Échec et excès se trouvent bizarrement associés, dans ce qui devraient être les derniers jours du règne du "Monarque". Le paradoxe de Sarkozy, c'est aucun président jusqu'à présent n'a amassé autant de puissance politique, médiatique, financier, autant de réseaux. Le principal parti d'opposition a passé la plus grande partie du quinquennat affaibli par "l'ouverture" et engagé surtout dans des querelles et des luttes internes. L'UMP, malgré quelques petites rivalités inévitables, est restée globalement unie derrière son futur candidat. Le rival chiraquien fut neutralisé par l'affaire Clearstream. Le principal danger à gauche se retrouve embourbé dans de sombres histoires éroto-judiciaires. De bien de points de vue, c'était le paradis sarkozyste sur terre.
Cette situation aurait dû garantir une réélection facile. Tout était boulonné. Je me souviens d'avoir dit, à de nombreuses reprises, "certes Sarkozy est impopulaire maintenant, mais c'est parce qu'il n'y a personne en face". En plus des ses énormes avantages stratégiques, on savait que Sarkozy était un excellent tacticien électoral.
Le fidèle sarkozyste, lisant ces mots, objectera, hagard : "mais la crise ! mais la crise ! Vous oubliez la crise, espèce de sale gauchiste à la mauvaise foi grande comme le trou de la Sécu !" Cela n'a sûrement pas aidé, je reconnais, mais une fois que le fidèle sarkozyste aura réussi à se maîtriser, je lui ferai juste remarquer que l'impopularité de son champion date d'avant les subprimes. Ses Ray-Bans et ses fiancailles à la hussarde avec un top', son "pov'con" et autres fautes de goût avaient déjà commencé à plomber son image.
Pour montrer à quel point je voudrais être bienvieillant envers le Chef de l'État, je dirais que malgré Carla, les Ray-Bans et la crise, tout pouvait encore être rattrapé. Il avait le temps, trois ou quatre ans pour se "représidentialiser" ou encore trouver une nouvelle manière de séduire la France. Il avait le temps et les ressources, même si on oublie l'ombre des 50 millions (80 millions de dinars) de l'ami Mouammar.
Qu'est-ce qui s'est donc passé ?
Pour une partie importante de la population, y compris beaucoup des "braves gens" qui étaient la cible principale de Sarkozy en 2007, le Très Grand Homme (TGH) est devenu parfaitement, définitivement imbuvable. Ce mouvement de foule peut s'expliquer de diverses façons, et je suis sûr que les historiens s'interrogeront longuement là-dessus.
L'extrême personalisation de l'action politique, ainsi que la centralisation du pouvoir sont, ensemble, responsables de son échec. La personalisation expose chaque petit défaut, et le projete sur l'écran géant du pays entier. Combinée avec le poids du pouvoir, la personalisation fait que quand le Président est léger, il paraît lourd et trop léger à la fois ; quand il est lourd, le bonhomme n'est pas à la hauteur du personnage qu'il voudrait incarner. Il voudrait dominer en fascinant, mais la fascination conduit vite ridicule des moindres gestes.
Tous les avantages du Président-Candidat et du Candidat-Président ont finit par l'écraser. Dans un système sans contre-pouvoir, Sarkozy a réussi à en créer un, un contre-pouvoir populaire, le refus d'une majorité des français d'être dominés par le système médiatico-politique. Plutôt que de mettre en cause tout le système, ils en veulent à celui qui se glorifie d'en être le marionnettiste-en-chef. Sarkozy s'est finalement écrasé lui-même, sous le poids du trop plein des pleins pouvoirs.
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