Depuis que je ne fais plus de billets, il y a des sujets qui me filent entre les doigts. Je n'ai même pas remercié Éric Besson d'avoir poussé les paradoxes du sarkozysme jusqu'à la veste électorale. Mais remontons encore plus loin.
Voici un bout de billet qui date de mars 2008 :
Sarkozy ne pourra pas garder longtemps ses électeurs Front National. Les manoeuvres de campagne qui ont permis à Sarkozy de s'emparer d'une grosse part du vote Front National à l'élection présidentielle avaient en fait deux ressorts : d'une part la xénophobie impénitente désormais symbolisée par l'ignoble Brice Hortefeux, et d'autre part la rhétorique de rupture, plus rien ne sera comme avant, "tout devient possible" (y compris le pire...). C'était essentiel d'avoir ces deux éléments, car le Front National n'est pas seulement un parti raciste, xénophobe et antisémite, mais c'est un parti dont l'un des principaux attraits (pour ses électeurs) est justement son côté contestataire. Pendant des décennies, Jean-Marie Le Pen a su tirer profit de sa diabolisation pour se rendre désirable pour cette frange de la population. Ainsi, pour prendre les voix qui auraient dû aller à Jean-Marie Le Pen, il fallait être xénophobe et promettre la "rupture".
Ensuite, Sarkozy devient président, incarne le pouvoir de l'Etat, et épuise largement son crédit personnel. Quelques gestes xénophobes, fût-ce à Toulon, ou même de Villiers au gouvernement, ne suffiront plus à ramener ces électeurs qui exigent avant tout un programme politique destructeur et vengeur. Et je parierais que pour certains de ces électeurs, la xénophobie n'est que le prétexte pour l'expression d'une haine plus générale et diffuse, une violence envers la société qui ne peut que se focaliser sur l'exercice ostentatoire du pouvoir sarkozyën.
Tout cela paraît encore plus évident aujourd'hui. Le « débat » sur « l'identité nationale », n'étant qu'un « débat » et non pas des propositions réelles, avait pour but (je continue avec les évidences) de brasser de l'air raciste et xénophobe, pour maintenir la perception d'être raciste et xénophobe sans pour autant aller jusqu'à réaliser les rêves impossibles des nostalgiques d'une France coloniale et blanche. Car, et là c'est quelque chose que j'ai dit et redit, même la politique détestable des expulsions, pourtant bien réelle pour ses victimes, n'est pour Sarkozy, Hortefeux et Besson, que du symbolisme : expulser quelques milliers de pauvres migrants pour faire semblant d'expulser toute cette population « issue de l'immigration », mais plutôt « issue du colonialisme ». Bien sûr cette population-là est inexpulsable, elle est même française depuis maintenant plusieurs générations. Pas facile d'assouvir sa xénophobie dans ces conditions...
Pourtant, la stratégie électorale de l'UMP ne peut pas faire l'impasse sur cette frange de l'électorat. Les purs et durs resteront au Front National. Soit. En revanche l'UMP doit récupérer les électeurs « petits-blancs », incarner un racisme populaire, un peu « light » par comparaison avec l'Original (ou sa fille), mais toujours aussi fixé sur la défense d'une vision périmée d'une France chrétienne et d'une intolérance paranoïaque devant un monde qui change.
Tout le bruit autour de la burqa permet finalement de faire ce à quoi Besson avait échoué : un « Grand Débat National » où l'UMP a le rôle du défenseur des clochers, de l'ordre public et du combat contre les gens différents, au nom précisément des valeurs « de gauche » (République, laïcité, défense de la femme). Du bruit, du bruit et du bruit, avec en prime des divisions et des hésitations à gauche.
Préparons-nous à un très long débat, car celui-ci doit continuer jusqu'en 2012. Il ne reste plus grand'chose du sarkozysme : le Très Grand Homme (TGH) n'a que cette aura de pourfendeur de l'Islam pour espérer un succès populaire. Ils ne sont pas près de la lâcher.