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19 juillet 2012

Espoirs et inquiétudes jospino-bachelotiens

 

Revenons à cette commission présidée par Lionel Jospin, qui va proposer un plan pour moraliser la vie politique. J'avais manqué le communiqué officiel. Voici leur mission :

Cette commission aura notamment pour mission de définir les conditions d'un meilleur déroulement de l'élection présidentielle et s'interrogera sur le statut juridictionnel du président élu. Elle examinera également les voies d'une réforme des scrutins applicables aux élections législatives et sénatoriales, et formulera des propositions permettant d'assurer le non cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement avec l'exercice de responsabilités exécutives locales. Elle définira des règles déontologiques de nature à garantir la transparence de la vie publique.

Réduisons tout cela à une liste, qui passe mieux sur l'Internet.

  • Déroulement de l'élection présidentielle ;
  • Statut juridique du président ;
  • Réforme des élections législatives et;
  • Sénatoriales
  • "le non cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement

avec l'exercice de responsabilités exécutives locales"

J'espère qu'ils vont réussir. J'ai pourtant des inquiétudes.

15 juillet 2012

L'unique chance pour mettre fin au cumul des mandats

 

Hier, lors de son entretien télévisé, François Hollande a annoncé qu'il confiait à Lionel Jospin une commission sur "la moralisation et la rénovation de la vie politique". Jospin n'aurait pas été mon premier choix, ni même dans mon Top 10, pour ce travail. Son rôle dans l'affaire Falorni ("On a beaucoup trop parlé de la 1re circonscription de Charente-Maritime") est plus une question de feuilleton ; en revanche, le quinquennat qu'il nous à légué ne témoigne pas en sa faveur pour une réflexion sur la modernisation de la démocratie.

Certes, Jospin, oui, bof.

Ce qui est paradoxalement rassurant, c'est que pour la mesure la plus importante, la personalité du président de la commission importe peu. Car la mesure la plus importante est aussi la plus simple : le non-cumul des mandats. Toute tentative de rendre plus compliqué, subtile, moderne, technique le passage du cumul généralisé au non-cumul ne sera qu'un affaiblissement du principe.

28 avril 2011

Ma campagne (2) - Fret (1)

J'ai commencé une série de billets pour détailler ce qui serait pour moi un bon programme de gauche pour 2012. Le programme s'appelle « Les énergies de la France » et il est axé autour de l'écologie, la décentralisation et le fractionnement du pouvoir, à la suite des « gauchitudes » que j'avais proposées il y a deux ans.

Je voudrais parler du fret (un blogueur n'est pas obligé de présenter son programme dans un ordre alléchant), du transport ferroviaire des marchandises. C'est un sujet qui me tracasse depuis les années Jospin : la gauche avait le pouvoir, il y avait une ministre Vert et un ministre des transports communiste. C'était, me semblait-il, le moment idéal pour créer une politique du fret qui arrangeait à la fois les cheminots, peuple de gauche s'il en est, et les écologistes. Évidemment il n'en était rien, et depuis j'attends.

Pour mon programme, je pensais ne faire qu'un seul billet sur le fret, mais je vois que je vais être obligé de faire un ou plusieurs détours pour y arriver. Commençons donc par les PME et la désindustrialisation de la France. L'idée de fractionner le pouvoir économique et politique est une façon de s'adapter à un monde plus complexe, moins centralisé que celui de papa et maman (ou papy et mamie) pendant les trente glorieuses, quand la fumée montait des cheminées des usines et le modèle social français marchait à fond.

Aujourd'hui la fumée et les cheminées sont chinoises. La gauche a perdu la plupart de ses moyens pour faire pression sur les « grands patrons », et même le rapport de forces s'est inversé : dans l'intérêt des ouvriers, des salariés, la gauche ne voit pas d'autre alternative que de séduire les entreprises, surtout les grosses. D'où ce consensus jospino-chiraquien (« l'État ne peut pas tout faire »), que l'on retrouve d'ailleurs un peu partout dans les autres pays dont on disait il n'y pas si longtemps qu'ils étaient « industrialisés ».

Tout cela vous le savez aussi bien que moi, sinon mieux. L'important est de comprendre pourquoi il faut changer de modèle et changer d'échelle. Le rêve de rétablir le schéma social et industriel des années avant « La Crise » (c'était quand ça ? 1982 ?) bloque la gauche dans une position défensive, Sarkozy dirait « conservateur » même. L'issue est un changement d'organisation du pouvoir économique, en allant vers tout ce qui ne peut pas se délocaliser, et vers des plus petites structures, notamment les PME.

Ségolène Royal, en 2007, avait proposait quelque chose allant dans ce sens, et Dagrouik a raison de dire:

Je l'ai déjà expliqué plus d'une fois sur mon blog, 70 milliards d'aides à re-orienter sur PME : ABSENT ! Alors que c'était présent dans discours de Ségolène Royal en 2007. Les PME qui font 80% de l'emploi, ne bénéficiaient que de 13% du montant des aides en 2007, ça se trouve dans un rapport de la cour des comptes. Abordé par Ségolène Royal en 2007. Oublié par le PS.

C'est sans doute plus qu'un oubli, mais un problème de culture politique.

Revenons donc au fret. L'intérêt écologique du fret ne fait pas de doute, mais c'est le camion qui gagne depuis bien des années :

La part du fret ferroviaire, fluvial et maritime est passée de 42% en 1984 à seulement 14% en 2007, tout en ne parvenant pas à trouver un modèle économique équilibré.

Ce n'est pas difficile d'imaginer que le fret et l'industrie traditionnelle se sont effondrés ensemble, puisqu'ils ont également grandi ensemble. Incapable de s'adapter aux besoins de souplesse et à l'échelle plus réduite des transports modernes, le fret est peu à peu délaissé.

Voilà pour le diagnostic. Prochain épisode : les échecs des relances du fret.

29 septembre 2008

Encore lui ? Le jospinisme et ses contextes

Oui, j'avais promis que c'était fini, les billets sur le jospinisme, et pourtant me revoilà. Tout d'abord pour dire du bien de Jospin. Du Jospin de 1997. Je suis tombé, un peu par hasard, sur cette étude extrêmement savante, en anglais, même, sur les années Jospin. Je n'ai pas tellement compris toutes les théorisations sur les différentes formes de coalition, car j'ignorais l'existence même de ce type de théorie. En tout cas, c'est une plongée intéressante dans l'ambiance de ces années de la Gauche Plurielle. Les auteurs de l'article n'arrêtent pas de dire combien c'était difficile de maintenir cette coalition, comment la plupart des commentateurs de l'époque pensaient que le gouvernement Jospin ne durerait qu'un an ou deux, comment il a fallu être malin pour équilibrer les choses entre les Verts et les Communistes, etc.

En fait, si je suis tombé sur cet article en anglais, c'est que j'étais en train de m'amuser du fait que mes billets sur le jospinisme avaient réussi à s'imposer en première position sur la recherche Google "jospinisme". Comme quoi il n'y a pas beaucoup de choses d'écrit sur ce qui n'est pas vraiment tout à fait une pensée politique, mais plutôt une réaction sage, intelligente, habile à une situation complexe dont la donnée essentielle, avant de parler de ce que sont devenus par la suite les Verts et le PCF, qui était la cohabitation. Si la Gauche Plurielle allait gouverner sérieusement, il ne fallait pas trop laisser prise à la critique de la droite. De plus les Verts et les Communistes jouaient bien leur rôle de caution gauchiste.

Aujourd'hui, la situation est tellement différente qu'il semble dangereux de supposer que les mêmes recettes qu'en 1997 pourraient servir à nouveau. Les cautions gauchistes se sont évanouies et le PS doit fournir sa propre aile gauche, à moins que ce rôle ne revienne à Olivier Besancenot. La droite s'est durcie. Les gestes dans le sens de l'"ouverture" ne pourront plus avoir la même signification que l'entente entre Jospin et Chirac qui était certes difficile mais pas destructive. Les appels à la "responsabilisation" du PS que lance Manuel Valls de temps à autre, et que Michel Rocard a étrangement repris tout récemment, n'ont plus aucun dans le contexte actuel.

Mais peut-être la différence la moins visible entre 2008 - ou 2012 - et 1997 mais la plus significative, c'est le temps écoulé depuis 1983 et le célèbre changement de cap mitterrandien. Quand Lionel Jospin est devenu Premier Ministre en 1997, cela faisait juste deux ans depuis la fin du second mandat de François Mitterrand. Bien sûr, on peut s'interroger sur la nature profondément socialiste de ce mandat, il est clair toutefois que la référence socialiste était encore présent dans les esprits en 1997. En 2012, cela fera dix ans que la France n'aura connu ni président ni gouvernement de gauche. Cela fera quinze ans depuis l'invention de la Gauche Plurielle qui était déjà le prolongement très équilibré et consensuel (avec droit d'inventaire) d'un mitterrandisme dont l'élan était, dit-on, déjà brisé en 1983. (Marc Vasseur cite un article qui me semble tout à fait pertinent à ce sujet.) On en arrive à un écart de 3929 ans... 1983-2012. C'est beaucoup. C'est long. Trop long pour pouvoir espérer que ce qui marchait alors marchera encore demain.

On m'objectera : "mais depuis 1983, presque rien a changé". C'est vrai. Seulement la fin de la guerre froide, la mondialisation, la montée de la Chine, l'arrivée d'une économie de l'information, le début de la fin du pétrole, l'hyperconsumérisme, le langage SMS... j'en oublie mais on voit quand même que rien n'a changé.

Edit: Nicolas J. me signale une énorme erreur de calcul, désormais corrigée, qui indiquerait que le jospinisme a de beaux jours devant lui si c'est moi qui dois tenir les comptes chez ses opposants.

24 septembre 2008

Le jospinisme contient sa propre défaite

A vrai dire, je n'ai pas besoin d'écrire ce dernier (pour l'instant) billet sur le jospinisme, car Monsieur Poireau, dans un commentaire sur mon dernier billet, a réussi à tout dire dans une phrase. Enfin, deux phrases :

On a un socialisme de gestionnaires qui dit : on va se débrouiller avec ce qui existe, pragmatique en chef et une Droite qui parle de rêve et d'utopie (gagner plus, etre tous proprietaire, ...). Les électeurs qui sont de grands enfants votent pour l'utopie droitière !

Jusque-là, je disais que le jospinisme, se voulant le parfait équilibre entre toutes les orientations politiques possibles (droite, gauche, social, libéral, chévénementiste, européen, etc. etc.), ne pouvait pas laisser place à une formulation lisible. Le jospinisme est peut-être gérable quand le PS est déjà au pouvoir, mais est particulièrement mal adapté à l'affrontement électoral. L'échec de 2002 était, entre autres raisons, dû à la croyance que le bilan de Jospin serait suffisant pour gagner. Bon gestionnaire, bon bilan, élection gagnée d'avance. Du coup même les électeurs de gauche, et surtout eux, sont allés voir ailleurs, voulant que leur vote signifie, politiquement, autre chose que "Jospin c'est bien". Ou, comme le dirait Jean d'Ormesson : "c'était bien".

Curieusement, les électeurs semblent particulièrement sensibles à la dimension symbolique des élections présidentielles. Et Monsieur Poireau a raison de souligner les fariboles utopistes et bizarrement progressistes qui ont permis au Très Grand Homme (TGH) de séduire l'électorat populaire. Il faut projeter quelque chose, il faut avoir quelque chose à claironner autrement que "le juste milieu", ou "l'équilibre parfait entre toutes les positions possibles", ou "on est des super-gestionnaires". Le côté "gestionnaire" peut marcher pour des élections locales, quand l'électeur se sent qualifié pour juger de l'efficacité de son élu. Un pays est en revanche une entité bien trop abstrait pour que ce genre de réflexion entre véritablement en compte.

Mais non seulement le jospinisme ne produit pas de vision vendeuse, il renforce la position de l'adversaire. En plaçant toute sa modernité dans le fait de diluer l'héritage socialiste et dans la concession aux réalités du marché, le jospinisme n'invente rien, ou du moins n'invente pas un nouveau discours, et surtout, le jospinisme confirme l'analyse de la droite : Mitterrand est allé trop loin, le socialisme est intrinséquement passéiste et impraticable, le socialisme est un frein à l'économie, etc. Non qu'on doive défendre bec et ongles chaque élément des deux septennats de Tonton, ou que les socialistes doivent pour toujours se crisper sur les mêmes principes. Mais en faisant de la critique du socialisme le socle de son discours politique (du "droit d'inventaire" au "mon programme n'est pas socialiste"), le jospinisme valide les arguments de l'adversaire. Comme souvent, on préfère l'original à la copie...

Autrement dit, le jospinisme - et encore une fois, je veux seulement parler de la pensée ou de la stratégie jospinistes, et pas de tout ce qu'a fait Jospin pendant ses cinq glorieuses années au pouvoir - est déjà la defaite de sa propre idéologie. On dit que Sarkozy a gagné la guerre idéologique en 2007. C'est incontestable. Il est essentiel de pouvoir produire un discours politique qui intervienne positivement sur le plan symbolique, qui propose réellement quelque chose de compréhensible, qui convainque, qui séduise.

19 septembre 2008

Le jospinisme n'est pas contagieux

C'est après avoir écrit et publié un billet que l'on comprend enfin ce que l'on voulait dire vraiment. Enfin, chez moi ça marche ainsi, en tout cas. Hier j'ai commencé à parler du jospinisme comme un principe d'équilibre idéologique. Un peu de "défense des acquis sociaux", mais pas trop. De plus en plus de marché, parce qu'il faut bien se laisser aller à la modernité. Mais la pensée sociale n'est pas renouvelée, et reste essentiellement conservatrice, à ceci près que le jospinisme admet que le "social" peut être dilué. Et la paix qui est faite avec le libéralisme n'engendre pas non plus un renouvellement, mais se présente plutôt comme une concession.

Le problème que cela pose, c'est que, comme je le disais déjà, il n'y a aucune direction possible à partir de ce point d'équilibre. Le "social" n'est plus qu'un héritage, et le libéral n'est pas vraiment repensé, et n'est pas non plus le lieu d'une nouvelle réflexion, mais se pose là comme un mal nécessaire. En somme, c'est bloqué.

Ce matin, ou hier matin, selon l'heure à laquelle je termine ce billet, Marc Vasseur reprenait cette dépêche AFP que Dagrouik avait déjà reprise :

PARIS (AFP) - L'arrivée au secrétariat national du PS de Martine Aubry, Jack Lang et Dominique Strauss-Kahn consacre le retour en force des anciens jospinistes au côté de François Hollande et tourne la page de leur échec du 21 avril 2002.

Cette dream team de choc était là pour assurer la victoire en 2007. Et ils allaient bosser :

La nouvelle troïka travaillera, selon ses membres, sur une orientation "de gauche, réformiste et européenne". "Volontariste", a ajouté Martine Aubry. Il ne s'agit pas "réciter le bréviaire", selon M. Lang. M. Hollande a dit attendre "des propositions très innovantes".

Le pauvre Monsieur Hollande : il les attend encore, leurs propositions "très innovantes".

Comme Marc le dit très bien à propos d'un "il nous faut une orientation..." prononcé par ce même Hollande :

Seulement, voilà, ce genre de propos si ils pouvaient être tenus sans trop de conséquences avant l'avènement de la société de l'information, ils ne sont plus tenables aujourd'hui et obligent les protagonistes de ce renouveau à assumer pleinement leur responsabilité dans cette longue période de paralysie que connait le PS depuis une bonne décennie.

Et moi j'ajouterai donc seulement que cet échec n'est sans doute pas celui d'une personne, ni même celui de la fameuse troïka jospiniste, mais plutôt celui d'une pensée politique qui était habile, intéressante, utile en son temps (n'est-ce pas Nicolas J. ?), mais qui, par sa nature même, ne peut pas aboutir à des innovations, encore moins à une quelconque "rénovation" du socialisme.

Mais ce n'est pas tout. Le jospinisme a un encore plus gros défaut. J'ai souvent dit que je mettais l'éfficacité politique assez haut dans mes priorités : évitons les idéalismes et les utopies, communiquons de façon à gagner des élections. Si l'on admet que le point fort du jospinisme est justement son côté "gestionnaire", il est évident en même temps que la sagesse du management n'est pas ce qui fait gagner les élections. Ou en tout cas des élections nationales. Malgré l'extrême complexité des 35 heures et toute la sagesse de leur application, il a suffi d'une phrase "en France on ne travaille pas assez" pour transformer une réussite de la gauche en boulet électoral.

Voilà donc le problème : le jospinisme n'est pas contagieux. N'ayant pas de ligne de force autre que son propre équililbre, il ne peut pas être vendeur. L'échec de 2002 et la campagne maladroite de Jospin en fournissent la démonstration. Et d'ailleurs, la victoire de 1997 n'était pas encore celui du jospinisme. Le jospinisme est peut-être très bien si l'on est déjà au pouvoir, mais il est inutile pour obtenir le pouvoir. Et à mon avis le problème n'est pas celui d'inventer des slogans accrocheurs, le mal est beaucoup plus profond.

18 septembre 2008

L'équilibre mou du jospinisme, ou : La paille et la poutre

Pendant le désolant spectacle de l'Université d'été du PS, je n'étais pas à mon clavier. C'est finalement très bien ainsi, tant la relation symbiotique entre une presse politique pipolisée et des combats de chefs a eu pour effet d'étouffer le moindre soupçon d'une véritable réflexion émergeante. A quoi bon réfléchir, en effet, si une réflexion n'est pas recevable dans l'opinion publique autrement que comme manoeuvre ? Tôt ou tard, il va falloir trouver une idée ou deux, voire une ligne directrice. Ou deux. Le drame du PS actuel, c'est que parmi les prétendants principaux, il y a peu d'idées qui peuvent servir à les départager, et le choix de l'un ou l'autre pour le poste de Premier Secretaire ne sera pas le choix d'une nouvelle direction politique.

Asse42, que je connaissais surtout pour ses commentaires chez Dagrouik, a dressé le mois dernier un portrait du jospinisme en "social-libéralisme". Dans ce tableau, il y a quelques points qui me semblent utiles et intéressants (sinon sereins) :

Son premier choix [à Jospin] a donc été de nommer un premier secrétaire compatible, puisque lui se consacrerait aux joutes nationales. Il a donc naturellement choisi Hollande. Hollande qui était dans les limbes du parti et qui, contrairement à sa compagne, ne jouait aucun rôle majeur. Sa nomination par Jospin a été un accélérateur de popularité pour cet homme drôle, sympa et ... fidèle. Son rôle aura donc été dans toutes ses années de rassembler autour de Jospin, de garder le parti uni. Il a réussi et on peut le gratifier de cet incontestable succès. Avec Hollande, le PS ne s'est pas divisé. Mais il n'a pas non plus attiré à lui.

Souvent il a été reproché à François Hollande les éternelles "synthèses molles" qui ont rendu le PS politiquement illisible ces dernières années. Je n'ai pas les moyens pour apprécier correctement la valeur définitive de cette unité que Hollande a su préserver, mais on peut regretter le fait que son pris fût la mollesse idéologique. Toujours est-il qu'il est injuste de voir en Hollande l'unique moteur de la mollesse : la "synthèse molle" est celle qui arrange tout le monde, et ça je l'ai déjà dit ; elle est aussi une conséquence du jospinisme lui-même, qui consiste (si j'ai bien compris) à trouver à gauche un centre de gravité qui ne déplaît à personne complètement, y compris à des éventuels électeurs issus de la droite molle, au prix, encore une fois, d'une absence de ligne politique claire. Parmi les conséquences qu'asse42 identifie : perte des électeurs populaires, coup d'arrêt aux adhésions au PS. Défaite en 2002 au premier tour sur un programme "pas socialiste".

Les experts pourront me corriger, mais j'ai bien l'impression que le jospinisme commence avec le fameux "droit d'inventaire du mittérrandisme", qui pouvait à l'époque avoir l'air d'une posture légèrement héroïque: tourner la page, tuer le père. Cependant, la démarche aboutit à une gauche moderne et tiède qui ne se définit plus que dans cet afranchissement vis-à-vis d'un passé où le socialisme pouvait exister autrement. Le PS moderne de Jospin est moderne parce que dilué. Socialisme Light. Le progrès social s'en trouve réduit à un équilibrisme entre la seule défense des "acquis sociaux" et un libéralisme tout aussi "light".

Il devient aisé de comprendre que, placé entre un passé à diluer et à protéger, et une économie de marché à filtrer, le jospinisme manque de sources d'idées nouvelles : le "social" n'est présent que par la référence au passé. Si l'on objecte que les 35 heures constituent de ce point de vue un progrès, je répondrai que l'une de leurs faiblesses idéologiques est dans le fait de simplement prolonger une forme très ancienne de progrès social. Et de l'autre côté, le libéralisme light que l'on fait entrer dans le poulailler, en tant que mal nécessaire n'apporte rien pour renouveler le socialisme, mais seulement pour le moduler, de la même manière que le socialisme moderne promet de freiner les ardeurs des marchés tout en les stimulant.

Je n'ai pas de mal à comprendre comment on en arrive là, avec le jospinisme. Le "droit d'inventaire" n'était pas mal à l'époque. Le problème est plutôt qu'aucune ligne nouvelle ne peut s'en dégager. Le jospinisme, c'est la défense tiède du passé, c'est la transition, censée être douce, vers un équilibre entre toutes choses. La tragédie du 21 avril était que la survie du jospinisme dépendait d'une reconquête du pouvoir, chose pour laquelle le jospinisme est très mal adapté. Sujet sans doute de mon prochain billet. Pour l'instant, je voudrais surtout insister sur l'hypothèse selon laquelle la mollesse générale du débat au PS, où l'enjeu politique principal devient la recherche d'une façon originale pour appeler à l'unité, est moins due aux personnalités des chefs de file, ou à celle de François Hollande, qu'aux fondements même du jospinisme. Jospin a parlé, à propos de Ségolène Royal, d'une impasse. Et si c'était la paille qui dissimulait la poutre ?

Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas ? Mathieu 7:3

8 août 2008

La grimace

En écrivant mon dernier billet, je savais que je m'aventurais dans un territoire problématique pour la gauche. A vrai dire, c'était le but, tout en me donnant le loisir de rajouter une couche ou deux sur l'incompétence économique du Très Grand Homme (TGH), sa tendance à préférer l'idéologie à l'efficacité réelle.

Ma note a suscitée des réactions intéressantes. J'avais proposé la formule suivante :

Toute proposition de solution politique, économique ou sociale qui, pour réussir, doit être appliquée au niveau européen, voire mondial, risque de n'être qu'une opération de communication.

Et Fer Railleur a répondu :

Soit mais comme aucune solution économique ou sociale ne peut réussir si elle n'est pas appliquée au moins au niveau européen sinon mondial (vu la mise en concurrence généralisée réalisée par l'ultra-libéralisme et la mondialisation), le serpent se mord la queue !

Et on se retrouve à papoter avec notre bonne vieille Tina.

Embêtant, non ?

Oui, c'est embêtant. C'est pourtant le risque quand on cherche à imaginer ce que pourrait être une politique de gauche... comment dire... sinon "moderne", du moins différente de celles qui jusqu'à présent n'ont pas réussi à séduire l'électorat, et qui semblent enfermées dans l'alternative entre une "gauche archaïque" et une droitisation molle. (Notez bien les guillemets ultra-puissants autour de "gauche archaïque". J'assume totalement en revanche pour droitisation molle.) Tout ça part du souci de penser une gauche efficace, d'abord électoralement, ensuite pour améliorer les choses. Il est donc plus important d'imaginer des solutions plutôt que de valider des grandes théories ou pester contre l'état pitoyable du monde actuel. Pour tout dire, ça part d'un souci de simple opposition : pour contrer Sarkozy en 2012, il ne faut pas compter sur la liste des bourdes et des imbécilités du Président pour l'emporter. Il va falloir être efficace. Les blogs servent à avancer des idées et des arguments de façon chaotique, provisoire, expérimentale. Depuis que je m'essaye à la "proposition", je me rends compte de comment c'est difficile. En même temps, c'est amusant de se lancer dans une direction sans savoir où on va atterrir.

Dans un autre commentaire, jmfayard sort la grosse artillerie en voyant dans mes derniers billets une dérive carrément jospiniste.

J'ai un peu l'impression d'avoir avalé surtout des cuillérées de soupe à la grimace pendant la lecture de tes derniers billets. Attention à ne pas virer jospinien, c'est à dire à ne pas aligner les raisonnements rationnels impeccables concluant que surtout il ne faudrait faire ni cette erreur ci, ni celle-là, ni telle autre, ni ... avant de se trouver bien embêté au moment de savoir ce qu'on pourrait faire au juste. J'ai bien conscience que c'est un travail de Sysiphe de sans cesse tenter de réveiller l'espoir tout en se gardant de faire naître des illusions sans demain, mais, allez, un petit effort la prochaine foi :-)

Voilà du commentaire qui décape! D'autant plus décapant qu'il voit juste. Ou presque. Pour me défendre, je dirais tout d'abord que mes derniers billets qui sont, effectivement, assez pessimistes vis-à-vis de certains espoirs de la gauche, n'ont pas vocation de formuler une politique générale, comme on pourrait en demander à quelqu'un comme Jospin, mais à tatonner tout en gardant un esprit critique. Donc si je dis qu'il ne faudrait pas faire ci, ni ça, ni telle autre erreur, c'est quand même sans désespérer d'en arriver au moins à quelques critères qui pourraient servir à évaluer les différentes politiques que l'on finira bien par nous proposer. Le privilège du blogueur par rapport à l'homme politique : le blogueur peut chercher, se planter, évoluer, sans en porter la responsabilité, sans avoir à représenter telle ou telle ligne. Enfin, j'ai aussi cet espoir que l'esprit critique de la gauche envers ses propres idées pourrait susciter l'invention de solutions plus originales, plus imaginivatives. En cela, j'espère aller un peu dans le sens contraire du jospinisme.

Voilà pour la forme. Pour le fond, dans la mesure où il existe, je dirais que pour l'instant l'idée de base dans ces derniers billets est plutôt que l'on a tendance à se tromper un peu sur le cadre de l'action gouvernmentale/étatique. J'entrevois, comme réponse à cette question, la thématique que j'avais dévéloppée dans l'une des gauchitudes qui s'appelait Boucle locale (mais aussi dans Fragmentons) : l'action de l'État devra soutenir justement la fragmentation du pouvoir économique et politique. A la différence des "libéraux" (que Dagrouik vient de dégommer comme il faut ici), je crois qu'un état fort est nécessaire pour maintenir l'égalité des chances, pour protéger la liberté d'action des individus, y compris leur liberté économique, qui sera ce qui nous sauvera du choix qu'on nous présente entre crever et devenir la Chine.

Et pour revenir au jospinisme, je commence à avoir le soupçon que sa faiblesse était justement cette timidité. "L'état ne peut pas tout". On garde une vision assez traditionnelle de l'action étatique de gauche, mais on le restreint pour ne pas interférer avec le marché, réduisant petit à petit les possibilités, et, effet collatéral, affaiblissant la notion même de ce qu'est la gauche. Je suis peut-être un peu sévère, peut-être que quelqu'un viendra m'expliquer en quoi j'ai tort. Mais si on veut réinventer la gauche, je pense qu'il faudrait pouvoir sortir du paradigme d'un éternel réglage entre le marché et l'État.

Le problème, c'est que pour arriver à dire tout ça, autrement que sur le mode du "voilà ce que je veux", il me semble nécessaire d'avancer par petits pas.

22 mars 2008

PS : stratégie ou réflexion?

Ce matin je disais que les réussites électorales semblaient attiser les rivalités à l'intérieur des partis. C'est également vrai pour les défaites, comme on peut le constater à l'UMP. C'est l'ordinaire de la politique.

Ainsi, déjà, les coûteaux sortent pour préparer le nouveau round qui commence. Ce sera sans gants, car le principe de ne rien dire avant les municipales ne tient plus. C'est dans des moments comme celui-ci que l'on peut s'attendre à ce que Lionel Jospin prenne sa plume pour donner des leçons aux autres tout en essayant de nuire à Ségolène Royal. Ce qui est fait.

Jospin lance quelques piques assez pertinentes contre Sarkozy :

En s'attribuant tout l'espace, en court-circuitant ses ministres, en prétendant être la mesure de toute chose, le président a déstabilisé l'exécutif et démobilisé sa majorité parlementaire. Il a aussi désorienté les Français.

[...] Le président a altéré sa fonction en prétendant incarner toutes les autres et, par son comportement insolite, il est devenu le symbole d'une politique confuse. Lui qui se voulait tout-puissant se retrouve affaibli. Le premier ministre, qu'il avait marginalisé, s'est redressé : en agissant normalement, il a bénéficié d'un effet de contraste.

Evidemment, écrire cela aujourd'hui n'est pas franchement un acte de courage politique. Il était possible de faire exactement la même analyse il y huit ou neuf mois. Voici ce que j'écrivais, blogueur débutant, le 23 mai 2007:

Le pouvoir sarkozien sera unifié. C'est-à-dire que les distinctions sur lesquelles sont fondées l'état de droit (mais pas l'Etat de Droite, apparamment) vont progressivement s'éffriter. Et c'est déjà parti : confusion entre le rôle du président et celui du premier ministre, entre les pouvoirs de l'Elysée et ceux du gouvernement et des ministères [...], confusion entre l'Etat et les grandes entreprises [...], confusion entre l'Etat et l'UMP [...], confusion entre le pouvoir et la presse [...], confusion des responsabilités des administrations avec un découpage ministériel inédit, et même confusion entre la droite et la gauche avec un gouvernement d'"ouverture" qui brouille les cartes (et la perception populaire de l'action gouvernmentale) encore plus.

[...]

Mais à cette image-là, il faut ajouter celle d'un bloc de pouvoir qui s'étend à tous les aspects de la vie publique. Sarkozy sera dans tout, et tout se ramenera à Sarkozy.

A ce stade taper sur Sarkozy est donc pour Jospin un exercice obligatoire, une mise en bouche avant d'arriver à son véritable sujet, Celle que l'on ne nomme plus mais qu'il faut à tout prix empêcher de s'emparer du PS:

Parmi leurs dirigeants actuels, les socialistes doivent choisir pour la porter à leur tête une personnalité dotée d'une culture et d'une expérience politiques indiscutables. Qui connaisse le PS et respecte ses militants. Qui ait la volonté de redonner à tous le sens de la réflexion et de l'action collectives pour faire des propositions cohérentes au pays.

La culture et l'expérience politique de Ségolène Royal ne seraient pas, aux yeux de Jospin, "indiscutables". Bon. Nous sommes habitués à ce point de vue.

Curieusement, pour Jospin, la question de la direction du PS est son unique faiblesse :

Le second déséquilibre du PS concerne l'écart entre son potentiel collectif et sa panne de leadership. Les difficultés ne sont ici ni programmatiques ni stratégiques : un programme se mûrit et une stratégie s'affine. Mais il faut pour cela un chef de file reconnu qui mette chacun au travail.

C'est surprenant d'entendre cela, car depuis dix mois les différents refondateurs du PS n'ont eu de cesse de décrier précisément les difficultés "programmatiques" du PS, entre le sarko-socialisme de Manuel Valls, les querelles autour du TCE, les DSKïstes qui veulent rabibocher le socialisme et le marché (alors que c'est déjà fait depuis à peu près l'origine du socialisme) il est difficile de comprendre que le programme soit si "mûr" que cela. L'écart entre les défaites nationales du PS et ses victoires locales s'explique, en partie du moins, par l'extrême difficulté actuelle de formuler un programme national, tandis que l'espace local permet au contraire aux candidats de formuler un socialisme cohérent. Bref, dire aujourd'hui que le PS n'a pas besoin d'une réflexion sur son programme ou sur sa stratégie, c'est sans doute irresponsable, et, sous la plume de Jospin, c'est très certainement stratégique, justement.

Car ce qui se prépare - les signes sont déjà visibles - c'est un grand mouvement chez les ténors du PS contre la réflexion. Cambadélis annonce que son groupe de "reconstructeurs", initialement prévu pour protéger le parti des dégâts d'une compétition Royal-Delanoë, va peut-être accueillir Delanoë aussi, pour devenir en réalité un front anti-Ségolène, défini surtout par des considérations stratégiques. Car on conçoit mal ce qui, sur le plan "programmatique", ce qui pourrait unir strauss-kahniens, fabusiens et montebourgeois.

Même son de cloche du côté de Fabius, d'ailleurs :

"Nous allons devoir préparer un projet différent de celui de notre candidate puisque celui-ci a été rejeté."

Pris à la lettre, il est permis de penser que même la candidate pourrait être d'accord : il n'est pas question de repartir avec exactement le même projet qu'en 2007. Mais la formulation de Fabius, qui met l'accent sur la différence vis-à-vis de Royal, laisse entendre clairement un Tout Sauf Ségolène latent. Ou pas si latent que ça, au fait.

L'ennui avec ces considérations stratégiques à l'intérieur du PS, c'est qu'encore une fois elles risquent d'occulter le débat. Les grandes synthèses molles de l'après TCE que tout le monde mettaient au compte de François Hollande vont, au nom d'un barrage contre Ségolène Royal, se refaire cette fois sans Hollande. Malheureusement, Ségolène Royal est devenue le nouveau prétexte à un immobilisme. Curieusement nous sommes passé des appels à répétition, à peu près vides de sens, en faveur d'une réfondation impossible à décrire, à un satisfecit jospinien, à l'éloge du statut quo et à des alliances tactiques qui permettront à certains de sourire côte-à-côte sur les photos de famille sans pour autant avancer la réflexion.

Marc Vasseur s'inquiétait (mais je ne retrouve pas le billet), avant les municipales, de la perspective d'une victoire qui arrêterait tout processus de rénovation au PS. Nous y sommes.

Update: voir le billet d'intox2007 sur la tribune de Jospin et nos stratèges au PS.

4 novembre 2007

Récrivons la constitution!

Le rapport Balladur est sorti mais je n'ai pas encore mis le nez dedans. Les commentateurs commencent à commenter, et cela commence à être intéressant. J'espère pouvoir suivre tout cela.

Voici ma pensée du moment.

Libé publie un entretien avec Dominique Rousseau, "constitutionaliste", assez stimulant, qui parle beaucoup de la responsabilité socialiste dans la présidentialisation actuelle du régime, rendant à MM. Mitterrand et Jospin leur part de responsabilité, ni l'un ni n'ayant eu le courage d'entamer la nature présidentielle du pouvoir. Avec Mitterrand, on peut comprendre : il est difficile de diminuer son propre pouvoir, alors qu'avec Jospin, inventeur du quinquennat et de l'inversion du calendrier, qui n'était que Premier Ministre, il aurait était logique qu'il dé-présidentialise le système, plutôt que le contraire. Sauf qu'il se voyait déjà président, je suppose...

Bref, Dominique Rousseau reproche à la gauche le fait de n'avoir jamais rien fait pour promouvoir un régime parlementaire. De toute façon, depuis qu'on sort la IVe République à tout bout de champ, le parlementarisme a du plomb dans l'aile en France.

Restons donc dans l'hypothèse d'un régime véritablement présidentiel. Ce n'est pas mon souhait, mais puisque c'est à l'ordre du jour (déterminé par l'Elysée, bien sûr), il faut bien en parler. L'idée étant que, en reconnaissant au président son rôle de chef de gouvernement, on peut renforcer le rôle du parlément en conséquence, pour qu'il y ait un véritable contre-pouvoir institutionnel. C'est bien beau, mais dans les faits, c'est le plus pieux des voeux, puisque l'Assemblée risque d'être en permanence à la botte du président, élu en même temps qu'elle. Même si l'Assemblée actuelle pouvait définir son propre ordre du jour, pourrait-on parler d'un contre-pouvoir? A part l'amendement pour les tests ADN, on ne voit pas l'Assemblée "résister" beaucoup au Très Grand Homme (TGH).

C'est d'ailleurs l'une des remarques de Dominique Rousseau : il est très difficile en France de séparer l'executif de la législature. Surtout vu le comporement des partis politiques.

J'en viens donc à ma proposition. Mettant le pouvoir institutionnel fermement entre les mains du président, on garantit la stabilité des gouvernements. On peut alors rendre l'Assemblée plus volatile sans risque de voir s'éffondrer la République. Il suffit alors de la rendre plus réactive à la volonté du peuple en la faisant rélire plus souvent. Tous les trois ans, par exemple. Ou deux et demi.

Comme ça, au moins, la stabilité institutionnelle n'est pas menacée, mais le président doit prendre en compte la réalité politique d'élections rapprochées où les électeurs pourraient juger son action, avec risque de cohabitation si les choses vont mal.