en pouvoir sans contre-pouvoir.

L'article concerne surtout des questions de défense, c'est-à-dire la modification de l'Article 21.

Par exemple, si le Président prend une décision que les parlementaires jugent inacceptable, ils auront beau renverser les gouvernements, le Président pourra leur répondre que le Premier ministre est seulement un exécutant dans ce domaine du fait des nouveaux termes de l'article 21. Le Premier Ministre pourrait refuser de signer les actes présidentiels, mais il risque de se sentir obligé de se soumettre, en raison de ce nouvel article. Ni le peuple ni les parlementaires ne pourront arrêter le Président, sauf à provoquer une crise grave. Les risques d'abus de pouvoirs et de crise institutionnelle (pas seulement en période de cohabitation) sont donc considérablement accrus.

Ce qui apparaît, surtout, (mais là c'est moi qui interprète), c'est que les cadeaux faits aux parlementaires, des miettes en plus, sont faits au détriment du gouvernement. Le Président, lui, ne lâche rien. Au contraire. Et le texte de Madame Cohendet nous rappelle que, malgré les apparances créées notamment par l'hyperprésidence, la légitimité du Premier Ministre est une émanation de l'Assemblée. Il est révocable, lui, et par le Président, et par la législature. Le Président, lui, n'est révocable par personne, et le Très Grand Homme (TGH) entend bien ne pas toucher à ce privilège.

Et si tout cela ne suffisait pas, ce que l'on soupçonnait déjà devient certain : cette révision est floue, mal conçue, mal faite :

Cette réforme en matière de défense est tout d'abord profondément incohérente en droit. Ce pouvoir reste en effet soumis à contreseing, il n'y a heureusement pas de révision sur ce point. Juridiquement, ce ne sera donc pas le Président qui dirigera seul la politique de défense, contrairement à ce que laisse entendre le futur article 21.

De peur de laisser prise à l'adversaire, le TGH, en général, rend ses propositions suffisamment floues. C'est dommage quand il s'agit de la Constitution, devenue un vecteur de communication comme un autre. Le vacarme constitutionnel est un concept qui n'existait pas avant lui. Il peut en être fier.

La même remarque vaut pour cette nouvelle idée, d'inclure dans la Constitution l'obligation de l'équilibre budgétaire, apparamment pour apaiser le Nouveau Centre, pas content d'être associé à un gouvernement qui ne fait que vider les caisses déjà vides, et qui pourrait se satisfaire d'une promesse tout à fait sarkozyënne. On se permet d'espérer que, pour une fois, le ridicule de cette proposition pourrait tuer la révision. La France a déjà tant de mal à respecter le pacte de stabilité, pourtant bien moins contraigant...

Mais c'est encore et toujours la comm' qui domine. Paul Alliès écrit sur Mediapart:

On comprendra que la dernière fantaisie sarkozyste d'inscrire l'équilibre budgétaire dans le marbre constitutionnel soit l'illustration du mépris dans lequel le chef de l'Etat pourtant chargé de « veiller au respect de la Constitution » (art. 5) tient celle-ci. Elle est une variable d'ajustement dans les combinaisons au jour le jour du microcosme politique. La France va se faire condamner par l'Union Européenne pour ses déficits mais elle aura, grâce aux transfuges du « Nouveau Centre » une Constitution qui la protège de telles sanctions. C'est bien là un art d'utiliser les restes d'une Constitution déconsidérée par ses maîtres.

C'est triste que ce soit la Constitution, malgré ses imperfections, qui devienne la nouvelle victime d'une opération de communication et de consolidation du pouvoir. Mais il ne manque pas de raisons de ne pas avoir le moral, en ce moment.

17 mai 2008

La Rolex "Constitution"

Offrez-vous la Rolex "Constitution", le plus beau symbole de la réussite et de la puissance! Vous ne savez même pas à quoi servent les petits cadrans à l'intérieur, pas grave! L'essentiel, c'est de marquer votre temps en portant ce magnifique objet lorsque, par exemple, vous vous adressez au parlement, même réuni en Congrès.

Un vrai Président mérite de refaire sa République à sa guise, et seuls les Très Grands sont dignes d'afficher à leur tableau de chasse une véritablement modification de la Constitution. Après tout, vous le valez bien. Vous valez bien la Rolex "Constitution".

...enfin...

Il y a une dizaine ou une douzaine de mois, au tout début de l'ère Fillon (je rigole), celui-ci se déclarait favorable à la suppression de son propre poste, à la faveur d'un régime véritablement présidentiel. Même la Commission Balladur avait proposé ceci :

inscrire à l'article 5 de la Constitution que le président de la République "définit la politique de la Nation". Le gouvernement la "conduit" (article 20)

Au moins comme ça il aurait été possible de s'opposer à quelque chose. A l'époque, on disait qu'il fallait, pour présidentialiser la République, renforcer le parlement. Du coup nous avons une "réforme" censée renforcer la parlement, à tel point que de l'orientation présidentialisante, il ne reste que cette fameuse possibilité pour le Très Grand Homme (TGH) d'aller parler aux parlementaires.

Il y a déjà longtemps, j'avais suggéré que cette obsession avait son origine dans les fréquentations télévisuelles, sans doute des scènes comme celle-ci, où l'on voit les minutes qui précèdent le discours du State of the Union du Président Bartlett, devant le Congrès. La scène est pleine de pompe et de drame.

Il paraît, qui plus est, que notre TGH est un grand fan de ce feuilleton, mais il semble n'en avoir retenu que les démonstrations de la puissance de l'Etat, sans être sensible son idéologie plutôt gauchiste.

Ainsi, le discours devant le Congress français, le State of the Republic, pourrait bien se réduire à une sorte de babiole de plus, à mettre avec les Ray-Ban, l'ex-top model, les chaussures à glands dans la catégorie des signes extérieurs de grandeur.

Car, en somme, cette "réforme" si moderne et si timide, à la fois présidentielle et parlementaire, n'est plus que symbolique : on va symboliser la suprématie du Président vis-à-vis du Premier Ministre en laissant le premier aller à l'Assemblée, sans véritablement présidentialiser davantage le système, et en même temps on avance quelques mesures extrêment timides pour modifier, un peu, le travail des parlementaires, sans jamais oser toucher à l'essentiel.

C'est une "réforme" symbolique à deux niveaux : symboliser le pouvoir du Président, et puis symboliser le pouvoir de ce Président, Monsieur Sarkozy, qui aurait marqué l'histoire d'une "grande" "réforme", beaucoup de vacarme pour rien, comme d'habitude. Et pourtant, si le TGH voulait vraiment parlementariser le système, ce n'est pas comme si les idées manquées. Je lui conseillerais alors d'aller voir, en premier lieu, celles de Marc Vasseur, ou même celles de Migaud et Arthuis qui voudraient donner aux parlementaires la possibilité de proposer des dépenses publiques, en supprimant l'article 40.

Si donc le PS cherche encore des bonnes raisons pour s'opposer à cette "réforme", il n'est pas besoin de chercher très loin : ne pas faire de la Constitution une opération de communication, ne pas entrer dans le jeu du narcissisme d'Etat, ne pas accréditer une "réforme" presque purement symbolique, alors qu'il est si urgent de procéder à des vraies réformes.

Le sarkozysme est une politique révélée

L'année dernière Rachida Dati avait expliqué que la justice elle-même tenait sa légitimité de l'élection magnifique de celui qui n'est pas fils naturel de Jacques Chirac. (Source)

Sur le même ton, Xavier Darcos fait le dur-à-cuire devant les enseignants:

"Il y aurait de la provocation à reculer par rapport aux promesses électorales au motif que les gens défilent dans la rue. Ce n'est pas ça la démocratie", a ajouté le ministre.

Chez Mediapart dans un papier de Gérard Desportes :

Drapé dans les habits du président courageux et après la phase du retrait post élection municipale, Nicolas Sarkozy a décidé de se remettre en avant et il y a fort à parier qu'on le verra à nouveau très vite sur les écrans. «Les Français n'ont mis qu'un bulletin dans l'urne, celui de Nicolas Sarkozy. Il n'y a qu'un repère de la politique en France, un responsable, c'est lui. Il a pris des engagements auprès d'eux, il les rappellera tant que de besoin», dit un de ses conseillers, prenant comme exemple l'intervention présidentielle, jeudi, jour de grève, pour annoncer l'instauration d'un service minimum dans l'éducation.

"Les Français n'ont mis qu'un bulletin"... Autrement dit, François Fillon n'existe pas. Le parlement n'existe pas. Les syndicats n'existent pas. L'élection du Très Grand Homme (TGH) est l'élection suprême, qui dépasse toutes les autres. Car même François Fillon a reçu la confiance de l'Assemblée, élue, elle, par tout un tas de petits bulletins différents, mais qui, dans un état de droit (et pas seulement de droite), existent également.

Mais dans la démocratie sarkocentrique, il n'y a qu'une élection, mystique dans sa splendeur, là où fut révélée la divine puissance de Nicolas Sarkozy.

16 mai 2008

Le sens du poil

Sur Le Monde propose, en tant que "Décryptage", un article de Philippe Ridet sur le Très Grand Homme (TGH) et le service mininum à l'école : M. Sarkozy revient aux fondamentaux de la politique. Déjà le titre est dans la droite lignée de la nouvelle comm' élyséenne, un Sarkozy plus posé, calme, présidentiel, etc. Donc là il revient aux fondemantaux, tout le contraire des excès qu'on lui attribue si souvent.

Depuis la réforme des régimes spéciaux de retraites, en novembre 2007, M. Sarkozy attendait avec impatience une occasion de rebondir. Pour espérer quitter les profondeurs des sondages, où l'ont entraîné les mauvaises nouvelles sur le front du pouvoir d'achat et ses propres erreurs de communication.

La ligne la plus pure : quelques erreurs de communication mais pas d'erreurs politiques, et des problèmes de pouvoir d'achat qui n'ont rien à voir avec la politique du "président du pouvoir d'achat". La faute à pas de chance. Et pourtant, pendant ce temps là, le vrai Sarkozy piaffait d'impatience, attendant anxieusement l'occasion de faire de la politique. C'est vrai que, quand on est Président de la R., de telles occasions sont assez rares.

Ainsi, une position de droite somme toute classique devient un véritable coup pour le toujours admiratif Monsieur Ridet :

Pour M. Sarkozy, le bénéfice de la manoeuvre est multiple : il honore une promesse de campagne, il satisfait une large proportion de Français favorables à cette mesure et il place la gauche, hostile à ce "service minimum" dans les villes qu'elle administre, en porte-à-faux avec l'opinion; il s'offre une tribune.

Pourquoi faut-il être si dur avec Philippe Ridet ? Je croyais qu'il ne devait plus s'occuper de l'Elysée. Quand j'ai lu son article, je me disais : "tiens, c'est bizarre, on dirait du Ridet. Et pourtant." Et pourtant, c'était bien lui, fidèle au poste.

Dans un Tchat au Monde, j'avais posé la question :

omelette16oeufs : Plus qu'aucun autre président, Nicolas Sarkozy a fait de son "comportement" ou de son "style" un enjeu majeur de sa personnalité politique. Les journalistes qui suivent de près le président sont un relais important dans cette communication. Cette proximité permet-elle un jugement clair des éventuelles manipulations de l'image présidentielle ?

Philippe Ridet : La proximité est nécessaire tant qu'elle n'est pas connivente. Elle permet d'approcher au plus près un personnage politique, de rendre compte le plus précisément de sa stratégie et de sa communication.

En réponse à un autre, il avait écrit :

Philippe Ridet : Je n'ai jamais eu le sentiment d'avoir été instrumentalisé. Même si j'ai parfois eu l'impression d'être un maillon d'une grande chaîne de communication.

Mais j'ai toujours veillé à rendre compte le plus précisément possible, quand c'était nécessaire, des dispositifs de communication mis en place par le candidat et par le président. C'est une manière d'avertir les lecteurs des mises en scène produites par l'UMP et par l'Elysée.

On n'a jamais le sentiment d'être instrumentalisé quand on l'est, c'est normal. Sa lucidité sur les "mises en scène" est, comme dans ce papier, toujours admirative. Bien joué, Monsieur Président! Et la plupart du temps ces informations vont dans le sens du poil élyséen. Car il faut être un grand connaisseur des manoeuvres du Président, un journaliste aguéri, pour en arriver à la conclusion : tout baigne.

14 mai 2008

Constitution : Allez, l'opposition, un peu d'opposition!

La réforme de la constitution sert à quoi?

Hormis le fait de laisser le Narcissiste-de-la-République s'exprimer devant des parlementaires, mesure symbolique qui brouille les pistes institutionnelles mais qui, concrètement, ne change pas grand'chose dans les rapports de forces, il s'agit en somme d'un ensemble de mesurettes.

Comme souvent, l'approche de Sarkozy réunit une mesure phare, parafoudre symbolique comme les tests ADN, destinée à attirer toute l'attention, tout le vacarme, tandis qu'une série de petites mesures, trop techniques pour passer au journal de 20 heures, sont avancées plus ou moins en silence. Vacarme d'un côté, brouillard de l'autre. On ne comprend pas bien à quoi sert cette grande réforme. Voilà ce qu'en l'un de nos députés :

"Nous avons une bonne Constitution, nos compatriotes, si vous les interrogez dans la rue, ne pensent pas du tout qu'il est urgent de changer la Constitution", a-t-il dit, indiquant qu'il "ne voterait pas le texte en l'état".

Qui est ce socialo-communiste enragé, qui ose défier l'orthodoxie sarkozyënne ? C'est l'UMP Hervé de Charette.

L'impertinent UMPiste va même jusqu'à dire :

"Ce qui veut dire que la moitié des articles qui concernent le fonctionnement des institutions sont modifiés, complétés, supprimés, remplacés (...) C'est un changement très important de la Constitution, je ne crois pas que ce soit utile", a-t-il estimé.

Il a particulièrement mis en cause la possibilité pour le chef de l'Etat de venir s'exprimer devant les parlementaires. "Le fait pour le président de venir devant le Parlement ça trouble, ça met du désordre, ça rend confus cet équilibre si complexe et subtil et si intelligent de notre Constitution"

Il y a trois semaines, j'avais salué l'initiative du PS d'exiger, comme préalable à toute discussion sur cette "réforme", une démocratisation profonde des élections sénatoriales, pour rendre cette illustre institution enfin démocratique. (Actuellement, le très grand nombre de communes rurales en France donne un avantage permanent à la droite.) C'était une bonne idée et aurait été un vrai progrès démocratique, dans la mesure où le Sénat sert à quelque chose. Visiblement, ce n'est plus dans l'air du temps, et pourtant le PS continue à afficher une hésitation collective, même quand il s'agit de se montrer décidés:

Quelques instants plus tôt, Arnaud Montebourg, chef de file des députés PS sur la réforme des institutions, avait assuré que les élus socialistes auraient une attitude tranchée : ils ne choisiront pas l'abstention mais voteront «soit pour, soit contre».

Une vraie position de force, un parti vraiment décidé. C'est sûr, on ne s'abstient pas... Quel courage les gars!

La communication gouvernmentale sur cette question est tellement mauvaise que l'on ne voit pas ce qui empêcherait le PS de s'opposer, pour une fois que son vote est absolument nécessaire au Très Grand Homme (TGH). Le seul argument véritable - et je dis véritable non pas parce qu'il est fondé ou juste, mais seulement parce qu'il est audible -, et une modernisation des institutions. Ainsi, même Jean-François Copé est capable de formuler parfaitement la défense de la "réforme" :

«Je m'interroge pour savoir si, en réalité, les socialistes ne sont pas, à la faveur de ce week-end de Pentecôte, repris par leurs vieux démons en s'opposant à tout, avec force [...]. Je regrette un peu de voir, mais peut-être que je me trompe, les socialistes s' acheminer vers une position dure» (Libé, toujours le même article.)

Il s'interroge, le Copé. Parce que le PS ne voudrait pas avoir l'air une position dure. Ce serait intenable, tellement pas dans les usages...

Le sarkozysme ne supporte pas la contradiction, et souvent intègre timidement les objections prévisibles dans ses propositions. Ainsi, même si on est un présidentialiste convaincu, genre Balladur ou Lang, la "réforme" proposée paraît tiède, confuse et peu efficace. (Voir ce très bon billet sur un blog Mediapart.) Pas grand'chose de véritablement neuf, de tranché, et pourtant une modification très importante. Hervé de C., encore une fois :

"Ce qui veut dire que la moitié des articles qui concernent le fonctionnement des institutions sont modifiés, complétés, supprimés, remplacés (...) C'est un changement très important de la Constitution, je ne crois pas que ce soit utile", a-t-il estimé.

Donc, quand on est à gauche et que son vote est nécessaire pour passer cette modification de la constitution, pourquoi entre-t-on dans cette danse ? Le PS n'est pas pour une présidentialisation de la Ve République. Cela devrait suffire comme argument pour s'opposer. Cela devrait être évident. Cela devrait enlever toutes les inhibitions, la peur de paraître toujours contre, pas branché. Il suffit de dire des trucs bêtes, genre "Non à la Constitution bling-bling!". "Un an de présidentialisation, ça suffit déjà!". "La constitution n'est pas un Breitling." "Non à la constitution vanité!".

Et ainsi de suite...

13 mai 2008

Blogosphéricité (on fait quoi là?)

De temps en temps on s'arrête pour se demander ce qu'on fait. Ou on ne s'arrête pas, mais on se le demande quand même. Ce weekend a été l'un de ces moments, pour moi mais aussi pour d'autres, comme Donatien, Maxime et oRélie. Est-ce que ça sert à quelque chose de s'époumonner sur les blogs, de se rassembler, de se disputer, alors que l'influence politique de tous ces mots et de tous ces pixels est parfaitement intangible.

Pourtant, chaque jour le Web devient un peu plus un champ de bataille politique. On s'est bien moqué de l'interactivité de Désirs d'avenir, et encore du nom Congrès Utile et Serein, dont on ne sait si le choix était naïf, manipulateur, ironique... ou tout cela en même temps. Bertrand Delanoë lance Clarté, courage, créativité et puis aujourd'hui on découvre Terra Nova qui n'est pas une agence de voyage spécialiste de l'Amérique Latine, mais une sorte de think tank à la Gracques_2.0, dirigé par un ensemble de notables de gauche. A priori, cela ressemble au Monde devenu une sorte de parti politique.

Mais je digresse... L'internet est un espace politique, et les blogs ont un rôle à y jouer, justement parce qu'ils ne sont pas le produit de telle fondation, parti ou think-tank, mais un endroit où les gens, les mal-lavés peuvent dire ce qui leur passe par la tête. La question devient, alors : quand on tient un blog politique, est-ce qu'on fait de la politique?

Ce matin, Nicolas J a réussi à résumer tout ce billet qui n'était même pas écrit en un seul twit:

@marcvasseur : je ne fais de politique ! J'écris dans un blog.

Quand je dis que Nicolas a résumé ma pensée, c'est qu'il me semble essentiel de distinguer l'action politique au sens traditionnel, et l'activité blogoësque. Non que celle-ci doit être complètement détachée de celle-là. La beauté des blogs, c'est justement qu'ils sont si libres qu'ils peuvent s'attacher à, ou se détacher de, tout et n'importe quoi. Nicolas, encore lui, nous rappelle souvent que l'influence des blogs est nulle ou quasi-nulle. Il a raison : le poids de la blogosphère dans les grandes tractations politiques sera toujours zéro. Le modèle syndical ou militant des blogs qui se mettent ensemble, deviennent une force, impose quelque chose aux partis... cela ne pourra pas marcher : les blogueurs, au départ, ne représentent qu'eux-mêmes.

Et pourtant, l'influence réelle des blogs peut être grande. Pas en termes d'action politique, mais en termes de représentations. Car, avec tous ces mots que nous balançons et que l'on nous rebalance, nous finissons par créer des représentations, ou par infléchir, ou dégrader, ou nuancer celles que les médias et les institutions déversent sur nous. C'est donc là, à mon avis, le pouvoir, la force des blogs.

Un exemple : le travail incessant de Juan de Sarkofrance, qui mérite d'être souligné à chaque occasion. Peu à peu, on commence à reprendre ses Nème en sarkofrance, d'abord sur Betapolitique, ensuite sur le site de Marianne. Y a-t-il un lien allant du blog jusqu'à la désormais célèbre couverture, "Putain! quatre ans", qui a réussi à énerver notre Très Grand Homme (TGH) :

Selon plusieurs témoignages, le président a détaillé ses récriminations à l'encontre des journaux. Il aurait aussi visé Marianne, dont la dernière "Une" titrait, sur une photo du président, "Putain 4 ans!", et a accusé le Journal du dimanche de ne pas avoir publié dans son édition papier un sondage plus positif que les autres sur sa récente intervention à la télévision.

Je n'en sais rien. Peut-être.

Toujours est-il que c'est dans ce domaine que les blogs pourront "faire quelque chose", exercer non pas un pouvoir politique, mais influencer, infléchir la vision de la sphère politique. C'est-à-dire en restant des blogs.

Blogositudes

Quelques éléments blogosphériques. C'est la journée blogosphérique ici, du moins si j'arrive à faire mon prochain billet dans les temps.

Mais pour l'instant, ça fait plusieurs jours que je voulais signaler la parution de Sarkozy, la grande manipulation d'Olivier Bonnet, l'auteur de l'excellent Plume de Presse. Parmi les "soixante-seize bouquins" que l'on a fait sur Sarkozy, et qui ont contribué à l'énerver l'autre jour, on peut supposer sans beaucoup de risque que celui-ci sera parmi les plus incisifs.

Je viens de me rendre compte qu'edgar, qui laisse de temps en temps de très bons commentaires ici, a un blog. Je ne sais pas comment cela m'a échappé, puisque son blog existe depuis 2005! Hop, donc, dans la blogroll. C'est réparé.

9 mai 2008

Mes secrets beauté

Il y a comme un virus dans la blogosphère gauche, qui veut que les blogueurs (et pas les blogueuses apparamment) dévoilent leurs secrets beauté. J'ai cru un moment que j'allais y échapper, mais c'était sans compter avec Nicolas J., qui m'a tagué ce matin. Allons-y donc.

  1. Mon fond de teint Aucun, c'est un jaune naturel. Ca dépend un peu des oeufs.
  2. Un mascara De la ciboulette.
  3. Une crème de jour Huile d'olive. Comme quoi je ne suis pas un puriste, qui prendrait plutôt du beurre.
  4. Une marque de produits : Ça dépend des supermarchés.
  5. Ma marque fétiche de maquillage : quelques épinards, mais seulement pour les fêtes.
  6. Un produit must La poêle en inox, bien chaude.
  7. Mon parfum : frais.
  8. Mon magazine fétiche : Volaille hebdo
  9. Tu pars sur une île déserte et tu emportes quoi : une poêle, une gazinière, une poule.
  10. La femme que tu admires pour sa beauté : La quiche lorraine.
  11. La femme dont tu envies le look : la crêpe.
  12. Je me damnerais pour : La spatulle idéale.
  13. Que signifie pour toi la féminité : une omelette vraiment bien étalée et fine.
  14. Un dernier mot : Non.

Ouf, c'est fini.

Je refile, mais en boucle pour éviter de propager la contagion : Nicolas J (ah, tu as déjà répondu? dommage...), Marc (déjà répondu?...non), Juan (auss!?!), Dagrouik (... c'est pas vrai!), Donatien (déjà taggé par Nicolas?), Gaël (lui aussi?), Maxime P., et Monsieur Quicoulol.

7 mai 2008

Comment gruger les vieux

Le chômage, c'est la faute des chômeurs. C'est connu. "On ne travaille pas assez en France." Pire encore, on empêche les gens de travailler, "Il faut laisser les gens bosser" dit notre Très Grand Homme (TGH) (source). Et quelle meilleure façon de les en empêcher, que de leur fournir des allocations chômage ?

Supprimer donc les allocations est une façon de supprimer le chômage. La dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs ayant au moins 57 ans est traitée maintenant carrément comme une interdiction pour nos pauvres séniors de chercher du boulot. Ils voudraient bosser, mais l'Etat-Providence ne veut pas. Du coup ils restent chez eux et dépriment.

Christine Lagarde avait bien appris sa leçon de com':

La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a confirmé, jeudi 17 avril, sa volonté de lever la dispense de recherche d'emploi (DRE) pour les chômeurs de plus de 57 ans et demi, estimant que ceux-ci "doivent pouvoir chercher du travail".

"...doivent pouvoir chercher du travail." Comme si aujourd'hui il leur était impossible de chercher du travail s'ils n'en avaient l'obligation.

Encore une fois, on tartine la vérité de stupidités - ici des "vieux qu'on ne laisse pas bosser" - pour escamoter la véritable question, celle d'une dévalorisation des retraites. Oui : dévalorisation des retraites. Allez vendre ça à ceux qui vous ont élu, Monsieur Président.

Ainsi, le TGH dénonçe le "racisme de l'âge" :

Lors d'une table ronde sur le travail des seniors, le chef de l'Etat a dit vouloir dénoncer le "gâchis" et le "racisme de l'âge" que constitue, en France, la mise à l'écart d'actifs de plus de 50 ans.

Avec un taux d'activité des 55-65 ans à 38%, la France est loin de la moyenne européenne de 43,5% et d'un taux de 58% au Royaume Uni, de 62% aux Etats-Unis, de près 70% en Suède ou de 48% en Allemagne.

Fabien-Pierre Nicolas nous rappelle que c'était là l'un des thèmes de Ségolène Royal :

Le Parti Socialiste et sa candidate avaient ainsi estimé qu'il s'agissait d'un dossier plus crucial que celui de la durée de cotisation vu qu'on parle d'un différentiel pour les 55-65 ans de 20% par rapport à l'Angleterre, de 25% par rapport aux Etats Unis et de 32% par rapport à la Suède.

Faison un peu de calcul. Le taux d'emploi des 55-60 était, en 2005, de 54% (source, pdf). Suppons que cela signfie que les 46% ne travaillant pas ne pourront pas bénéficier d'une retraite à taux plein. Et supposons encore qu'une partie, faible peut-être, je n'en sais rien, des 54% travaillant à ces âges là n'ira pas non plus jusqu'aux 40 ou 41 années des cotisation. Supposons donc que la moitié de la population ne travaille pas jusqu'au bout. Cela veut dire que le fait de passer de 40 à 41 se traduit, pour au moins la moitié de la population, par une simple diminution de leur retraite. Celui ou celle qui n'a pu cotiser que pendant 37 ans aura une retraite déficitaire de quatre années plutôt que de seulemnet trois. Donc pour la moitié de la population, une fois éliminé tout le blablah sur la volonté de travailler, ce qui est en jeu est une dévalorisation franche de leurs retraites. Tout simplement.

Or, pour imposer cela aux Français, il faudrait avoir le courage de le dire.

(Voir aussi Sarkofrance.)

(Et voir aussi aussi PMA.)

6 mai 2008

C'est courageux, c'est clair

Le but de ce billet n'est pas de dire que Bertrand Delanoë et ses amis jospinistes devraient se taire, qu'ils ne devraient pas lancer une initiative en ligne avec un titre plein de bons sentiments pour engager le dialogue avec le peuple de gauche. Nous n'allons pas accuser ces gens-là de vouloir renverser l'ordre naturel des choses au PS, nide prendre le parti par la force tels des (ex-)trotskystes. Je ne leur reprocherai pas le fait de parler en dehors des instances du Parti, directement aux militants dont on sait comment ils sont influençables par des jolis sites internet.

Non, je ne dirais rien de tout cela. Car ce nouveau site, que je n'ai fait que parcourir, est déjà la démonstration que si, pour des raisons qui m'échappent encore, les 10 questions posées par Ségolène Royal le 4 avril étaient illégitimes et dangereuses au moment où elles ont été publiées, elles ne le sont plus. En voulant faire (un peu hâtivement, c'est ce que suggère le billet de Dagrouik) dans la Démocratie 2.0 (si, si, c'est un forum, on peut répondre), Delanoë et Cie ont validé la démarche de Ségolène Royal. C'est bien.

(Il y a quelque chose de curieux dans la réaction suscitée par ces questions, quand même. On dirait que c'était beaucoup plus subversif, finalement, de poser des questions. Ça dérange, et c'est étonnant.)

Update: Voir aussi le billet de Luc Mandret.

6 mai

C'est l'anniversaire... de ce blog, dont le premier billet fut publié le 6 mai 2007 à 3h17. Ségolène Royal n'avait pas encore perdu l'élection, Chirac était encore président. Juan, qui fait le tour des billets de ce jour fatidique a déjà cité ce premier billet, et ce retour en arrière m'a remis soudain dans l'esprit d'alors.

Sans doute ce qui m'a poussé à ouvrir ce blog, c'était la crainte d'un verrouillage du pouvoir médiatique par le nouveau Président, la pérennisation du système qui avait si bien fonctionné pendant la campagne, un contrôle médiatique dopés des pouvoirs "régaliens" dont le Très Grand Homme (TGH) allait disposer une fois aux commandes.

Fallait-il avoir autant peur de Sarkozy?

Oui, car ses politiques sont aussi mauvaises que ce qu'il avait annoncé, sinon pire. En revanche, ce que je n'avais pas prévu, du moins pas le 6 mai 2007, c'était que Sarkozy était nul, qu'il était incapable de gérer son propre pouvoir. Chirac avait raison : Sarkozy a explosé en vol, sauf que c'était une explosion lente et qui se prolonge encore aujourd'hui, un champignon à l'horizon qui enfle presque silencieusement.

L'enjeu a donc changé, car Sarkozy ne convainc plus, et il est difficile, quand on est Président de la R., de se faire oublier assez longtemps pour se refaire une santé médiatique. Donc le Sarkozy de la maîtrise médiatique, de la centralisation à outrance du pouvoir présidentiel, ce Sarkozy-là nous fait moins peur pour l'instant. Je dis bien : pour l'instant. Car le jour où il aura à nouveau un(e) véritable adversaire à gauche, la machine se remettra en marche, moins bien qu'avant, mais quand même. Et en attendant, nous avons une sorte de Chirac enragé et hargneux, qui détient malgré tout le Sénat et l'Assemblée Nationale, et qui domine tant bien que mal son propre parti.

L'enjeu, vu de mon clavier en tout cas, devient de plus en plus celui de la forme d'une opposition possible. De ce point de vue, je n'ai pas beaucoup changé depuis le 6 mai 2007. Je reste persuadé qu'une gauche doit d'abord, surtout, être capable de reprendre le pouvoir. Il ne faut pas être ni trop gentils, ni trop abstraits, ni trop "techniques". La victoire ne viendra pas seulement d'un programme, mais d'une communication efficace, supérieure à celle de l'adversaire, et (quand même) plus honnête, plus sérieuse. Le jeu politique est ainsi fait, même si on ne l'aime pas.

J'ai l'impression que ce blog va s'orienter de plus en plus vers cette réflexion-là, sans évidemment renoncer à suivre les turpitudes et les évolutions du sarkozyzme.

Plus que quatre ans. Peut-être. Il faut tout faire pour ne pas que ce soit plutôt neuf ans.

5 mai 2008

Restabilisé (ouf!)

Lu dans The Economist (attention, Nicolas J., c'est en anglais) :

The problem now seems to have been taken in hand. Mr Sarkozy is to appear more presidential, and less interfering. He is now photographed in sober suits rather than jogging gear. Emotionally, he has been, says one aide, "restabilised".

Je ne me souviens pas avoir lu, dans la presse française, qu'un quelconque "proche" du Très Grand Homme (TGH) avait dit que le Monsieur Sarkozy était "restabilisé émotionellement". C'est vrai, j'ai pu louper ça, je manque le Canard un peu trop souvent. Mais peut-être c'est le genre de confidence que l'on ne fait qu'aux étrangers.

"Restabilisé émotionellement". Re-. Incroyable, non? Ca passe comme rien. Et ce n'est pas comme si The Economist était franchement de gauche.

Est-ce normal qu'on puisse dire : Oui, le Président de la République Française, cinquième puissance mondiale, pouvoir nucléaire, a eu une période d'instabilité émotionnelle. Maintenant tout va bien, cela dit ?

Subtilisons vos retraites

La subtilité est pénible. Impossible à communiquer à grande échelle. Les exemples ne manquent pas, mais prenons un des plus tièdes du moment, la modification de la durée des cotisations pour l'assurance vieillesse.

La logique selon laquelle l'allongement de la durée de vie doit conduire à un allongement de la durée de cotisation n'est pas, en soi, une abomination. Dans un monde idéal, où la durée réelle du travail pourrait être décretée, décidée par la collectivité, passer de 40 à 41 ou 42 ans pourrait ne pas poser de problème majeur.

Les arguments fillonesques sont basés sur cette image d'Epinal, où d'ailleurs chacun va jusqu'au bout de ses 40 ou 41 ans, sauf, évidemment, les fainéants qui eux auront ce qu'ils méritent. Dans ce monde parfait, les femmes, par exemple, n'ont aucun mal à faire des enfants, s'en occuper, et aller jusqu'au bout de leur travail. Idem pour ceux qui font des études longues. Les 41 années de travail seront toujours simplement une question de volonté et de mérite.

Bien sûr, en réalité, on sait bien que les entreprises n'aiment rien plus que de virer leurs salariés quand ils sont à cinq ou six ans de la retraite et qu'ils coûtent très cher à la boîte, pour les remplacer par des jeunes qui n'en veulent. En réalité, le MEDEF se bat bec et ongle pour empêcher que l'on contraignent les entreprises. Ce qui leur importe bien plus que les 40 ou 41 années de cotisation, c'est leur droit de virer les quinquas.

Comme les bonnes nouvelles n'arrivent jamais seules, Christine Lagarde annonce la suppression de la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs en fin de carrière. Et le pouvoir va rendre beaucoup plus difficile (en principe en tout cas) le maintien des allocations de chômage. Tout va dans le sens donc d'une précarisation grandissante des seniors, qui seront ni embauchables, ni chômeurs, ni en pré-retraite, ni à la retraite, ni rien du tout. Nos quinquas risquent bien d'être pris en tenaille entre ces différentes mesures. C'est sympa quand on pense qu'ils ont voté massivement pour Sarkozy. L'essentiel est donc de dissimuler le fait qu'ils sont visés par ces "réformes".

Petit à petit, on s'éloigne du monde idéal où le niveau d'une retraite dépend de la volonté du travailleurs. Mais le pire, et c'est là où la subtilité entre en compte, c'est l'image d'un pays où chacun pourra travailler aussi longtemps qu'il le souhaitera cache le fait que le passage à 41 années de cotisation signifiera simplement, pour un grand nombre de (futurs) retraités qui, pour différentes raisons, ne pourront pas atteindre les 41 ans, une réduction franche de leurs retraites. Mais allez vendre ça aux téléspectateurs : on a décidé de réduire vos retraites de ... pourcent, et en plus, vous passerez, avant même d'y arriver une, deux, cinq ans en tant qu'RMIste. Vous avez fait des économies pendant toutes vos années de dur labeur ? Vous avez mis quelque chose de côté ? Super : ça vous permettra de vivre en attendant la retraite... réduite.

La question des retraites est subtile, difficile, compliquée. Il est tellement plus simple de tout réduire à des valeurs simples, monolithiques : pas d'accord, fainéant ?

4 mai 2008

PS : n'oublions pas les images

Juan nous rappelle un élément de politique-fiction pas si fictif qu'il avait évoqué en mars :

Sarkozy dissoudra sans doute l'assemblée nationale dans deux ans, c'est-a-dire en 2010. Histoire de laisser la gauche aux commandes se vautrer, plombée par une refondation incomplete et un pays ruiné par 3 ans de gabegie sarkozyste. Le President a largement montré, ces 10 derniers mois, qu'il tenait davantage a lui qu'a son camp, a sa survie qu'a celle de ses idées.

En 2012, après deux années de cohabitation, Sarkozy nous rejouera "la rupture", l'homme providentiel.

Je ne sais pas si Sarkozy le fera. Est-ce une manoeuvre trop villepino-chiraquienne pour son goût ? Est-il assez fort dans son propre camp pour supporter la colère UMPéïste qui en résulterait ? Impossible de savoir.

Le problème soulevé par la question de Juan va plus loin que les considérations stratégiques : la gauche doit être en ordre de marche, ne peut pas se permettre de prolonger ses chamailleries beaucoup plus longtemps. De même, l'idée de construire un super-programme soc-dem sans désigner de candidat pour attendre le retour providentiel de DSK, protégé par le FMI des salissures du combat intra-PS, s'avérerait très risquée.

Quoi alors? Un billet de plus pour se lamenter sur l'état actuel du PS? Oui.

Mais aussi, un petit rappel, alors que nous nous rapprochons de l'anniversaire de l'élection triomphal du Grand Moderniseur de la République, Celui qui devait balayer tous les Conservatismes, notre Très Grand Homme (TGH), Président des Coeurs (pourquoi pas?) : qui peut dire où nous en serions aujourd'hui si Ségolène Royal savait, le 25 janvier 2007, que la France possédait dix sous-marins nucléaires ? Peut-être que cela n'aurait rien changé. Un autre piège lui aurait été tendu, on aurait trouvé autre chose. Mais si l'ouverture de cette brèche dans la perception de la candidate, les choses se seraient passées autrement.

Je ne dis pas cela pour parler de "Ségolène, victime des médias", même si elle le fut, mais pour dire que l'on a tendance à oublier à quel point des choses frivoles entrent en compte dans une élection présidentielle. En 2012, ce sera pire. C'est toujours pire. Alors, d'un côté, il me semble très important que le PS réfléchisse sur un projet, et surtout sur son mode de fonctionnement. Mais en même temps, il est au moins aussi important de gagner la guerre médiatique. C'est malheureusement une illusion de penser qu'avec un super programme, le PS sera imbattable en 2012. Même en admettant qu'un tel programme puisse même se formuler, qui mettrait magiquement tout le parti d'accord en supprimant les rivalités, rien ne garantit qu'elle serait électoralement efficace. Et, encore malheureusement, la guerre de la communication commence aujourd'hui, ou même hier. Il est très inquiétant de constater que, malgré un président qui établit sans cesse des nouveaux records d'impopularité, le PS n'a pas pu se relever.

Il est tentant de penser que l'échec médiatique du TGH prouve que les français veulent aujourd'hui du concret, et que l'image ne jouera plus le même rôle qu'avant dans les élections présidentielles. Malheureusement (encore et toujours), l'échec médiatique de Sarkozy ne prouve que les manipulations médiatiques de l'image devront être, à l'avenir, plus subtiles. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre à ce jeu là.

2 mai 2008

Un blog dans chaque gamelle

Tout à l'heure, on parlait du dernier classement Wikio, et Eric Mainville disait, soulignant que Wikio n'est ni de droite, ni de gauche, dans les commentaires, ceci :

Mais attention, gardons toujours un esprit critique, notamment vis-à-vis de wikio, entreprise certes sympathique, efficace, mais dont le but n'est pas de promouvoir des idées de gauche. L'outil ne doit pas nous bouffer.

Et, enfin, dernière remarque grinçante: il faut sortir, agir vers l'extérieur. Sinon ce militantisme sur le net sera contre productif, sans aucun effet sur le réel.

Et il a raison, sur le fond : un classement des blogs, c'est léger. Il nous faut en effet du lourd. Il ne faut pas que les blogs se réduisent à un jeu. J'ai tendance à penser, cependant, que cette victoire n'est pas sans importance, justement parce qu'un classement peut servir de vecteur à des idées, à un certain discours rival.

Et, puis, il y a le fait que le Web devient un enjeu politique en soi. Je ne veux pas verser dans le boboïsme 2.0, mais il suffit de voir à la fois la maladresse des hommes politiques à s'emparer d'un outil aussi simple qu'un blog (voir le billet de Julien Tolédano à ce sujet), ou encore cette tentative, tout aussi maladroit semble-t-il, du pouvoir d'occuper ce même espace. (On ne veut pas laisser ce terrain à Désirs d'avenir et au Congrès utile et serein.) Je parle des Assises du numérique, lancées par Eric Besson himself. C'est un enjeu tellement important que Sarkozy y a lancé l'un de ses plus fidèles serviteurs. Besson explique:

La création d'un secrétariat d'Etat en charge de l'économie numérique constitue une première dans l'histoire des institutions de la République. En désignant un membre de son exécutif pour conduire sa politique numérique, elle pourra renouer avec une véritable ambition : devenir une grande nation numérique. A ce titre, le Président de la République et le Premier Ministre m'ont demandé de présenter avant le 31 juillet 2008 un plan de développement de l'économie numérique pour qu'à l'horizon 2012, la France ait retrouvé les premiers rangs du monde numérique.

"... une grande nation du numérique". Il a oublié de mentionner le Minitel. Ensuite, on arrive au plan d'action, décidé déjà avant les Assises qui n'auront donc pas grande chose à asseoir:

Ce plan comportera trois grands volets : accélérer le déploiement des réseaux numériques sur l'ensemble des territoires ; libérer la création de valeur et favoriser la diffusion des contenus ; promouvoir la diversification et l'appropriation des usages pour une approche renouvelée de la citoyenneté.

Alors, point par point :

  1. "accélérer le déploiement des réseaux numériques sur l'ensemble des territoires" ... Bref, de sous pour les industriels. Le réseau français est déjà très performant par rapport aux autres "grandes nations numériques".
  2. "libérer la création de valeur et favoriser la diffusion des contenus" ou Comment dire une chose et son contraire. Ce sera quoi ? Une sorte d'iTunes national...?
  3. "promouvoir la diversification et l'appropriation des usages pour une approche renouvelée de la citoyenneté". Et voilà ce à quoi je voulais en venir : faut-il attendre l'Etat, et surtout l'Etat de Sarkozy pour que les citoyens se réappropient leur citoyenneté grâce au "numérique"? Un blog dans chaque gamelle...

J'ai horreur d'être mauvais esprit, mais il faut bien que quelqu'un le fasse : ne s'agit-il pas, avec cette promotion de la "diversification" et de "l'appropriation des usages", pour l'Etat de s'approprier toute cette énergie démocratique qui de toute façon déborde de partout sans attendre personne, et la canaliser dans une sorte de Grand Machin National pour éviter que ça fasse du mal à l'ordre établi?

Edit: une petite précision pour nuancer le propos d'Eric.

Triomphe de la blogosphère gauche

Le classement Wikio des blogs politiques est sorti avant-hier. Ce blog est, d'après ce classement, le dix-septième blog politique français.

J'en suis content, évidemment. Pour une fois, une activité qui malgré tout prend pas mal de temps et d'énergie, à la longue, est symboliquement récompensée. Je ne vais pas cracher dessus.

Cela dit, je garde bien à l'esprit tout l'arbitraire de ce classement. Quand je regarde mon nouveau voisinage, je vois qu'il y a des blogs qui sont sûrement beaucoup plus influents que celui-ci, déjà quand on voit la quantité de commentaires. Pas d'illusions, donc, sur cette illusion.

Si les causes de ce classement sont à chercher dans les algorithmes de Wikio et surtout dans l'effet de groupe, les effets sont visibles. La semaine dernière Monsieur Poireau et un billet d'Eric Mainville m'ont alerté du fait que Libé avait publié un extrait de l'un de mes billets. (Ainsi qu'un gros extrait d'un billet d'Eric, un autre pris chez kamizole, un autre chez Peuples.net.) C'est peu, une micro-goutte d'eau dans l'océan de la politique et de l'information, mais, pour un humble anonyme comme moi, c'est beaucoup plus que ce que j'aurais pu espérer apporter au débat public en l'absence de cet outil magnifique qu'est le blog.

Le classement ne mesure peut-être pas l'influence réelle des blogs, mais cette fois il mesure l'influence grandissant d'un groupe de blogs, et c'est sans doute la grande nouvelle du mois : Intox2007 et Sarkofrance rejoignent Partageons mon avis (PMA) dans les dix premiers blogs politiques de France (et de Navarre). Du coup, PMA enregistre une légère baisse. Son taulier s'explique :

Ma baisse a différentes raisons, dont quelques unes mécaniques, comme la fin d'une période électorale où j'ai été très actifs, la montée des copains, le retour de Betapolitique dans le classement, Nicolas Sarkozy qui parle beaucoup moins... et moins de billets à faire pour lui répondre.

Mais ce taulier se trompe : il n'y est pour rien. Oui, Betapolitique revient. C'est une bonne chose, il faut bien lui faire de la place. Surtout, portés par un élan irrésistible, Juan et Dagrouik arrivent enfin, il faut leur faire de la place aussi. Ca ferait donc trois nouvelles places. Or, PMA ne baisse que de deux places. C'est donc un peu comme s'il montait d'une place. Bref, Nicolas J. n'a rien à se reprocher, il peut continuer à bloguer la tête haute.

Et comme si cela ne suffisait pas, Marc Vasseur frappe à la porte de la gloire avec une très solide onzième place. Et pour prolonger ce feu d'artifice de bonnes nouvelles, Marc s'intéresse à nouveau à son Congrès Socialiste par ses militants, ce qui est aussi une excellente nouvelle.

Les bonnes nouvelles n'arrivent pas qu'au sommet du classement. Ce qui est presque encore plus important, c'est que toute une armée de petits blogs comme celui-ci montent tout doucement : Victoire au poing de Maxime Pisano me talonne, Abadinte bondit, kamizole continue son ascension inexorable, Trublyonne explose (69e, quand même, +80 il faut le faire), Didier B. arrive au 77e place, l'Antenne relais progresse... Mon souhait, pour le mois prochain, est de voir encore plus de bons blogs de gauche arriver dans ce tableau, des blogs comme Assez pensé (mais il faut que Nicolas W. nous fasse un peu plus souvent des billets!), ou comme Regards... sur l'histoire et la politique qui pourrait être utile si les débats sur le rôle de Napoléon III dans la France d'aujourd'hui devait prendre plus d'ampleur.

Bref, tout ça c'est bien, on est contents. Maintenant il faut faire des billets.