29 septembre 2008

Encore lui ? Le jospinisme et ses contextes

Oui, j'avais promis que c'était fini, les billets sur le jospinisme, et pourtant me revoilà. Tout d'abord pour dire du bien de Jospin. Du Jospin de 1997. Je suis tombé, un peu par hasard, sur cette étude extrêmement savante, en anglais, même, sur les années Jospin. Je n'ai pas tellement compris toutes les théorisations sur les différentes formes de coalition, car j'ignorais l'existence même de ce type de théorie. En tout cas, c'est une plongée intéressante dans l'ambiance de ces années de la Gauche Plurielle. Les auteurs de l'article n'arrêtent pas de dire combien c'était difficile de maintenir cette coalition, comment la plupart des commentateurs de l'époque pensaient que le gouvernement Jospin ne durerait qu'un an ou deux, comment il a fallu être malin pour équilibrer les choses entre les Verts et les Communistes, etc.

En fait, si je suis tombé sur cet article en anglais, c'est que j'étais en train de m'amuser du fait que mes billets sur le jospinisme avaient réussi à s'imposer en première position sur la recherche Google "jospinisme". Comme quoi il n'y a pas beaucoup de choses d'écrit sur ce qui n'est pas vraiment tout à fait une pensée politique, mais plutôt une réaction sage, intelligente, habile à une situation complexe dont la donnée essentielle, avant de parler de ce que sont devenus par la suite les Verts et le PCF, qui était la cohabitation. Si la Gauche Plurielle allait gouverner sérieusement, il ne fallait pas trop laisser prise à la critique de la droite. De plus les Verts et les Communistes jouaient bien leur rôle de caution gauchiste.

Aujourd'hui, la situation est tellement différente qu'il semble dangereux de supposer que les mêmes recettes qu'en 1997 pourraient servir à nouveau. Les cautions gauchistes se sont évanouies et le PS doit fournir sa propre aile gauche, à moins que ce rôle ne revienne à Olivier Besancenot. La droite s'est durcie. Les gestes dans le sens de l'"ouverture" ne pourront plus avoir la même signification que l'entente entre Jospin et Chirac qui était certes difficile mais pas destructive. Les appels à la "responsabilisation" du PS que lance Manuel Valls de temps à autre, et que Michel Rocard a étrangement repris tout récemment, n'ont plus aucun dans le contexte actuel.

Mais peut-être la différence la moins visible entre 2008 - ou 2012 - et 1997 mais la plus significative, c'est le temps écoulé depuis 1983 et le célèbre changement de cap mitterrandien. Quand Lionel Jospin est devenu Premier Ministre en 1997, cela faisait juste deux ans depuis la fin du second mandat de François Mitterrand. Bien sûr, on peut s'interroger sur la nature profondément socialiste de ce mandat, il est clair toutefois que la référence socialiste était encore présent dans les esprits en 1997. En 2012, cela fera dix ans que la France n'aura connu ni président ni gouvernement de gauche. Cela fera quinze ans depuis l'invention de la Gauche Plurielle qui était déjà le prolongement très équilibré et consensuel (avec droit d'inventaire) d'un mitterrandisme dont l'élan était, dit-on, déjà brisé en 1983. (Marc Vasseur cite un article qui me semble tout à fait pertinent à ce sujet.) On en arrive à un écart de 3929 ans... 1983-2012. C'est beaucoup. C'est long. Trop long pour pouvoir espérer que ce qui marchait alors marchera encore demain.

On m'objectera : "mais depuis 1983, presque rien a changé". C'est vrai. Seulement la fin de la guerre froide, la mondialisation, la montée de la Chine, l'arrivée d'une économie de l'information, le début de la fin du pétrole, l'hyperconsumérisme, le langage SMS... j'en oublie mais on voit quand même que rien n'a changé.

Edit: Nicolas J. me signale une énorme erreur de calcul, désormais corrigée, qui indiquerait que le jospinisme a de beaux jours devant lui si c'est moi qui dois tenir les comptes chez ses opposants.

5 commentaires:

Nicolas Jégou a dit…

"On en arrive à un écart de 39 ans... 1983-2012".

Dans ton précédent billet, je te signalais une faute d'orthographe. Une erreur de calcul maintenant... Voilà bien le comportement des opposants à Jospin...

o16o a dit…

Comme quoi j'ai besoin d'aide...

Le_M_Poireau a dit…

Passionnant cet article, ça ouvre la réflexion !

La droite s'est déplacée vers la droite, ça a obligé le centre à se scinder, les plus droitiers partant au gouvernement et les centres mous essayant d'être autonomes.
Du coup, le PS s'est déplacé vers le centre, s'est coupé de sa gauche (et des verts) et se retrouve le cul entre deux chaises !
Non ?
:-))

[C'est de la tectonique politique ma parole !!!]

Anonyme a dit…

vive jospin!

jospin est aussi celui qui a réformé le PS pour permettre une élection distincte du 1er secretaire et ainsi eviter les magouilles à ce sujet

comme quoi, même sur la démocratie interne il n'a pas de leçons à recevoir

o16o a dit…

Monsieur P.,

Merci d'abord. Ensuite, sur le cul entre deux chaises, oui. Mais c'est le propre du jospinisme que d'être entre ce qui est (ou était) socialiste et ce qui ne l'est pas. On ne peut pas dire que c'est un accident. Le problème maintenant c'est qu'il est difficile de faire marche arrière pour retrouver la chaise de gauche, et la chaise de droite n'est pas assez large pour le cul du PS... si je puis ainsi prolonger la métaphore.


Martin P.,

Depuis le temps que je t'attendais pour défendre le jospinisme !

Sur la démocratie interne, disons que Jospin a un peu le rôle de Gorbatchev et le perestroika : il a ouvert la boîte de pandore mais lui et les siens en ont vite perdu le contrôle. Remarque, la métaphore russe n'est pas terrible non plus. Ca donne le rôle de Eltsine à Ségolène Royal, et celui de Poutine au vainqueur du congrès de Reims...