Hier je parlais de la politique de la recherche prônée par le rapport Attali. J'avais l'intention d'en venir au discours de notre Très Grand Homme (TGH) sur la même question, et puis tout est devenu trop compliqué. Tout à l'heure je me suis replongé dans le discours, et je tombe sur ceci (page 3 de la version pdf):
Je le dis au risque de choquer, mais on ne peut pas dire toujours des choses faciles. De mon point de vue, c'est bien au Parlement, au gouvernement, et particulièrement au ministère en charge de la recherche, qu'il appartient d'attribuer l'argent public et de fixer les orientations stratégiques. Ce n'est peut-être pas le meilleur système, mais tous les autres sont pires. Je ne sais pas, sinon, à quoi servirait un ministère de la recherche.
Ce n'est pas à un organisme, si grand, si respecté, et si puissant soit-il, de définir à lui seul la politique scientifique d'un pays. Ce n'est pas non plus à un collège électif de scientifiques de décider de cette politique, car la science ne doit pas fonctionner en boucle fermée, la science doit rendre des comptes à la société.
Sarkozy, donc, le Très Grand champion de l'"autonomie" des universités, défend ici l'idée selon laquelle seul l'Etat, et surtout le Ministère de la Recherche, est apte à déterminer une politique de recherche. Car, comme il le dit, "la science doit rendre des comptes à la société." Comme je le disais hier, nous sommes bien dans l'optique d'une science utilitaire, soumise aux exigences passagères et temporelles des gouvernements. Tant pis pour l'initiative individuelle. Tant pis pour l'indépendance de la recherche. Mais nous avons compris déjà depuis longtemps que Sarkozy n'est pas un libéral (c'est-à-dire un vrai libéral) mais un étatiste, qui conçoit la politique comme une manière de contrôler les administrations de l'état dans une relation finalement antagoniste, et de soumettre l'état aux besoins des entreprises (tandis qu'un libéral se contenterait de laisser les entreprises évoluer sans intervenir -- mais alors c'est difficile d'être si "volontariste").
Mais si j'ai cité ce passage, c'est pour m'émerveiller devant ce petit bijou de logique politique :
Ce n'est peut-être pas le meilleur système, mais tous les autres sont pires. Je ne sais pas, sinon, à quoi servirait un ministère de la recherche. (C'est moi qui souligne, o16o.)
D'abord, il n'a pas prouvé que tous les autres systèmes sont "pires", laissant la référence à Churchill remplacer la démonstration. Le pire, pourtant, c'est le clou de son argument : "Je ne sais pas, sinon, à quoi servirait un ministère de la recherche". Oui, merde, on a ce ministère, il va bien falloir lui trouver une occupation. Sinon, on ne sait pas à quoi il pourrait bien servir.
Je reviendrai plus tard à la question de la recherche, mais ma question pour aujourd'hui est la suivante : qui écrit les discours du TGH? Comment peut-on expliquer une argumentation si faible? Y a-t-il un relâchement à l'Elysée qui fait que désormais on sort n'importe quelle banalité pour meubler pendant les céremonies? Ce sont les stagiaires qui décident tout maintenant? Je commence à m'inquiéter, moi.
UPDATE: Monsieur Poireau nous parle de la science aussi.
8 commentaires:
Pour une fois qu'il ne dit pas trop de conneries, notamment que l'argent public doit être contrôlé par le parlement...
L'argent, c'est normal, mais là ce n'est pas que l'argent, il veut à nouveau recentraliser les décisions en matière de recherche, enlever du pouvoir au CNRS, etc.
Tu cherches la petite bête : le pognon est le nerf de la guerre !
Nos députés (même si on n'est pas du même bord) sont sensés être des gens intelligents qui savent s'appuyer sur les recommandations des spécialistes.
Le point à relever dans le discours de Sarko est quand il dit que c'est au Ministère de prendre les décisions : non. C'est au parlement.
« La division R&D doit rendre des comptes au comité exécutif. »
Ça ne serait pas de lui-même tout craché, ces tambourinades de directeur commercial adjoint monté beaucoup trop tôt en grade dans l'entreprise France?
Bon sang qu'elle est loin, la prochaine assemblée générale des actionnaires.
nicolas,
Le lapsus que tu relèves est crucial, en effet. Ce n'est pas le parlément mais le ministère qui décidera. Ce n'est pas le ministère mais l'hyperprésident qui décidera. On consolide le pouvoir. Comme toujours.
Mais je pense que cela va dans le sens d'une soumission de la recherche aux besoins à court terme des dirigeants-gestionnaires.
La citation d'
edgar,
illustre bien le problème. Sarkozy est d'accord pour qu'il y ait de la recherche, mais il se méfie terriblement des chercheurs et donc veut être assuré de leur obéissance.
Président de courte vue !
Il faut bien que quelqu'un cadre les grandes lignes de la recherche et quelqu'un d'autre pour cadrer les financement.
Là, il a coupé court au sujet et ne dit rien en fait !
[erci de me citer, j'en suis honoré !]
:-))
Poireau ou fayot ?
Nicolas : jaloux !
:-)
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