15 février 2009

The Iceland Effect

Vous vous souvenez : c'était en octobre dernier. L'Islande était menacée de faillite nationale par ses deux grandes banques, sa monnaie était en chute libre. Le pays a demandé un emprunt à la Russie pour éviter la catastrophe. Je n'ai rien contre la pays qui nous a donné Björk, mais j'avoue qu'au moment l'histoire m'avait fait sourire. En essayant de sauver ses banques de leurs dettes, c'est le pays tout entier qui se retrouve menacé.

C'est le problème des petits pays :

La taille du pays, seulement 300000 habitants, limite les solutions. "Ce que nous avons appris (...) est qu'il n'est pas sage pour un petit pays d'essayer de jouer un rôle de leader dans le domaine de la banque internationale" a déclaré le Premier ministre Geir Haarde. (JDD)

Tiens donc.

Cela me rappelle une fable, mais je n'arrive pas à retrouver laquelle. Ce n'est pas Le boeuf et la grenouille ; je vois vaguement un animal qui essaie d'en manger un autre qui s'avère trop grand pour lui, avec des conséquences désastreuses. Ça vous dit quelque chose ?

L'Islande était trop petite pour avaler sa part de la bulle financière internationale. Dur d'être un petit pays avec des grosses banques, n'est-ce pas ?

Sauf que... sauf que... il devient de plus en plus évident que nous sommes tous des Islandais. Choquant, non ? J'explique.

Depuis le début de ce qui était alors la "crise des subprimes", il ne passe guère une semaine sans qu'on se rende compte que la surextension du monde de la finance était pire, encore pire, que ce qu'on imaginait. Et si vous lisez un peu la presse étrangère, cette impression est multipliée par dix. La France reste dans une bulle d'une autre sorte, une bulle de protection psychologique qui empêche de voir la profondeur du trou. Cette fois-ci, c'est Dagrouik qui m'a montré ce billet (en anglais) où est raconté une réunion avec des hommes d'affaires autrichiens persuadés que leur pays allait devoir demander l'aide de l'Allemagne pour éviter la faillite.

the German part of the contingent was amused at the Austrians' confidence that Germany would rush to their aid

Le billet en question cite ce papier du Telegraph qui cite à son tour un memo européen censé être confidentiel et qui souligne le danger de faillite qui menace les plus faibles États européens. Pas seulement l'Islande.

Pire encore :

The IMF says European and British banks have 75 % as much exposure to US toxic debt as American banks themselves, yet they have been much slower to take their punishment. Write-downs have been $738bn in the US: just $294bn in Europe.

En Europe, le pire, donc, est encore plus loin, encore à venir. Qu'est-ce qui nous dit que même les grands pays sont assez solides, assez riches pour absorber toute cette dette toxique ?

J'essaie de résumer : la grande bulle des dernières années peut être vue comme une multiplication démesurée des valeurs en circulation dans le monde, à travers une sorte de pyramide d'endettement (les métaphores pyramidales reviennent sans cesse en ce moment). Tant que tout va bien, les dettes s'équilibrent entre elles et l'expansion peut continuer. Mais à partir de la première inquiétude, la mécanique s'enraye ; chacun commence à chercher à récupérer ce qu'on lui doit. Il faudrait alors que tout l'argent fictif deviennent réel, ce qui est impossible. Alors c'est l'effondrement : l'argent fictif disparaît, les dettes remontent de créditeur en créditeur.

Nous sommes aujourd'hui dans l'effondrement. La question essentielle est celle de sa vitesse. Si demain il fallait que toutes les dettes soient remboursées, ce serait l'effondrement total et immédiat. Seule la possibilité de différer dans le temps cet effondrement permettra d'échapper aux conséquences les plus graves. C'est pour ça qu'il ne faut pas faire des billets de blog pessimistes : ça accelère le processus.

En nationalisant leurs banques, les islandais n'avait pas le choix. Tout était déjà joué. L'Islande s'endette pour gagner du temps. C'est ce que le reste du monde est en train de faire, plus lentement.

Hier je me demandais si Sarkozy avait vraiment une idée de comment organiser la sortie de la crise, outre les gesticulations et manoeuvres habituelles ("c'est pour ça qu'il faut aller plus vite dans les réformes"...[rires]). Son plan de relance est timide, n'est pas à la hauteur de la situation. On dit le plus souvent qu'il ne faut pas trop s'endetter, que la France est déjà bien suffisamment endettée. Malheureusement, il va falloir s'endetter beaucoup plus, car seule la dette publique peut effectivement différer dans le temps l'effondrement. La timidité n'aura d'effet que d'acceler l'effondrement.

Vous avez toujours rêvé d'habiter une île dans l'Atlantique du Nord ? Mettez vos bottes et vos gants, car il va faire froid.

2 commentaires:

Le_M_Poireau a dit…

Y'a un truc qui me chagrine dans ce système que tu expliques très bien. Prenons le cas de l'affaire Madoff. Tout un tas de personnes, se fiant à la qualité du plumage de l'animal s'est laissé berner et lui a confié ses économies.
A la fin, on découvre que ce n'était qu'une pyramide de mensonges et que d'argent, il n'y en a plus.
Pourquoi dans ce cas là ne pas considérer que l'argent est simplement perdu, qu'il s'agit d'une escroquerie et que ce n'est pas à l'Etat (qui n'est pas assureur en chef) de rembourser les naïfs ?
Par extension, on peut considérer me semble-t-il que les actionnaires floués l'ont été de la même manière, se laissant bercer de douces illusions sur une rentabilité éternelle à au moins deux chiffres et retombant violemment sur le cul en découvrant la réalité.
Même question : pourquoi est-ce à l'Etat d'intervenir comme rembourseur de tout cela ?
:-))

omelette16oeufs a dit…

Si l'Etat doit intervenir, c'est simplement parce que personne d'autre ne peut le faire. Ceux qui ont perdu leurs sous chez Madoff devaient cet argent à d'autres, qui, eux, avaient leurs propres dettes et ainsi de suite. C'est l'effondrement à la chaîne qui devient dangereux pour toute l'économie, avec des conséquences énormes.

Nous allons en être les victimes, de toute façon, et quelque part il est déjà écrit que nous allons payer. C'est déjà fait, il est déjà trop tard. Mais comment limiter les dégâts, justement pour ne pas avoir à payer autant, arrêter la boule de neige avant d'être soi-même dedans.

Donc, nous ne méritons pas d'avoir à payer tout cela, mais c'est trop tard. C'était trop tard il y a 5 ans déjà.