31 janvier 2012

Pauvre Sarkozy



A la liste des raisons que j'ai d'être heureux de ne pas être Nicolas
Sarkozy, quelques nouvelles viennent s'ajouter.

Une crise économique n'est jamais bon pour un président sortant, et
c'est donc déjà une bonne raison de ne pas vouloir se trouver à sa
place. Pire encore, cette crise vient contredire toutes les certitudes
du jeune Très Grand Homme (TGH) de 2007, si confiant en sa capacité
de bouleverser toutes ces vieilles habitudes qui pesaient sur la
France, si sûr qu'il suffisait de libérer la croissance pour que le
pognon coule de partout, pour l'ouvrier comme pour le
capitaliste. Dommage, en somme, que cette crise ait non seulement
effacé absolument tout ce qui aurait pu servir de bilan, mais même
fait craquer l'idéologie du bonhomme. Taxe Tobin ? Ah bon ?

Tout cela, encore, n'est pas forcément fatal. Les téléspectateurs ont
la mémoire courte et confuse, la communication peut faire des
merveilles, Sarkozy est malin. D'ailleurs, ces vérités font qu'il peut
très bien nous surprendre encore d'ici peu, je ne serais même pas très
surpris.

Ce qui est dommage pour notre TGH, c'est que les choses (et pas
seulement la crise) font qu'il doit encore se plier en quatre pour
se montrer présidentiel, alors qu'il est, malgré tout, déjà
président. Je me souviens, quand Chirac était élu en 1995, d'avoir
pensé, avec d'autres, que Mitterrand avait ses défauts, mais que
Chirac aurait toujours l'air léger à côté de lui. Douze ans de Chirac
plus tard, on pense la même chose, mais à propos de son jeune
successeur. Le gravitas de Sarkozy ne passe pas à la télé, il n'y
peut rien. Le pauvre.

Depuis combien de temps parle-t-on de sa "représidentialisation" ?
C'est encore un work in progress, paraît-il, car il va tout miser
sur justement l'image d'homme d'Etat, fort, décidé, dans l'abnégation
et le sacrifice :

« Le bras ne doit pas trembler à quelques semaines de l'échéance
présidentielle », a-t-il plaidé, se posant une fois encore en «
président courage ». (source)

Cela fait partie des nouvelles raisons de se congratuler de ne pas
être Nicolas Sarkozy.

Le rôle du rempart fait partie, pourtant, de son répertoire. Je
continue de penser que, dans le scénario prévu il y a deux ou trois
ans, Sarkozy, Guéant et Hortefeux devaient souffler sur les braises
suffisamment, à propos de la prière de rue, de la burqa, des minarets
ou d'autres broutilles gardées sous le coude justement pour le
printemps 2012, pour que l'élection présidentielle se transforme en
grand référendum sur l'Identité Nationale, l'incompatibilité de la
France avec l'Islam et la suprématie de la race blanche. (Enfin, pour
celle-ci, ils ne l'auraient pas présentée tout à fait en ces termes.)
Et là, Sarkozy-le-rempart se serait présenté en défenseur de nos
valeurs Républico-Chrétiennes et aurait noyé son opposant dans
d'infinies surenchères rhétoriques.

C'était en tout cas une stratégie comme une autre pour arriver au
second tour.

Aujourd'hui, j'ai plutôt l'impression que Sarkozy ne peut plus
s'aventurer sur ce terrain, au risque de paraître inconséquent,
dangereux, en dessous de cette image de Grand Homme d'Etat, voire
Très Grand Homme d'Etat, qu'il doit désormais adopter. Mais pour
jouer le rôle de ce rempart-là, il aurait fallu s'y coller dès mai
2007…


PS: (je veux dire "Post-Scriptum") – La bonne blague dans le papier
cité plus haut, c'est ici :

Nicolas Sarkozy en a profité pour tacler François Hollande, qui s'est
engagé à abroger la TVA sociale s'il est élu, qualifiant
l'augmentation de la TVA de 1,6 point d'« inopportune, injuste,
infondée et improvisée ». « On ne va pas se laisser donner des leçons
par ceux qui ne proposent que des impôts », a fustigé le chef de
l'État […]

Bon, la TVA est une taxe, pas un impôt, mais j'éviterais, si
j'étais Nicolas Sarkozy, de fonder ma campagne sur cette distinction.