29 février 2008

Mon "vivre ensemble" dans ta gueule

Chers lecteurs, je vous prie de bien vouloir m'excuser d'avoir, une fois de plus, inclus un mot vulgaire dans le titre d'un billet. Vous comprendrez que je m'efforce de suivre l'exemple de notre Très Grand Homme (TGH) en appliquant les nouvelles valeurs de la République : la spontanéité, la modernité, la transparence... Disons que c'est ma petite contribution, ma modeste contribution, à la lutte contre les conservatismes. Je pensais bien que vous, chers lecteurs, sauraient comprendre cette nécessité...

Un peu par hasard, je viens de tomber sur la fin du discours sur l'école primaire que Nicolas Sarkozy prononça à Périgueux le 15 février, où il revient sur la politique de civilisation qu'il met peu à peu en place depuis deux mois.

Mesdames et Messieurs, il y a quelques semaines, j'ai parlé de « politique de civilisation ». Vous le voyez, cette notion revêt pour moi un sens très concret. Elle consiste à rappeler la plus haute mission de la politique et de déterminer les conditions du vivre-ensemble. La politique doit rendre possible le vivre-ensemble. Or vivre ensemble ne va pas de soi. Vivre ensemble implique des règles, clairement énonçables et clairement énoncées. Ces règles elles-mêmes reposent sur des valeurs communes, un idéal humain, idéal humain qui est le seul garde-fou contre la barbarie, parce que la barbarie vient aussi de l'homme.

L'essentiel est là, mais, pour votre pur plaisir de lecteurs, je prolonge la citation jusqu'au bout, tant ce morceau est typiquement vaseux :

Et bien, inscrire ces valeurs dans la réalité est en notre pouvoir : cela s'appelle l'éducation. Une éducation qui n'aurait pas peur de s'adresser à l'homme tout entier, c'est-à-dire à l'être humain, tant il est vrai que l'on ne peut cultiver les esprits sans élever les coeurs, que l'on ne peut instruire sans éduquer. J'espère que vous aurez compris que mon message était un message qui venait du coeur et qu'il visait à participer au grand débat sur l'Education nationale.

Je vous remercie.

Ah, ça venait du coeur! Ah, ça visait à parler de l'Éducation nationale ! C'est réussi...

Mais je ne voulais pas juste me moquer, mais essayer de participer au grand débat sur ce qu'il peut bien entendre par "politique de civilisation" et "vivre ensemble". Les deux formules (je ne parle même pas d'idées) sont censées sonner comme si elles contenaient la recette d'une société harmonieuse fondée sur la reconnaissance les uns des autres, sur, à peu près, la solidarité ou même la fraternité. Sauf que, pour accéder à ces valeurs de gauche qui sont seulement évoquées, jamais prononcées, mais que l'on pourrait appeler la carotte républicaine, il faut passer par le bâton sarkozyste (non, Nicolas, pas celui-là!) : "Vivre ensemble implique des règles, clairement énonçables et clairement énoncées." D'où ce discours disciplinaire passéiste : un enfant, il a besoin de règles ; si tu déconnes, t'auras une claque. Le "vivre ensemble", ce n'est pas la reconnaissance de l'autre, c'est, dans l'éducation, la soumission à l'Autorité. Le rempart contre la barbarie, c'est la soumission à l'Autorité.

Effectivement, les enfants ont besoin de règles. Effectivement, une société ne peut pas fonctionner sans règles, sans ordres. Je ne suis pas un anarcho-dolto-soixantehuitard. Quand même. J'essaye juste de comprendre ce que le TGH entend vraiment quand il parle du "vivre ensemble".

Et si on essayait de mieux comprendre, en allant un peu plus loin dans le mauvais esprit ? Reprenons cette phrase :

Ces règles elles-mêmes reposent sur des valeurs communes, un idéal humain, idéal humain qui est le seul garde-fou contre la barbarie, parce que la barbarie vient aussi de l'homme.

Dans le discours, quand il parle de "barbarie", il fait allusion à la "barbarie" nazi, car deux pages plus tôt il vient d'essayer de défendre sa brillante idée de confier la mémoire des victimes de la Shoah aux écoliers.

C'est dans ce cadre que s'inscrira l'initiation des enfants à ce que fut le drame de la Shoah en leur confiant la mémoire d'un des 11 000 enfants victimes de cette tragédie. Il s'agit d'une démarche contre tous les racismes, contre toutes les discriminations, contre toutes les barbaries, à partir de ce qui touche les enfants, c'est-à-dire une histoire d'enfant qui avait leur âge.

Ce qui est étrange dans cette pensée, c'est que la "barbarie" est présentée comme le contraire finalement de l'Autorité. Si tu laisses tes enfants faire n'importe quoi, ils deviendront de vrais petits sauvages. La barbarie pour Sarkozy, c'est l'absence de respect de l'autorité. Mais quand il parle de la Shoah, la comparaison devient un peu plus compliquée. Car la "barbarie" de la Shoah n'était pas due à un manque de discipline, à un manque de Respect envers l'Autorité. Au contraire : c'est l'excès de ces mêmes valeurs qui, combiné avec une idéologie raciste et xénophobe, a permis la "Solution Finale".

Pourquoi alors insister autant sur la lutte entre la "barbarie" et la "civilisation" ? Avec cette "politique de civilisation", le véritable but est de "civiliser" les indigènes. Sarkozy veut que les écoliers se lèvent quand on chante la Marseillaise, signe de respect qu'il met au même rang que les "règles de politesse ou de courtoisie". Il explique, dans le même discours : "Dans les conceptions qui sont les miennes, l'hymne national ne se siffle pas, le drapeau pour lequel nos anciens sont morts, on se lève quand on écoute l'hymne national." Evoquer l'hymne national "qui ne se siffle pas", c'est évoquer ce célèbre match France-Algérie où les français d'origine maghrebine ont sifflaient la Marseillaise, c'est donc montrer du doigt ces indigènes (j'emploie à dessein le terme colonial) qui ne respectent pas les valeurs de la République. "Le vivre ensemble", c'est donc vivre ensemble par obligation, par peur de l'autorité, et pas par respect de l'autre. Sympa.

27 février 2008

Pauvre con...stitution

Le narcissisme présidentiel est complexe, et, en ces jours maigres de 36%, sans doute pas en très bon état. Mais c'est dans ces conditions que le narcissisme blessé se rebiffe pour produire les symptômes les plus intéressants, comme le récent dérapage au Salon de l'Agriculture.

Peu à peu, il devient clair que le narcissisme présidentiel existe dans deux phases, liées toutes deux aux pouvoirs de séduction du Très Grand Homme (TGH). D'un côté, c'est l'homme fort, l'homme aux Ray-Bans, le type avec qui il vaut mieux être parce qu'il va très bientôt faire des Grandes Choses, celui qui connaît les méga-patrons, le Jet-Setteur Bling-Bling. Il peut être aussi, sans véritablement changer de registre, le super-flic, le dur-à-cuire qui va mettre tous les méchants en tôle. De l'autre, c'est le petit (et je précise -- afin d'éviter toute confusion pouvant me conduire devant les tribunaux -- que j'entends "petit" dans cette phrase au sens le plus digne et glorieux imaginable) garçon qui attire notre sympathie en montrant que les autres, les grands méchants, lui tape dessus.

Dans les deux cas, le narcissisme était finalement sauf, car même pour le TGH-victime, il demande aux autres, à son public ou à son interlocuteur, de restituer l'image menacée, ou du moins de participer au pathos de la blessure narcissique.

Jusqu'à son élection, ce double système marchait à merveille. Quand les choses allaient bien, même au prix de quelques bidouillages statistiques, le TGH-flambeur pouvait rouler des mécaniques en jeune ministre dynamqieu et efficace. Et quand les choses allaient mal, il pouvait se dédouaner en faisant porter le chapeau aux plus puissants, et se montrer à nouveau dans le rôle de la victime.

Depuis le 6 mai, Sarkozy a trop joué sur la corde de son omni-désirabilité. A 36%, il cherche à joué sur l'autre corde, celle de la petite victime. Mais quand on est Président de la R., c'est un peu moins facile de jouer l'impuissant. On envoie des troupes comme Jego et Karoutchi brailler sur le "lynchage" dont il serait l'objet, mais ça ne prend pas. Victime des vieux qui vont au Salon de l'Agriculture ? Moyennement convaincant, tout de même.

Et puis, depuis hier, ils ont trouvé! Grâce au Conseil Constitutionnel, Sarkozy peut à nouveau être victime, car il a trouvé plus fort que lui : la Constitution elle-même. Maintenant il peut demander l'aide et le soutien de tous les téléspectateurs dans sa lutte contre cet ignoble document!

Bien joué.

Buzz démocratique

Il y a quelques jours, j'ai parlais du procès pour injure intenté par Yves Jego, porte-parole de l'UMP, contre Yves Poey, un blogueur qui avait une ou deux choses à dire sur Jego dans le contexte des municipales à Montereau. Le malheureux Monsieur Poey aurait traité par exemple Monsieur le Porte-Parole du Pouvoir, d'"apparatchik". Quel manque de respect, quand même! Apparamment, il aurait mieux fait de prendre exemple sur notre Très Grand Homme (TGH) avant de choisir ses qualificatifs. Mais c'était avant le Salon de l'Agriculture...

Marc Vasseur me dit que seul Marianne, dans les médias non-blogosphériques, a repris cette histoire. Merci à Marianne. Et aux autres : encore un petit effort... Pourtant, si on lisait Left Blogs la semaine dernière, on ne pouvait pas manquer les références cet épisode. Le seul recours possible pour la blogosphère, c'est de créer du buzz, pour faire honte à Jego, honte à l'UMP d'avoir recours à de telles méthodes pour faire peur à des citoyens qui n'ont pas forcément la langue dans leurs poches. Car après Jego, il y a maintenant la très aimable Sylvie Noachovitch qui s'y met, en menaçant de poursuites pour "diffamation" cette fois notre confrère Luc Mandret. (Donatien en tire des conclusions intéressantes...) Et en même temps, deux blogueurs du MJS creusois sont poursuivis pour diffamation par Jean Auclair. Vous pouvez suivre cette histoire sur leur blog. (Lire aussi le billet de Marc Vasseur qui suit tout ça de près.)

S'il n'y a aucun prix politique à payer pour les (ir)responsables politiques qui se livrent ainsi à des formes de harcélement judiciaire, ils n'auront aucune raison de s'arrêter. C'est le moment de tester la force du buzz. Voici quelques autres blogs qui l'ont déjà fait :

Visiblement, le UMPouvoir n'aime pas les contre-pouvoirs.

26 février 2008

Vive la transparence!... pauvres cons

C'est normal que François Fillon soit si populaire, c'est parce qu'il est hyper drôle. Voici donc que l'affaire du "casse toi pauvre con" lui donne l'occasion de briller à nouveau:

«Le président de la République, c'est un homme. Ce qui compte, c'est aussi la façon dont on réagit, c'est la transparence. Il n' y a pas d'hypocrisie», a déclaré le Premier ministre.

"Pauvre con", c'est la transparence. J'adore la transparence, vive la transparence. Car, voyez-vous, au temps de Mitterrand ou même de Chirac, le Président aurait pensé "pauvre con" mais n'aurait rien dit. Aujourd'hui, grâce à la droite décomplexifiée, quand on pense "pauvre con", on le dit, et la République est sauvée, le pouvoir d'achat augmente et les petits n'enfants sont sauvés des prédateurs.

Mais parfois les comiques amateurs peuvent rivaliser avec les pros. Prenez l'exemple de Michel Barnier qui pourrait, à première vue, sembler un peu sec :

Même le très pudique Michel Barnier (Agriculture) ne trouve rien à redire à cet échange «d'homme à homme» : le Président prouve qu' il est «spontané» et «assez moderne dans son comportement».

Pour « spontané », on est plutôt d'accord. Mais « assez moderne » ? Vive la modernité! Bientôt tout le monde pourra s'insulter librement, c'est l'avenir radieux qui nous attend.

Et je ne parle pas de Karoutchi qui, plus énervé et manquant encore plus de self-control que son maître, aurait carrément tapé :

Dans la même situation, Karoutchi, lui, confie qu'il aurait sans doute «mis une baffe» à son agresseur.

Bravo, Rocky!

Tout cela est encore plus drôle de la part d'un Président qui, quelques jours plus tôt, appelait à introduire l'enseignement de la "civilité" et la "politesse" à l'école primaire. J'imagine tout de suite : "Bonjour Maîtresse ! Pauvre conne!"

On peut regretter qu'un épisode si peu important devienne un événement majeur dans ce quinquennat. Mais jamais je ne regretterai les efforts déployés par les sarkozystes pour montrer comment ce dérapage est parfaitement cohérent avec la pensée politique du Très Grand Homme (TGH).

24 février 2008

Vie privée politique

(Aujourd'hui je blogue en déconnecté, alors pas de liens...)

Dans Libé, on interroge des blogueurs français et des journalistes étrangers : s'ils avaient la certitude que le célèbre SMS ("Si tu reviens..." -- bientôt le nom d'un nouveau parfum chez Dior, sûrement) était authentique, auraient-ils publié l'information. Tandis que les journalistes (étrangers) l'auraient publié, il semblerait que la plupart des "blogueurs" (on se demande de qui il s'agit) ne l'auraient pas fait.

Bien. Peu importe.

Ce qui commence à me porter sur les nerfs, c'est que le seul argument en faveur de la publication du SMS, la seule justification qui revient encore et encore, c'est que Sarkozy lui-même a enlevé la distinction entre vie privée et vie publique, en instrumentalisant celle-ci pour arranger ses affaires en celle-là. Disons que je n'ai rien contre cet argument, il est parfaitement valable, je n'en veux pas à ceux qui le reprennent.

Si ça finit par m'agacer, c'est que l'argument s'arrête toujours là. La plupart du temps on ajoute que Ségolène Royal en faisait autant pendant la campagne, comme si elle s'était affichée partout avec le trop désirable François Hollande. Et ensuite on lui reproche d'avoir trop dissimulé les problèmes dans sa relation avec son compagnon. Bref, c'était exactement pareil qu'entre Sarkozy et Cécilia et entre Sarkozy et Carla.

Ça finit par m'agacer, finalement, parce que ça reste sur la surface et n'engage pas la dimension proprement politique de la chose. Afficher ou non sa vie de couple pourrait ne pas avoir de conséquences ; ces questions pourraient très bien rester le domaine de la presse people. L'instrumentalisation de la vie privée pour des besoins d'image est en effet devenue courante, en France et ailleurs, et de ce fait elle constitue une invitation à la presse, et à une certaine presse... Toutefois, le cas Sarkozy est différent, profondément différent. Sa poursuite permanente de la popularité personnelle est indissociable d'une démarche politique consistant à réinterpréter les relations entre le Président de la R., le gouvernement, le Parlément, la Justice. La présidentialisation du pouvoir s'est accompagnée d'une personnalisation du pouvoir.

Nous sommes bien loin des conclusions purement théoriques et totalement enterrées de la commission Balladur. D'ailleurs, qui, à droite, parle encore de ces "réformes" ? A l'automne dernier, la présidentialisation du régime semblait s'imposer ; Sarkozy était la preuve vivante que de toute façon nous étions entrés dans un univers présidentiel. Modifier la Constitution se justifiait comme une manière de rendre plus "transparente" une réalité déjà en place. Avec la chute de la popularité du Très Grand Homme (TGH), ces perspectives ont disparu. La nouvelle sagesse veut que le Président soit calme et distant. C'est la preuve que la déformation des institutions que Sarkozy justifiait par la "légitimité du suffrage universel" et surtout par sa puissance de feu médiatique était directement liée à sa personnalité. Et cette personnalité était elle-même le produit d'une manipulation des images du bonhomme : Sarkozy qui fait ses footings, Sarkozy en Ray-Ban, Sarkozy qui envoie sa femme chez Kadhaffi, et ainsi de suite.

Donc, non seulement le TGH a-t-il gommé la distinction entre vie privée et vie publique, mais sa vie privée est devenue politique. La droite s'indigne de l'impitoyable "lynchage" dont le TGH est devenu l'objet ; mais ce "lynchage" -- plutôt timide à mon goût : les "lyncheurs" ont attendu, pour la plupart, la baisse du TGH dans les sondages avant d'accrocher leur corde à l'arbre -- concerne non pas un type qui fait des voyages avec sa copine, mais une façon de faire de la politique, une façon de concevoir les relations entre les institutions. Faut-il s'étonner qu'une politique fondée sur la personnalisation suscite une opposition tout aussi personnelle ?

22 février 2008

N'oublions pas la Stasi

Grâce à Marc Vasseur (mais aidé par Pierre Lelouche), on peut ajouter la Stasi à la liste des "choses auxquelles ressemblent ceux qui critique Sarkozy".

Vas-y Pierre!

Pauvre droite!

Les sarkozystes continuent dans la surenchère à propos des "attaques" subies par notre Très Grand Homme (TGH). Ce matin on lit chez Juan :

Nicolas Sarkozy a missionné ses prroches, ses redevables, ses débiteurs pour attaquer les attaquants. Laurent Wauquiez, "né en politique avec une cuillère en argent"(*) a parlé de "terrorisme intellectuel".

Charognards, racistes, terroristes, délateurs de juifs : tout est bon pour s'en prendre à ces critiques que la droite entend par ailleurs défoncer. Mais comme si les dérapages rhétoriques ne suffisaient pas, il a fallu qu'Yves Jégo se couvre de ridicule à nouveau avec un procès pour injure contre, Yves Poey, un blogueur. Espérons que ce procès fera du tort à celui qui a cru nécessaire de procéder à ce harcèlement judiciaire bête et méchant. Cette information mérite d'être relayée le plus possible.

Enfin, il faut dire que Monsieur Poey a dit des choses affreuses sur Monsieur Jégo. Il l'a même traité de *d'apparatchik*, l'insolent saligot!

« En écrivant « Laurent n'est pas un apparatchik de parti, comme notre porte-parole-député-maire-ump », Monsieur Yves POEY a également porté atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur Yves JEGO, en assimilant implicitement, par l'emploi du terme péjoratif « apparatchik » le résultat de son parcours d'homme public et de parlementaire au simple résultat de son militantisme au sein d'un parti politique. »

En effet, la démocratie est en danger avec des blogueurs capables de dire des choses pareilles. Pauvre Jégo, j'espère qu'il va se mettre en arrêt de travail pour se guérir des blessures psychiques qu'on lui a infligées.

La grande surprise pour moi, c'est qu'à droite on se montre aussi sensible à de telles attaques. Je dirais que ce sont de vraies femmelettes, mais je ne voudrais pas être attaqué à mon tour. C'est peut-être le moment propice de réaffirmer l'énorme respect que j'ai pour Yves Jégo et sa défense de la démocratie.

Le plus drôle, c'est que cette stratégie ne sera pas payante car notre TGH semble avoir oublié qu'il est désormais Président et qu'il n'est pas très intéressant de crier sur les toits sa propre faiblesse. S'il es si malin, pourquoi ne supporte-t-il pas ce terrible "lynchage"? Difficile d'être à la fois le Chef et la victime.

21 février 2008

Six choses triviales

L'autre jour, Donatien, à la suite d'Eric CDLM, a lancé le défi des confidences. Cette fois, il s'agit de six choses non-importantes. Donatien n'en a fourni que cinq, mais on essayera de ne pas être trop inflexibles avec les règles. Les voici, d'ailleurs, car le règlement m'oblige à les publier.

  • Mettre les règlements sur votre blog
  • Mentionner six choses/habitudes/tics non importants sur vous-même
  • Taguer six personnes à la fin de votre billet en mettant leurs liens
  • Aller avertir directement sur leurs blogs les personnes taguées

Et voici mes six choses pas importantes.

  1. J'attends toujours trop longtemps entre coupes de cheveux.
  2. Chez moi, mon bureau est un bordel immonde.
  3. Il est très rare que je relise mes billets avant de les publier.
  4. Je n'arrive pas à me faire tout à fait aux agrégateurs, et j'ai tendance à lire les billets des autres sur leurs blogs.
  5. L'hiver je bois du whisky de temps en temps.
  6. Je viens de m'acheter un sac à dos pour porter mon laptop.

Voilà, j'espère que ce n'était pas trop, trop trivial, mais plutôt juste trivial comme il faut. A mon tour donc de provoquer les autres.

Les nominés sont :

Tiens, j'ai même respecté la parité !

20 février 2008

Vous avez dit "lynchage"?

L'UMPétosphère sait désormais s'organiser, tant bien que mal, pour répandre des mots qui sont répétés à volonté par tous les fidèles. C'est de bonne guerre, même si parfois les ficelles sont un peu grosse. J'en parlais l'autre jour à propos du statut de victime que revendique Nicolas Sarkozy, qui, ne voulant pas faire dans la demi-mesure, cherche à s'imposer comme une victime hors norme, hyper-victime peut-être, se permettant donc la comparaison (indirecte, bien sûr) avec les juifs sous l'Occupation. Mais revenons à l'idée de lynchage, ou plutôt à ce mot, que l'on voit désormais partout, mais surtout dans ce très bon, très utile et très amusant billet de Juan.

Les protestations de Roger Karoutchi continuent et sont toujours aussi incroyables. Dagrouik nous rappelle, à propos de la première série d'élucubrations, que ce Karoutchi n'est pas censé ignorer l'histoire, ce qui rend son discours encore plus tragique et comique :

Ce pénible second couté rouillé de l'UMP doit être nul en histoire me direz vous. Détrompez-vous, il est agrégé en Histoire. Quand un homme cultivé comme lui commet une saloperie de ce genre, c'est clair: Il agit sur ordre. La cellule de spin doctors de L'Élysée a du se torturer le neurone et pondre un projet innovant: il fallait victimiser Sarkozy.

Maintenant, n'étant pas allé assez loin dans l'énorme et le ridicule, ce grand "cultivé" nous sort un argument qui, par ses exaggérations, en dit long sur l'état du sarkozysme. Sans hésiter, Karoutchi commence par reprendre à son compte tout simplement l'argument de l'appel Républicain qui a dû faire beaucoup de mal à Sarkozy. En somme, contester le Très Grand Homme (TGH), c'est un danger pour la République et pour la démocratie :

Parce que la République et la démocratie doivent être constamment confortées et ne sont pas naturellement éternelles ;

Voilà : il faut sauver la démocratie.

Parce qu'il est dangereux pour la démocratie d'utiliser et de multiplier les attaques personnelles contre le chef de l'Etat pour essayer de déstabiliser son action politique ;

C'était judicieux de mettre cet alinéa en deuxième position : le lecteur le voit moins que le premier, et a hâte de lire les suivants, donc ne prend pas le temps de réfléchir à son sens. Pourquoi serait-ce dangereux pour la démocratie, en fait ? En réalité, c'est ce qu'il veut démontrer par dessus tout, que les "attaques", le "lynchage", sont nuisibles à la démocratie ; mais plutôt de le démontrer, il le cite en raison : "parce que..." Tout le monde est censé le savoir, de le penser déjà, à condition de ne pas trop s'arrêter sur la phrase.

En gros, Sarkozy, c'est la démocratie elle-même. Être contre Sarkozy, c'est être contre la démocratie, contre la stabilité de nos sacro-sanctes institutions. Car, parce que...

Parce qu'il faut respecter l'expression récente du suffrage universel, source et origine des pouvoirs du Président de la République, du Parlement et du Gouvernement ;

C'est un peu le clou du pestacle : le suffrage universel contre toutes les objections possibles, contre les institutions, la Constitution s'il le faut, contre le gouvernement si jamais il devait se rebiffer, contre la liberté de presse, contre les libertés individuelles, contre l'idée même d'une opposition.

Souvenez-vous de ces paroles de Rachida Dati (que j'avais commenté ici) :

La légitimité suprême, c'est celle des Français qui ont élu (Nicolas Sarkozy NDLR) pour restaurer l'autorité. Les magistrats rendent la justice au nom de cette légitimité suprême.

Même la Justice, que je croyais juste parce qu'elle était la Justice, justement, est l'extension des urnes. La légitimité du suffrage universel est bonne à toutes les sauces. C'est à penser que les UMPistes à tendance sarkozaïque ont fini par croire à l'institutionalisation de leur propre adulation pour le TGH, et maintenant ne savent plus quoi penser quand leur superhéros en talonettes se heurte à une vraie résistance populaire.

Parce qu'il y a urgence à revenir à la confrontation des idées, des propositions et des projets, seule capable de faire prospérer la démocratie et seule à même de provoquer une mobilisation citoyenne quelle qu'en soit la sensibilité ;

La "confrontation des idées" ? Eh bien, là, vous l'avez, votre confrontation des idées sur ce que doit être une démocratie. Une bonne partie de la population semble avoir comme idée que la personnalisation extrême de la présidence et donc du pouvoir présidentiel n'est pas bénéfique, n'est pas démocratique, ne va pas dans le sens des valeurs républicaines. Quelle idée!

Les attaques contre Sarkozy ne sont pas personnelles. Qu'un quidam aille en Égypte avec un ex-mannequin n'a aucune espèce d'importance. Mais Sarkozy cherche à gouverner en faisant constamment appel à sa propre personne, et du coup institue un mode de pouvoir beaucoup plus personnel, individuel que ce qui est prévu dans l'équilibre des institutions. C'est la concentration du pouvoir sur lui, sur sa petite personne, qui est l'origine du problème. Carla Bruni n'est qu'une conséquence de cette transgression initiale. La réaction contre le comportement "privé" du TGH n'est que la cristallisation dans l'imaginaire public de la réaction à cette concentration du pouvoir.

Et donc, pour revenir au lynchage, il faut dire qu'il est normal que la réaction contre la personnalisation du pouvoir soit dirigée essentiellement sur la personne qui en est responsable et qui en est l'unique bénéficiaire.

(Voir aussi le billet de Julien Tolédano sur la réaction des sarkozystes sur Facebook.

17 février 2008

L'horreur dans le vacarme

Quelque chose d'étrange est en train de se passer...

Les sarkozystes pensent que soudain la presse veut les lyncher. Enfin, lyncher le sarkozyste numero uno, surtout. Juan réagit à cette nouvelle saloperie, prononcée cette fois par Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Il dit, à propos de nos chers journalistes et de nos encore plus chers médias :

On a l'impression d'un vent de folie qui respire les années 30 avec ce que cela a de plus nauséabond. (Source.)

Cette semaine, Carla Bruni établit également le lien entre le NouvelObs et les Français qui dénonçaient les juifs pendant l'Occupation. Au départ, ça passe pour la gaffe de notre nouvelle Première Cruche...

Ensuite, Sarkozy sort une nouvelle énormité, typique de sa technique du vacarme : un enfant victime de la Shoah pour chaque écolier. Typique, également, de sa capacité à mobiliser des sujets très graves et porteurs d'émotions très fortes, pour des manoeuvres à très court terme, dont la finalité ne va pas plus loin que l'espoir (mince) de distraire quelques minutes les téléspectateurs et grappiller un point ou deux dans les sondages. La souffrance des autres au service toujours du même Très Grand Homme (TGH).

Mais, au delà du vacarme, ou peut-être plus précisément dans son coeur même, on commence à déceler la logique d'une analogie proprement grotesque : pour établir son statut de victime, Sarkozy doit comparer son sort à celui des victimes de l'Holocauste. En tapant ces mots, je suis quand même horrifié par le déséquilibre entre les deux parties de ma phrase, entre la bassesse d'un homme politique qui cherche par absolument tous les moyens à se rendre sympathique, et un événement historique qui le dépasse très évidemment.

Le sarkozysme en miettes

Dans un superbe billet, Dagrouik dégomme Yves Jégo et sa stupide théorie du complot ("Les forces les plus secrètes du conservatisme doivent être très puissantes en France" pour expliquer la chute du TGH dans les sondages"). Je ne vais pas citer tous les bon morceaux, lisez le billet de Dagrouik. (Et aussi celui de Juan.)

Voici, en revanche, ce qui m'intéresse tout particulièrement. Dagrouik écrit :

A noter qu'a l'heure ou j'écris ce billet, Jego à provoqué 47 pages de commentaires sur le site du Figaro. il faut vraiment que l'UMP soit à la ramasse pour sortir de telles inepties.

et encore :

La droite n'a pas changé, ils ont les mêmes références historiques. Rien n'a changé, la même hargne, la même haine... Où est donc la rupture?

De même, Juan remarquait récemment comment la droite, faute de pouvoir surfer sur ce qui devait être l'inépuisable popularité du Seigneur (élu), revenait, pour les municipales, aux recettes les plus usées : l'insécurité et l'immigration.

Je sais qu'il ne faut pas faire de le triomphalisme, d'autant plus que ce que nous voyons là plus une défaite de la droite qu'une victoire de la gauche. (C'est le sujet d'un autre billet encore à écrire, mais la stratégie de repousser aux calendes grecques une éventuelle réfondation de la gauche n'était évidemment pas la bonne : Sarkozy est dans les choux mais la gauche n'est pas placer pour en profiter (oui, Nicolas, je sais, je ne devrais pas dire "profiter"...), autrement qu'en prenant peut-être quelques mairies).

Cependant, je commence à avoir l'impression que les signes que l'on voit aujourd'hui indiquent que la pensée sarkozyste (dans la mesure où le mot "pensée" s'applique) telle que nous l'avons connue jusqu'à présent, n'est plus. Si la seule façon de la réscuciter, c'est de se laisser aller à des théories du complot, c'est que cette pensée, cette machine de communication, est véritablement en morceaux. Pour l'instant, donc, ils cherchent. Ils trouveront peut-être quelque chose, mais ce ne sera plus le Sarkozysme 1.0.

UPDATE: suppression d'une miette de ma propre pensée qui se baladait entre les paragraphes. Merci à Monsieur Poireau et à Balmeyer.

16 février 2008

Le style présidentiel

Au tout début du règne de notre Monarque Elu, en juin 2007, il y avait eu cet écho à l'issue de ce qui devait être l'un des premiers Conseils des Ministres.

Ce matin au conseil des ministres Nicolas Sarkozy a mis en garde les plus jeunes des ministres, leur recommandant de ne pas trop s'exposer médiatiquement : "Un ministre ne perd pas son job parce qu'il a refusé une interview. L'inverse en revanche..."

Dans le tout petit billet que j'en avais fait au moment, je réagissais surtout à cette nouvelle preuve du désir du Président de garder le contrôle sur la communication de son "entreprise". Je concluais ainsi :

La comm', c'est Sarkozy, et Sarkozy, c'est la comm'.

A l'époque, et avec mes souvenirs brouillés pour seul guide, il me semble que j'y voyais surtout l'inquiétude du Très Grand Homme (TGH) devant la possibilité que ses ministres gaffent, genre Christine Lagarde. La maîtrise de la com' dans le camp sarkozyste pendant la campagne en était la force, et il paraissait logique que Sarkozy entende continuer sur la même lancée. Sans doute que je ne mesurais pas le degré auquel le narcissisme du TGH allait influer sur cette stratégie. On était loin encore de penser que son divorce servirait à détourner l'attention des grèves, ou son marriage à la détourner de l'Europe, ou toutes ces choses qui sont devenues presque plus mémorables malheureusement que les imbécilités politiques qui sont la véritable marque de fabrique du bonhomme.

Retour à notre actualité : aujourd'hui Sarkozy estime que ses ministres au contraire ne l'ont "pas assez défendu". Difficile de le défendre quand on est ministre et qu'on a appris qu'il vaut mieux la fermer pour ne pas perdre son "job". Difficile pour les ministres rivaliser en visibilité avec les Conseillers de l'Elysée quand, au tout début de leur "job", la méfiance du patron était déjà si évidente.

Tout cela n'est peut-être qu'une question de style, style managérial, comme on dit. Serrer les vis à tout le monde, précariser tout le monde pour avoir un meilleur rendement. S'étonner ensuite que les autres ne soient pas prêts à tomber sur leurs sabres pour la bonne bouille du chef. En adoptant le style qui était le sien au début de son mandat, le Président n'avait pas prévu, ne pouvait pas imaginer le jour où il aurait besoin de ces mêmes ministres. Un grand moment karmique dans la carrière du TGH.

Le style, c'est l'homme peut-être. Faut-il qu'on se concentre autant sur l'homme. En l'occurence, le style est aussi un ensemble politique, un système de relations entre des personnes qui déterminent, en fait, les relations entre des institutions constitutionnellement définies. Malheureusement, le style est politique.

J'ai l'impression que Sarkozy croyait au début de son mandat qu'il le sérieux, la solennité et la gravité de la Présidence lui étaient acquis définitivement, irrévocablement, et que sur cette base solide, il pouvait faire ses propres conneries en guise de "transparence", "modernité" et pour affirmer sa propre personnalité contre ce qu'il apercevait comme les raideurs de son office. Raphaël Anglade avait raison de dire, le 17 mai, que Sarkozy n'est pas un homme d'état. Il a fallu plusieurs mois pour que cette évidence s'impose d'abord dans le public et enfin dans les médias. Sarkozy a perdu le socle de la personnalité présidentielle, cette respectabilité qui paraissait si naturelle chez Mitterrand ou même chez Chirac, mais qui ne dure que si le locataire de l'Elysée joue le jeu de la grandeur. Le TGH est un pur produit des contradictions de la Ve République, mais il a réussi à casser son jouet.

14 février 2008

Qu'est-ce qu'ils en ont tous avec Edgar Morin, donc ?

A la fin du tchat dont je parlais tout à l'heure, un "internaute" demande une "raffarinade pour la route". Réponse de JP:

Pour la route : Quand l'immédiat dévore, l'esprit dérive ; mais comme beaucoup des expressions qui me sont faussement attribuées, celle-ci est d'Edgar Morin.

C'est tout de même bizarre, non?

Raffarin et Le Monde

Alain Minc est parti du Monde, une « nouvelle équipe » est censée être en place. Hier, daté de je ne sais quand, nous avons eu le plaisir de lire dans Édito une très belle attaque contre la politique audiovisuelle du Pouvoir. Voici la partie qui m'a plu :

Les pouvoirs publics ont beau jurer, la main sur le coeur, que chaque euro de publicité supprimé sera compensé et qu'il n'est pas question de modifier le périmètre des chaînes publiques, tous les doutes sont permis. Surtout quand l'on entend les responsables de chaînes privées affirmer avec aplomb que les télévisions publiques sont peut-être trop nombreuses et pourraient sans problème fonctionner à moindre coût.

De deux choses l'une : ou bien l'exécutif sait où il va, et il est urgent qu'il le dise ; ou bien il a pris le risque de déstabiliser les chaînes publiques sans en mesurer les conséquences. Ce serait d'une coupable désinvolture.

Est-ce le signe d'un changement ? Espérons. Car, malgré tout, le journal véspéral joue un rôle important dans la formation de la pensée collective du jour. Quand le Monde se met à nous refourguer du sarkozysme refroidi, ce n'est pas bon.

À ce propos, prenons ces paroles dans le récent tchat avec J-P Raffarin, ce même tchat où l'ancien Premier Ministre tente de relancer Valls à gauche ("J'ai de l'estime pour des responsables comme Manuel Valls par exemple"), histoire de mettre un peu de désordre à gauche, sûrement. Prenons donc ces paroles :

Naaba : 9 mois, c'est le temps de gestation chez l'Homme, mais c'est également le temps qu'a passé Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République. Quel est selon vous le résultat de ces 9 mois de gestation ? [...]

Jean-Pierre Raffarin : Pour moi, ces neuf mois sont marqués par le succès du traité de Lisbonne, par l'accord des partenaires sociaux pour un nouveau contrat de travail, par l'augmentation significative du nombre d'heures supplémentaires en France, ou par l'autonomie des universités.

Il est paradoxal que l'on apprenne le même jour ces deux nouvelles : chute de 8 points de Nicolas Sarkozy dans le dernier sondage Sofres et baisse de 200 000 chômeurs dans la France de 2007. En termes de bilan, la baisse du chômage l'emportera.

Il est tout de même curieux que ces deux arguments (glorieuses réalisations de Sarkozy, baisse du chômage) furent formulés en presque exactement les mêmes termes par les éditorialistes anonymes du Monde. J'ai déjà consacré un billet au deuxième point, me demandant pourquoi le journal avait décidé de s'occuper de la communication défaillante du Très Grand Homme (TGH).

Pour ce qui est des réalisations, un éditorialiste anonyme, dans un papier intitulé L'effet boomerang avait écrit ceci :

Quant aux Français, hier stupéfiés ou séduits, les voilà qui grognent et doutent, oubliant ce qui a été fait (le nouveau traité européen ratifié, les régimes spéciaux de retraite alignés, la réforme de l'université engagée, une présidence active et assumée...) pour mieux pointer ce qui ne l'a pas été : le "choc de confiance" propice à la croissance réduit à néant par la récession économique qui menace, et le "président du pouvoir d'achat" contraint à de cruels aveux : "Les caisses sont vides" et, en quelque sorte : "Circulez, il n'y à rien à attendre." (C'est moi qui souligne, o16o.)

L'éditorialiste et Raffarin ne citent pas exactement les mêmes choses, mais les deux phrases sont curieusement semblables dans l'ordre de présentation : Lisbonne, le social, la réforme. Le Monde pousse le bouchon un peu loin en ajoutant une présidence active et assumée, comme si c'était un bien en soi, et en affirmant ensuite que tout ce qu'a fait Sarkozy est bien, mais oublié par la population ; tous ses échecs sont dûs aux circonstances. (Le fait que ce soit justement le "choc de confiance" qui ait vidé les caisses a malheureusement échappé au journaliste. En tout cas, il est difficile de trouver une meilleure défense du TGH.)

Peut-être, tout simplement, que Raffarin avait intégré l'édito et que la formule est sortie toute seule. Où est le mal? Peut-être que c'est une pure coïncidence. Je ne veux pas me lancer dans une théorie du complot, selon laquelle un grand journal qui n'est pas Le Figaro pomperait directement ses éditos dans les argumentaires de l'UMP. Ce qui est remarquable, ici, c'est le fait que les deux discours soient compatibles à ce point. Ecouter un haut responsable de l'UMP ou lire les éditos du journal dit "de référence", cela ne devrait pas être tout à fait la même chose.

12 février 2008

Zen master Sark

Sarkozy en Guyane :

"Les difficultés, il faut les affronter avec sang-froid, avec humilité et continuer à travailler. Parce que moi, mon rendez-vous c'est la fin de mon quinquennat, j'ai pris des engagements devant les Français".

Il est serein, il est humble, il est calme. Il ne s'énerve pas. Ce n'est pas son genre. Voilà le TGH 2.0. Au-dessus de tout cela, il parcourt l'Empire. Tout le monde s'énerve autour de lui, lui il est calme. Calme, très calme. Incroyablement calme. Très très très calme, bordel! Et humble. Lui et Carla, des modèles d'humilité.

J'imagine que la nouvelle stratégie de com' est désormais lancée, à temps pour les défilés de printemps.

Mais en même temps que Sarkozy affirme sa nouvelle zen-attitude, il nous rappelle, dans la phrase suivante, qu'il n'en a "rien à foutre de ces cons" (comme il le disait à son marriage, à propos des Français) : "mon rendez-vous c'est la fin de mon quinquennat, j'ai pris des engagements devant les Français".

Autrement dit, les jeux de pouvoir entre deux élections présidentielles n'ont aucune importance pour un Président de la Ve. Sûr de sa place et sûr de sa majorité -- du moins de son existence, sinon de son comportement -- pour le reste du quinquennat, il peut effectivement cesser d'écouter les Français jusqu'au mois précédant sa réélection.

En somme, ça veut dire : m'emmerdez pas, j'suis toujours le Président.

Le retour de la fin de l'invincibilité

Hier je parlais de la fin de l'invincibilité de Sarkozy et aujourd'hui je voudrais revenir sur la question au vu des commentaires toujours aussi pertinents. Je vais revenir plus tard à la remarque de Marc (tiens, ça rime). Nicolas (qui a désormais un blog de plus), Monsieur Poireau et Circé ont tous eu raison d'insister sur le fait que :

1. Nous ne connaissons pas encore les résultats des élections

municipales et qu'il serait par conséquent imprudent de croire que l'UMP ait déjà perdu.

2. Sarkozy reste pleinement nuisible.

Je suis d'accord sur les deux points. Les élections sont toujours imprévisibles, comme l'UMP a pu le constater lors des législatives et la fameuse vague bleue qui allait nous écrabouiller tous. Et, quoi qu'il arrive, Sarkozy reste le Président d'une Cinquième République où l'impopularité (ou l'UM/popularité, comme le dirait kamizole) du chef d'état ne modifie pas son pouvoir effectif. De plus, tous les outils de communication restent à sa disposition, même si en ce moment il a du mal à s'en servir correctement.

Le sens de mon billet d'hier n'était donc pas, mais pas du tout, de crier "Victoire!" pour qu'on attende tranquillement 2012, mais plutôt de dire que, avec ses 39% d'opinions favorables, Sarkozy a perdu quelque chose qu'il ne pourrait jamais retrouver : cet air d'invulnérabilité qu'il a su si bien manié depuis l'élection. Même s'il se relève, relance la machine, mate encore un peu plus les médias, rendort les téléspectateurs, le monde saura au moins que Sarkozy n'est pas forcément l'incarnation de l'Histoire et de la Modernité Politique, ses réformes ne sont pas toujours inévitables, qu'il n'est pas la Voie et la Lumière comme on l'a si souvent entendu.

Savoir que le Très Grand Homme (TGH) peut se retrouver, de temps à autre, en mauvaise posture, ce n'est rien, et en même temps c'est beaucoup.

Je vous laisse avec ces mots laissés par Circé :

En ce qui concerne Sarkozy, je crois qu'il n'est ni plus, ni moins qu'avant . Il est tout simplement à découvert dans la plus grande obscénité qui soit,ce qu'il a toujours été. Les autres, il s'en fout, il les mâte ou il les détruit.

Le pire, c'est qu'il a fait des clônes. Ma seule consolation, c'est que les clônes ont des durées de vie moindre...

11 février 2008

La fin du mythe de l'invincibilité sarkozyënne

Les mauvais sondages, la possibilité d'un revers important aux municipales (quoique... ce n'est pas encore fait), bref le monde à l'envers, à l'envers de ce que pensait à peu près tout le monde pendant les premiers mois du règne de notre Très Grand Homme (TGH). Même la plupart des anti-sarkozystes primaires, groupe dont je suis fier d'être membre, attribuaient à Sarkozy une sorte d'invincibilité qu'il fallait combattre modestement, comme des fourmis, sans espoir autre que théorique que la terrible machine à communiquer née d'une alliance permanente entre le pouvoir, l'argent et les médias pourrait jamais être véritablement mise en cause.

Je me souviens, dans les jours précédant le 6 mai, Dominique Strauss-Kahn disait :

«Si Sarko passe, on en prend pour dix ans, peut-être quinze.»

A l'époque, ça faisait peur, à moi le premier. Rétrospectivement, on peut supposer qu'en fait DSK préparait sa sortie sur le caractère "imperdable" de l'élection. Au moment, je pensais qu'il voulait effrayer les électeurs pour qu'ils votent Ségo. (Je sais, je serai toujours un pauvre naïf!) Mais même si "dix ou quinze ans" était purement stratégique, il est difficile d'imaginer que Strauss-Kahn ne le croyait pas, du moins un peu. Et surtout, cette idée lui était utile de toute façon justement parce qu'elle s'imposait comme une évidence : Sarkozy, une fois élu, aurait la main sur toutes les manettes, serait indéboulonnable, indéstructible, invincible.

Le mythe de l'invicibilité était en place avant le 6 mai.

Dans mes souvenirs, tout le bruit autour de la politique de l'"ouverture" a ensuite beaucoup conforté l'idée que toute opposition à Sarkozy était futile. (Voir ce que j'en disais en juillet 2007 : Sarkozy était le seul à avoir peur.) Sarkozy était censé avoir dit qu'il avait "vidé le centre" et qu'il allait "asphyxier la gauche". Il y a eu un mythe de l'ouverture aussi, largement relayé par les socialistes eux-mêmes, apparament démoralisés de voir partir des têtes bien connues mais pas essentielles au bon fonctionnement du parti. (Quand on trouvera les têtes nécessaires au bon fonctionnement du PS, on le saura...)

On voit aujourd'hui que Sarkozy n'est pas invincible, qu'il n'est pas aussi malin que l'on croyait, qu'il n'a pas su éviter la folie des grandeurs, et, après des législatives décevantes pour l'UMP et la perspective de défaites significatives aux municipales, on voit que l'ouverture n'a pas était le bouclier électoral que l'on disait.

Il sera intéressant de voir comment fera le TGH pour reconstruire son jouet. Il sera beaucoup plus difficile cette fois, du fait que plus personne ne croit à son invincibilité. Il n'est plus le rouleau-compresseur que l'on croyait.

Le problème, c'est que certains, comme Michel Rocard et autres "réfondateurs", croyaient que le PS était à l'abri pour 5, 10 peut-être 15 ans, qu'il avait devant lui une longue période de réflexion.

Dommage, c'est loupé: il va falloir être tout de suite une véritable opposition.

10 février 2008

Quels charognards?

Les médias, semblerait-il, sont en train de se retourner contre leur idole. J'allais dire : leur maître. Il serait peut-être plus exact de dire "le représentant de leur maître". Rama Yade prend sa défénse avec des mots très forts à l'égard de nos journaleux mal-aimés:

Rama Yade a eu des mots très durs contre les journalistes qui s'acharneraient contre son Président Sarkozy: "On a l'impression de voir des charognards qui ont humé l'odeur de leur proie et qui fondent sur lui" (Sarkofrance).

Et Sarkozy accuse le NouvelObs de "faux, usage de faux et recel" (voir le billet de Julien Tolédano) dans un geste anti-média très fort. Libé parle d'"un homme fragilisé".

J'ai cependant l'impression que Rama Yade aurait dû attendre avant de sortir des mots aussi forts que "charognards". Car à mon avis (mais on verra bien) le pire, pour Sarkozy, est encore de venir. Avant hier j'ai parlé un peu des remarques de J-P Raffarin qui se permettait des critiques larvées qui auraient été proprement inadmissibles quelques semaines plus tôt. C'est un signe : le pire, pour Sarkozy, est encore à venir, et ça va venir de la droite.

C'est un billet qui reste encore à faire, mais depuis longtemps j'ai le soupçon que la célèbre politique de l'ouverture a bénéficié d'un crédit qui dépasse largement la réalité. C'est l'équivalent UMP des subprimes. Sarkozy avait fâché une bonne partie de sa base en nommant des ministres de gauche, mais il leur promettait des lendemains électoraux radieux. Déjà pour les législatives, la machine n'a pas vraiment fonctionné ; si la "branlée" prévue pour la droite aux municipales se réalise, Sarkozy sera à nouveau en slip devant l'UMP. A ce moment-là, on verra l'arrivée de "charognards" d'une nouvelle espèce. C'est déjà parti à Neuilly, avec Jean "Scooter" Sarkozy qui se retourne contre le porte-parole de son papa (merci Juan).

Voici ce qu'écrivait Nicolas Beytout le 20 juillet, dans une tribune triomphale dans Libé où il explique que "s'il était de gauche", il serait très heureux avec Sarkozy :

D'ailleurs, étant de gauche et donc lucide, je conviendrais que si nous nous sommes fait kidnapper quelques beaux symboles, nous sommes parvenus en retour à arracher son sobriquet à la droite pour devenir la gauche «la plus bête du monde». Si maintenant j'étais de gauche et combattant, j'essaierais de voir comment nous pourrions désormais subtiliser à nos adversaires quelques uns de leurs thèmes favoris, exactement comme ils nous ont piqué certaines de nos plus belles valeurs, à commencer par la défense du pouvoir d'achat.

Cela fait sourire aujourd'hui, n'est-ce pas? La défense du pouvoir d'achat... tiens. Ma prévision aujourd'hui : la droite va redevenir cette droite bête qu'elle n'a jamais vraiment cesser d'être, une droite divisée où les coups fourrés et tordus pleuvront. Les divisions du PS, à côté, auront l'air calmes et sages.

8 février 2008

Raffarin en sage méchant

Maintenant qu'il n'est plus premier ministre, mais plutôt un "sage actif", je trouve Jean-Pierre Raffarrin assez... comment dire ? Drôle? Pas tout à fait. Amusant, quand même, dans sa façon d'être critique, voire méchant, tout en gardant sa posture de type sympa qui ne cherche absolumment pas à profiter des malheurs électoraux prévus pour Sarkozy.

L'art d'être Raffarin consiste à dire des choses positives tout en distribuant des coups. Ainsi, dans l'entretien de ce matin (Libé), il peut avoir l'air sage :

Quatre maisons pour une famille, c'est beaucoup. L'idée selon laquelle le Modem serait condamné à être aspiré par le PS et le Nouveau Centre par l'UMP est fausse. Il faut un pôle du centre dans la vie politique française.

Mais si on le cherche sur Bayrou, il devient tout de suite beaucoup plus actif:

En attendant, le centre de François Bayrou espère prospérer sur la désillusion des électeurs de Nicolas Sarkozy...

Notre désaccord avec Bayrou est là. Il revient à la logique d'un centre réceptacle qui affiche le moins d'idées possible pour accueillir le plus de mécontents possible.

Mais c'est à propos du Très Grand Homme (TGH) qu'il est le plus efficace.

L'impopularité du président de la République vous inquiète ?

Non. L'homme et la fonction ont de la ressource ; nous avons dans nos cartons de bonnes nouvelles pour février. Et puis la pression médiatique sur la vie privée du Président va s'apaiser. Mme Sarkozy a les qualités d'intelligence et de culture qui lui permettront de représenter la France avec une grande dignité.

Remède contre la baisse dans les sondages : la "culture" et l'"intelligence" de "Mme Sarkozy". C'est la faute à la "pression médiatique". Autrement dit : Nico, tu l'as bien cherché.

Il faut revenir aux fondamentaux, notamment à la nécessaire protection du président de la République par le Premier ministre. C'est incontournable. Je ne pense pas qu'avec un peuple qui a le sang chaud comme le nôtre on puisse laisser le Président seul au front.

Raffarin pèse ses mots. "Seul au front" ? Alors que TGH était celui qui devait être justement sur tous les fronts ? En une phrase, Raffarin balaie l'essence même du sarkozysme. Et il appelle au retour d'une présidence qui, désormais, ne pourrait pas éviter d'être perçue comme chiraquienne.

7 février 2008

Jouer perso : Sarkozy, le Tchad et la pipolisation

Nicolas J. a raison d'insister sur le fait que la dégringolade de Sarkozy dans les sondages n'est pas due à sa liaison avec Carla Bruni, mais qu'elle est bien politique. Tout expliquer par l'effet de la pipolisation revient, finalement, à excuser la politique en minimisant son importance, pour, encore une fois, concentrer toute notre attention sur la vie privée du Très Grand Homme (TGH) et, peut-être plus encore, sur sa capacité à communiquer, voire à manipuler l'information. Pour dire, en somme : Sarkozy fait tout bien, mais il s'est planté avec son marriage. Merci, donc, à Nicolas (J., pas S.) de mettre les points sur les i : la chute, elle est politique. Point.

Ce qui ne veut pas dire que l'énervement suscité par la surexposition de la vie privée n'ait pas eu l'effet de cristalliser l'opinion contre lui. Une grande partie du succès électoral de Nicolas Sarkozy était due à sa capacité d'incarner pour chacun de ses électeurs (je suppose, ou presque) Celui qui pourrait tout remettre comme il faut dans ce beau pays. Sa personnalité politique a donc beaucoup joué, voilà qu'elle est abîmée, bousillée après huit mois. La bulle spéculative sarkozyste vient de se dégonfler.

Mais concrètement, pourquoi la peoplisation à la sauce sarkozyste est-elle néfaste? Les récents événements au Tchad fournissent une démonstration que je trouve assez spectaculaire. Hier, Juan a publié un billet très fort sur le rôle de la France au Tchad, avec cette perle:

"Chacun doit bien y réfléchir, il faut laisser le gouvernement légitime faire son travail" a-t-il [le TGH] déclaré en condamnant l'attaque rebelle.

On dirait même que c'est un gouvernement qui se lève tôt pour faire son boulot. Pas de fainéants dans le gouvernement de Deby!

Les rebelles accusent la France d'être intervenu militairement et de façon offensive:

Le principal chef de la rébellion tchadienne, le général Mahamat Nouri, a affirmé mardi que l'aviation française avait "bombardé" les positions des rebelles pour protéger le régime du président Idriss Deby Itno.

"L'aviation nous a bombardés depuis hier matin jusqu'à ce matin une heure du matin", a affirmé le général Nouri sur Europe 1.

Je n'ai aucune idée s'il faut croire les rebelles. Admettons, pour l'instant en tout cas, que ce qu'ils affirment est faux et que l'aviation française n'est pas intervenue de la sorte. Il s'agirait alors de simple propagande.

Le problème créé par Sarkozy, c'est que son intervention éclair pour sauver les hôtesses de l'air et les journalistes arrêtés en même temps que les Arche de Zoé, qui laissait supposer un arrangement quelconque entre les deux chefs d'état, rend beaucoup plus crédible le récit des rebelles.

En voulant agir directement, prendre les choses en main, Sarkozy a sûrement renforcer son image et peut-être sa popularité dans l'immédiat. Le prix de cette envie d'être à la fois Président, Roi, sex-symbol et super-héros, ce sont des situations comme celle-ci. Au long terme, sa crédibilité s'évapore, on encore il crée des situations diplomatiques inextricables et beaucoup plus graves.

Finalement, la personnalisation de la politique se heurte à un problème : être Président de la R., c'est malgré tout représenter un collectif. Jouer perso est une stratégie qui a des limites de toutes sortes.

UPDATE: Je suis un peu en retard sur l'info. Le fait que Deby maintenant cherche à grâcier les Arche de Zoé devrait nous dire quelque chose sur le contenu de sa discussion avec Sarkozy au mois de novembre.

Carla Bruni à poil (où l'on essaie quelque chose)

Ceci est un test.

Suite à un billet de nea, on se demande si la formule "Carla Bruni à poil" en titre d'un billet est plus ou moins efficace que d'autres formules pour attrapper l'innocent qui cherche ces mots (ou plutôt une photo) sur Google sans le moindre intention d'atterrir sur un blog comme celui-ci.

Carla Bruni nue (où l'on essaie quelque chose)

Ceci est un test.

Suite à un billet de nea, on se demande si la formule "Carla Bruni nue" en titre d'un billet est plus ou moins efficace que d'autres formules pour attrapper l'innocent qui cherche ces mots (ou plutôt une photo) sur Google sans la moindre intention d'atterrir sur un blog comme celui-ci.

6 février 2008

Lisez PMA!

Nicolas (J., pas S., justement) est en forme en ce moment! Puisque je n'ai pas le temps d'écrire ces jours-ci, allez voir ses excellents billets des deux derniers jours sur la déroute de l'UMP: celui-ci, qui concerne indirectement Carla Bruni (pas nue) et celui-ci, qui concerne les maires UMP.

4 février 2008

Quand Le Monde donne des conseils de comm' à l'Elysée

Notre grand quotidien de référence véspérale -- c'est-à-dire, je suppose, celui qu'on lit avant d'aller aux vêpres -- a commencé à faire de la critique de la comm' sarkozyste, non pour démasquer quelque chose ou pour en souligner les contradictions, mais pour lui donner quelques consignes pour être plus efficace. Ainsi, Sarkozy et les siens auraient oublié de faire tout un plat d'une baisse du chômage (baisse du chiffre en tout cas, mais l'important est toujours de faire du chiffre, alors). Cela lui aurait évité de voir sa popularité chuter à cause du pouvoir d'achat.

En affirmant vouloir être "le président du pouvoir d'achat", le chef de l'Etat a créé durant la campagne présidentielle et depuis son élection une attente qu'il ne peut satisfaire. Résultat : il déçoit les Français. 41 % seulement lui font désormais confiance pour résoudre les problèmes qui se posent en France, selon la Sofres.

Pourtant, il est un autre chiffre dont le gouvernement pourrait se prévaloir : la baisse du chômage. Malgré un mois de décembre médiocre, l'année 2007 a été un bon millésime pour l'emploi.

Et voici le moment venu pour l'éditorialiste d'oser donner des leçons de propagande au Maître:

Le gouvernement serait d'autant mieux inspiré de mettre en avant ces bons chiffres qu'ils pourraient ne pas durer. Du fait de la dégradation de la conjoncture économique, le chômage devrait encore baisser en 2008, mais sans doute dans des proportions moindres.

On dirait Arlette Chabot pendant l'un des entretiens avec le Très Grand Homme (TGH). Sarkozy commence à s'embrouiller avec les marges arrières, elle lui coupe la parole pour remettre en marche la machine à comm':

LE PRESIDENT - ... Qu'ils obtiennent des fournisseurs. Personne n'y comprend rien, c'est extrêmement compliqué. Les grandes surfaces discutent...

ARLETTE CHABOT - Les prix vont baisser, en clair !

En effet, c'est la responsabilité des médias de renforcer le message du pouvoir quand celui-ci n'arrive plus, tout seul, à le rendre suffisamment clair.

La seule chose véritablement intéressante dans l'édito, c'est l'observation, déjà faite par ailleurs bien entendu, que le pouvoir d'achat a remplacé le chômage comme préoccupation politique principale des "Français".

En juin 2007, le chômage était la principale préoccupation de 47 % des Français, loin devant la hausse des prix (15 %). Depuis novembre, les deux courbes se sont croisées : 34 % des Français placent aujourd'hui l'inflation en tête de leurs soucis, devant la lutte contre le chômage (28 %).

Ce que l'édito ne nous rappelle pas, c'est qu'il est tout à fait normal que Sarkozy ait cherché à réduire l'importance, dans les yeux du public, du taux de chômage, car, à l'époque où il cherchait seulement à s'imposer en tant que candidat à l'UMP, le chômage baissait légèrement, à la plus grande gloire de Dominique de Villepin.

Le virage vers le pouvoir d'achat n'était pas seulement une bonne innovation stratégique, pour se distancer vis-à-vis de la droite chiraquienne, il convient parfaitement aux valeurs sarkozyënnes : on s'en fout des losers qui ne travaillent même pas, je veux plus de pouvoir d'achat moi-même. Et en oubliant qu'en général, seule la baisse du chômage peut contribuer à revaloriser les salaires. Dans une économie de marché.

2 février 2008

Encore la recherche

Ce sera le troisème billet consacré à la poltique de la recherche. Cette une question assez subtile car les lignes de partage politique ne sont pas évidentes à reconnaître. A vrai dire, je ne suis pas satisfait des deux premiers. Mais avancer en tatônnant est l'un des plaisirs d'un blog, alors j'en profite.

Ainsi, je poursuis ma lecture du discours de Sarkozy à l'Université Paris XI, qui est un texte assez détaillé sur sa conception de la recherche. Le problème avec ce thème, c'est que la nécessité d'une réforme de la recherche est incontestable et que certaines des orientations suggérées par le Très Grand Homme (TGH) ne sont pas si mauvaises que cela. (Voilà, je l'ai dit, mon anti-sarkozysme primaire va prendre un coup, et j'ai les doigts qui me brûlent, mais je l'ai dit.) Je pense notamment au fait de mettre l'université au centre de la recherche, ou de rapprocher les Grandes Ecoles et l'université. Le problème, encore une fois, c'est que même si ces grandes orientations semblent pleines de bon sens, il faut encore se méfier. L'idée de l'autonomie des universités paraissait, paraîtrait bonne ; mais quand on voit qu'il s'agit plutôt de l'autonomie immobilière, et d'un renforcement important du pouvoir des présidents des universités au détriment de l'autonomie des enseignants-chercheurs, et finalement de très peu d'autonomie véritable, on est obligé de se méfier encore. N'oublions pas que le génie du sarkozysme (qui est une pratique et pas une théorie) réside dans cette capacité d'agir au nom de "bons sentiments" ou d'évidences, tout en appliquant un programme qui, dans les détails, implique une orientation tout autre.

Qu'en est-il donc de la recherche?

Dans les billets précédents j'essayais de développer deux critiques : la précarisation de l'enseignant-chercheur (c'est surtout le rapport Attali qui insiste sur ce point, mais Sarkozy semble le rejoindre à peu près) et la soumission de la recherche aux besoins des entreprises, c'est-à-dire la suppression de ce qui reste d'une recherche, qu'elle soit véritablement "désintéressée" ou pas, dont l'horizon temporel est autre que celle des rapports trimestriels ou annuels des entreprises ou même des quinquennats présidentiels. Autrement dit, la recherche pour la recherche, et non pas la recherche pour le profit immédiat ou presque. Et j'inclurais dans cette catégorie les domaines de recherche qui ne sauront jamais rentables et de surcroît n'auraient jamais de raison de trouver des financements en provenance des entreprises, notamment les sciences humaines. Orange aura-t-il besoin un jour d'une expertise philosophique?

Or, je trouve dans le grand discours du TGH, une indication de ce qu'il en est. Le TGH est en train de défendre l'idée du financement par projets et la nécessité de l'évaluation de ces projets. On dit souvent qu'il faut évaluer, on dit moins souvent les critères de ces évaluations. Est-ce le nombre d'articles publiés ou de thèses soutenues (critères purement scientifiques, sans finalité autre que la recherche elle-même), ou bien les projets sont-ils à évaluer en termes de croissance (libérée ou pas), c'est-à-dire en termes de la rentabilité de leurs applications? Voici quelques uns des mots du TGH devant les chercheurs:

Je souhaite qu'à cette nouvelle génération soit inculqué non plus le réflexe du financement récurrent mais la culture du financement sur projets, la culture de l'excellence, la culture de l'évaluation. Il faut trouver le juste équilibre entre les financements à court terme et les financements à plus long terme pour des projets plus risqués. (C'est moi qui souligne, o16o.)

Voilà, pour moi, le signe, dans la dernière phrase, que c'est plutôt la rentabilité du projet qui sera l'élément d'évaluation ultime. Un projet long, quelque chose qui ressemble davantage à la recherche fondamentale, est plus risqué. Il y a un risque qu'il n'aboutisse pas à un produit que l'on pourra vendre, mais c'est quand même un produit de ce type qui est visé. La recherche en sociologie ou en linguistique est-elle par définition risquée, du fait qu'elle ne pourra jamais aboutir à quelque chose que l'on vendra chez Darty ou à des dictateurs?