Françoise Fressoz sur Hollande et le CSG est assez dure :
Le candidat socialiste s'en tenait à un seul discours, un rien simpliste : les riches paieront, les classes moyennes seront épargnées. C'était bien trop beau pour être vrai : la hausse de la CSG qui se profile touchera évidemment tout le monde : les riches mais aussi les classes moyennes et populaires, les actifs et les retraités.
Elle s'annonce d'autant plus conséquente que le gouvernement n'a pas qu'un problème de transfert de charges à régler. Il doit aussi boucher le trou conséquent de la sécurité sociale.
La CSG était l'impôt caché de François Hollande. C'est ce non dit qui, d'emblée, fragilise la réforme.
Elle ne va pas jusqu'à rendre "quand il y a du flou, il y a un loup", mais c'est presque pareil. Marc Vasseur est également décu :
Alors, on ne manquera pas de nous présenter la CSG comme une TVA sociale de gauche… A un taux d’1,1 %, c’était probablement encore défendable dans son approche puisqu’elle touche tous les revenus, aujourd’hui alors que nous en sommes à 7,5% du salaire brut, elle s’apparente de plus en plus à une flat tax d’inspiration fort libérale, plus encore si nous passons à 9,5 voire 11,5….
Pour conclure :
Je le disais, il y a quelques jours à propos du sommet européen ; je le redis et on pourra y mettre tous les enrobages qu’on veut… le gouvernement Ayrault prend une pente social libérale…. je n’ai pas voté pour ça en mai 2012.
(Juste avant de lâcher sa bombe, le terme "blogueurs de gouvernement", qui a rapidement fait le tour de la blogosphère de gauche. Mais cette question-là, nous en avons parlé l'autre jour.)
Et pour finir, voici quelques salves supplémentaires tirées par Rue89 :
« Je ne viens pas annoncer aujourd’hui de prélèvement supplémentaire pour une grande majorité de Français », a déclaré Hollande. Pourtant, si comme on le suppose, c’est une hausse de deux à quatre points de CSG qui se profile, la grande majorité des Français seront touchés, pas seulement la petite minorité des plus riches.
La vérité, c’est que le gouvernement s’apprête à troquer une hausse de 11 milliards de la TVA pour une hausse de la CSG de plus du double.
Alors, qu'en est-il ? La CSG qu'on nous prépare, est-ce une flat tax ultra-libérale déguisé en Rocard ?
Ce qui serait très clair, et très clairement mauvais, ce serait une hausse directe, de tant de points, comme disais Marc, de 7,5 à 9,5 %. Nous serions alors effectivement dans le "matraquage fiscal des classes moyennes" que la droite redoutait tant. (Le matraquage des classes les plus démunies, en revanche, ne leur fait pas peur.)
Le problème avec la CSG est dans ses subtilités. Elle est introduite comme une mesure typiquement social-démocrate, car suppose que le financement du système social ne doit pas dépendre seulement travail, c'est-à-dire des cotisations salariales et patronales. Elle élargit l'assiette du financement à des revenus non-salariés, et peut donc mieux résister à des périodes où le chômage augmente, pour lesquelles les cotisations traditionnelles sont mal adaptées (les besoins sociaux augmentent mais les recettes baissent proportionnellement).
La révolution, en 1991, quand Rocard créé la CSG, est dans l'idée même de financer le système social par un impôt. C'était aussi admettre que les comptes sociaux n'allaient pas se redresser tous seuls, quand les Trentes Glorieuses allaient enfin se décider à revenir.
La perversité de la CSG est dans sa relation avec l'impôt sur le revenu. Chaque hausse de la CSG réduit d'autant la progressivité de l'impôt sur revenu. Dagrouik a un tableau intéressant qui montre bien le phénomène. Dans le papier de Rue89 que j'ai cité tout à l'heure, l'auteur explique la relation entre les deux impôts :
La CSG est en réalité la première tranche de l’impôt sur le revenu : elle porte sur tous les salaires et toutes les retraites, même modestes. C’est l’inverse d’un impôt progressif (qui porte plus sur les riches que sur les pauvres).
Le mécanisme par lequel les hausses de la CSG réduisent la progressivité de l'impôt sur le revenu apparaît clairement dans cette formulation. L'impôt total (CSG + IR) combine effectivement une flat tax et impôt progressif ; plus la part de la première est importante, moins la progressivité est importante.
C'est même pire, car l'impôt sur le revenu est "familialisé", tandis que la CSG vous prend autant, que vous soyez célibataire ou marié(e) avec douze enfants. (Il paraît que Martine Aubry voulait individualiser l'impôt, mais que François Hollande a souligné que cela aurait un effet désastreux pour bien des ménages modestes.)
On devine que selon sa conception initiale, la CSG était à mi-chemin entre la cotisation sociale et l'impôt, et que cette parenté rendait évident le choix d'un impôt proportionnel et non progressif.
La réponse semble simple, pourtant. Si l'opération consiste à augmenter bêtement le taux de la CSG, alors, oui, c'est seulement un peu mieux que la TVA sociale (qui est anti-progressive), et cela représenterait un échec, un reniement ou une tromperie de la part de François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Les critiques seraient alors amplement méritées.
La seule issue juste, c'est de rendre la CSG progressive. Je serais plutôt pour une fusion avec l'impôt sur le revenu, même si c'est difficile. Sinon, compte tenu de sa nature individuelle (pas familiale), il faudrait que la nouvelles CSG soit très progressive pour compenser le fait qu'il ignore les spécificités des situations des gens.
Il faut être exigeant avec ce nouveau pouvoir de gauche. Une CSG progressive fait partie de mes exigeances.
5 commentaires:
deux autres remarques en complément
elle devrait s'accompagner d'une baisse des autres cotisations pour compenser partiellement l'augmentation
il faudra la rendre déductible du revenu pour ne pas payer l'impôt sur l'impôt
Pour la déductibilité de la CSG, je suis d'accord. C'est dans la logique d'un rapprochement des deux impôts d'ailleurs.
Quant à baisser les autres cotisations, le problème c'est qu'il faut de toute façon une augmentation globale des recettes. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu par l'argument selon lequel une baisse des cotisations serait un réel avantage en termes de compétitivité. On baisse les cotisations depuis des décennies, sans autre resultat que de vider les caisses.
Je pense qu'on a un problème de structure sur la CSG: les retraités pèsent lourdement sur l'assurance maladie, de plus en plus, les inactifs seront un poids réel.
D'ailleurs, ils le savent bien dans leur majorité.
Certains retraités s'opposent à ce système de faire peser leur financement sur les plus jeunes, d'ailleurs.
Il faudrait vraiment qu'on se penche sur ces retraités qui en moyenne ont une vie plus agréable que celle de ceux qui bossent: maison payée, pas d'enfant à charge, souvent héritage, moins de dépenses, moins de consommation.
L'assurance maladie est donc structurellement en déficit à cause de ça.
Ce qui me gène, comme bobcestmoi le dit, c'est qu'on devrait exonérer les plus pauvres de ça et ne pas hésiter à surtaxer les retraités aisés sur la CSG.
Il y a un moment où les plus jeunes et les plus pauvres ne pourront plus et ne voudront plus financer les vacances de riches retraités en cure par exemple...
Ici, des retraités riches, il y en a plein.
Ils pourrissent la vie: les urgences sont saturées, autre exemple.On a du construire une gériatrie rien que pour eux, c'est dire...
Et à côté de ça, certains papys mendient pour se sortir de leurs 600 euros par mois de retraite
Fusionner IR et CSG était justement l'idée de la grande recette fiscale mais j'ai l'impression qu'ils ne sont plus très,chaud! Il faudra scruter la prochaine loi de finances!
Rosa,
Oui, l'exonération des retraités me semble abérrant. C'est encore l'influence du modèle des cotisations, sans doute. Sinon, la progressivité permettrait de règler une partie des problèmes.
Nyantho,
Je pense que nos chers législateurs sont attachés à la distinction IR/CSG parce que la CSG a moins de niches. La fusion oblige soit à reporter les mêmes niches sur l'ex-CSG, soit à se battre pour les supprimer sur l'IR, ce qui peut être très problématique, voire impossible.
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