19 novembre 2013

Krugman et Aghion (2/2)

 

Reprenons. Je parlais dans mon dernier billet de la réponse de l'économiste Philippe Aghion à l'édito de Paul Krugman, qui prenait la défense des impôts français.

L'édito de Krugman est ici : The Plot Against France et en français ici.

La réponse d'Aghion est ici : Perte du AA+ : pourquoi Paul Krugman a tort.

18 novembre 2013

Krugman et Aghion (1/2)

 

L'édito de Paul Krugman du 10 novembre au New York Times avait fait beaucoup de bruit en France car il justifie, d'une certaine façon, l'austérité fiscale que pratique François Hollande. Une figure aussi visible qui vole au secours d'un président accablé, cela fait couler de l'encre. Krugman, en bon blogueur, ne se prive pas d'un titre qui attire l'oeil : « Le complot contre la France ». Oh dear!

Quatre jours plus tard, Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard et (ex-?) soutien de François Hollande réplique dans Le Monde.

Perte du AA+ : pourquoi Paul Krugman a tort

Curieusement, si aujourd'hui vous faites une recherche dans Google News, le texte d'Aghion n'a presque pas suscité de commentaire. Je reviendrai plus loin à ce point.

Commençons par ce que dit Aghion.

16 novembre 2013

Pourquoi ce sera toujours la faute de François Hollande

 

Economie et austérité. Je ne change pas beaucoup de sujet, sauf quand je n'ai pas de sujet du tout. (Voir les onze derniers mois.)

Marco (Alter Oueb) écrit, à propos de la crispation générale du pays décrite dans la lettre secrète des préfets :

François Hollande est devenu clairement la cause de tous les maux et cristallise autour de lui toutes les critiques. Avec son gouvernement, il doit gérer une friche laissée par son prédécesseur et même au-delà : on ne retourne pas en quelques coups de bêche un champ aussi vaste, autant caillouteux. Confronté aux lobbys de toutes sortes, Hollande à reculé un peu sur tous les sujets, surtout ceux concernant les «possédants», et a déçu, même dans son camp. Et alors ? L’eau du bain est chaude depuis un moment. Sarkozy, pour sa part, y a mis un sérieux coup de lance-flamme en tenant chaque nouveau jour des propos plus qu’outranciers, divisant le pays en jetant à la vindicte populaire, le doigt tendu et le rictus aiguisé, telle ou telle catégorie de français, ou de moins français.

Oui, François Hollande est devenu la cause de tout. Quand l'économie va aussi mal, présidents et gouvernements sont rarement populaires. /"It's the economy, stupid."/ Et, bien sûr, le rôle de Sarkozy dans tout cela n'est pas à négliger. Mais…

Mais…

12 novembre 2013

L'austérité pour tous ! (sur l'Irlande)

 

Dans mon billet d'avant hier, j'ai mis en lien cet article sur l'Irlande. Voyons un peu plus près comment l'austérité se passe quand un pays veut vraiment tout faire pour 1) sauver ses banques en avalant leurs dettes 2) miser complètement sur l'austérité pour se sortir du trou.

10 novembre 2013

Le déficit est trop petit

 

Françoise Fressoz exprime la doxa économique :

Le candidat socialiste a fait campagne sur la réduction des déficits publics et il n'a pas tardé, une fois élu, à mettre en place le crédit d'impôt compétitivité, qui ne figurait pas dans ses propositions. Seulement, il a biaisé avec les Français. Il ne leur a pas tout dit de la gravité du mal. Il a espéré que le retour de la croissance qu'il chiffrait, lorsqu'il était candidat, à 2,5 % en 2013 (on sera en réalité plus proche de 0,2 %), lui donnerait un utile coup de main pour redresser le pays.

10 décembre 2012

Compétitivité vs. compétitivité

 

Ce qui est bien quand on croit à l'austérité, c'est que quand tout va mal, c'est le signe que tout va bien. L'austérautiste s'en retrouve conforté dans sa croyance, et il a même le sentiment d'avoir affronté ses idées au monde réel. Tout va vraiment bien, donc.

Pour s'en convaincre, il suffit de regarder l'Espagne, comme cette jouraliste des Echos qui s'écris : "la sortie de crise n'est plus une utopie" :

Imperceptiblement, l'Espagne se redresse. Oui, le pays est toujours en récession et le sera l'année prochaine. Oui, le chômage atteint des sommets inimaginables, à 25 % de la population active. Oui, le déficit public est promis à un nouveau dérapage. Mais des signaux sont là, preuve, peut-être, que le pays a touché le fond et remonte, lentement, vers la surface.

Ouf. Les 25 % qui sont au chômage doivent sauter de joie. Voici pourquoi :

8 décembre 2012

Modèle allemand : attention à l'arnaque

 

Dans Les Echos, Thibaut Madelin publie une analyse intitulé : "Les trois limites du si envié « modèle » allemand".

Les trois limites sont :

  1. Les fameuses réformes Hartz ont quand même abouti à une paupérisation de masse qui n'est pas assez soulignée quand on admire l'Allemagne de l'autre côté du Rhin. C'est la dévaluation interne et austérité permanente dont je parlais récemment.
  2. Le modèle allemand est fondé sur l'exportation.
  3. La démographie : bientôt il n'y aura plus que des retraités en Allemagne. (Voir le billet de Dagrouik là-dessus.)

C'est le numéro 2 qui me préoccupe aujourd'hui, car sur la question de l'exportation, Thibaut Madelin ne va pas assez loin dans sa critique.

7 décembre 2012

Après l'austérité, l'austérité

 

Je parlais l'autre jour de la dévaluation interne, cette technique économique très avancée qui consiste à augmenter la compétivité d'un pays de l'Eurozone (qui ne peut pas pratiquer la dévaluation "externe" traditionnelle par le biais de sa monnaie) en appauvrissant sa population. Les gens sont plus pauvres, consomment moins – ce qui améliore la balance commerciale – et surtout travaillent pour beaucoup moins, ce qui permet de réduire les prix à l'exportation.

Dans la théorie, ce système doit aussi faire baisser les prix, rendant le tout moins douloureux pour les gens qui se trouvent dévalués. Malheureusement, il y a beaucoup de raisons de penser que les prix ne peuvent pas baisser, ou en tout cas pas autant que les salaires.

Prenons par exemple le secteur agricole, qui représente d'ailleurs une grosse part des exportations françaises. Si les salaires des consommateurs baissent en France, et que ceux-ci continuent à manifester leur désir de se nourrir, le marché va-t-il corriger les prix en fonction de cette nouvelle donne ? On peut penser que l'essor du discount alimentaire va déjà dans ce sens. Mais cela fait penser aussi que s'il y avait auparavant un peu de marge de manoeuvre du côté de la distribution, il y en a beaucoup moins aujourd'hui. On sait que la grande distribution fait tout ce qu'elle peut pour obliger ses fournisseurs à accepter de très mauvais prix. Et pour les agriculteurs eux-mêmes, ils sont, pour beaucoup, coincés entre leurs coûts, c'est-à-dire le prix du pétrole, et le prix de leurs produits, souvent fixés sur l'échelle internationale.

La dévaluation interne et la baisse des salaires en France ou même en Europe ne feront pas baisser le prix du pétrole. Et même si nos agriculteurs pouvaient produire pour moins cher, ou accepter moins de marge sur leurs produits en vivant plus frugalement, ils n'auraient aucun intérêt, quand même, à vendre en dessous du prix international. Le blé et le maïs ont beau être "made in France", leur prix ne l'est pas.

L'économie est internationale, mais votre salaire est bien local.

5 décembre 2012

L'austérité ne peut jamais échouer. Jamais.

 

Cette fois c'est le tour du Royaume Uni d'annoncer des mauvais resultats :

Dans son traditionnel "discours d'automne", prononcé mercredi 5 décembre, le ministre des finances britannique, George Osborne, a fortement revu à la baisse les prévisions de croissance économique pour le Royaume-Uni en 2012.

Le gouvernement prévoit désormais une contraction de 0,1 % de l'économie cette année, contre une précédente prévision de + 0,8 %. La croissance en 2013 sera elle aussi plus morose que prévu, à 1,2 % de progression du PIB, contre + 2 % initialement calculés.

Cerise sur le gâteau, George Osborne a également indiqué que le pays ne tiendrait pas ses objectifs de réduction de dette à l'horizon 2015-2016, mais seulement en 2016-2017. De ce fait, l'austerité durera un an de plus que prévu, jusqu'en 2017-2018, a expliqué le chantre de la rigueur britannique.

Quand l'austérité ne marche pas, c'est qu'il faut attendre encore plus longtemps, ou bien appliquer encore plus d'austérité, ou même les deux en même temps : plus de rigueur et plus de temps.

2 décembre 2012

La dévaluation interne qui vous veut du bien

 

Qu'est-ce que la dévaluation interne ?

Quand la crise grecque était à l'un de ses paroxysmes, ou peut-être à chacun, on répétait que, sans l'euro, la Grèce aurait pu dévaluer sa monnaie. Cela reste l'une des clefs de la crise, et de l'avenir de l'Europe, ou du moins de l'Euro.

Commençons par la théorie :

21 novembre 2012

L'austérité en courbes

L'un des blogueurs de The Economist a publié ces courbes récemment, où l'on voit l'évolution des PIB de quatre grandes forces économiques qui ont toutes subi la ou les crise(s) de façon assez semblable (sauf pour le Japon, avec ses catastrophes naturels et nucléaires, et sa récession interminable qui était déjà bien en place).

Ce qui ressort, évidemment, c'est que les Etats-Unis sont les seuls à ne pas suivre la courbe moribonde de l'Europe (et du Japon), en évitant le deuxième dip de la récession qui est en train de s'abattre sur l'Europe.

Et The Economist semble dire, si j'ai bien suivi l'article avec sa métaphore automobile, que si les USA s'en sortent, c'est que le (ou les) conducteur(s) ont su conduire en douceur, en évitant les a-coups.

Pour nous, l'explication qui saute aux yeux, c'est que des quatre "pays", les Etats-Unis sont celui qui a conduit une politique de relance (presque 800 milliards de dollars), secourant au passage l'industrie automobile. Comme le Royaume Uni, ils ont également procédé à du quantitative easing, dont les effets sont moins clairs. En tout cas, des politiques parfaitement opposées à la rigueur d'Angela Merkel.

20 novembre 2012

L'Allemagne, l'Europe, la dette, l'économie

 

Personne n'a encore gagné une élection en promettant des actions qui vont nuire à son propre pays, mais qui feront avancer l'Europe. La stratégie industrielle et monetaire, dont j'ai parlé il y a deux ou trois jours, suit bien cette logique. Le flux de capitaux des pays de l'Eurozone vers l'Allemagne, et le flux correspondant de Mercedes, de Cayenne et d'Audi TT vers les pays qui s'endettent petit à petit aboutissent à cette situation où vous avez Dr. Merkel qui donne des leçons de compétitivité, alors que le fameux modèle allemand ne fonctionne plus si tous les pays de l'Europe font des excédents commerciaux. Le reste de l'Europe a deséspérement besoin d'un grand relâchement monétaire, une petite dévaluation de l'Euro (qui ferait bien plus pour la compétitivité que des bricolages avec la TVA), une dose d'inflation qui rendrait plus digérables les dettes ex-souveraines. L'Allemagne n'en a pas besoin, car elle bénéficie d'un influx permanent de liquidités, nos liquidités, celles de ces pays qui s'endettent pour, en autres, pouvoir acheter du Made in Germany. (Car les pays frappés par la crise, les PIIGS, sont surtout ceux qui ont les plus gros déficits commerciaux.)