Fi... Monsieur Poireau écrit, à propos des voeux de notre Très Grand Homme (TGH) :
Et moi, dès qu'un homme politique se met à me parler de civilisation, je l'avoue, je suis très inquiet. Pas vous ?
Oui, Monsieur Poireau, moi aussi je suis très inquiet.
Surtout quand l'homme politique en question est Nicolas Sarkozy, celui qui croit qu'il y a un « trop grand nombre de musulmans présents en Europe » (le lien va vers le désormais célèbre billet de Jean Quatremer) , et qui s'attend à un "choc des civilisations" entre les musulmans et l'occident.
Surtout quand le TGH en question vient d'aller à Rome chanter la "profondeur de l'inscription du christianisme dans notre histoire et dans notre culture", et les "racines chrétiennes de la France", ces mêmes "racines" qui ont servi traditionnellement à justifier le refus de l'adhésion de la Turquie à l'UE.
Dans les Voeux, "la politique de civilisation" a l'air tout gentil, surtout quand on écoute les phrases déclamées en hâte et en directe-live à des téléspectateurs déjà à leur deuxième ou troisième bouteille de champ'. Car la civilisation, c'est, en vrac: la ville, l'école, l'intégration, la diversité, la justice, les droits de l'homme, l'environement. En gros, que des choses bien, tellement "bien", d'ailleurs, qu'on comprend mal en quoi ce nouveau souci pourrait constituer une politique. Sauf que, comme souvent, sous la surface, il y a une pensée beaucoup moins gentille et curieusement beaucoup plus théorique. Dans ses voeux, Sarkozy disait:
Avec 2008, une deuxième étape s'ouvre : celle d'une politique qui touche davantage encore à l'essentiel, à notre façon d'être dans la société et dans le monde, à notre culture, à notre identité, à nos valeurs, à notre rapport aux autres, c'est-à-dire au fond à tout ce qui fait une civilisation. (C'est moi qui souligne, o16o.)
Il veut redéfinir notre tissu social, et plutôt que de faire dans la "gestion" ("depuis trop longtemps la politique se réduit à la gestion restant à l'écart des causes réelles de nos maux qui sont souvent plus profondes"), où il faut lire : l'économie, pas si important que ça, apparamment, un truc pour des pinailleurs, nous allons faire dans les valeurs et l'identité. Identité, forcément Nationale. Mais la pièce manquante dans ce discours, c'est justement le discours de Rome. Prenez par exemple ce beau morceau :
La laïcité n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n'aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu'une nation qui ignore l'héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d'histoire, de patrimoine, d'art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c'est perdre la signification, c'est affaiblir le ciment de l'identité nationale, c'est dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire.
Notre ciment social version Sarkozy sera donc le christianisme, voire le catholicisime. C'est lui qui fournira les "symboles de mémoire" dont nous avons "tant besoin", et ce même pour des Français qui n'ont pas participé à cette "mémoire" chrétienne, qui n'ont rien à voir avec elle, qui ne s'y reconnaissent pas. Le peuple réclame des symboles, donnons leurs des crucifix et des saints (ou peut-être des seins...). L'identité Nationale est chrétienne. Voilà tout. Voilà pourquoi il fallait amener Bigard voir le pape. Voilà pourquoi la Turquie ne saurait faire partie de l'Union européenne. Voilà pourquoi il y trop de musulmans en Europe.
Voilà pourquoi... la politique de la civilisation dissimule (mal) le fantasme d'une politique identitaire, où l'on veut "civiliser" le monde un peu comme la France a voulu "civiliser" les sauvages de ses colonies.
Je ne pense pas que Sarkozy soit quelqu'un de très pieux. Il a, après tout, Bigard dans le rôle du croyant de service. C'est dire. Sarkozy est quelqu'un (il me semble en tout cas) qui pense par des oppositions entre groupes. Nous contre eux. Nous, les méritants, les bosseurs, etc., contre eux les fainéants, les musulmans, les noirs, les chômeurs. Etc. La religion, le catholicisme est pour lui une manière d'affirmer un nous, des gens "bien", qui servira de bouclier moral dans le choc contre les autres. Dans mes plus intimes convictions, je suis athée, mais suis plutôt un agnostique pratiquant (voir la discussion de tout cela chez Nea, en plusieurs salves). Ce que déteste par dessus tout dans la religion ordinaire, c'est quand elle sert à signifier une supériorité en affichant l'appartenance à un groupe. Et pourtant, on dirait qu'il n'y a que cela qui intéresse notre Très Grand Chanoine dans le christianisme.
8 commentaires:
il est évident que dans son esprit chrétien = catholique. cette politique de civilisation comprendra certainement un volet assimilation forcée, au mépris de toute velléité d'intégration...
"Je ne pense pas que Sarkozy soit quelqu'un de très pieux."
Tu as bien mis le doigt dessus: son truc à NS, c'est de se faire admettre par ce qu'il considère comme les bandes de dominants.
Ça relève plus de l'éthologie que de la philosophie politique. Et ses discours de Dakar, de Latran, de voeux, tiennent davantage des grognements rituels que de l'expression d'une idéologie profonde (c'est valable pour Guaino).
A se voir continuellement ramené par ces gens-là à ses prétendues racines chrétiennes, on finit par se sentir comme un Lord Greystoke qu'on bassinerait sans arrêt avec ses racines simiennes.
En fait, cela va avec la remise en cause de mai 1968 et de toutes " les tares " dont affûble cette période NS.
D'autre ne se gêne pas ( Copé je crois ?) pour indiquer que tout cela est la faute au front populaire.
Dans un journal local, celui du conseil général du loiret, j'ai même lu que l'on ne devait pas l'école libre et gratuite à Jules Ferry, mais bien à l'église...
Voilà des mois que NS, Guaino, Guéant et les tenants de cette politique réécrivent l'histoire selon leurs besoins.
Leurs besoins, c'est une boulimie de pouvoir absolu, les puissants contre la valetaille, et à leurs yeux nous ne somme que cela.
Le discours sarko-gallo-guainiste, c'est une machine à effacer le temps:
- effacer la honte de 2005, qui a vu une majorité de Français, bernés par une coalition rouge-brun, mettre la France au ban de l'Europe en votant Non au référendum sur le TCE
- effacer l'indignité des années 1981-2005, qui ont permis à la gauche et à ses complices d'installer méthodiquement la misère morale et économique dans le pays
- effacer la perversion de mai 68, qui est à l'origine de la décadence des mœurs, du relativisme culturel et de la faiblesse intellectuelle contemporains
- effacer la trahison de 1962, qui a faussement rendu responsable de toute la misère du monde sous-développé une France pacificatrice, civilisatrice et animée des meilleures intentions
- effacer la compromission de 1945, qui a laissé un programme social d'inspiration collectiviste instiller dans les esprits l'utopie d'un assistanat généralisé contraire à l'équité et au simple bon sens économique
- effacer le délire de 1936, qui a attaqué la valeur travail dans ce qu'elle a de plus noble en opposant haineusement les salariés aux véritables créateurs de richesses que sont les entrepreneurs
- effacer le fanatisme de 1905, qui en niant les racines essentiellement chrétiennes du pays au profit d'un laïcisme rigide et sectaire, a amorcé le déclin moral d'une nation sans repères
- effacer le traumatisme originel de 1789
nea,
Oui, chrétien = catholique, mais aussi:
= blanc = bourgeois = de droite = ...
edgar,
J'y ai pensé qqs minutes après avoir publié mon billet: chaque fois que Sarkozy va qq part, il faut qu'il flatte son interlocuteur de manière excessive, voire en s'humiliant... Je pense surtout à ses déblatérations devant le Congrès américain. (Dakar est l'exception, c'est vrai. Mais Sarkozy n'a pas du tout, mais du tout, envie de s'intégrer chez eux, alors ça s'explique.)
Et pourtant, je pense qu'il ne faut pas pour autant négliger le contenu idéologique ou même théorique de ces discours. C'est un peu comme s'il se servait de ses visites pour formuler des idées à usage interne, en France.
Quant aux racines simiennes, je m'en accomode mieux.
circé et edgar-II,
La réécriture de la Nouvelle Histoire Révélée de la France est donc en marche! Et dans cette magnifique chronologie deux fois à l'envers que propose edgar, c'est vraiment une caste qui se dessine: pour chaque événement essentiel, il y avait ce noyau de "gens bien" dont l'honneur fut bafoué et à qui Sarkozy s'identifie.
C'est proprement effrayant...
La civilisation ! Comme s'il y connaissait quelque chose... L'inculte national qui, comme Bush, se glorifie de ne rien lire ou presque... Et Guaino, pareil : un semblant de culture mal assimilée (il ne retient que les grands titres, c'est la culture façon préparation du "grand O" de l'ENA).
Quand précisément la globalisation ultra-libérale éradique méthodiquement pan par pan toutes les civilisations et les vieilles cultures... Les civilisations sont mortelles (Paul Valéry) et la nôtre est moribonde.
Je pense qu'on peut relire utilement "malaise dans la civilisation" de Freud. Je ne l'ai plus dans ma bibliothèque (encore un livre prêté !). Quitte à me répéter je rappellerais ces propos de mon père, qui s'inquiétait de l'affirmation d'Hitler : avoir changé le monde pour 1000 ans (c'est "millénariste" en diable) et qui pensait qu'il y avait fort bien réussi.
Je suis catholique, non pratiquante mais profondément croyante : les vertus cardinales prêchées par l'Evangile (amour et attention aux pauvres). Et je refuse à cet énergumène qui, à l'évidence, n'a aucune morale, de nous dire que parce que nous serions de gauche nous n'aurions aucune valeur.
Les miennes sont profondément humanistes (je m'inspire aussi de la philosophie de toutes les époques et des penseurs de la Renaissance... trop vieux pour cet agité du bocal ?).
Les sienne, de valeur sont indexées sur le "COUAC/40) et ses émoluments de nabab.
Il ne m'inspire qu'un profond dégoût... beark ! beark ! beark !
Cela ne se ressent pas à l'affichage mais si vous aviez entendu le rythme saccadé de mes 10 doigts sur le clavier vous auriez eu un sismographe de ma colère...
Omelette : ah ! Je suis ravi que tu aies repris cette info.
C'était passé un peu inaperçu dans le flot des voeux un soir de reveillon.
Et d'ailleurs, c'est à garder à l'esprit pour comprendre la suite…
Merci pour le lien !
:-))))
kamizole,
Je trouve normal que ce soient les croyants qui réagissent le plus fortement contre les propos de Sarkozy, car c'est bien une instrumentalisation de la religion qu'il engage, un mélange des genres sans doute encore plus dangereux pour la religion que pour la politique.
Nous sommes peut-être trop rassurés dans notre laïcisime, qui semble aller de soi.
poireau,
Oui, c'est évident qu'ils ont une idée derrière la tête avec cette nouvelle imbécilité.
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