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1 août 2008

Nouvelle Gauche, quatrième et dernière partie : les mondes imaginaires

Ce billet ne concerne pas seulement la contribution Urgence Sociale de la Nouvelle Gauche, mais je vais partir des deux autres propositions que j'avais retenues l'autre jour pour essayer de penser un peu plus loin l'attitude qu'une nouvelle politique de gauche pourrait avoir avec la mondialisation, la finance, l'Europe et ces autres grandes entités qui nous menacent jusque dans notre libre arbitre. Encore une fois, je ne veux pas "taper" sur la contribution, mais simplement réfléchir aux légèrs désaccords que j'ai avec elle. Vous allez voir, après je vais taper sur absolument tout le monde.

Voici donc les deux autres propositions-questions?

2. Etes-vous favorable à la négociation d'un véritable Traité de l'Europe sociale comprenant des critères de convergence sociaux aussi précis et contraignants que l'étaient les critères financiers du Traité de Maastricht ? Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir pour réfléchir au meilleur moyen de négocier très vite un vrai Traité social ?

3. Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir très vite pour réfléchir au meilleur moyen de donner à l'Europe des ressources propres en créant un impôt européen sur les bénéfices, une éco-taxe et/ou une Taxe Tobin ?

Quoi, contre l'Europe sociale? Contre la taxe Tobin?

Oui et non.

L'Europe sociale serait une bonne chose, mais, comme le "nouveau Bretton-Woods" et comme une "taxe Tobin", ce sont des batailles perdues d'avance. Il n'est pas impossible que cela vaille la peine de mener ces combats, car il n'est pas impossible que cette lutte modifie un peu les discours sociaux et économiques dominants en Europe. Peut-être que le socialisme européen pourrait avoir un peu moins honte d'être socialiste. Qui sait.

La démarche n'est pas pour autant évidente, puisque, d'abord, une bonne partie des pays européens est carrément hostile à tout progrès "social" européen. Ajoutez à ces réticences le fait que les déséquilibres économiques entre les pays rendent la notion même des seuils ou des minima parfaitement inextricable. Ensuite, pour ce qui concerne la guerre des idées et des esprits, les arguments des socialistes français envers les camarades européens seront sapés par le fait que la situation sociale en France est loin d'être assez exemplaire pour l'exporter à l'ensemble du continent.

C'est un peu dur à dire, mais, ici et maintenant, "l'Europe sociale" reste une façon de botter en touche. Même si elle était possible, elle ne pourrait se réaliser que dans vingt ou trente ans. L'injustice sociale a des belles années devant elle. A la rigueur, il semble plus réaliste de se poser d'abord la question, un peu à la Ségolène Royal, de ce qui pourrait être importé en France, genre "modèle danois ou suédois". Mais ce n'est pas là ce que je veux dire aujourd'hui. Enfin, si : le réalisme.

L'autre proposition, le numéro 3 ci-dessus, est en revanche plus intéressant, hormis la "taxe Tobin" qui reste, pour moi, une autre bataille perdue d'avance, pour les mêmes raisons que les "nouveaux Bretton-Woods" et les autres tentatives de refaire le monde, et vraiment la Terre entière, selon les idées de quelques pays. C'est trop tard : des industries entières financières ultra-puissantes existent et sont bâtis sur les subtilités des règles de la finance. Et il faut dire que la contrib ne développe pas beaucoup cette piste, pour se concentrer sur celle, plus plus prometteuse, d'un impôt européen sur les bénéfices. Voilà un domaine où l'intégration européenne pourrait servir à quelque chose, voilà un problème qui nécessite une réponse supra-nationale, voilà une solution qui n'est pas trop ambitieuse.

Si je fais l'éloge du réalisme politique et économique, ce n'est pas pour freiner la politique ou pour être pessimiste ou résigné à subir la seule loi du marché, mais pour éviter les fausses solutions qui, comme l'Europe sociale, bloquent la réflexion, empêchent d'avancer. Il va falloir faire avec certaines réalités qui échappent au contrôle d'un seul État ou même de l'Europe. En faire le préalable à toute action, c'est se condamner à l'inaction.

(Il faut chaud, je vais taper sur tout le monde la prochaine fois plutôt.)

22 juillet 2008

En lisant la Nouvelle Gauche, deuxième partie : la mondialisation

J'en étais où? Je parlais de la contribution Urgence Sociale de la Nouvelle Gauche pour dire tout le bien que je pensais de leur approche de l'idéologie sarkozyënne. Maintenant je vais me permettre d'être légèrement plus critique, et ce essentiellement pour des raisons égoïstes : j'espère, à partir de quelques unes des propositions, arriver à élaborer une petite miette de pensée sur l'attitude d'une gauche devant la mondialisation, surtout une gauche se voulant nouvelle.

Voici les quatre premières propositions dans Urgence sociale (qui se formulent comme des questions qui sont en fait les réponses aux questions de Pierre Larrouturou. Voir par exemple les réponses de Maxime Pisano.)

1. Etes-vous d'accord pour que, à l'issue de son Congrès, le PS organise sans tarder avec l'ensemble des socialistes européens (ceux qui sont au pouvoir et ceux qui n'y sont pas) une grande Conférence internationale pour définir de nouvelles règles du jeu en matière monétaire et financière ?

2. Etes-vous favorable à la négociation d'un véritable Traité de l'Europe sociale comprenant des critères de convergence sociaux aussi précis et contraignants que l'étaient les critères financiers du Traité de Maastricht ? Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir pour réfléchir au meilleur moyen de négocier très vite un vrai Traité social ?

3. Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir très vite pour réfléchir au meilleur moyen de donner à l'Europe des ressources propres en créant un impôt européen sur les bénéfices, une éco-taxe et/ou une Taxe Tobin ?

4. Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir pour réfléchir au meilleur moyen de rééquilibrer les relations entre la Chine et l'Europe ? Etes-vous d'accord pour que soit mis en débat un système de Montants compensatoires qui incite très fortement la Chine à respecter d'ici 5 ans un certain nombre de règles écologiques et l'ensemble des règles sociales du BIT qu'elle a signées avant d'adhérer à l'OMC ?

Il faudra les prendre une par une, mais déjà on voit l'enjeu fondamental : comment le politique peut-il reprendre le dessus sur les intérêts du commerce et de la finance internationaux ? Comment un état comme la France peut-il peser dans cette cour des très grands ?

Ce que je salue dans ses questions-qui-sont-des-réponses-à-des-questions, c'est leur dimension internationale, ce qui peut paraître normal pour une question qui est effectivement d'ordre international, sauf que, un peu trop souvent, on ne traite la question qu'en termes de politique intérieure : "fermons les frontières", "achetez français", "plombier polonais", "TVA anti-délocalisation" ou même encore : "devenons la Chine". Toutes ces réponses, et les crispations qui les accompagnent, ont tendance à ne servir qu'à des besoins de communication politique intérieure et sont finalement autant des manières de nier le fond du problème qui est que les Etats, dans ce monde mondialisé, n'ont plus les mêmes moyens d'agir qu'il y a vingt ou trente ans.

Traiter la question sur le plan qui lui est propre, c'est une excellente idée. Nous nous approchons peu à peu d'une politique qui s'occupe du fond de la question.

La réserve que j'ai à formuler devant de telles propositions (surtout le "nouveau Bretton-Woods", le Traité de l'Europe sociale et le durcissement de la négociation avec la Chine), c'est que le modèle de l'action gouvernmentale change de sphère (supra-nationale plutôt que nationale) mais ne change pas fondamentalement de nature. On cherche à créer une force démocratique et politique qui sera en mesure de donner des ordres au marché, pour reproduire ce qu'un État pouvait faire pour sa propre économie naguère.

Plus j'y pense, plus j'ai l'impression qu'il faudra inventer un nouveau modèle (de gauche) d'action gouvernmentale qui prendra mieux en compte les rapports de force réels. La Chine par exemple ne se laissera pas marcher sur les pieds par l'Europe ; je ne suis pas contre l'idée de durcir le dialogue, mais il est naïf de penser qu'il aboutira à des changements importants, puisque la Chine sait bien que sans elle nos économies s'éffondrent.

Mais bon, il est tard et je n'a même pas commencé de parler de Bretton-Woods. Ce sera donc pour l'épisode suivant de mon feuilleton de l'été.

20 juillet 2008

En lisant "Urgence Sociale" (contribution Nouvelle Gauche). Première partie.

Retour sur la contribution Urgence Sociale de la Nouvelle Gauche (j'en ai parlé un peu il y a quelque temps ici).

Je dois dire, tout d'abord, que cette contribution est un document remarquable pour la synthèse critique qu'il propose des nombreux mensonges idéologiques, économiques et politiques de Nicolas Sarkozy et des siens, mensonges qui réussissent à s'imposer mollement dans les cerveaux disponsibles qui n'ont pas, finalement, d'autre source de réflexion. Et comme souvent nos (ir)responsables du PS n'osent pas s'attaquer à ces contre-vérités, ne voulant pas prendre le risque d'être à contre-courant dans le torrent des idées reçues, et ne s'apercevant pas qu'ainsi ils se noyaient justement dans ce même courant. La tactique est importante, mais à un moment il faut lutter aussi contre une certaine vision des choses. On se rend compte que la moitié de la bataille en politique, et la partie qui constitue sa véritable dimension stratégique, ce n'est pas tant le développement d'un programme idéal, que la lutte autour d'une certaine définition de la réalité. La stratégie, c'est définir les problèmes ; la tactique c'est tenter de les résoudre. Dans cette lutte, notre Très Grand Homme (TGH) a été particulièrement malin. Le problème, en France, c'est qu'on ne travaille pas assez. Imposer "son" problème, c'était déterminer la topographie de la bataille à venir.

En somme, il s'agit de cette idée fausse qui était si précieuse à Nicolas Sarkozy pendant sa campagne, selon laquelle la France avait tout faux, était ancrée dans son passé crypto-stalinien, tandis que nos voisins et nos concurrents sont tellement modernes et sûrement décomplexés. Etaient visés : le droit du travail, L'État providence, et les Trente-Cinq Heures, bouc-émissaire et symbole de la fainéantise sponsorisé par L'État. La contribution de la Nouvelle Gauche cherche à tordre le cou à cet argument sur "ce qui ne va pas", et c'est déjà rendre un grand service. Evidemment, on n'a pas attendu cette contribution pour le faire, mais c'est quand même bien fait.

"Les Français travaillent moins que leurs voisins" affirment François Fillon et Nicolas Sarkozy. C'est FAUX. La durée moyenne du travail (tous emplois confondus25) est de 29,9 heures aux Pays-Bas et 31,9 heures en Grande-Bretagne, contre 36,1 heures en France.

Et même aux Etats-Unis, on arrive à seulement 33,7 heures de travail. Bravo, donc, pour le diagnostic, pour l'analyse critique.

(Il y a aussi une critique intéressante de l'application des 35 heures françaises, surtout la Deuxième Loi : absence de contrepartie en termes d'emploi, possibilité de compter les pauses ou les douches comme des heures de RTT... tout pour montrer que les 35 heures sont loin d'être l'hécatombe que l'on prétend.

Dans Urgence Sociale, on lit (et c'est en gras, c'est donc important) :

C'est le chômage de masse qui provoque la baisse des salaires dans le PIB. C'est le chômage qui plombe le financement des retraites et de la Sécu. C'est le chômage et la précarité qui pourrissent la vie quotidienne de millions de nos concitoyens (en particulier dans les "quartiers difficiles"). Lutter radicalement contre le chômage et la précarité doit être, pour les Socialistes, une priorité absolue.

C'est le bon sens, c'était même à peu près ce qu'on disait depuis longtemps, avant l'arrivée de notre Human Bomb idéologique, qui a réussi à remettre l'accent sur la fainéantise et le pouvoir d'achat (eh oui!). Recadrer ainsi les choses ne devrait rien avoir de révolutionnaire, et pourtant...

Je dois dire, ensuite, que si je m'attarde ici sur des éléments sur lesquels je ne suis pas d'accord, ce n'est pas pour dénigrer l'effort dans son ensemble, ni vraiment pour me placer contre, d'autant plus que l'ami Marc Vasseur l'a signé, ce qui n'est pas rien. A la rigueur, j'aurais envie de le mettre en valeur en engageant, modèstement, un petit dialogue.

Sur le diagnostic, donc, je suis globalement d'accord et globalement impressionné. Il ne manque, à mon avis, mais ce n'est pas là le rôle d'une contribution, un langage qui permettrait de mieux vendre ces idées critiques. Malgré les mots en gras, il manque peut-être les phrases chocs qui pourraient emporter le morceau, qui pourraient lancer la contre-mythologie qui nous fait défaut.

Voilà donc pour les applaudissements. La discussion sera pour le billet suivant.