24 février 2012

L'aplomb

Il paraît que Sarkozy a été mauvais à la télé, l'autre soir sur France 2. Je ne l'ai pas vu, mais je n'ai pas de mal à le croire. J'ai même l'impression que la contre-offensive du PS sur la question de la "Vérité" (voir mes deux derniers billets) a un peu calmé l'UMP sur cette lancée de la Vérité Forte. Quand on veut faire un concours de crédibilité, il faut y venir avec assez de billes, surtout quand on est le candidat sortant. Vu du Web, la crédibilité de Sarkozy semble atomisée, en miettes, évaporée depuis des lustres.

Mais à écouter Sarkozy parler, dans des reportages plutôt flatteurs sur France Intox par exemple, parler avec des gens – genre : Ah, c'est comme ça alors qu'on fabrique les jambon-beurre ! D'abord le beurre, et après le jambon… –, l'impression est tout autre. Pour l'amnésiaque récemment guéri, Sarkozy a l'air d'être encore un maître du monde, en pleine confiance. Ce n'est pas pour rien qu'il a réussi à monter à l'intérieur de l'UMP et qu'il a finit par se faire élire : il a un aplomb à toute épreuve. Enfin, presque : il paraît qu'il a bafouillé hier à propos du Fouquet's. Sa capacité à projeter une image de maîtrise de la situation, tandis qu'en réalité il ne maîtrise pas grand'chose, et ne se maîtrise pas si bien que ça non plus, est proprement hallucinante.

C'est une qualité nécessaire chez les personnages politiques, bien sûr, et ils l'ont tous à des degrès différents. Le cas Sarkozy est particulier dans la mesure où il semble qu'il y ait un déconnexion totale entre la réalité de ce qu'il veut nous vendre, que ce soit son bilan ("c'est la faute à la crise") ou ses fameuses "Idées", une déconnexion totale donc entre la réalité et son air à mi-chemin entre le vendeur de bagnoles ou de politiques d'assurance vie, et le gendre idéal un peu obséquieux.

Et tout cela n'aurait d'importance particulière si ce n'était que cette posture passe très bien dans le poste. C'est du petit lait pour l'énorme caisse de résonance médiatique qui, depuis cinq ans, a l'habitude. Les critiques sont molles et timides tandis que tout ce qui va dans le sens du poil du TGH est assuré et heureux. Sarkozy est un excellent produit médiatique. Les médias préfèrent le spectacle aux réalités et Sarkozy joue bien son rôle, fournit des bons morceaux qui passent bien dans les tuyaux. La presse le lui rend bien.

Pour un anti-sarkozyzte primaire, comme moi, la défaite de Sarkozy devrait passer par la destruction intégral de son discours, y compris sur TF1. J'imagine un monde où chacune de ses paroles serait mise en pièces aussitôt énoncée. Cela ne passera pas ainsi, malheureusement. Du moins pas à l'écran. Dans les urnes, oui.

22 février 2012

Tu nous cherches ?

Nicolas Sarkozy et les siens cherchent à ouvrir une brèche sur le caractère de François Hollande et établir un fondement sémantique pour la campagne où la Vérité serait de leur côté, tandis que l'Illusion, le Flou et le mensonge seraient du côté du socialiste. Ce dernier a eu le bon goût de ne pas répondre, mais de dénoncer la manoeuvre ce qui est, à mon avis, une bonne tactique pour le court terme, mais qui ne suffira pas par la suite, car le Pouvoir a les moyens de faire beaucoup de bruit, "vacarme" dirait Juan, et de faire passer, par force presque, des messages simples dans l'inconscient de l'électorat.

Le but de l'opération est aussi de mettre Hollande sur la défensive, rôle qu'il a raison de refuser. Il faut bien, cependant, faire quelque chose. Hier, donc, Ségolène Royal a mis à profit son statut de non-candidate pour cogner un peu :

"Il ne va pas là ou les français souffrent. Concernant des sites industriels ou des entreprises en péril. Elle explique que ”Tous ces sites ont reçu soit la visite du candidat de l’UMP soit celle d’un ministre et, derrière, il ne s’est rien passé”.

Et puis elle ajoute cette phrase :

"Quand on ne tient pas ses promesses, c'est une forme de corruption de l'action publique", a-t-elle martelé.

Le message est clair : si Sarkozy veut s'imposer comme propriétaire de la parole Vraie, il va falloir qu'il assume tout ce qu'il a dit.

Pour un public averti, c'est en effet époustouflant d'entendre le Très Grand Homme (TGH) tenter d'accaparer un monopole de la parole sincère, lui qui, depuis cinq, dix ans ne cesse de "communiquer" en tordant le moindre fait à son avantage. Dans la publicité, le message est d'abord destiné à couvrir les faiblesses du produit. Le fait même de tenter de se représenter comme celui qui parle "Le Vrai" montre à quel point son propre discours est devenu publicitaire.

La phrase de Royal a cette petite pique supplémentaire, un petit excès qui est un peu sa marque, qui répond à la dimension morale de l'affaire : "corruption". Le même jour, l'affaire Borloo-Véolia pointe son nez. Voilà de la sémantique.

L'efficacité des mots de Royal aura en plus servi à abîmer encore davantage la réputation d'intelligence et d'intégrité de Nathalie Kosciusko-Morizet qui, après avoir affirmé que la "pire violence" était le flou (si si, elle a vraiment dit ça), a cru bon de dénoncer "une volonté des socialistes de criminaliser le débat politique", montrant par là que la "responsabilité" et la moralité, si chères au TGH, ne doivent s'appliquer qu'à gauche.

20 février 2012

Elements de langage : la vérité arrive bientôt sur vos écrans

La sémantique de la campagne de Sarkozy commence à prendre forme. Le schéma fondateur, c'est l'opposition "vérité/mensonge", "le vrai/le faux", "la réalité/l'erreur". Depuis une semaine, les communicants sautent sur les paroles de François Hollande au Guardian : Fillon, Raffarin, et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a définitivement quitté son rôle de ministre très 2.0 pour la pratique du cynisme politicien le plus pur :

"Et le mensonge, c'est ce qui est pratiqué par François Hollande qui dit le matin des choses différentes de ce qu'il dit l'après-midi et qui surtout entretient le flou sur ses propositions", a poursuivi Nathalie Kosciusko-Morizet.

[…]

"Je peux faire la liste des sujets sur lesquels on ne sait pas aujourd'hui ce que pense ou ce que propose François Hollande. La vraie violence, elle est là", a-t-elle encore dit.

La vraie violence, c'est être flou ? C'est franchement très fort. Fort comme la France.

Mais laissons de côté les saints pour en venir au TGH et son discours de Marseille. (Le pdf est là.)

Revenons à la logique de l'exposition. En gros, si Sarkozy n'a pas de bilan à défendre, c'est la faute à la crise. À partir de là, tout est question de vérité et de mensonge. Le mensonge des socialistes serait de nier l'existence des crises financières et économiques :

Je veux le dire calmement mais aussi fortement : ceux qui font comme si rien de grave ne s’était passé depuis 3 ans dans le monde, ceux qui font comme si les risques auxquels la France s’était trouvé confrontée n’avaient pas été dramatiques, ceux-là mentent aux Français, ceux-là ne rendent pas service à la France.

Ces fameux "ceux qui font comme" sont vraiment des saligauds parce qu'ils veulent vous cacher la vérité, ils occultent la crise, ils l'ignorent, ils font comme si tout allait bien, apparamment, alors que, oui, tout va mal.

Occulter la crise ce n’est pas seulement malhonnête, c’est dangereux, parce que l’on ne se défend pas contre des périls dont on nie l’existence, parce que l’on ne protège pas contre des menaces que l’on fait semblant d’ignorer.

C'est tellement mauvais de faire comme cela, que Sarkozy doit le dire plusieurs fois :

Si on refuse la réalité, on ne peut pas comprendre les efforts qu’il nous faut faire. Et si on ne les comprend pas, on ne les fera pas. Et si on ne les fait pas alors ce sont tous les Français qui souffriront.

Nous avons compris, il faut dire la vérité : il y a bien eu des gros, gros problèmes économiques depuis trois ans. Si on ne le dit pas, on veut tuer la France. Qui ne le dit pas, au fait ?

L'élection sera donc la lutte entre la vérité et le mensonge. Il le dit, presque avec les mêmes mots :

Cette campagne doit être une campagne de vérité.

Cette vérité, les Français la méritent et la France en a besoin.

Les catastrophes auxquels nous avons échappé, par la grâce de Sarkozy, sont du côté de la vérité :

La vérité, c’est que la France n’a pas été emportée par une crise de confiance qui a ravagé tant d’autres pays dans le monde.

La vérité c’est que l’État n’a pas fait faillite.

La vérité c’est que les salaires et les pensions de retraite n’ont pas baissé.

La vérité c’est que le chômage n’a pas explosé comme ailleurs.

La vérité c’est que des milliers de Français n’ont pas été chassés de chez eux.

En revanche, chez les autres là, les ceux qui disent que, on manque gravement de vérité. Il n'y a même pas du tout :

Où est la vérité quand on explique en même temps que l’on veut punir les voyous et abroger la loi sur la récidive et abroger les peines planchers ?

Où est la vérité quand on ne dit pas la même chose selon l’interlocuteur auquel on s’adresse, où est la vérité quand on dit tout et son contraire ?

Où est la vérité lorsqu’on est d’un côté de la Manche ou de l’autre, quand on fait semblant d’être Thatcher à Londres et Mitterrand à Paris ?

Entre ces propos, et les déclarations qui ne cessent de s'accumuler à propos d'un seul papier dans la presse anglaise, la stratégie sarkozÿenne commence à se dessiner : non seulement des "valeurs" pour occulter la vérité économique (justement), mais un ensemble assez complexe, malgré tout, associant un argument politique ("c'est la faute à la crise ; j'ai sauvé tout le monde") et une attaque morale sur François Hollande. On a tendance à dire que c'est son côté "consensuel" qui est visé, mais c'est ne pas voir la visée réelle de la tactique, qui est véritablement morale. Les sarkozyztes cherchent la faille dans la personalité du candidat socialiste, et vont bâtir toute leur campagne là-dessus, en essayant d'introduire, petit à petit, le doute.

19 février 2012

Un bilan est si lourd, si lourd

Où est-ce que j'ai lu ça : le sarkozysme n'est pas une pensée ou une philosophie, mais seulement un façon de faire la politique. La souplesse idéologique du Très Grand Homme (TGH) nous en convainc rapidement : libéral, étatiste, fan de "l'ouverture", chasseur du vote xénophobe. Admiration pour Bush Jr., admiration (jalousie) devant Obama. Ami de Qadaffi, ennemi de Qadaffi. Le "contenu" du message varie trop pour qu'on puisse y voir un début de philosophie politique. Les seuls constants véritables sont ceux de la droite ordinaire : remise en cause de l'État providence, soutien des très grandes entreprises.

Si le sarkozysme est un style de politique, il devient clair que les prises de position sont en réalité soumises aux besoins de la communication. C'est ce que cette "façon de faire" a de si remarquable : la politique ordinaire est au service d'une ambition narcissique, un élément de plus dans un règime d'images.

Sarkozy était le candidat permanent, du moins à partir de 2002 et bien au-delà de 2007. Sa capacité d'être toujours en mouvement était alors un atout. Mais pour ces raisons, justement, il est fondamentalement incapable de défendre un bilan. Et je dirais même plus, il serait même incapable de défendre un bon bilan.

Le vide dans l'affiche de campagne, c'est aussi cette façon de faire table rase du premier mandat. Effaçons tout cela, par un nouveau baptême dans les eaux grecques.

Un bilan, c'est du passé, c'est mort. En parler, c'est s'immobiliser, prendre des coups et du coup perdre l'avantage. Angoisse de mort. La meilleure défense, la seule possible pour Sarkozy… c'est d'aller accuser son adversaire de mensonges. Si le bilan pouvait être l'expression d'une pensée politique profonde, des arguments seraient possibles, il serait possible de communiquer "sur" ce qui a été fait, instruire le pauvre peuple pour leur faire enfin comprendre la grandeur de l'oeuvre.

Reste la méchanceté, le candidat coriace et finalement, oui, petit.

17 février 2012

La France F...

Nicolas Sarkozy s'est déclaré, les jeux commencent. Son affiche a tellement fait parler d'elle, et engendré tellement de versions parodiques que je ne peux pas m'empêcher d'y ajouter mon grain de sel. Ou plutôt ma petite goutte d'eau salée.

Sarkozy devant la mer. En 2007, c'était devant la campagne, une campagne étrangement artificielle ; maintenant c'est une mer avec un éclairage crépusculaire, plus subtile et beaucoup plus vide. Beaucoup plus grec aussi. Si on compare aussi à la photo officielle de Sarkozy, de 2007, on finit pas se douter de sa culture iconographique, et de celle de ses conseillers en image.

Sarkozy devant la mer. Plutôt d'essayer de communiquer l'idée de solidité, les communicants ont opté pour l'aquatique, au risque de créer des associations négatives : les navires qui coulent, les vacances balnéaires. Il paraît que l'interprétation officielle, c'est le "capitaine du navire". Parmi les parodies de l'affiche, beaucoup font la comparaison avec les affiches de recrutement de la Marine Nationale.

Ce qui me frappe d'abord dans cette image, c'est le vide. La photo de la mer est assez spectaculaire, crépusculaire comme je disais (la fin du monde approche, votez Sarkozy). Avec la très grosse tête (TGT du TGH) de Sarkozy devant, il y a un effet de distance qui ses crée : la mer est lointaine et vaste. Sarkozy est énorme, une sorte de dieu… grec, Poseidon qui vient nous sauver. Cette distance crée une impression de vide, d'être en dehors du monde. Un monde où il n'y a personne, juste Sarkozy et ses grands rêves de grandeur. Déjà dans l'affiche de 2007, la campagne était dépeuplé ; maintenant Sarkozy est carrément sur un autre plan de la réalité. Poseidon en talonettes.

Dans le vide maritime, notre regard ne s'accroche nulle part : tout est pouvoir, la mer elle-même n'est que le miroir du pouvoir dans les yeux de cette grosse tête. Choix curieux, pour une campagne qui se veut celle du "peuple".

L'imagerie navale permet de réutiliser le bleu UMP. Si l'idée était de signifier le calme dans la tempête, je trouve que c'est râtée. Oui, Sarkozy a l'air calme, mais la tempête semble loin ou même inexistante. Iréelle. Le dieu grec flotte au dessus de la mer, envoyant ses rayons de puissance sur tout ce qui bouge.

Plus profondément, cependant, il y a dans cette image de la mer une rêverie coloniale : la France Forte est un empire aux nombreuses colonies, bien domptées, reliées et protégées grâce à une Marine puissante. Un pouvoir athénien, en effet, qui nous ramène encore une fois à cette image de la France d'avant la décolonisation. Une nouvelle invitation de revenir à un monde simple.

14 février 2012

Suspendu dans le vide

On nous indique que Nicolas Sarkozy est tout content de son effet : en faisant attendre l'annonce de sa candidature, il occupe la scène médiatique pendant quelques jours encore, sans rien faire, justement en ne faisant rien.

Comme si, en nous faisant attendre, il se faisait désirer.

Il nous promet des supers idées qui vont tout bouleverser :

Nicolas Sarkozy, qui n'est pas encore officiellement candidat à un second mandat à l'Elysée, a par ailleurs promis aux responsables de la majorité qu'il y aurait « des idées nouvelles dans cette campagne ». « Vous pouvez compter sur moi! », a-t-il dit.

On peut compter sur lui. Sauf que, et c'est le problème quand on est un président sortant très impopulaire, cela fait quatre ans qu'il tente de remonter la pente. Il paraît hautement improbable qu'il y ait un gisement d'idées toutes fraîches sous l'Elysée ou dans un sous-sol du Cap Nègre.

Parmi les ballons d'essais lancés dernièrement, aucun n'a pris, mais le virage vers l'extrême droite a été amplement remarqué.

Pire encore, il y a l'hésitation devant la manière d'annoncer la candidature. La seule surprise possible serait l'annonce de sa non-candidature. A attendre, il s'est préparé l'échec de l'annonce, qui mettra fin à l'attente qui n'en est pas une, mais qui ne sera pas à la mesure de l'attente. La campagne officielle risque de partir sur une déception. Tout ça pour ça.

L'annonce doit donc être à la hauteur. Stade ? Combien de figurants ? Finalement ce sera à la téloche. C'est présidentiel, cela ne coûtera rien.

Mais on attend encore. Fillon pense que, campagne lancé ou non, il faut attendre encore plus longtemps, jusqu'aux trois dernières semaines de la campagne. Nous préparent-ils à une sorte de non campagne ? Une campagne de rien, une campagne vide, désertifiée. Avec pour stratégie la seule hargne du Très Grand Homme (TGH), prêt à en découdre avec tout le monde, mais qui ne peut s'appuyer ni sur un bilan, ni sur un programme.

Hargne ? Oui, regardez ce qu'en dit Raffarin:

Il reste persuadé que le candidat socialiste n'a pas sa puissance personnelle et ne supportera pas un ‘‘mano a mano'' de deux mois et demi », explique l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Sarkozy croit à "sa puissance personnelle" comme à une bonne étoile. Tant mieux si cela le rassure. Il risque, pourtant, de découvrir, enfin, que les forces sociologiques, économiques et politiques du présent sont beaucoup plus vastes que sa volonté et son énervement. C'est comme pour les points de croissance et les dents….

Attendre, toujours attendre, donc. Attendre dans le vide, attendre à cause du vide à venir, que l'on ne sait remplir, et qui, à force d'attendre, s'agrandit, s'agrandit.

13 février 2012

Cherche recherche désespérément

Est-ce juste le contrefeu habituel, ou bien François Hollande a-t-il réussi à trouver un nouveau point sensible dans l'égo sarkozyzte ?

Fillon aujourd'hui dans Le Monde :

Nous avons jeté les bases d'une modernisation en profondeur de la société française, sur la recherche, l'innovation. Les propositions de François Hollande samedi sur ces sujets étaient touchantes : la plupart ont déjà été mises en œuvre par le gouvernement…

Wauquiez l'autre jour :

Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Laurent Wauquiez a dénoncé samedi "l'hypocrisie" de François Hollande qui "se pose en champion des universités et de la recherche sans jamais exposer les mesures qu'il entend mettre en oeuvre".

"François Hollande se contente de valider des réformes que les socialistes n'ont jamais eu le courage de mettre en place et se contente de promettre l'augmentation sans limite des emplois publics", ajoute le ministre dans un communiqué.

"La rupture dans notre politique d'enseignement supérieur et de recherche, c'est Nicolas Sarkozy qui l'a amenée: en cinq ans, jamais un gouvernement n'a autant investi dans ce domaine", se félicite M. Wauquiez.

Pourtant, si l'on demande aux chercheurs, ils ne semblent pas si contents que cela. Sauvons la recherche appelle à manifester le 17 février et dénonce la pénurie actuelle :

L’année 2012 s’annonce particulièrement difficile pour l’enseignement supérieur et la recherche publics. Dans un contexte de pénurie, le budget de la majorité des laboratoires baisse de 10 à 30 %. A l’INSU, la situation est encore plus difficile, car la direction scientifique privilégie le fonctionnement des grands instruments. L’avenir d’un certain nombre de TGIR (Très grandes infrastructures de recherche) sera remis en cause, sans dotations complémentaires de l’Etat. Avec un budget en recul en pouvoir d’achat, de nombreux établissements publics d’enseignement supérieur sont en difficulté financière. Ils sont conduits à gérer la pénurie en gelant massivement des emplois de titulaires, en accroissant la précarité et le recours aux agents non titulaires, en supprimant des heures d’enseignement -notamment pour anticiper des licences à 1500 h- compromettant ainsi l’avenir du service public d’enseignement supérieur et de recherche.

Côté enseignement, l'autonomie dont l'UMP est si fière ne plaît pas tant que ça.

Pourquoi s'en prendre à Hollande, alors ? Bien sûr, l'UMP ne va pas le laisser dire tout ce qu'il veut. De plus, les téléspectateurs ne comprennent pas grand'chose à la recherche, et peuvent d'autant plus facilement croire à la vantardise élyséenne sur le sujet. Mais j'ai surtout le soupçon que la réforme des Universités et de la recherche est l'une des seules propositions de Sarkozy qu'il n'a pas été obligé d'abandonner, comme le pauvre Paquet, laissé au bord de la route.

11 février 2012

Les chômeurs du village

L'un des fondements du sarkozyzme, ou plutôt de la communication sarkozyzte, consiste à profiter du fait que les gens ont du mal à imaginer 65.350.000.000 personnes en même temps. Il est préférable d'imaginer la France comme une sorte de petit village idéal habité. Dans ce village, il se trouve :

  • deux pédophiles, dont un récidiviste ;
  • des "Arabes" ;
  • des chômeurs (dont beaucoup, la plupart en fait, trichent pour prolonger leurs allocations) ;
  • des braves gens qui travaillent ;
  • des enfants ;
  • des parents ;
  • des usagers.

Il y a des écoles, mais pas vraiment d'institueurs, des églises, des pratiquants mais pas de prêtres. Pas de banquiers, aucun membre d'une quelconque élite. Les patrons sont eux aussi dans la catégorie des "braves gens qui travaillent". C'est comme un petit théâtre, une scène où tous les problèmes de la France peut être réglés en mettant chacun à sa place, en faisant respecter l'ordre, et ainsi de suite.

De toutes parts, on nous annonce que la campagne de Nicolas Sarkozy sera centré autour des "valeurs". C'est bien sûr la technique traditionnelle et éprouvée des droites pour faire voter la majorité contre son propre intérêt. Le petit village que je viens de mentionner est très utile pour y arriver, car il permet de réduire des réalités qui concernent la société dans son ensemble (65 mégaoctets d'habitants) à des cas individuels. Ceux-ci :

  • sont plus faciles à comprendre,
  • peuvent être jugés avec des termes moraux (fainéant, etc.), voire carrément raciaux (xénophobie, les "Arabes", etc.),
  • sucscitent des réactions émotionnelles immédiates.

Le chômage et, plus général, "l'assistanat", terme figarotiste pour "État providence", ne l'oublions pas, seraient en quelque sorte responsables des échecs économiques répétés du Très Grand Homme (TGH), et serviront donc de victimes expiatoire. Car, évidemment, le chômeur (celui donc du village) est chômeur par choix, faiblesse ou paresse… Car la volonté hors normes du TGH aurait dû, depuis le temps, depuis 2007 quand même, la volonté et l'énergie de ce Grand Président aurait dû les convaincre des mérites du travail.

Ben non, ils sont mêmes plus nombreux aujourd'hui qu'en 2007. Faute à qui ? Je vous le demande.

Le fait qu'il serait parfaitement impossible, et terriblement cher, de fournir des formations à tous ces paresseux et incompétents n'est d'aucune importance, puisque, dans le village ils ne sont pas plus de vingt ou trente. Dans le village, c'est parfaitement gérable.

Sarkozy est bien plus habile en communication électorale qu'en macroéconomie. Et avec ces fameuses "valeurs" qui arrivent dans la campagne, ce ne sont pas seulement des valeurs, mais le passage du réel vers un plan symbolique. Va falloir s'occuper des symboles, tout en essayant de noyer toutes ces sottises.

9 février 2012

La valeur du travail pas cher

Il paraît que demain le Président de la R. va dire, dans le FigMag, ceci :

Sur le travail, il précise: «Après cinq ans de mandat, je suis plus convaincu que jamais qu’il faut récompenser le travail et renforcer la considération qu’on lui porte (…). Le travail est une valeur en soi, nécessaire à l’accomplissement de l’individu comme à la cohésion de la société. Tout ce qui peut alléger le coût du travail, récompenser l’effort, le mérite, faire la différence avec l’assistanat, doit donc continuer à être mis en œuvre de façon systématique».

D'accord, d'accord : "accomplissement de l'individu", "cohésion de la société", c'est presque du gauchisme ; "récompenser l'effort, le mérite", Lénine dit oui, quoiqu'avec des réserves.

Mais entre toutes ces belles idées, le Très Grand Homme (TGH) a réussi à glissé une perle de vérité, presqu'un lapsus tant elle renverse le sens de tout le reste :

Tout ce qui peut alléger le coût du travail […].

Quel rapport entre la reconnaissance de la valeur du travail et le fait que le travail ne devrait pas coûter cher ? Le travailleur ne mérite donc pas la protection que la société, qui reconnaît si bien sa valeur, ne veut plus payer ?

Le travail vaudrait plus s'il ne coûtait rien ?

8 février 2012

Le modèle allemand arrive !

Il paraît que personne n'a jamais appelé Nicolas Sarkozy "l'Américain" hormis Sarkozy lui-même. En tout cas, s'il est réélu, il se fera appeler "l'Allemand", du moins je l'espère. Tôt dans son premier mandat, Sarkozy a pris l'habitude d'aller chez les grands du planète pour prononcer des discours siropeux pleins de flatteries. Il est difficile d'imaginer des véritables Gaullistes, à commencer par le Général lui-même, en train de dire de telles fadaises devant l'ennemi américain, le successeur de Churchill, ou même le Pape. Sans parler de l'Allemagne.

Non qu'il faille se ballader en disant cocorico partout ; l'humilité est une vertu, et pour une fois qu'on ne reproche pas à Monsieur Sarkozy le vice opposé, le blogueur pourrait se taire là-dessus. Pourtant, non, ce n'est pas le moment de se taire, mais d'essayer de comprendre le sens de cette soumission qui semble faire partie, curieusement, et durablement, de la personnalité politique du Président.

Sur l'Allemagne et le modèle allemand, Juan écrit :

Depuis bientôt deux ans, Nicolas Sarkozy a choisi le modèle allemand sans qu'on sache vraiment lequel. Il ne cherche pas tant à singer la politique économique ou sociale du gouvernement allemand que de coller au plus près de sa voisine chancelière. Et cette dernière le lui rend bien. La France lui donne l'alibi de ne pas apparaître comme dirigeant seule l'Europe. A Paris, Angela est toujours ravi des démonstrations de Nicolas. De toutes façons, il est trop affaibli pour la gêner véritablement.

Voilà : on ne sait pas de quel modèle allemand il s'agit, ni ce qu'il faudrait en tirer. L'important, pour Sarkozy, est d'avoir un modèle. Qu'il soit américain, allemand ou martien, il faut un modèle, venu de préférence d'un pays dont le chef est "copain" avec notre Très Grand Homme (TGH), qui lui donne enfin l'autorité qui lui manque pour imposer enfin les grands bouleversements qui sauveront le pays de ses défauts gauchistes congénitaux.

Sarkozy était élu en promettant de tout faire valser, de "libérer la croissance". Seuls les vieux conservatismes retenaient le pays (et peut-être une trop grande mixité sociale), l'empêchaient de devenir ce paradis de croissance et bonheur que le jeune Sarkozy imaginait si clairement. Avec presque cinq ans de recul, nous pouvons voir maintenant que la révolution promise ne pourra venir de la France, mais doit venir de chez nos voisins, le plus puissant du quartier. Seul l'Allemagne pourra nous sauver de nous-mêmes. Bizarre, comme point de vue, en 2012, non ?

7 février 2012

La guerre des classes et la guerre des civilisations

C'est un titre un peu marxisant, je sais. Il ne faut pas s'affoler, ce n'est pas mon sur-moi marxiste-léniniste qui prend le contrôle de mon clavier. Je m'explique.

Dans une démocratie, pour se faire élire, la droite qui représente les intérêts économiques d'une minorité puissante. Celle-ci doit trouver le moyen d'utiliser sa supériorité économique et sociale pour convaincre une grande partie de la population, qui ne fait pas partie de cette élite, de voter contre ses propres intérêts. On penserait que c'est difficile de le faire, mais les succès répétés des droites dans les démocraties du monde montrent bien que c'est presque plus difficile de faire voter les gens pour leur propre intérêt.

Rien de bien neuf, là, bien sûr. Mais les événements récents montrent que le même tour de passe-passe est en train de se préparer. Pouvait-il en être autrement ? Les choses pourraient être un peu moins claires, sans doute, mais sarkozyzme ne rime pas avec subtilité, donc on y va.

Le TGH veut augmenter la TVA. On trouve même le moyen d'augmenter les impôts des pauvres tout en ayant l'air de combattre les impôts. Concrètement, la droite RPR-UMP n'a, historiquement, pas d'autre véritable programme que de transférer les charges de l'État providence vers les classes moyennes et et les classes populaires, en allégeant celles qui pèsent sur les riches et les entreprises, notamment les très grandes entreprises. (Les PME, bof.) Hollande, dans son projet, propose de rétablir un peu de la progressivité dans la fiscalité. A droite, il y a la droite ; à gauche, il y a la gauche.

La promesse de la droite, et l'un de leurs arguments principaux depuis vingt ou trente ans maintenant, c'est que les intérêts du prolétariat (voilà, je l'ai dit) et du capital sont liés : si vous faites la grève, on ferme l'usine et c'est les chinois qui feront votre boulot… mais, si on s'arrange, et si vous acceptez des concessions, vous pourriez travailler encore pendant six mois, au moins. Bien sûr, le socialisme jospiniste n'est pas étranger à ce type de raisonnement : socialisme d'accompagnement, etc. Et les dominés d'aujourd'hui sont moins misérables que ceux du XIXe, et ont un peu plus que leurs chaînes à perdre. Les contours deviennent flous, et surtout il devient difficile de fonder une idéologie politique forte, fondée sur une opposition facile à saisir.

Les gauches, fût-elles timides et pâles, continuent à élaborer un discours fondé plus ou moins dans la réalité des intérêts économiques. Mais c'est compliqué, les gens ne suivent pas vraiment. Les droites, qui doivent dissimuler la réalité des intérêts pour que la majorité vote contre le sien, a une facilité naturelle à détourner l'attention. C'est comme dans les tours de magie : il faut attirer le regard sur une main (la gauche ? la droite ?) qui ne fait rien, pendant que l'autre agit. C'est peut-être encore plus comme les pickpockets, qui inventent une ruse pour que vous regardiez ailleurs pendant qu'ils vident vos poches.

Aujourd'hui, la ruse, la main que tout le monde regarde, c'est Claude Guéant. La main qui vous fait les poches, vous savez bien à qui elle appartient. L'offensive dans les mois à venir va être sur le plan des valeurs. Ce sont elles qui font voter les masses contre elles-mêmes, et Sarkozy, inquiet, ne va pas s'en priver.

La guerre des civilisations cache la guerre des classes. L'enjeu, jusqu'au 6 mai, est de ne pas se laisser distraire.

5 février 2012

La TVA de confort

Dans mon billet de l'autre jour, je n'ai pas assez insisté sur le caractère proprement hallucinant de la tentative élyséenne de nous vendre, simultanément :

  1. L'idée que Hollande et les socialistes feraient grimper les impôts, faisant subir un "matraquage fiscal" aux classes moyennes ;
  2. La hausse de la TVA.

Cela ne vient pas directement de la bouche présidentielle, mais ce petit résumé dans le Monde exprime bien la contradiction :

Que ce soit le 31 décembre 2011, lors de ses voeux télévisés, quand il a relancé cette vieille idée ; le 18 janvier, quand il a réuni, à l'Elysée, les partenaires sociaux ; et enfin dimanche, quand il a annoncé la mesure, lors de son intervention télévisée. Son objectif : ne pas laisser entendre que la mesure pourrait augmenter les impôts mais au contraire affirmer qu'elle va permettre de "réduire le coût du travail et doper la compétitivité", comme il l'a dit dimanche.

Vous avez bien lu : "ne pas laisser entendre que la mesure pourrait augmenter les impôts". Alors que c'est un impôt. Ou du moins une taxe, qui, en plus, coûte le plus cher à ceux qui gagnent le moins. Ceux qui finissent leurs mois avec le compte bancaire vide, ou presque, sont ceux qui vont sentir le plus cet 1,6% supplémentaire. Ceux qui ne dépensent pas tout ce qu'il gagnent (mais peuvent le placer d'une manière ou d'une autre), ne remarqueront pas cette hausse.

Comment peuvent-ils croire qu'on gobera ça cette fois ?

L'explication libéro-technocratique est que les employeurs, toujours aussi déintéressés, même en période de crise, passeront la baisse des charges sur les salaires. Génial : tout le monde paie moins, tout le monde gagne plus. Sauf que… Comme un ami blogueur (mais lequel, j'ai oublié…) le souligné, ce sera comme l'effet sur les prix de la baisse de la TVA dans la restauration. A vrai dire, je ne reprocherais pas à une entreprise de profiter de ce type d'aubaine ; chacun fait en fonctoin de son propre intérêt, et c'est bien pour cela que nous avons une économie encadrée avec même une semblance de redistribution.

La véritable explication, c'est que la TVA reste invisible. Ce n'est pas un impôt qui vous tombe dessus à tel ou tel moment de l'année, tant d'euros à envoyer d'un coup au Trésor Public. Finalement ce ne sera pas pire que les changements de prix lors du passage à l'euro. Donc, la TVA, qu'elle soit "sociale" ou "Sarkozy", finira pas passer inaperçu. Les pauvres un peu plus pauvres, les riches un peu plus riches. Comme cela se doit.

Il n'y a pas d'émotion associée à la TVA. Les impôts à émotion, ce sont des impôts des socialos. (Alerte rime.) L'impôt UMP est indolore. Et, mieux encore, elle inverse la petite courbe progressive de l'impôt sur le révenu. Chacun à sa place.