19 avril 2008

Les fameuses questions

Martin P. pose des vraies questions sur la forme de la démarche de Ségolène Royal. Comme il le dit, la forme est important :

Disons tout de suite qu'interpeller le PS sur son fonctionnement est au moins aussi légitime que sur ses idées [...].

La forme peut, selon les circonstances, faire partie du fond, et ce n'est pas moi qui m'opposerais à des discussions sur la forme, de la démarche de Royal, ou du fonctionnement du PS, voire de la démocratie interne du PS qui garde, à mes yeux de simple sympathisant, une allure un peu féodal. Et j'irais même jusqu'à rajouter à la discussion de la forme et le fond, celle de la force et de ses rapports. Mais avant d'en venir là, à ce qui est sans doute la question essentielle, je me suis dit qu'il faudrait aussi regarder ces fameuses questions qui ont fait couler tant de pixels. Et pour montrer ma bonne foi et le côté raisonnable de ma ségolâtrie, je vais être le plus dur possible avec elles. "Elles", au pluriel.

1. Il faut sortir du fossé entre un discours pseudo révolutionnaire dans l'opposition et un conformisme économique au pouvoir : de quelle façon ?

2. Le socialisme ne peut pas se contenter d'aménager le capitalisme financier à la marge : comment produire et répartir autrement la richesse ?

Regroupons ces deux questions qui couvrent à peu près le même terrain. Reproche : c'est vague. Reproche au reproche : c'est vague parce que ce sont des vraies questions, des questions que l'on pose quand on veut savoir la réponse. Pourtant, elles dessinent en même temps une critique très directe du jospinisme ("conformisme économique au pouvoir") et une certaine ligne politique : répartition de la richesse, résistance à la loi du marché. Evidémment, les questions ne disent pas comment y arriver : ce sont des questions.

3. Que reprendre des modèles progressistes des autres pays et que rejeter ?

Une question qui ne sert à rien parce qu'elle n'est pas politique. C'est un axe de réflexion - allons voir les voisins - mais qui n'implique aucune orientation particulière.

4. Il faut pousser l'agilité des entreprises, le goût du risque et l'esprit d'entreprendre, tout en améliorant la situation des salariés et leurs sécurités sociales. Avec quel compromis ?

J'ajouterais simplement que le PS devrait réfléchir à répondre aux besoins des artisans qui, non salariés, vivent souvent dans une grande précarité. Le fait de demander "quel compromis?" est significatif : la réponse de la droite sera toujours que "l'agilité des entreprises" aboutira directement au bonheur des salariés, tant il y aura des thunes pour tout le monde. Le compromis sur ce point est bien une valeur de gauche.

5. Il faut rééquilibrer le rapport de force entre le travail et le capital par une meilleure répartition du profit. Quels contre-pouvoirs dans l'entreprise ?

Je trouve cette question trop vague, mais je sais qu'elle ne peut que plaire à Dagrouik, pour qui l'organisation de l'entreprise est un point clé. Quant à moi, je ne trouve pas que ce soit évident que la répartition du profit se passe à l'intérieur de l'entreprise. Peut-être, je ne suis pas contre, mais c'est loin d'être une évidence. Et quid des entreprises étrangères, mondialisées ? Je ne suis pas un expert, mais j'ai plutôt l'impression que les contraintes de ce genre doivent d'abord peser sur l'entreprise de l'extérieur.

6. Comment rompre avec la redistribution passive et bureaucratique comme principal moyen de s'attaquer aux injustices sociales ?

La question 6 renvoie sans doute à la précédente. Le caractère "bureaucratique" de la redistribution est-il vraiment un problème ? La passivité ? Est-ce un problème si c'est efficace ? J'ai l'impression qu'ici la vraie cible est un système de redistribution très étatique et centralisé.

7. Comment améliorer le projet européen pour ne pas oublier les intérêts des peuples et des pays ?

Les pays et les peuples, ou comment concilier l'Europe et le nationalisme. Ce n'est pas, pour moi, la bonne approche de la critique de l'Europe, et j'ai peur que cela dissimule une arrière pensée sur l'Identité Nationale. Donc pour la 7, pas d'accord du tout.

8. Les peuples du Nord doivent être protégés de la concurrence internationale sans que les peuples du Sud ne soient victimes du protectionnisme. Avec quelles nouvelles règles ?

Pas d'avis.

9. Les Etats et le marché doivent assurer la sauvegarde écologique de la planète : quel nouveau modèle de développement ?

Suis d'accord, même si la question dépasse celle du "modèle de développement". A mon avis. Humble avis.

10. Le Parti socialiste doit intégrer toutes les nouvelles formes de militantisme et d'engagement citoyen, ainsi que les réussites du travail des élus locaux. Il doit aussi décider efficacement, avec le sens de la discipline collective. Quelles nouvelles règles communes pour y parvenir sereinement ?

Et la question de toutes les questions, celle qui nous intéresse vraiment. (Je plaisante. J'ai même presque honte de faire encore un billet sur le PS tandis que la droite est en train de démanteler à coup de hache les protections sociales.)

La "discipline collective" rappelle le TCE et la campagne de 2007. Le fond la question est plutôt intéressante : l'ouverture du PS à d'autres formes d'engagement. Oui, ça me paraît même urgent.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu balaies les questions aussi vite qu'un type qui aurait envie de dire: rien à foutre de ces conneries!

"Pire racaille", n'est-ce peut-être plus utile d'aller sur le site en question et engager la discussion ?

omelette16oeufs a dit…

anonyme,

Tu balaies mon billet sans prendre le temps de le lire.

Anonyme a dit…

En fait ce n'est pas tellement l'intitulé des questions qui me pose problème. On peut les critiquer en disant qu'elles sont un peu orientées mais ce n'est pas vraiment là que ça m'interpelle

dès lors qu'on est militant socialiste, on se pose a priori des questions qui touchent aux mêmes thèmes. réfléchir à ces thèmes est donc un présupposé.

le vrai sujet c'est comment on élabore sa pensée, pour ensuite dire quelque chose sur chaque thème. contrairement à ce qui est généralement dit, le problème n'est pas tellement le contournement du PS, mais plutôt l'évitement de la confrontation.

ne jamais se frotter à la contradiction est la meilleure manière d'avoir une pensée faible et sans ressort.