10 décembre 2012

Compétitivité vs. compétitivité

 

Ce qui est bien quand on croit à l'austérité, c'est que quand tout va mal, c'est le signe que tout va bien. L'austérautiste s'en retrouve conforté dans sa croyance, et il a même le sentiment d'avoir affronté ses idées au monde réel. Tout va vraiment bien, donc.

Pour s'en convaincre, il suffit de regarder l'Espagne, comme cette jouraliste des Echos qui s'écris : "la sortie de crise n'est plus une utopie" :

Imperceptiblement, l'Espagne se redresse. Oui, le pays est toujours en récession et le sera l'année prochaine. Oui, le chômage atteint des sommets inimaginables, à 25 % de la population active. Oui, le déficit public est promis à un nouveau dérapage. Mais des signaux sont là, preuve, peut-être, que le pays a touché le fond et remonte, lentement, vers la surface.

Ouf. Les 25 % qui sont au chômage doivent sauter de joie. Voici pourquoi :

8 décembre 2012

Modèle allemand : attention à l'arnaque

 

Dans Les Echos, Thibaut Madelin publie une analyse intitulé : "Les trois limites du si envié « modèle » allemand".

Les trois limites sont :

  1. Les fameuses réformes Hartz ont quand même abouti à une paupérisation de masse qui n'est pas assez soulignée quand on admire l'Allemagne de l'autre côté du Rhin. C'est la dévaluation interne et austérité permanente dont je parlais récemment.
  2. Le modèle allemand est fondé sur l'exportation.
  3. La démographie : bientôt il n'y aura plus que des retraités en Allemagne. (Voir le billet de Dagrouik là-dessus.)

C'est le numéro 2 qui me préoccupe aujourd'hui, car sur la question de l'exportation, Thibaut Madelin ne va pas assez loin dans sa critique.

7 décembre 2012

Après l'austérité, l'austérité

 

Je parlais l'autre jour de la dévaluation interne, cette technique économique très avancée qui consiste à augmenter la compétivité d'un pays de l'Eurozone (qui ne peut pas pratiquer la dévaluation "externe" traditionnelle par le biais de sa monnaie) en appauvrissant sa population. Les gens sont plus pauvres, consomment moins – ce qui améliore la balance commerciale – et surtout travaillent pour beaucoup moins, ce qui permet de réduire les prix à l'exportation.

Dans la théorie, ce système doit aussi faire baisser les prix, rendant le tout moins douloureux pour les gens qui se trouvent dévalués. Malheureusement, il y a beaucoup de raisons de penser que les prix ne peuvent pas baisser, ou en tout cas pas autant que les salaires.

Prenons par exemple le secteur agricole, qui représente d'ailleurs une grosse part des exportations françaises. Si les salaires des consommateurs baissent en France, et que ceux-ci continuent à manifester leur désir de se nourrir, le marché va-t-il corriger les prix en fonction de cette nouvelle donne ? On peut penser que l'essor du discount alimentaire va déjà dans ce sens. Mais cela fait penser aussi que s'il y avait auparavant un peu de marge de manoeuvre du côté de la distribution, il y en a beaucoup moins aujourd'hui. On sait que la grande distribution fait tout ce qu'elle peut pour obliger ses fournisseurs à accepter de très mauvais prix. Et pour les agriculteurs eux-mêmes, ils sont, pour beaucoup, coincés entre leurs coûts, c'est-à-dire le prix du pétrole, et le prix de leurs produits, souvent fixés sur l'échelle internationale.

La dévaluation interne et la baisse des salaires en France ou même en Europe ne feront pas baisser le prix du pétrole. Et même si nos agriculteurs pouvaient produire pour moins cher, ou accepter moins de marge sur leurs produits en vivant plus frugalement, ils n'auraient aucun intérêt, quand même, à vendre en dessous du prix international. Le blé et le maïs ont beau être "made in France", leur prix ne l'est pas.

L'économie est internationale, mais votre salaire est bien local.

5 décembre 2012

L'austérité ne peut jamais échouer. Jamais.

 

Cette fois c'est le tour du Royaume Uni d'annoncer des mauvais resultats :

Dans son traditionnel "discours d'automne", prononcé mercredi 5 décembre, le ministre des finances britannique, George Osborne, a fortement revu à la baisse les prévisions de croissance économique pour le Royaume-Uni en 2012.

Le gouvernement prévoit désormais une contraction de 0,1 % de l'économie cette année, contre une précédente prévision de + 0,8 %. La croissance en 2013 sera elle aussi plus morose que prévu, à 1,2 % de progression du PIB, contre + 2 % initialement calculés.

Cerise sur le gâteau, George Osborne a également indiqué que le pays ne tiendrait pas ses objectifs de réduction de dette à l'horizon 2015-2016, mais seulement en 2016-2017. De ce fait, l'austerité durera un an de plus que prévu, jusqu'en 2017-2018, a expliqué le chantre de la rigueur britannique.

Quand l'austérité ne marche pas, c'est qu'il faut attendre encore plus longtemps, ou bien appliquer encore plus d'austérité, ou même les deux en même temps : plus de rigueur et plus de temps.

2 décembre 2012

La dévaluation interne qui vous veut du bien

 

Qu'est-ce que la dévaluation interne ?

Quand la crise grecque était à l'un de ses paroxysmes, ou peut-être à chacun, on répétait que, sans l'euro, la Grèce aurait pu dévaluer sa monnaie. Cela reste l'une des clefs de la crise, et de l'avenir de l'Europe, ou du moins de l'Euro.

Commençons par la théorie :

21 novembre 2012

L'austérité en courbes

L'un des blogueurs de The Economist a publié ces courbes récemment, où l'on voit l'évolution des PIB de quatre grandes forces économiques qui ont toutes subi la ou les crise(s) de façon assez semblable (sauf pour le Japon, avec ses catastrophes naturels et nucléaires, et sa récession interminable qui était déjà bien en place).

Ce qui ressort, évidemment, c'est que les Etats-Unis sont les seuls à ne pas suivre la courbe moribonde de l'Europe (et du Japon), en évitant le deuxième dip de la récession qui est en train de s'abattre sur l'Europe.

Et The Economist semble dire, si j'ai bien suivi l'article avec sa métaphore automobile, que si les USA s'en sortent, c'est que le (ou les) conducteur(s) ont su conduire en douceur, en évitant les a-coups.

Pour nous, l'explication qui saute aux yeux, c'est que des quatre "pays", les Etats-Unis sont celui qui a conduit une politique de relance (presque 800 milliards de dollars), secourant au passage l'industrie automobile. Comme le Royaume Uni, ils ont également procédé à du quantitative easing, dont les effets sont moins clairs. En tout cas, des politiques parfaitement opposées à la rigueur d'Angela Merkel.

20 novembre 2012

L'Allemagne, l'Europe, la dette, l'économie

 

Personne n'a encore gagné une élection en promettant des actions qui vont nuire à son propre pays, mais qui feront avancer l'Europe. La stratégie industrielle et monetaire, dont j'ai parlé il y a deux ou trois jours, suit bien cette logique. Le flux de capitaux des pays de l'Eurozone vers l'Allemagne, et le flux correspondant de Mercedes, de Cayenne et d'Audi TT vers les pays qui s'endettent petit à petit aboutissent à cette situation où vous avez Dr. Merkel qui donne des leçons de compétitivité, alors que le fameux modèle allemand ne fonctionne plus si tous les pays de l'Europe font des excédents commerciaux. Le reste de l'Europe a deséspérement besoin d'un grand relâchement monétaire, une petite dévaluation de l'Euro (qui ferait bien plus pour la compétitivité que des bricolages avec la TVA), une dose d'inflation qui rendrait plus digérables les dettes ex-souveraines. L'Allemagne n'en a pas besoin, car elle bénéficie d'un influx permanent de liquidités, nos liquidités, celles de ces pays qui s'endettent pour, en autres, pouvoir acheter du Made in Germany. (Car les pays frappés par la crise, les PIIGS, sont surtout ceux qui ont les plus gros déficits commerciaux.)

17 novembre 2012

Le problème européen : la domination commerciale allemande

 

En 2011, les exportations françaises vers l'Allemagne totalisaient 69,1 Md€. Les importations dans l'autre sens s'élévaient à 85,2 Md€. La France était donc déficitaire de 16,1 Md€. En gros, la France domine l'Allemagne en produits agricoles et energétiques, tandis les voisins teutons nous dominent par l'automobile, l'électronique, l'informatique, produits chimiques, et même pharmaceutiques, domaine où la France l'avantage jusqu'en 2003.

Et pourtant, sur l'échelle européenne, la France est une grosse économie. La quasi-totalité (sauf les Pays-bas) des pays de l'Eurozone sont déficitaires vis-à-vis de l'Allemagne :

Les pays de l’UE contribuent à ¾ du solde commercial positif de l’Allemagne ; les pays de la zone euro à la moitié.

Je me souviens d'un article de journal que je ne retrouverai pas, où un Grec disait : "ils nous vendent des BMW, nous leurs vendons des tomates".

14 novembre 2012

Pour ou contre l'austérité : la seule véritable distinction politique actuelle

 

Ce blog s'arrête de temps en temps, parfois pour une semaine ou deux, parfois pour des périodes plus longues. C'est comme ça.

Cette fois, depuis au moins quinze jours, je démarre des billets que je n'ai pas le temps de finir. Le billet du retour est toujours très difficile, car vous avez trop de choses à dire pour les caser dans un petit texte et dans une petit temps de rédaction.

Plutôt que d'écrire, on lit des choses intéressantes, et pour finir on a encore plus de choses à dire, ce qui rend le processus encore plus difficile.

Donc, pour aller vite, je vais essayer de synthétiser, sans argumenter.

19 octobre 2012

Comme la Suisse ? Facile !

 

Il paraît qu'en appliquant le libéralisme à la France, la France deviendrait une sorte de Suisse. La Suisse est un pays "fit", un pays qui fait du fitness (en salle, car les hivers sont rudes). Les libéraux sont fits aussi, car on est responsable pour son corps. C'est une question de volonté. Et cela leur évite d'avoir à se soucier de ce qu'ils deviendraient s'ils n'avaient pas l'assurance maladie de la Sécurité Sociale, car comme ils sont "fits", ils résistent aux maladies, au vieillissement et souvent au décès.

Mais je digresse.

Le problème que nous avons devant nous, c'est comment faire de la France une Suisse.

12 octobre 2012

Ebuzzing : un classement insignifiant

 

Il y a, depuis hier soir, une petite échauffourée dans la blogosphère, entre les Leftblogs et la société Ebuzzing, responsable du classement des blogs politiques, l'ancien classement Wikio. Est en cause la présence dans le classement d'un non-blog, accessoirement d'extrême droite. En effet, fdesouche ne fait que de publier des liens vers des articles de presse pouvant conforter son xénophobe dans leurs opinions. Si je trouve parfaitement normal que des blogs d'extrême droite aient leur place dans la blogosphère (et il y en a : celui de Rioufol par exemple), un aggrégateur de liens n'est pas un blog, et en laissant ses commentateurs faire le sale boulot, cette machine communautaire fait entrer, de façon détournée et sans possiblité de vrai débat de blog à blog, une énorme quantité de n'importe quoi haineux.

Mais l'échauffourée en question ne concerne pas directement fdesouche, mais la société Ebuzzing.

Quelques réactions des confrères :

Et ma réaction ?

11 octobre 2012

Dette : prenez vos billets pour la nouvelle crise

 

C'était le 6 septembre. Mario Draghi a annoncé un soutien "illimité" aux pays de l'eurozone menacés par leurs dettes. Le mot "illimité" a produit un certain effet et a servi à rassurer les requins. Les taux payés par l'Espagne et l'Italie baissent aussitôt. Tout le monde est content. L'euro est sauvé !

Pourtant, un peu comme avec les forfaits téléphoniques illimités, il y a des clauses en bas du contrat qu'il faut lire. Et la condition essentielle du soutien illimité de la BCE oblige le pays demandeur d'aide de se soumettre aux "réformes" préconisées par la BCE. Pour avoir une idée de ce à quoi ressemblent de telles réformes, je vous invite de regarder un peu la Grèce.

Un mois plus tard, les choses semblent s'être calmées. L'Italie emprunte à des taux raisonnables, malgré une récession dure et des déficits qui explosent, malgré ou plutôt à cause de plusieurs politiques d'austérité et de libéralisation.

Pourtant…

9 octobre 2012

Austérité, croissance, char, boeuf

 

Mediapart publie une série de débats sur le TSCG. Voici un extrait de celui entre Pierre Laurent (PCF) et Karine Berger (PS) :

Pierre Laurent. L’engagement de François Hollande, c’est même 0 % de déficit en 2017.

Karine Berger. 3 % de déficit pour la France, c’est le moment où la dette arrête d’augmenter toute seule. Pour nous-mêmes, nos enfants, la capacité de mettre en place des politiques de gauche dans ce pays un jour de manière forte, avec des marges de manœuvre et des progrès sociaux, nous devons d’abord stopper l’emballement de la dette.

La réponse de Karine Berger est sans doute la défense la plus claire et la plus cohérente possible de la position du Président et du gouvernement, à la fois en termes de perspective économique et garanties politiques à gauche.

Être "l'ennemi de la finance" voudrait dire : libérer la France des financiers en réduisant la dette. Et le grand redressement des comptes publics ne serait que la prélude à une nouvelle politique de gauche, à mettre en place sans doute pendant un éventuel second quinquennat de François Hollande.

On dit qu'il manque à Hollande "un grand récit" à raconter à la France. Celui-là pourrait jouer ce rôle.

Ce serait un beau récit, une belle histoire. Et pourtant, je n'y crois pas.

7 octobre 2012

Austérité, tu m'auras pas

 

Enfin, si. Tu m'auras. Tout est parti pour.

La semaine dernière, j'ai parlé de l'Italie, où la politique d'austérité a permis de doper la récession tout en creusant encore plus les déficits. (Tout va bien, finalement, car les nouveaux déficits, dûs à l'austérité, ne sont pas de la même nature que les anciens.)

Selon Angela Merkel (et bien d'autres), il faut que ça fasse mal. C'est en se faisant mal qu'on se fait du bien. On peut aussi se faire du bien en faisant mal aux autres. Les deux vont ensemble.

François Hollande, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac restent donc à l'intérieur du consensus austère.

Cahuzac a dit hier :

Est-ce que c’est agréable de lever l’impôt ? Non. Mais, à court terme, l’endettement public crée la récession

J'aimerai savoir précisément pourquoi il pense que l'endettement public crée la récession. L'exemple italien, comme les exemples espagnol et grec, montrent qu'à court terme, l'austérité crée la récession. Le mécanisme est simple : l'austérité enlève de l'argent de l'économie et donc la ralentit l'activité. L'endettement peut provoquer une hausse des taux d'intérêt payés pour financer la dette, créant les spirales qu'on a vues chez les voisins. Mais cela n'a pas encore eu lieu en France et n'explique pas la récession.

Et puis, il n'est pas nécessaire de chercher l'explication de la récession : la (ou les) crise(s) financière qui n'étaient pas provoquée(s) par les budgets des Etats de l'Union Européenne.

Il semble, hélas, que le Parti Socialiste a intégré totalement la doctrine qui, il n'y a pas si longtemps, étaient réservée à la droite libérale, l'ex-UDF en particulier. Un exemple parmi d'autres : Catherine Trautmann, dans un débat avec Barbara Romagnan, chez Mediapart :

Qu’on ait des règles de résorption du déficit et de résolution de la dette, c’est la condition indispensable d’assainissement de nos économies. La France doit redresser ses comptes et faire face à ses obligations de contributeur.

Nous avons internalisé la lubie anti-keynésienne. Les dettes souveraines ne sont pas la cause de la crise, mais la crise révèle une faiblesse dans la structure de l'union monétaire, qui fait que désormais il n'y a plus qu'une seule manette sur laquelle les Etats peuvent tirer : le dosage de l'austérité. Tout le reste est bloqué : relâchement monétaire, taux d'intérêt, inflation.

3 octobre 2012

Les Pigeons (#geonpi) sont vraiment des pigeons

 

Une petite note sur les "#geonpi", qui s'avère une intoxication politique de grand niveau.

D'abord, il faut absolument lire ce billet excellent, qui écrasent les arguments larmoyants des Pigeons, et remet de l'ordre dans les chiffres. Par exemple :

1 octobre 2012

Autoentrepreneurs : il ne faut pas subventionner la précarité

 

Le titre du papier de L'Expansion est plaisant : "Hausse des cotisations: les auto-entrepreneurs crient à l'assassinat". C'est une question complexe, qui fait ressortir des clivages parfois inattendus. Ainsi, le fait "de relever les taux forfitaires pour les rapprocher de ceux des indépendants", comme l'affirme le ministère du Commerce et de lArtisanat, par souci "d'équité" (les artisans avaient crié à l'assassinat les premiers). Ce n'est pas la première fois depuis la rentrée que nous entendons des cris de "Au voleur ! à l'assassin !", et ce n'est sûrement pas la dernière.

La question devient celle savoir ce qui est la réponse véritablement "de gauche" à la question de l'autoentreprise. Ainsi, Henri Novelli se veut le défenseur des pauvres :

Le père de l'auto-entreprenariat, Hervé Novelli, a pour sa part dénoncé ce week-end " une mise à mort progressive des auto-entrepreneurs", ajoutant que la mesure, "véritable agression contre les travailleurs pauvres", allait faire "revenir le travail au noir". (Du même article.)

(Notons au passage que tout le monde parle de "mort".)

30 septembre 2012

Vous êtes stupide

 

Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Fnac. Je vais sortir des thèmes habituels aujourd'hui. Ebuzzing considère encore que je suis un blog "multi-thématique" (et pas politique), donc j'ai le droit.

L'autre jour, je suis tombé à un envoi publicitaire de la Fnac, qui crée la Fnac Pro, apparemment des produits et services qui visent surtout les professions libérales. Décryptons…

29 septembre 2012

Le pour et le contre

 

Depuis quelques jours et quelques billets, j'essaie de me positionner par rapport aux perspectives offertes par le hollandisme naissant, et surtout celle de ce TSCG qui se profile. Le problème, c'est ce que, comme dirait Zuckerberg, "c'est compliqué".

Tentative de tout démêler.

(Note aux lecteurs non-blogueurs : quand je n'écris pas, je peux avoir des idées très floues sur toutes ces questions ; c'est seulement quand il faut commencer aligner des mots et des arguments que les choses se précisent dans mon esprit, fût-ce provisoirement. C'est une grosse partie de l'intérêt du bloggage. Au risque de paraître comme un vieux grincheux, le tweet, parcellaire par essence, ne provoque pas le même processus.)

28 septembre 2012

Tu comprends, c'est structurel

 

L'autre jour je me suis penché sur le cas de de l'Italie, où l'austérité bat son plein, ou son vide, ou son bide, depuis un an, avec plusieurs tours de vis consécutifs, assortis à des libéralisations censées libérer la croissance captive. Le resultat, comme on sait, est une récession bien plus dure que ce que les chantres de l'austérité – pourtant ceux qui "savent", n'est-ce pas ? – avaient prévu.

Et tout cela est bien documenté, et ne fait même pas débat. Mais ce qui est véritablement tordu, c'est que la véritable explosion des déficits italiens n'inquiète pas tellement les marchés, ni les partenaires européens (c'est-à-dire : Merkel), alors que le but de l'austérité n'est autre que d'éviter les déficits. L'Italie s'endette comme avant, voire encore davantage, mais cela n'a plus d'importance puisque elle souffre, et l'important est de souffrir, car la souffrance rassure la finance.

Voilà, donc, où nous en étions. Mais depuis ce billet, j'ai appris qu'il y avait décifit et déficit, et que cela change absolument tout.

27 septembre 2012

Pendant ce temps, en Italie...

 

Evidemment, on parle de l'Espagne, à juste titre. Comme exemple, l'Italie est sans plus proche de la France. D'abord par la taille de son économie, mais également par sa chronologie, étant encore posée au bord du précipice.

  • Novembre 2011 : "Italie : nouvelle vague de mesures d'austérité votées au Sénat" (celles de Berlusconi)
  • Décembre 2011 : "Le gouvernement italien adopte un nouveau plan d'austérité." (celles de Monti)
  • Juillet 2012 : "Une piqûre de rappel d'austérité pour l'Italie"

On ne se contente pas non plus de couper les dépenses, on fait dans la réforme structurelle aussi :

  • Janvier 2012 "Rome adopte un plan de libéralisation pour relancer la croissance"

Et le résultat ?

25 septembre 2012

Absence de gauche

 

La pression à gauche monte sur François Hollande. Dagrouik l'exprime très bien :

[Hollande] passe donc de AAA en AA- , AA- avec perspective négative. Pourquoi donc ? Bien sur on observera quand les textes de lois seront votés, les décrets.. Les fameux détails que personne ne veut voir. Par exemple, le principe de la taxe à 75% est garanti, mais on regardera les détails techniques. ..

Sur le fond les premiers signaux ne rassurent pas : rien sur le statut de la BCE (cf déclaration de campagne: elle doit financer les états au lieu des banques), le TSCG qui devait être rénégocié (et soumis à referendum selon les députés PS) et quel fut le message envoyé aux grecs sur le perron de l’Elysée avec Merkel a coté: “faites des efforts”.

Qu’on le veuille ou non c’était sur le fond le même message que Sarkozy. Seule la forme change, y’a moins de coups de menton et moins d’agressivité dans le propos, mais celui-ci reste identique. les resultats de tout ça sont connus en Grèce.

En plus de la règle d'or qu'il va falloir avaler, on savait déjà que les 120 milliards de croissance n'étaient plus ou moins que symboliques. Le 75% a du mal à émerger.

C'est décevant, mais inévitable.

Pourquoi ?

24 septembre 2012

Navire

C'est rare que je mette des images ici, mais celle-ci me plaît bien.

Le pétrolier, c'est le Seawise Giant ou Knock Nevis, l'un des plus gros bateaux jamais construits. Il déplaçait plus de 600.000 tonnes et pouvait contenir 550.000 tonnes de brut. Pointé vers le ciel, il aurait dépassé l'Empire State Building. Il était tellement gros qu'il ne pouvait pas passer la Manche.

Lancé à sa vitesse maximale, il fallait presque 9 kilomètres pour l'arrêter. Pour faire demi-tour, il faisait une boucle de 3 kilomètres.

Une campagne présidentielle va vite. Marketing événementiel. Après, l'État, c'est du lourd. Changer de cap n'est pas facile. Encore faut-il en avoir envie, avoir une idée claire de la nouvelle direction une fois qu'on aurait pris son courage à deux mains pour donner un coup de gouvernail.

Tout cela semble manquer pour l'instant. Dans un prochain billet qui est déjà en chantier, j'essaierai de mettre un point ou deux sur certains des "i". En version 140 caractères (environ), je dirai seulement que ce n'est pas la personalité ou la compétence de Hollande qui est en cause, mais une dérive de la gauche bien au-delà d'un seul bonhomme.

29 juillet 2012

Franco-grecque, ou gréco-française ?

 

Je vais essayer de brasser quelques informations. Je ne promets pas une conclusion éclatante de clarté et de certitude. On verra bien. Mais on y va.

Commençons par des "bonnes nouvelles". D'après Standard & Poors, les banques françaises seraient "parmi les plus solides du monde". Ouf, hein ? Sauf qu'il y a un truc :

Autre bémol, cette étude ne tient pas compte des activités internationales des banques, évaluées individuellement, banque par banque, et de leur exposition aux pays dont les finances publiques sont sous pression, Grèce, Espagne et Italie en tête.

Tout va bien, ou irait bien, s'il y n'avait pas la Grèce, Espagne et l'Italie. Quel intérêt y avait-il à claironner la bonne santé des banques françaises, tout en évitant de prendre en compte la situation la dangereuse pour les banques depuis un siècle ?

Voici des chiffres datant de juillet 2011, sur l'exposition des banques à la dette grecque :

Le Guardian donne des chiffres sur l'exposition des banques françaises à la dette grecque. Hormis la Grèce elle-même, la France arrive en tête avec 9,362 milliards d'euros, devant l'Allemagne avec 7,902 milliards.

Par banque, cela fait, en millions :

  • BPCE 1,185 14% 1%
  • BNP-Paribas 5,046 8% 0%
  • Société Général 2,500 6%
  • Crédit Agricole 631 1% 0%

Déjà, donc, la France est en tête. Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les soucis véritables du Crédit Agricole, propriétaire depuis 2006 d'une vraie banque grècque, Emporiki Bank. Et là les chiffres s'envolent. L'article des Echos est très bon :

27 juillet 2012

L'ennemi de la finance

 

Au Bourget, François Hollande disait ceci :

Mais avant d'évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s'engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l'économie, de la société et même de nos vies.

[…]

Si la finance est l'adversaire, alors il faut l'affronter avec nos moyens et d'abord chez nous, sans faiblesse mais sans irréalisme, en pensant que ce sera un long combat, une dure épreuve mais que nous devrons montrer nos armes.

Ce billet n'a pas pour but de dire le trop facile "il a dit ça pour se faire élire, et maintenant il n'ose plus rien face à la finance".

Ce n'est pas comme si c'était facile, de terrasser "la finance". Les constats sur les dangers, les dégâts et les dérapages d'un système qui paraît bien hors de contrôle. (Lisez ce billet de Dagrouik, par exemple.) Non seulement le problème

  • est complexe ;
  • est international et
  • concerne les entités parmi les plus puissantes de planète,

mais la dette, tout ce réseau des dettes entrecroisées et circulaires, est partout, du voisin qui paie 450 € par mois pour pouvoir rouler en Audi TT, jusqu'aux États qui dépendent d'un influx constant de nouveaux crédits. Nous avons beau être contre la finance, contre la dette, contre les banques et les banksters, contre Merkel, contre Greenspan, contre Citigroup, contre Goldman Sachs, contre Moody's, il reste le fait incontournable que le moindre ralentissement, même de quelques semaines, de notre perfusion aurait des conséquences catastrophiques. Et pas seulement la France : l'ensemble des pays dit "développés" sont dans à peu près la même situation.

Personne n'aurait jamais planifier cette situation, personne n'aurait souhaité en arriver là, y compris les banques elles-mêmes, mais un ensemble de décisions, prises une par une depuis des décennies sont responsables. À chaque pas de cette longue marche vers le précipice, les décideurs (banques, parléments, chefs d'états) ont sûrement cru tirer vers eux ; certains ont saisi des occasions pour accéder à des nouvelles formes de rapacité.

Et aujourd'hui, les cris d'alarme, les constats semblent inutiles. Oui, des erreurs commises il y a quarante, trente, vingt ans ont conduit à d'autres erreurs plus récentes. Dans la tragédie, ce qu'il y a de vraiment tragique, c'est que tout le monde sait que tout va s'empirer, que la spirale est lancée, mais personne n'est capable d'agir pour échapper à l'inévitable.

Car concrètement, je ne vois pas d'où pourrait venir même le début d'une solution. Le programme de Roosevelt 2012 est sans doute ce qui s'en rapproche le plus, mais, comme j'ai essayé d'expliquer dans un autre billet, il est lui-même trop optimiste, et de toute façon dépendrait d'un consensus international qui reste très loin des attitudes actuelles. Bien sûr, le jeu en vaut la chandelle ; il ne faudrait pas abandonner l'initiative pour autant, puisque la tentative elle-même peut avoir une influence, à terme, sur ces mêmes attitudes.

23 juillet 2012

Le non-cumul fait-il perdre des élections ?

 

Réponse rapide : on ne sait pas, personne n'a jamais essayé.

Pourtant, c'est une inquiétude réelle, dans la classe politique : François Patriat, sénateur (Côte-d'Or) et Président de Conseil Régional de Bourgogne, voit un danger :

"La droite souhaite reconquérir le pouvoir grâce aux municipales. Alors, ce n'est pas le moment de retirer tous nos élus compétents. Ca serait se tirer une balle dans le pied!"

Finalement, c'est pratique : quand un homme politique est dans l'opposition, il est contre le cumul, ou du moins il ne dit rien ; quand son parti est au pouvoir, son sens du devoir le pousse à changer d'avis, pour protéger sa majorité. Je caricature un peu, car les sénateurs PS n'ont jamais été de féroces critiques du cumul.

Nous ne sommes plus sur le plan des grands principes démocratiques, comme avec Gérard Collomb (sénateur, maire, président de communauté urbaine), hier, mais plutôt dans les tranchées et l'esprit collectif.

22 juillet 2012

Collomb et le cumul : jacobinisme contre jacobinisme

 

Hier on parlait de cette Commission des Finances qui a rapidement décidé qu'il valait mieux éviter de se déclarer ses dépenses de parlementaire tout en gardant la possibilité d'empocher les excédents sans payer d'impôt dessus. Les notes de frais, ce n'est pas pour les représentants du peuple.

Chaque étape semble confirmer que préserver ses petits conforts vaut bien tous les idéaux démocratiques. Concrètement, c'est symbolique. Ce n'est pas un peu CSG prise sur l'IRFM des députés qui mettre fin à la crise de l'euro. Le non cumul des mandats, en revanche, est autre chose. Ce n'est pas symbole. C'est tout le fonctionnement du jeu démocratique qui est en cause.

J'étais donc déçu de lire ceci : "Gérard Collomb opposé au non-cumul des mandats voulu par Hollande".

21 juillet 2012

Boulette transparente

 

Les détails sont importants, mais l'image publique les ignore, et la politique oblige à prendre en cet écart. Qu'est-ce qui s'est passé avec l'amendement proposé par Charles de Courson, député centriste ayant navigué, depuis 2007, entre Bayrou, le Nouveau Centre et Sarkozy ?

La fin de l'épisode est désormais bien connue :

La proposition de l'élu de la Marne n'a guère soulevé l'enthousiasme de ses collègues : l'amendement n'a obtenu que trois votes favorables sur une vingtaine de députés présents en commission.

Et le resultat fut l'expression de beaucoup saine colère, de tous bords d'ailleurs. Par exemple, sur Atlantico :

Une erreur parce qu’une représentation nationale qui ne fait pas corps avec le peuple qui l’a élue, qui n’en partage ni les efforts ni les épreuves, est une représentation nationale sans aucune légitimité. Au moment où chacun sent bien qu’il faut « prendre sur soi », l’écoeurant spectacle de ces petits marquis qui refusent de se soumettre aux rigueurs qu’ils imposent au peuple français n’est pas admissible, et sape pour longtemps le droit de cette assemblée à parler en notre nom.

Par exemple…

Pendant le Président de la République et le gouvernement se font critiquer parce qu'ils ne voyagent pas en avion, la mesquinerie de la Commission des Finances n'a pas bon effet.

19 juillet 2012

Espoirs et inquiétudes jospino-bachelotiens

 

Revenons à cette commission présidée par Lionel Jospin, qui va proposer un plan pour moraliser la vie politique. J'avais manqué le communiqué officiel. Voici leur mission :

Cette commission aura notamment pour mission de définir les conditions d'un meilleur déroulement de l'élection présidentielle et s'interrogera sur le statut juridictionnel du président élu. Elle examinera également les voies d'une réforme des scrutins applicables aux élections législatives et sénatoriales, et formulera des propositions permettant d'assurer le non cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement avec l'exercice de responsabilités exécutives locales. Elle définira des règles déontologiques de nature à garantir la transparence de la vie publique.

Réduisons tout cela à une liste, qui passe mieux sur l'Internet.

  • Déroulement de l'élection présidentielle ;
  • Statut juridique du président ;
  • Réforme des élections législatives et;
  • Sénatoriales
  • "le non cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement

avec l'exercice de responsabilités exécutives locales"

J'espère qu'ils vont réussir. J'ai pourtant des inquiétudes.

18 juillet 2012

Bruits et bruitages : le nouveau niveau du débat politique à l'UMP

 

Cécile Duflot se fait chahuter à l'Assemblée Nationale à cause d'une robe, alors qu'avant les mêmes désapprouvaient son jean. Bien sûr, c'est du machisme, qui ne prend même plus peine de se déguiser avec quelque grand principe.

Au-delà de la bassesse, il y a la stupidité de la manoeuvre, et c'est là qu'on reconnaît facilement la marque de Jean-François Copé, dont l'originalité profonde émerge peu à peu, sous la forme d'une utilisation savante de la bêtise. Au-delà de cet incident révélateur, donc, une stratégie de communication se met en place.

16 juillet 2012

Subtilités de la CSG, suivies de nos exigences

 

Françoise Fressoz sur Hollande et le CSG est assez dure :

Le candidat socialiste s'en tenait à un seul discours, un rien simpliste : les riches paieront, les classes moyennes seront épargnées. C'était bien trop beau pour être vrai : la hausse de la CSG qui se profile touchera évidemment tout le monde : les riches mais aussi les classes moyennes et populaires, les actifs et les retraités.

Elle s'annonce d'autant plus conséquente que le gouvernement n'a pas qu'un problème de transfert de charges à régler. Il doit aussi boucher le trou conséquent de la sécurité sociale.

La CSG était l'impôt caché de François Hollande. C'est ce non dit qui, d'emblée, fragilise la réforme.

Elle ne va pas jusqu'à rendre "quand il y a du flou, il y a un loup", mais c'est presque pareil. Marc Vasseur est également décu :

Alors, on ne manquera pas de nous présenter la CSG comme une TVA sociale de gauche… A un taux d’1,1 %, c’était probablement encore défendable dans son approche puisqu’elle touche tous les revenus, aujourd’hui alors que nous en sommes à 7,5% du salaire brut, elle s’apparente de plus en plus à une flat tax d’inspiration fort libérale, plus encore si nous passons à 9,5 voire 11,5….

Pour conclure :

Je le disais, il y a quelques jours à propos du sommet européen ; je le redis et on pourra y mettre tous les enrobages qu’on veut… le gouvernement Ayrault prend une pente social libérale…. je n’ai pas voté pour ça en mai 2012.

(Juste avant de lâcher sa bombe, le terme "blogueurs de gouvernement", qui a rapidement fait le tour de la blogosphère de gauche. Mais cette question-là, nous en avons parlé l'autre jour.)

Et pour finir, voici quelques salves supplémentaires tirées par Rue89 :

« Je ne viens pas annoncer aujourd’hui de prélèvement supplémentaire pour une grande majorité de Français », a déclaré Hollande. Pourtant, si comme on le suppose, c’est une hausse de deux à quatre points de CSG qui se profile, la grande majorité des Français seront touchés, pas seulement la petite minorité des plus riches.

La vérité, c’est que le gouvernement s’apprête à troquer une hausse de 11 milliards de la TVA pour une hausse de la CSG de plus du double.

Alors, qu'en est-il ? La CSG qu'on nous prépare, est-ce une flat tax ultra-libérale déguisé en Rocard ?

15 juillet 2012

L'unique chance pour mettre fin au cumul des mandats

 

Hier, lors de son entretien télévisé, François Hollande a annoncé qu'il confiait à Lionel Jospin une commission sur "la moralisation et la rénovation de la vie politique". Jospin n'aurait pas été mon premier choix, ni même dans mon Top 10, pour ce travail. Son rôle dans l'affaire Falorni ("On a beaucoup trop parlé de la 1re circonscription de Charente-Maritime") est plus une question de feuilleton ; en revanche, le quinquennat qu'il nous à légué ne témoigne pas en sa faveur pour une réflexion sur la modernisation de la démocratie.

Certes, Jospin, oui, bof.

Ce qui est paradoxalement rassurant, c'est que pour la mesure la plus importante, la personalité du président de la commission importe peu. Car la mesure la plus importante est aussi la plus simple : le non-cumul des mandats. Toute tentative de rendre plus compliqué, subtile, moderne, technique le passage du cumul généralisé au non-cumul ne sera qu'un affaiblissement du principe.

12 juillet 2012

Blogs de gauche : un contre-pouvoir quand même ?

 

Ou plutôt contre-média.

Récemment, j'ai rencontré, en chair et en os, Marc Vasseur, que connais depuis cinq ans, virtuellement, comme tous mes amis blogueurs. C'était la première fois que je serre la main à une personne que je connais grâce à la blogosphère. C'était la confirmation que les amitiés virtuelles ne sont pas, en fait, virtuelles, du moins quand il s'agit de gens qui s'engagent dans l'écriture et la durée.

En tout cas, l'un des sujets que nous avons abordés, c'était celle de la raison d'être du blog de gauche, dès lors qu'il n'y a plus un pouvoir de droite à combattre. Bien sûr, personne ne sait quel est le véritable poids des blogs à l'intérieur du grand jeu de la démocratie : quelque part entre "aucun" et "on ne sait pas". Je finis par conclure qu'en l'état actuel les blogs (et leurs blogueurs) ne constituent pas une force politique, mais sont plutôt un média, et c'est pour cette raison que les politiques et les médias ne peuvent pas nous ignorer, et sans pour autant nous reconnaître quoi que ce soit. On finit même par se rendre compte que les "réseaux sociaux" finissent par alimenter les blogs, ou s'alimenter avec le contenu des blogs.

Admettons donc que cela sert à quelque chose d'avoir une blogosphère. Ce n'est pas si fantaisiste : le fait que sommes lus, parfois courtisés ou exploités laisse quand même penser que tout ce bruit aboutit quelque part.

3 juillet 2012

Je suis socialo-traître et j'aime ça

 

À vrai dire, je ne suis pas socialiste : je n'ai jamais pris ma carte au P"S". Je suis juste socialo-traître sympathisant, pire encore que les socialo-traîtres encartés, car même pas engagé corps et âme pour Laurent, Dominique ou Martine.

Quelques jours après le second tour des législatives, ou quelques heures peut-être, je ne me souviens plus, j'ai eu deux pensées successives.

  • D'abord je me suis dit : "ça y est, la droite est défaite, maintenant on va passer notre temps à se disputer avec les Front de Gauche".
  • Un peu plus tard, je me suis dit : "ça y est, le pouvoir est assuré pour cinq ans, on va revenir à l'occupation habituelle d'un blog de gauche, c'est-à-dire qu'on va tirer le PS."

1 juillet 2012

Sommet : changement ou pas ?

 

Tout ce qui se passe au niveau européen sera toujours nimbé de confusion, tant les enjeux sont complexes et les intérêts communicationnels des uns et des autres sont doubles, triples. Le sommet d'hier soir et ce matin, avec ses moments dramatiques, quand les chefs d'État décident ne pas se coucher à 2h, les bras de fer, l'attaque surprise par l'Espagne et l'Italie : tout est là pour nous faire espérer un changement profond. Le changement promis, par le candidat qui disait qu'il allait faire renégocier les accords présidés par Merkozy.

Qu'en est-il ? Marc Vasseur est très pessimiste :

On savait déjà que la question des eurobonds était déjà tranchée, on espérait que cet abandon pouvait au moins se « marchander » contre un effort conséquent en matière de croissance… en vain à moins de se réjouir de cette énorme enveloppe de 120 milliards consacrée à cette dernière. Pour situer l’ampleur de ce soutien, il convient de mettre en parallèle les 1.500 milliards pour sauver les banques. Je n’ose même pas souligner que sur ces 120 milliards, la moitié est confiée à la Banque Européenne d’Investissement sous la forme d’une augmentation de sa capacité à prêter. Au final, nos dirigeants européens ont réussi à mobiliser 60 milliards d’euro pour dynamiser une croissance anémique voire moribonde… c’est juste risible.

Marc a raison sur les 120 milliards : c'est loin d'être une révolution.

Il s'inquiète également pour la souveraineté, y voyant la plus grande et grave concession de François Hollande :

Ne nous y trompons pas, la finalité de cette démarche est de donner pouvoir à la Commission de donner son avis et par la suite son aval aux budgets et aux orientations en matière économique des Etats Membres et probablement le cas échéant de sortir le baton si d’aventure un Etat prenait trop de libertés vis à vis de la doxa néo-libérale – en clair Roosevelt et Keynes ont été abattus lâchement dans une courée sombre cette nuit.

28 juin 2012

Pauvre NKM...

 

À droite, les regrets laissés par la campagne de Nicolas Sarkozy s'expriment en fonction des vues des uns et des autres sur la tête de l'UMP et l'élection présidentielle de 2017. Nathalie Kosciusko-Morizet a sans doute dépassé la plupart de ses camarades en souplesse, ce qui est une qualité essentielle en politique. Déjà, dans son rôle de porte-parole, elle avait signé des performances qui ne méritent pas l'oubli dans lequel elles sont déjà tombées. Ma préférée, au tout début de la campagne de Sarkozy, était quand elle disait :

"Je peux faire la liste des sujets sur lesquels on ne sait pas aujourd'hui ce que pense ou ce que propose François Hollande. La vraie violence, elle est là"

C'est une sorte de trouvaille dans la langue de bois trop enthousiaste de quelqu'un qui n'a pas encore acquis le vernis un peu luisant d'un Jean-François Copé, pour qui respirer la mauvaise foi n'entrave l'apparence de logique.

27 juin 2012

La dette européenne est déjà mutualisée

 

Dans mon dernier billet, je disais que la dette dans l'Eurozone est déjà mutualisée, de fait, puisque les pays forts (l'Allemagne) sont condamnés à secourir les pays faibles. J'écrivais :

Pourtant, le problème c'est que la dette est déjà mutualisée. La structure de l'Europe et de l'euro obligent les pays forts (l'Allemagne) à venir en aide dès qu'un pays faible se trouve attaqué par le marché […].

Le désavantage de ce système, c'est qu'il ne marche que lorsque les choses se sont empirées jusqu'à un niveau de crise où l'euro lui-même est à nouveau menacé, avec de nombreux dégâts collatéraux.

23 juin 2012

Le renoncement aux eurobonds

 

Marc Vasseur s'inquiète :

Quelques signes avant-coureurs semblent modifier le slogan initial de François Hollande ‘Le changement c’est maintenant » en un « Le changement c’est pour plus tard ».

Il pense à ceci : Jean-Marc Ayrault enterre les euro-obligations.

Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a admis qu'il faudrait des années et davantage d'intégration politique au sein de l'Europe avant de pouvoir introduire les euro-obligations que Paris appelle de ses voeux, dans un entretien à l'hebdomadaire allemand Die Zeit. "Je souhaite que nous parlions d'eurobonds à Bruxelles. Mais il est vrai qu'une communautarisation des dettes exige nécessairement une plus forte intégration politique et nécessitera certainement plusieurs années", a-t-il dit à l'hebdomadaire à paraître jeudi

L'une des grandes originalités de la campagne de François Hollande, c'est qu'il a réussi à dire, avec crédibilité, qu'il allait bousculer l'ami allemand, renverser la logique de l'austérité.

On comprend qu'il impossible que le programme du candidat Hollande ne puisse pas être appliqué tel quel à toute l'Europe. Hollande et Ayrault semblent renoncer assez vite, sans véritable bagarre, à cette mesure.

20 juin 2012

Une majorité normale : est-ce possible ?

 

Les commentateurs étaient unanime pour dire que l'affaire du tweet de Valérie Trierweiller était le premier faux pas du mandat de François Hollande, et la première entorse à la "présidence normale", cette présidence. Nous l'avons dit aussi, à peu près : les médias ont besoin d'histoires faciles à raconter, la tentation médiatique, la tentation du buzz, celle d'être sur le devant de la scène, est trop forte, pour les médias, les journalistes comme pour les hommes et femmes politiques. François Hollande a été, jusqu'à présent, exemplaire, hormis bien sûr un gravissime dépassement de vitesse sur l'autoroute entre Paris et Caen. Devant la tentation du raccourci qui passe par la personalité, le glamour, l'individu plutôt que la fonction, il faut, pour rester "normal".

16 juin 2012

Le déclin de la droite

 

Oui, le déclin de la droite, même si demain elle fait un bon score aux législatives. Le déclin dont je parle est différent.

Dans un très bon papier au Monde, Olivier Ferrand (président de Terra Nova) explique les trois étapes de la fusion UMP-FN. Pour résumer les voici :

  • Convergence idéologique (du Club de l'Horloge dans les années soixante-dix à la médiatisation aujourd'hui de Rioufol, Zemmour et Elisabeth Lévy) ;
  • Convergence humaine (des gens de droite aussi bien UMP que FN, qui participent ensemble à des activités xénophobes ensemble) ;
  • Convergence institutionnelle (entre le FN, la Droite Populaire, la Droite Sociale de Wauquiez).

Comme souvent, cette progression est présentée comme l'histoire de la montée en puissance des thèses xénophobes couplée à la banalisation du Front National version Fifille. Ce qui se dit un peu moins, c'est que si la droite traditionnelle se mue en grand parti populiste et islamophobe, c'est que ses idées sont en perte de vitesse depuis l'ère Chirac.

14 juin 2012

La tentation médiatique

Juan pose une question intéressante :

Pourquoi certains journalistes parlent autant du #Tweetgate?

Et il répond :

Pour que le buzz médiatico-politique prenne, il faut trois ingrédients: l’affaire doit être (1) simple à comprendre, (2) inattendue, (3) politiquement fort. Le #Tweetgate cochait les trois cases.

[…]

Mais le Tweetgate restait une pépite médiatique: nul besoin d’un grand savoir pour le juger. La documentation requise était minimale. Et chacun pouvait s’en faire une opinion.

Construire un message, expliquer un programme, une politique, des grands enjeux économiques, internationaaux, ce n'est pas facile. Le public dans l'ensemble ne saisit que des grandes lignes, et seulement quand la communication est réussie. C'est pour cela que la droite s'acharne, à chaque élection qu'elle risque de perdre, à marteler le même vieux message : les socialos vont augmenter les impôts. C'est un message facile à comprendre, et comme dirait Juan, "la documentation requise [est] minimal".

13 juin 2012

Du ségolénisme

 

Ceci est un billet que je projetais d'écrire depuis longtemps, mais le moment ne se présentait. Il faudrait de meilleurs exemples et citations, mais si je me mets de telles exigences, le billet ne sera jamais écrit. Ce sera un peu impressioniste. Tant pis. Voilà, je me lance.

Au lendemain de sa défaite en 2007, et avant aussi, il y avait des cris pour dire que Ségolène Royal était à droite, pas vraiment à gauche. On pensait au drapeau, à l'encadrement militaire des jeunes délinquants. (La gauche n'était prête pour "l'ordre juste" qui a finalement réussi pour François Hollande.) À d'autres moments, on l'entendait dénoncer les dérives de la finance, la vie chère, telle une vraie camarade gauchiste. Elle est reconnue comme l'un des seuls responsables socialistes à être acclamée dans les quartiers populaires.

Royal pouvait paraître flottante dans ses prises de position qui ne cadraient pas avec les marques habituelles d'un emplacement dans l'offre des idées politiques. À y réfléchir, on peut comprendre cependant le ségolénisme en trois points.

12 juin 2012

Front National : Que l'UMP continue

 

On s'énerve beaucoup aujourd'hui. Surtout autour du tweet désastreux de Valérie Trierweiller. Des voix s'élèvent pour dire que cela nous distrait des marchandages entre le Front National et l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP), qui arrangent tranquillement leurs désistements dans l'ombre médiatique.

C'est donc l'heure des distinctions. Je ne serais pas choqué par l'entrée d'élus frontistes à l'Assemblée Nationale. J'encourage l'UMP d'assumer pleinement sa dérive droitière, pas dans l'ombre mais en plein jour. Allez-y les gars. Profitez.

11 juin 2012

Mélenchon, l'échec d'un discours

 

Les commentaires se multiplient sur la défaite de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont. Prenons par exemple Laurent Joffrin :

Son aventure reposait sur un postulat : pour ramener à gauche les classes populaires détournées par le vote FN ou l’abstention, il fallait radicaliser le langage, la tactique et le programme. […] il fallait en tout point déclarer la guerre au réformisme. Pour séduire les ouvriers déçus par la gauche, il fallait être beaucoup plus à gauche. C’est ce raisonnement, plus que le candidat Mélenchon, qui a échoué à Hénin-Beaumont.

Sur ce point, je suis d'accord : on a trop souvent expliqué le passage d'une partie du vote populaire de la gauche à l'extrême droite par le positionnement trop timide du Parti Socialiste. Comme si les "prolétaires" étaient naturellement à gauche, voire à l'extrême gauche, et qu'il suffisait de poser son filet au bon endroit pour les ramasser. Le double échec de Mélenchon montre que ce n'est pas le cas. Le discours traditionnel de la gauche révolutionnaire ne prend plus, en dehors du peuple de gauche, cette petite dizaine de pour cent des électeurs très politisés, qui restent fidèles à la radicalité communiste ou trotskyste.

10 juin 2012

Les cercles vertueux

 

La confiance est bonne pour l'économie, et son effet positif engendre encore de la confiance, ce qui fait encore du bien à l'économie, et ainsi de suite. C'est du moins comme ça que le monde était censé fonctionner. C'est ainsi que Nicolas Sarkozy pensait libérer la confiance en 2007 et en 2008, avant La Crise. Il croyait que son enthousiasme, boosté par l'enrichissement des riches, allait effectivement lancer un de ces cercles vertueux dont les dirigeants rêvent.

Le problème, depuis que le monde et mondial, c'est que le cercle ne peut plus être seulement hexagonal ; les économies des différents pays sont désormais tellement intégrés que le cercle ne fonctionne que s'il fait le tour de la Terre.

Aujourd'hui on a finit par se rendre compte que la finance mondiale est malade, jusque dans son organisation, sa structure même. Et il ne suffira pas restructurer la Banque de France pour résoudre le problème. Ce cercle là, plutôt vicieux, fait le tour de la Terre aussi.

6 juin 2012

Le racisme pour débutants

 

Entre racisme, xénophobie, islamophobie, antisémitisme, il est facile de s'y perdre. Nos défenseurs d'une France issue de la non-diversité sont-ils vraiment racistes ? Ou bien est-ce la religion qui les embête ? Ou la religion est-elle un prétexte pour stigmatiser une population définie autrement ? Immigrés ? ce ne sont plus des immigrés depuis des générations maintenant. Couleur de peau ? Mais finalement la couleur de peau, cela permet juste de voir qui est qui, ce n'est pas la vraie raison, c'est juste commode. Une différence culturelle alors ? C'est sans doute plus près de ce qui gêne les pourfendeurs de l'antiracisme. "Ils" sont juste différents, donc "ils" ne peuvent pas être tout à fait chez "eux" quand "ils" sont "chez nous".

J'ai toujours préféré le terme de "xénophobie", qui englobe toutes les différences. Avec le déferlement actuel des justifications de l'instrumentalisation politique du rejet de l'autre, c'est peut-être le moment de revenir au racisme, qui, est bien souvent national ou nationaliste.

5 juin 2012

Pas raciste, juste contre l'antiracisme

 

C'est la nouvelle manière de se défendre contre les accusations de racisme : "c'est mon combat contre l'antiracisme". Avant on se contentait de dire que les pires racistes, c'est les… au choix : Noirs, Arabes, Chinois. Le bon vieux "racisme anti-blanc". Ivan Rioufol a une catégorie sur son blog consacrée à la question. Voyez, le "racisme anti-blanc", c'est pire que le racisme ordinaire, parce que les blancs justement font tout pour aider les… Noirs, Arabes, etc. Ingrats.

En tout cas, c'est plus malin de dire qu'on lutte contre l'antiracisme. Je n'allais pas revenir à Rioufol encore aujourd'hui, mais comme c'est un grand théoricien de la lutte contre l'antiracisme, c'est toujours instructif. Voici ce qu'il écrivait en 2011, lorsque Zemmour fut condamné pour provocation à la discrimination raciale :

4 juin 2012

J'ai vu l'avenir de l'UMP, et ça ne sent pas très bon

 

Il a suffit finalement que Nicolas Sarkozy donne son accord, pendant la campagne, pour qu'une bonne partie de la droite ex-républicaine décide de se vautrer dans la position des gardiens de la race blanche et de la chrétienitude, qui se défendent contre l'invasion sarrasine.Les vannes sont lâchées, laissant couler un flot nauséabonde de supériorité blanche, origines chrétiennes, "retour" de la charia, déclin de l'Occident, "islamo-socialo-communisme vert" (sic).

2 juin 2012

L'erreur fondamentale de Sarkozy

 

Il y a eu des tentatives pour attribuer la défaite de Nicolas Sarkozy non à un quelconque rejet de la droite, mais à sa personne ou à son style. Comme si la seule chose qui pouvait sauver Sarkozy, en tant que force politique et idéologique, était finalement l'antisarkozysme, celui du fameux "microcosme" qui s'est étrangement démultiplié pour faire basculer son score en dessous de 50 %.

J'ai déjà essayé de répondre à cette manipulation. Aujourd'hui, je me mets dans l'hypothèse – celle des "sarkozystes réalistes" – qu'il y aurait un certain nombre de "réformes" qu'il faire dans l'économie française et que la mission du Sarkozy élu en 2007 était de les réaliser. Le thème d'une "modernisation de la France" a attiré, en 2007, beaucoup d'électeurs pas férocement à droite. Chacun a sa petite idée sur les inefficacités de l'État ; en promettant de les réaliser toutes, Sarkozy a créé une certaine attente…

31 mai 2012

Mesurer la précarité

 

Bruxelles continue de rappeler qu'il y aura d'autres "efforts" budgetaires et que le marché du travail français. Sur ce dernier point, la Commission fait un constat intéressant :

Elle estime par ailleurs que le marché du travail constitue un "point noir" et que "rien n'a été fait" pour remédier à une situation où il est très difficile d'obtenir un Contrat à durée indéterminée. La proportion de CDD en France est plus importante que dans la moyenne de l'UE et les salariés restent "trop longtemps" en CDD, précise cette source.

Donc le précariat à tout va n'est pas la solution à tous nos problèmes. C'est déjà une bonne nouvelle, mais à portée limitée.

30 mai 2012

Normal : salubrité de l'institution

 

À propos de l'intervention de François Hollande, Thomas Weider écrit :

Surpris, peut-être, que son interlocuteur ne relève pas cette "normalité" à laquelle les précédents présidents ne nous avait pas habitués, François Hollande se fit lui-même - il en a l'habitude - le commentateur de sa propre démarche : "Je ne vous ai pas demandé de venir à l'Elysée", fit-il ainsi remarquer à David Pujadas vers la fin de l'interview. "Je préfère faire simple", lui a-t-il aussi expliqué. C'était une façon de rappeler que la "normalité", en termes de communication politique, n'a d'intérêt que si elle est se donne à voir comme remarquable. Ce qui amènera sans doute François Hollande à se poser un jour la question : comment tirer profit dans la durée d'une "normalité" qui ne tire de sa valeur que parce qu'elle apparaît à un moment donné comme exceptionnelle ? Comment, en somme, éviter avec le temps que la "normalité" ne se banalise ?

29 mai 2012

Zemmour viré : souvenez-vous de PPDA ?

 

Eric Zemmour ne pourra plus vendre ses petites doses de haine réactionnaire sur RTL. Heureusement pour la liberté d'expression, il ne lui manquera pas d'autres surfaces de vente. En général, je n'aime pas les mesures qui suppriment la parole à qui que ce soit. En revanche, si RTL estime que la nostalgie du petit blanc dans la moulinette de la provocation-spectacle ne genère plus le buzz recherché, c'est peut-être un signe du temps malgré tout positif.

Naturellement, la droite court à sa défense, ce martyr sacrifié sur l'autel de la bien-pensance. Quant aux blogueurs républicains (ceux qui ont décidé que tout ce qui est contre la gauche va dans le sens des valeurs républicaines), Zemmour, qui ne faisait que tâcler Taubira, était : "une indispensable bouffée d’air frais" et ils se demandent comment l'intolérance va continuer à s'exprimer.

28 mai 2012

Les lois Hartz et le contre-modèle allemand

 

Tout le monde se souvient du fameux "modèle allemand" qui allait sauver la France à l'époque où Sarkozy ignorait encore que c'était la protection contre la viande halal et la sortie de Schengen qui allaient sauver la France.

Juan écrivait en février :

Depuis bientôt deux ans, Nicolas Sarkozy a choisi le modèle allemand sans qu'on sache vraiment lequel. Il ne cherche pas tant à singer la politique économique ou sociale du gouvernement allemand que de coller au plus près de sa voisine chancelière.

Et j'écrivais :

26 mai 2012

Chers blogueurs de droite...

 

Nous les blogo-gauchistes, nous nous interrogeons beaucoup sur ce que va être cette droitosphère qui va bientôt remplacer la gauchosphère maintenant que sa cible unique est parti au Maroc. Nous nous interrogeons déjà parce que curieusement, malgré la victoire de François Hollande et la défaite quasi simultanée de Nicolas Sarkozy, il ne nous manque pas des choses à dire.

24 mai 2012

Exploiter la xénophobie

 

L'autre jour je parlais du problème que nous avons aujourd'hui pour communiquer ce pour quoi la xénophobie politique n'est pas acceptable. Jusqu'à la prise de fonction de Nicolas Sarkozy en 2007, il y avait Les repères historique et moraux qui servaient encore récemment pour fonder un consensus qui plaçait le Front National et ses idées dans un hors champ politique. Depuis le fameux "siphonnage" des électeurs du Front National, et la poursuite d'une politique xénophobe censée garder ces électeurs dans le giron de l'UMP, et depuis que Marine Le Pen a mis en sourdine l'antisémitisme et négationisme qui étaient les marques de fabrique de son parti, ce n'est plus une évidence, pour une partie significative des hommes politiques de droite, ainsi que pour une partie signficative de l'électorat, qu'il est repréhensible d'exploiter politiquement et de valider la xénophobie.

22 mai 2012

La religion du pouvoir

 

Ce matin, Jean-François Copé a dit ceci (Source : variae.com) :

« je vais vous dire, je plaide coupable avec regret mais c’est un arbitrage que nous avons eu à rendre et qui était difficile, dès lors que nous avions 317 députés sortants et qu’une bonne part d’entre eux se représentent et ont un ancrage très remarquable sur leur territoire, il était extrêmement difficile de les sacrifier. Voilà pourquoi j’ai pris avec mes amis de l’UMP cette décision qui nous coûtera en termes d’amende, et chacun doit comprendre que dans la période qui est la nôtre, il nous faut absolument avoir le maximum de députés et que cela passe par le poids, l’ancrage local de beaucoup d’entre-nous […] je suis moi un grand militant de la parité, j’ai été l’auteur d’une loi qui avec Marie-Jo Zimmermann prévoit qu’il y ait la parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises ».

21 mai 2012

L'UMP accepte enfin l'islamophobie

 

Marine Le Pen dit : "je suis la chef de l'opposition au système".

Marine Le Pen dit : "l'immense majorité des électeurs de l'UMP se sentent beaucoup plus proches de nous que de leurs dirigeants qui tendent à gauche."

Il y a seulement quelques mois, devant de tels propos, on aurait conclu à l'hyberbole habituelle de la famille Le Pen. Aujourd'hui, alors que Le Pen fait un score, certes impressionnant, mais seulement un peu mieux que son père en 2002, nous sommes obligés de la prendre un peu plus au sérieux.

La première phrase vise Mélenchon d'abord, l'UMP ensuite. La seconde explique, à propos de l'UMP, que Madame Le Pen est déjà, idéologiquement, à la pointe, à la tête, du sentiment populaire de la droititude.

20 mai 2012

Apprenez la communication politique avec Jean-François

 

La semaine dernière nous avons proposé deux leçons de communication politique à partir d'exemples fournis par ce maître du Verbe et de la Logique, Jean-François Copé. Aujourd'hui nous nous demandons s'il ne faudrait carrément lancer une longue série de billets, tellement l'activité de Monsieur Copé est riche en enseignements pour les communicants débutants.

La semaine dernière, les élèves ont surtout retenu le principe du "c'est celui qui le dit qui y est", ce qui est, certes, un excellent point de départ. La communication copéïste dans sa riche complexité, pourtant, ne saurait en rester là. Nous allons étudier cette fois le principe philosophique des inversions de réalités, qui est présent dans "c'est celui qui le dit qui y est", mais qui a un champ d'application bien plus large.

19 mai 2012

Fin des blogs de gauche ? Le cache-sexe antisarkozyste

 

Les médias s'interrogent sur la suite des blogs de gauche, prédisant leur disparition ou leur remplacement par un équivalent de droite.

Voici quelques exemples :

  • Le Monde annonce l'arrivée d'une droitosphère, Romain Pigenel réplique en expliquant la particularité galvanisante de Sarkozy en tant que sujet politique ;
  • L'Express demande : "La défaite de Sarkozy va-t-elle tuer les blogs de gauche?" ; Nicolas J. réplique : "Les blogs de gauche ont un bel avenir devant eux : ce sont les derniers – les seuls ! – à faire de la politique."
  • Le Figaro parle d'une reconversion délicate et Juan met des bons bémols.

Pour résumer, les journalistes voudraient que les choses suivent une logique naturelle et équilibrée : anti-hollandisme et anti-sarkozysme sont symétriques, l'alternance concerne aussi les blogs. Mais surtout, ils ne voient dans les blogs de gauche que leur antisarkozysme, et la conclusion s'impose toute seule : sans Sarkozy, pas de blogs antisarkozyste, pas de blogs de gauche.

18 mai 2012

La droite se droitise

 

Repartons de cette citation, de Rioufol, que j'ai mentionnée dans un billet précédent :

En réalité, le scrutin était gagnable, dans une société convertie majoritairement aux valeurs de la droite. Mais deux millions de Français ont préféré voter nul ou blanc, souvent dans le but de sanctionner un président ayant redécouvert trop tardivement son intérêt pour la nation.

Rioufol voit dans la victoire de François Hollande la preuve que la société "se droitise", puisque les gens qui auraient pu voter droite ont préféré voter blanc. La logique est imparable, vous en conviendrez. Seule une victoire de Mélenchon aurait pu signifier un plus radical virage à droite.

Dans le même billet, j'ai essayé de réfuter cette affirmation, elle-même fondée sur la supposition que La Droite puisse réunir le spectre allant des bayroutistes qui ont voté blanc (et non Hollande comme Bayrou) au sarkozysme libéré de la croisade héroïque des quinze derniers jours de sa campagne, en passant par le Front National et la Droite Populaire. La question mérite qu'on y retourne.

17 mai 2012

La logique du cumul : Najat Vallaud-Belkacem a raison

 

Ce n'est pas parce que nous avons enfin un Président socialiste que nous allons arrêter de chipoter. Commençons avec cette annonce :

Ayrault annonce sur France 2 que tout ministre battu aux législatives ne restera pas au gouvernement. «Il y a l'esprit de responsabilité, c'est-à-dire que tout ministre qui se présente aux législatives et qui ne sera pas élu ne pourra pas rester au gouvernement», a-t-il déclaré

Normalement, je n'aurais rien dit. Mais il se trouve que j'ai déjà traité ce sujet, en 2007. Au moment de son premier gouvernement, avant les législatives, François Fillon avait à peu près la même chose.

16 mai 2012

Copé François-Jean L'envers au monde

 

Petite leçon de communication politique de la droite droitisée prodiguée par Monsieur Sincérité lui-même, le magnifique Jean-François Copé. Aujourd'hui nous allons regarder deux petits exemples survenus récemment qui montrent bien comment il faut s'en prendre à son adversaire politique.

14 mai 2012

Il faut être meilleurs

 

C'est mon slogan imaginaire pour les législatives : "il faut être meilleur". J'avais commencé une série de billets sur ce qui serait ma campagne présidentielle idéale. Le slogan était "Les énergies de la France". Il y avait quatre billets en tout (j'ai dû passer à autre chose), dont deux consacrés au fret férroviaire.

Je ne promets de faire une série de billets cette fois. C'est hollandais : je ne m'engage pas si je ne suis pas sûr respecter mon engager. Sous Sarkozy on était libres de s'engager à tout va, cela n'avait aucune espèce gravité.

13 mai 2012

Défaite du bonhomme, de ses idées et des idées des voisins

 

Depui la défaite de Nicolas Sarkozy, avec sa sortie presque réussie, une idée ressurgit par-ci par-là, selon laquelle la victoire de Hollande n'était pas écrasante, et que si on corrige le score pour prendre en compte l'anti-sarkozysme, lié à la seule personne de Nicolas Sarkozy (Fouquet's, pépettes, talonettes) et sans lien à sa politique, la victoire serait en réalité pour la droite. Les votes blancs en fournissent la preuve irréfutable.

12 mai 2012

Pour choisir La France, il faut choisir Copé ?

2

 
Pire que "Ensemble tout devient possible", pire « Ensemble pour la Majorité présidentielle » (législatives 2007), pire que "Quand l'Europe veut, l'Europe peut" (européennes 2009), pire que «La France change, ma région doit changer aussi» (régionales 2009), pire que "La France forte", le slogan UMP pour les législatives – "Ensemble choisissons la France" annonce bien la couleur de ce qui nous attend pour les années à venir. Comme à l'UMP on ne peut jamais avoir tort, car la défaite de Sarkozy était malgré tout une victoire pour ses idées, une grande victoire pour la droite du fait qu'ils n'ont pas était humiliés totalement, oubliant que le fait même d'être le candidat sortant procure un réel avantage électoral. Normalement.

10 mai 2012

Changement : dites « bonjour » aux Eléments

Ce blog vient de changer de nom et d'apparence. Ce n'est pas facile pour moi de lâcher la formule qui m'a si bien servi pendant ces cinq dernières années, mais "La pire Racaille" sent trop le sarkozysme pour être utile, pour être motivant. C'est le moment de couper.

Le soir du 6 mai, j'ai dit que j'allais réfléchir à une nouvelle formule. Moins de hargne, plus de suggestion, de réflexion, y compris dans le vide. Parfois, la blogosphère ne semble pas propice au développement d'idées, mais je trouve plaisant de réfléchir tout haut même si c'est pour enfoncer des portes ouvertes. Et tant qu'il y aura des Jean-François Copé, il faudra quand même revenir de temps en temps à la bonne vieille désintox. Ou même beaucoup si jamais on se retrouve dans une cohabitation…

Le nouveau nom – et le nouveau look (qui est encore expérimental pour l'instant) – sont censés correspondre à l'idée que les blogs peuvent participer à ce grand travail de reformulation et de réinvention des mots et des idées politiques, miniscule morceau par miniscule morceau.

9 mai 2012

Une majorité UMP-Droite Populaire : quand on y réfléchit, c'est Sarkozy

 
Jean-François Copé, qui n'a aucune difficulté avec les idées du Front National si cela peut servir une campagne présidentielle, ne veut pas du Front National dans des alliances pour les législatives. Il met les points sur les i.
La ligne de l'UMP "est très claire, il n'y aura pas d'alliance électorale ni de discussion avec les dirigeants du Front national" et si localement, certains engagent de telles démarches, "on en tirera toutes les conséquences au niveau national, car ce sera contraire à la ligne de l'UMP", déclare le secrétaire général de l'UMP.
Il y a pourtant la Droite Populaire, sorte de Front National interne à l'UMP. Et à la Droite Populaire, on ne comprend pas cette logique, surtout depuis Marine Le Pen a lâché l'antisémitisme (hors Autriche). Jean-Paul Garraud, député Droite Populaire (Gironde) se demande s'il ne faut pas être "pragmatique" plutôt que de rester "dans les blocages idéologiques".

7 mai 2012

Les Echos proposent dix raisons pour l'échec de Sarkozy. Voyons cela.

La façon dont la défaite de Sarkozy sera interprétée va avoir une certaine importance pour la suite des événements. Parallèlement, on aime utiliser le mot "échec" avec le nom de Sarkozy, et maintenant personne ne viendra nous contredire. Sauf peut-être Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet ou l'incomparable Jean-François Copé, qui croient encore à la réussite de leur programme, de leur héros, de leur campagne et même à la survie de leur formation politique. En tout cas, Les Échos ne mâchent pas leurs mots, et présentent Les dix raisons de l'échec de Nicolas Sarkozy. Voyons si on est d'accord.

6 mai 2012

6 mai 2012

François Hollande a été élu tout à l'heure. Je suis soulagé, content, mais l'émotion réelle n'a pas encore frappé. Je pense me réveiller demain avec un optimisme nouveau. Ce n'est que la politique, mais en temps quelque tonalité de l'existence est en train changer.

Nous avons évité une catastrophe irrépérable. Nous avons aussi la chance d'avoir, avec François Hollande, un président si différent de Nicolas Sarkozy. Pendant cinq ans, ou plus, on finit par croire que la courbe de l'histoire va toujours dans le sens de plus d'hypocrisie, plus de manipulation, et qu'il faut, pour vaincre, jouer le jeu. Je ne m'attendais pas à cette issue, avec un président qui renverse le jeu, qui fait une force du fait de ne pas être habile comme son prédécesseur. La courbe va dans un nouveau sens, je ne sais lequel. On verra. On est content.

Demain je prendrai la mesure d'aujourd'hui. Je salue quelques amis ce soir, parce que des soir comme celui-ci n'arriveront pas souvent. Merci donc à Juan, Marc, Dagrouik et puis tous les Leftblogs. Vous avez fait beaucoup.

5 mai 2012

Précarité et modèle social : une idée

Fin de campagne oblige, je ne vais pas pester contre l'un ou l'autre des candidats présidentiels. Peut-être grâce au cessez-le-feu, j'étais en train réfléchir au système social français, de manière un peu détachée. Je venais de lire ce papier dans The Economist qui parle du chef de la BCE, Mario Draghi, et le cocktail d'austérité et de croissance qu'il recommande pour l'Europe. J'ai lu aussi cet édito du Monde, où est exprimé le regret que la campagne présidentielle n'a pas permis d'engager le débat sur les vraies questions de mondialisation, de l'international en général. Ils n'ont pas tout à fait tort : la focalisation sur la personalité de Nicolas Sarkozy (focalisation souhaitée par l'intéressé) et sur la question de l'extrême droite et ses thèmes (souhaitée par le même candidat) ont en effet dominé la couverture médiatique, et par conséquent la réalité couverte.

4 mai 2012

L'Axe du Mal

À Nicolas Sarkozy, en briseurs de digues, en dépuceleur de pudeurs Républicaines (on ne dit plus "droite décomplexée" mais "droite dépucelée"), il ne manque que du temps, le temps d'aller assez loin pour atteindre enfin le coeur de l'électeur xénophobe. Sûrement il y a quelque part une formule magique qui débloque le Niveau 9 du jeu, où soudain le compteur explose et enfin tous les électeurs de Marine Le Pen l'acceuillent bras ouverts, le couvrent de bisous et le portent en triomphe vers l'Élysée. Il fait siffler les journalistes, les élites, mais ce n'est toujours pas assez. Que faut-il dire ? Quel bouc émissaire ? Quelle formule pour enfin être assez droite ? Il cherche. Buisson cherche. Guéant cherche. Ils n'ont plus que quelques heures.

3 mai 2012

Obligation de nuire : un deuxième quinquennat avec Sarkozy serait pire que le premier

Le débat d'hier soir semble avoir remis les pendules à l'heure. François Hollande a brisé l'élan du Très Grand Homme (TGH), cet élan artificiel qui allait de l'anniversaire de Julien Dray, au Trocintox où étaient présents au moins 60 millions de français (certains DOM se sont déplacés intégralement). Le spectre d'un Nicolas Sarkozy capable de manipuler sa propre image commençait à refaire surface, et on pouvait se laisser aller à imaginer que pendant au moins quelques heures, dimanche, une proportion suffisante d'électeurs seraient hypnotisés en allant au bureau de vote pour que le TGH renverse in extremis son impopularité qui dure pourtant depuis années.

30 avril 2012

La "vraie" différence est quand il n'y a pas de différence

« Je n’accepterai pas qu’il n’y ait plus aucune différence entre être français et ne pas l’être »

– Nicolas Sarkozy, meeting de Toulouse, 29 avril 2012

"Je n'accepterai pas", ou plutôt "j'accepterai pas" (nuance cruciale, cette syntaxe décomplexée), c'est une formule fétiche du Très Grand Homme (TGH). Elle est commode, car elle n'implique aucune action. Si la chose visée ne peut pas être arrêtée, le TGH peut continuer à "ne pas l'accepter" (ou à "pas l'accepter"). Il a beau "pas accepter" le chômage, par exemple, il est toujours là. "(Ne) pas accepter" est un état sans date d'expiration. On continue à "pas accepter" jusqu'à ce que les gens oublient. C'est de la résistance bon marché, qui ne mange pas de pain, et qui "passe bien en meeting". Ou à la télé, dès fois.

29 avril 2012

Difficile de faire campagne quand on n'a rien à dire

Ce sera bref.

Depuis vingt-quatre heures, ou un peu plus, Nicolas Sarkozy semble soulagé d'avoir un sujet sur lequel il peut railler la gauche. DSK est parfait, car bien sûr il y a du sexe, ou il y en avait, et donc les médias relaient, les gens écoutent. Un bon sujet pour quelqu'un comme Sarkozy. Le fait que la réalité de l'affaire, c'est qu'une sorte d'entretien a été publié, plus des bonnes feuilles qu'un entretien d'ailleurs. En somme, il ne se passe rien, ou presque, mais cela n'empêche pas la campagne Sarkozy de réagir : fortement, vivement, déspespérément, maladivement.

28 avril 2012

UMP : Soudain, comme ça, Sarkozy est devenu xénophobe ?

Il y a désormais un consensus médiatique : Nicolas Sarkozy court après le Front National, pille son programme, est parti dans une "course à l'échalote". La chose est admise, par les médias et par un certain nombre de membres de la majorité. La course après le Front National existe désormais aux yeux du plus grand nombre. Seul Sarkozy lui-même peut encore nier, avec sa fausse naïveté siropeuse habituelle, qui lui permet de dire une chose et son contraire selon les publics.

En préparation pour le cataclysme annoncé, une partie de l'UMP commence tout doucement à prendre ses distances avec son candidat et ses excès. L'Express, par exemple, nous dit que "Gaullistes, centristes, humanistes… Tous tiennent à rappeler que l'UMP n'est pas qu'une droite qui fait la course au FN."

Peu à peu, les "modérés" de l'UMP semblent prendre leurs distances. On rend Patrick Buisson responsable de tout. C'est un gourou qui aurait hypnotisé le Très Grand Homme (TGH) :

« C’est un gourou total! Il a une influence irrationnelle sur le président, qui l’appelle trois fois par jour », raconte, dépité, un membre de l’équipe de campagne.

Surtout, les "grands" de l'UMP, ceux qui souhaitaient une campagne avec un vrai capitaine, une vraie barque et une vraie tempête, voient dans Buisson l'explication de leurs ennuis actuels :

Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le chef du gouvernement, François Fillon, accuseraient même Patrick Buisson d’avoir favorisé l’extrême droite au premier tour. "Voilà où Buisson nous a conduits, râle Alain Juppé le 22 avril au soir, selon 'Le Canard Enchaîné'. Il devait faire baisser le Front et Marine Le Pen fait 1,6 million de voix de plus que son père [en 2002, NDLR]".

C'est la faute à Sarkozy, mais encore plus la faute à Buisson, avec ses pouvoirs occultes, qui aurait poussé son Président dans une sorte de démence.

Après l'élection les couteaux vont sortir et nous verrons beaucoup de créativité dans les manières de prendre de la distance vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Le culte de l'homme fort, et la peur d'être designé comme responsable de la défaite suffisent à tenir presque tout le monde. Bientôt ils vont pouvoir chanter tous : "ce n'était pas nous, nous on est les gentils". (Enfin pas tous : il y a aussi ceux qui ne rêvent que d'avoir l'occasion de partir d'un virage droitier sans retour. Ils suivront leur chef sans doute.)

Donc, à tous ces humanistes, modérés, "vrais gaullistes", adultes responsables, républicains "authentiques", je voudrais simplement suggérer que c'est un peu tard de se réveiller, et que cela fait cinq ans que dure la dérive droitière, xénophobe et anti-républicaine de Sarkozy. Et je voudrais suggérer que cela ne dérangait personne à l'UMP tant que leur "soupe" n'était pas menacée par une défaite, qu'il n'y a pas eu beaucoup d'objecteurs de conscience parmi leurs rangs. Je voudrais surtout leur faire comprendre que ce n'est pas en criant "Patrick Buisson ! Patrick Buisson !" qu'ils vont pouvoir se laver de tout ce qu'a fait Sarkozy à cette République dont ils se réclament.

Ce qui se passe actuellement n'est que le dévoilement au grand jour de ce qui se prépare depuis cinq ans, ou davantage encore. Un coup d'accelérateur juste en arrivant devant le mur, mais pas un coup de volant. L'UMP modéré a-t-il oublié Hortefeux, Besson et Guéant ? Patrick Buisson avait-il mangé les cerveaux de ces augustes défenseurs des droits de l'homme avant de réussir à atteindre les sept cerveaux de Sarkozy ? Le pacte avec le diable fut réalisé en 2007, ou avant, quand l'UMP a réussi à siphonner les idées du Front National. Le "diable" ce n'est pas le FN, ou la famille Le Pen, mais leurs idées, qui salissent tous ceux qui les reprennent.

N'essayez donc pas, chers "modérés", de vous détacher soudain de Sarkozy. Vous étiez là, vous étiez au courant, vous avez profité. Pour être humaniste il fallait se réveiller plus tôt.

27 avril 2012

Trop d'étrangers ? Répondre à une question piégée

Avez-vous arrêté de battre votre femme ?

Euh… je n'ai jamais…

Oui ou non ! Pas d'esquive !

Pujadas, hier soir, pose encore à François Hollande la question : "y a-t-il trop d'étrangers en France ?" Hollande dit, une fois de plus, qu'il n'expulserait pas les étrangers en situation régulière, mais expulserait ceux en situation irrégulière. Pujadas le presse sur sa "conviction" ou son "sentiment" intime : "trop d'étrangers ?"

François Hollande ne veut pas répondre "non, il n'y en a pas trop", sachant qu'aussitôt la droite l'accusera de vouloir les portes à "toute la misère du monde". Il ne va pas quand même dire "oui, il y en a trop", justifiant ainsi tous les fantasmes xénophobes de la majorité anti-républicaine de l'UMP. Et le format télévisuel, les exigences de la communication ne permettent pas à Hollande d'expliquer que la question est terriblement biaisée, piègée et sortie tout droit de la rhétorique sarko-mariniste. (Voilà un concept : le sarko-marinisme. Seulement cinq réponses sur Google pour l'instant.)

Bien évidemment, la question, débarrassée de sa fausse naïveté, est plutôt : "est-ce que notre problème, ce n'est pas l'excès d'étrangers ?" En poussant, on remplace "étrangers" par "immigrés" (la question c'est "l'immigration" après tout), on ajoute un peu de "halal", un peu du "vote communautaire", une dose de "Tariq Ramadan" et la triangulation thématique s'enclenche. Plutôt que parler des flux migratoires nous sommes en train parler, encore une fois, de la place de l'Islam dans la société.

Hollande répond effectivement en refusant la question, sans pour autant dire qu'il la refuse. Il essaie de prendre de la hauteur, il parle en homme d'État : expulser ou ne pas expulser ? Le téléjournaliste veut de l'émotion, du sentiment, veut finalement qu'il se place dans la dimension sarkozyste, ce monde imaginaire, celui du petit village français, où tout est symbolique et où la réalité importe peu. Hollande évite de se laisser entrainer sur ce terrain et c'est tant mieux. Le prix à payer, du moins aux yeux des journalistes, c'était de sembler "esquiver" la question, et de tomber dans l'un des autres éléments de langague de l'UMP.

La journaliste du Monde sur le plateau n'hésite pas à enfoncer le clou, et c'est ce qui apparaît dans le résumé que le journal publie ce matin :

Le candidat PS, qui passait le premier, s'est efforcé de se poser en opposition à son adversaire et d'apparaître aussi "présidentiel" que possible, même s'il a parfois donné l'impression d'esquiver.

Si c'est le prix à payer, tant pis. Je garde le regret, cependant, que le candidat n'ait pas explosé la question elle-même. C'est toujours plus facile de trouver des réponses après coup. Voici la mienne :

Trop d'étrangers en France ? Vous voulez dire : est-ce le problème de la France qu'il y a trop d'étrangers ? Le candidat sortant, comme d'ailleurs la candidate du Front National, voudraient nous faire croire que les "immigrés" sont la cause de tous nos problèmes, le chômage, les déficits de nos comptes sociaux. C'est une manière de nous détourner des vrais problèmes et des vraies solutions. C'est ça l'esquive.

Edit: Voir le billet de Dagrouik publié presque simaultanément.