Je vais essayer de brasser quelques informations. Je ne promets pas une conclusion éclatante de clarté et de certitude. On verra bien. Mais on y va.
Commençons par des "bonnes nouvelles". D'après Standard & Poors, les banques françaises seraient "parmi les plus solides du monde". Ouf, hein ? Sauf qu'il y a un truc :
Autre bémol, cette étude ne tient pas compte des activités internationales des banques, évaluées individuellement, banque par banque, et de leur exposition aux pays dont les finances publiques sont sous pression, Grèce, Espagne et Italie en tête.
Tout va bien, ou irait bien, s'il y n'avait pas la Grèce, Espagne et l'Italie. Quel intérêt y avait-il à claironner la bonne santé des banques françaises, tout en évitant de prendre en compte la situation la dangereuse pour les banques depuis un siècle ?
Voici des chiffres datant de juillet 2011, sur l'exposition des banques à la dette grecque :
Le Guardian donne des chiffres sur l'exposition des banques françaises à la dette grecque. Hormis la Grèce elle-même, la France arrive en tête avec 9,362 milliards d'euros, devant l'Allemagne avec 7,902 milliards.
Par banque, cela fait, en millions :
- BPCE 1,185 14% 1%
- BNP-Paribas 5,046 8% 0%
- Société Général 2,500 6%
- Crédit Agricole 631 1% 0%
Déjà, donc, la France est en tête. Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les soucis véritables du Crédit Agricole, propriétaire depuis 2006 d'une vraie banque grècque, Emporiki Bank. Et là les chiffres s'envolent. L'article des Echos est très bon :
Racheté un peu plus de 2 milliards d'euros en 2006, Emporiki devait pourtant rapporter gros à la banque française : l'établissement situé au coeur d'Athènes, dans un pays alors en pleine croissance, promettait un doublement de ses revenus en cinq ans et une croissance de 30 % de ses bénéfices. Six ans et deux crises plus tard, c'est une facture qui dépasse largement les 6 milliards d'euros qui s'affiche.
Les six milliards là sont, si je comprends bien, déjà perdus. Si la Grèce sortait de l'euro, on en serait à 20 milliards :
Bilan: 5 à 7 milliards d'euros tout de même, selon les analyses de marché. L'addition serait salée mais absorbable par le groupe. Elle serait en tout cas moins lourde que si le Crédit agricole assumait la perte de valeur brutale et immédiate des actifs d'Emporiki (20 milliards d'euros environ de crédits après provisions) qui résulterait de la conversion des euros en «drachme».
Entre 2006 et 2009, CA met un spécialiste de la grande distribution (en provenance de Danone) à la tête d'Emporiki. (Tout cela est dans l'article des Echos cité plus haut.)
Anthony Crontiras a beaucoup développé la production de nouveaux crédits, sans suffisamment surveiller les risques. « Un banquier, surtout venu du Crédit Agricole, aurait d'abord regardé les risques », assure-t-on en interne. Sa politique d'expansion a alors généré un deuxième stock de crédits risqués, qu'il faut encore provisionner aujourd'hui. A cette époque, en pleine crise des « subprimes », tout occupé à essayer de contenir les pertes d'une autre filiale (Calyon), empêtré dans des querelles internes et devant mener de front une augmentation de capital qui précède de peu la faillite de Lehman Brothers, Georges Pauget met du temps à réagir. Ce n'est que début 2009 qu'Alain Strub prend la tête d'Emporiki. « Ce sont les créances de 2007 à 2008 qui nous posent problème », dévoilait ainsi en 2010 Jean-Paul Chifflet, le nouveau patron du Crédit Agricole.
En somme, seule la logique commerciale motivait la nouvelle Crédit Agricole grec, une agressivité de winner qui ne s'embarrasse pas des doutes et des détails, faisant du chiffre à tout prix.
C'est seulement au début du mois que la maison mère annonce sa décision de se séparer de sa filiale, et à ce jour elle n'est pas encore vendue.
Donc le Crédit Agricole a des soucis grecs. Et alors ? La SocGen va essayer également de se débarasser de Geniki, sa banque grecque à elle, quand même moins plombée qu'Emporiki.
La question que je me pose, c'est celle du poids politique du fait que ce sont les banques françaises les plus exposées. Sarkozy n'arrêtait pas de parler de comment il a "protégé les économies des Français".
En septembre dernier déjà, les banques allemandes, en revanche, étaient parées à une éventuelle perte de 50 % sur leurs avoirs grecs :
Many analysts are confident however that even if German banks were forced to stomach as much as a 50 per cent writedown on their Greek debt portfolios, German institutions would experience no insuperable problems, assuming the crisis is contained to Greece.
Et donc, Philip Rösler, le ministre allemand de l'Économie, peut tranquilement dire, cette semaine :
« les Grecs vont en venir eux-mêmes à la conclusion, qu'il serait plus intelligent de sortir de la zone euro (..). Cette éventualité ne me fait plus peur depuis longtemps ».
La France ne pourrait pas en dire autant.
Surtout si on regarde ceci, présenté comme une "fuite" en marge du plan d'un "haircut" de 30 % sur la dette grecque, qui sera supporté essentiellement par la BCE, même si celle-ci doit être recapitalisée.
Two officials indicated that the French, Maltese and Cypriot central banks were most exposed to Greek government debt.
"France has a huge amount. Very large," one official said.
Malte et Chypre, on comprend. Mais la France ? Elle n'est ni petite, ni une île, ni une voisine de la Grèce… Mais là c'est la banque centrale, la Banque de France.
Il y a un peu de flou dans tous ces chiffres ; ce n'est pas toujours clair ce qui relève des banques privées et la Banque de France. La tendance est assez effrayante.
La protection des banques françaises était-elle la motivation principale de la politique française en Europe depuis le début de la crise grecque ? Est-ce l'explication de "Merkozy" ?
Et d'où vient cette dette "very large" que tient la Banque de France ?
1 commentaire:
prenons date !
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