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11 juin 2012

Mélenchon, l'échec d'un discours

 

Les commentaires se multiplient sur la défaite de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont. Prenons par exemple Laurent Joffrin :

Son aventure reposait sur un postulat : pour ramener à gauche les classes populaires détournées par le vote FN ou l’abstention, il fallait radicaliser le langage, la tactique et le programme. […] il fallait en tout point déclarer la guerre au réformisme. Pour séduire les ouvriers déçus par la gauche, il fallait être beaucoup plus à gauche. C’est ce raisonnement, plus que le candidat Mélenchon, qui a échoué à Hénin-Beaumont.

Sur ce point, je suis d'accord : on a trop souvent expliqué le passage d'une partie du vote populaire de la gauche à l'extrême droite par le positionnement trop timide du Parti Socialiste. Comme si les "prolétaires" étaient naturellement à gauche, voire à l'extrême gauche, et qu'il suffisait de poser son filet au bon endroit pour les ramasser. Le double échec de Mélenchon montre que ce n'est pas le cas. Le discours traditionnel de la gauche révolutionnaire ne prend plus, en dehors du peuple de gauche, cette petite dizaine de pour cent des électeurs très politisés, qui restent fidèles à la radicalité communiste ou trotskyste.

11 avril 2012

L'économie est ailleurs

Lors des débats sur la hausse de la TVA – dite "sociale", puisqu'elle permet aux gens qui gagnent le moins d'augmenter leur participation au financement des services sociaux – on avançait cet argument qui me semblait, à l'époque, assez étrange : la hausse de la TVA serait une manière de taxer les importations en provenance de notre grand ennemi économique, la Chine. Je ne voyais pas comment on pouvait l'affirmer, puisqu'avec la TVA, on ne peut pas cibler les produits par leur origine industrielle. Parallèlement, la hausse de la TVA ne devait rien coûter aux consommateurs parce que la concurrence ferait baisser les prix. Cet argument là, je ne le comprenais pas non plus, une taxe comme la TVA étant justement neutre en termes de concurrence : si on augmente le prix de l'iPhone que j'ai envie d'acheter, ce n'est pas comme si j'allais me rabattre sur des poireaux français.

Les mois passent et je pense à autre chose. Puis, hier, alors que je commençais à songer à faire un billet pour expliquer mes réserves sur Mélenchon, sujet complexe et subtile s'il en fut, je tombe sur cet édito dans les Échos, plein de mépris et dédain pour les électeurs de Front de Gauche (partagés, d'après l'auteur, entre des staliniens quasi terroristes et des bobos conformistes). Le succès de Mélenchon doit être un grand soulagement pour certains, qui peuvent sortir des vieux arguments et clichés qui n'ont pas servi depuis la chute du mur. Bref, notre éditorialiste, Henri Dubreuil, finit son billet sur le SMIC à 1 700 euros :

Il reste malgré tout primordial de combattre les idées mortifères d’un diable rouge ayant troqué sa fourche pour une faucille. La simple idée de fixer à 1 700 euros le SMIC relève de la folie ou de la stupidité. Elle conduirait à la faillite des milliers d’entreprises à travers tout le pays. Et à ceux qui m’opposeraient la relance de la consommation, je rétorquerai : relance des importations. Couler notre économie pour faire le bonheur des Chinois ou des Allemands est tout sauf une idée digne d’un candidat à la présidentielle.

Je ne vais pas aborder la question du SMIC aujourd'hui. Ce sont les deux dernières phrases qui sont fascinantes, et qui, je pense, expliquent bien des choses sur la perception économique de cette droite si sûre d'elle.

Prenons les choses point par point :

  • Relance de la consommation = relance des importations C'est le nerf de la guerre : consommer, c'est importer. Donner des sous au peuple et il va préferer l'iPad aux poireaux.
  • Le déficit commercial, c'est la faute aux consommateurs Car effectivement, si au lieu d'acheter des écrans plats, nos consommateurs achetaient plutôt des Airbus ou, mieux encore, des Rafales ou des centrales Aréva, ils contribueraient quelque chose à l'économie française. Ce sont les jeunes qui nous coulent, avec leur langage SMS et tout ça. Abrutis.
  • Aider économiquement "les gens" c'est en réalité aider les Allemands et les Chinois Dans la guerre économique mondiale, toute aide sociale finit, peu ou prou, dans les poches de l'ennemi. C'est presque comme si les consommateurs constituaient une sorte de "front intérieur", une tentacule de l'ogre chinois, venue siphonner notre richesse nationale.

Et la conséquence de tout cela, c'est que la population, celle qui travaille et consomme, ne sert presque plus à rien. En tout cas, cela ne sert à rien qu'elle ait de l'argent à dépenser. Le "pouvoir d'achat" est, pour nos patriotes, non seulement inutile, mais une fuite potentielle de richesse. Si "les gens" veulent contribuer à la réussite nationale, la seule chose qu'ils peuvent faire c'est travailler plus en demandant moins. Il faut qu'ils transférent leur pouvoir d'achat vers les marges des grandes entreprises.

L'économie n'est plus à nous, nous ne sommes plus que des freins, ni ouvriers ni consommateurs, juste des enfants dépensiers. L'économie est ailleurs et il n'y a rien à faire. Et pour autant, mais là je commence à mordre sur mon futur billet sur Mélenchon, il ne suffira pas déclarer la "réindustralisation" ou la "démondialisation". Il va faire falloir trouver autre chose, une autre manière de réintégrer "les gens" dans leur propre économie en modifiant petit à petit le terrain de jeu pour favoriser des structures plus petites, des réseaux plutôt locaux. Il va falloir également, et c'est surtout là où François Hollande me semble avoir raison, améliorer la qualité globale du pays, surtout en termes d'éducation et de recherche. Car l'éducation et la recherche, en plus d'une augmentation de la compétitivité (si si, monsieur le Président, cela peut se dire en socialisme), ce sont des moyens de remettre l'accent sur des gens, plutôt que sur des intérêts.

2 avril 2012

Hollande, Mélenchon, utile, gauche...

La présidentialisme a peu à peu supprimer l'importance de toutes les autres élections, du moins sur le plan national. Voter, c'est voter pour un président. Point. Ou presque point. Et en même temps, il n'y a qu'un gagnant et quasiment aucune possibilité de partage entre des sensibilités. Nous sommes entre ces deux réalités, tant que personne n'aura le courage de modifier le système en lui rendant son caractère parlémentaire, et même en allant bien plus loin dans cette direction. (Et "une dose de proportionelle", même une dose de cheval, ne servira à rien tant que l'Assemblée Nationale ne servira à rien.)

Pour l'instant, il ne peut y avoir qu'un seul. Un seul homme. D'où cette tendance au culte du sur-homme, et ces exigences (contradictoires) de quelqu'un de "sympa". On peut espérer que l'ascension et le règne de Nicolas Sarkozy serviront aux constitutionalistes du futur comme contre-exemple absolu : comment faire pour éviter cela ?

En attendant cette lucidité future, malheureusement improbable et utopique, nous voilà collés avec ce système qui centralise tout sur le petit cerveau d'un seul bonhomme. Et le moment de le choisir est aussi l'unique moment où le peuple peut s'exprimer de façon significative. Que faire si par hasard aucun des deux candidats ne vous convient en tant véhicule pour ce que vous voulez dire au pays et au monde ?

La gauche est un ensemble assez hétérogène, idéologiquement parlant, sans doute pour des raisons idéologiques justement : esprit critique, non conformisme, liberté de pensée, refus des injustices. On peut être "de gauche" pour des raisons très diverses. Il y a des différences à droite aussi, mais, vu de l'extérieur du moins, elles paraissent moins essentielles, et plutôt une question de degré que des véritables lignes de fracture. Même les Front National, ou en tout cas ses idées, a finit par trouver sa place dans la grande famille de la droite. L'UMPéisation des esprits a achevé de gommer les différences entre les libéraux et les étatiste gaullisants. Sarkozy a réussi à transformer tout cela en bouilli et réduire la pensée politique à une question de niveau de décomplexitude (ou décomplexisance ?). Après tout, pourquoi finasser sur le sens du politique, quand la seule chose qui compte est de gagner une élection tous les cinq ans ?

À gauche, donc, c'est moins décomplexé et plus compliqué, et il on a plus envie de s'exprimer. Et on se retrouve à chaque fois devant cette question du vote "utile" : voter contre celui que l'on préfère afin d'assurer l'échec du candidat que l'on redoute. Je formule la chose négativement à dessein. C'est effectivement triste, cette invitation, parfois une obligation, à se défaire de sa seule chance de s'exprimer par une sorte de calcul au bénéfice d'un Parti Socialiste en qui on ne se reconnaît peut-etre plus, d'un Parti Socialiste qui en cinq ans n'a pas su rendre assez percutant, décisif, assez sexy en somme.

D'abord, je le dis, même si c'est triste, c'est la réalité des choses, la réalité de cette Ve République faite pour fabriquer des de Gaulle en carton-pâte, rendue, par la force du quinquennat, encore plus triste et encore plus cadenassée (quinquenadassée, j'aime dire). Ignorer cela, c'est tomber dans le piège d'un système qui, en 53 ans, n'a vu qu'un seul président de gauche, dans l'illusion de l'État comme véritable reflet démocratique du peuple. Plutôt que "vote utile", je dirais : "vote réaliste".

Car ensuite, on peut parler des mérites des candidats. Personnellement, j'ai passé la plus grande partie de ces cinq dernières années frustré par cuisine interne du PS, en espérant un renouveau qui serait, en autres, un renouveau en termes de communication et de message. Le PS s'est laissé bercer trop longtemps par les sondages favorables à DSK. Longtemps, Hollande et sa "présidence normale" faisaient sourire. Aujourd'hui, il semble qu'il n'avait pas tout à fait tort. Sur Hollande lui-même, sans la perspective du choix entre lui et Jean-Luc Mélenchon :

  1. Une présidence de Hollande, même si ce n'est pas un gauchiste pur et dur, serait beaucoup plus à gauche qu'un deuxième mandat de Sarkozy (qui n'aurait même plus peur de ne pas être réélu). Rien que pour le seul domaine de la justice, la différence serait énorme. Le reste du programme est intéressant aussi, et représente une énorme différence avec ce qui a été fait depuis 10 ans, et ce qui se ferait pendant 5 ans encore avec un Très Grand Homme (TGH) réélu.
  2. Hollande ne peut pas, ne pourrait pas se placer comme Mélenchon, car là, la machine UMP à dénigrer et à faire peur se mettrait en marche. On nous parlerait presque des chars Soviétiques sur le Champs-Elysées, la bave au lèvres.
  3. Mélenchon peut réussir sa campagne parce qu'il y a François Hollande à côté, pour nous rassurer sur l'issue.
  4. Enfin, c'est une bonne chose malgré tout que "le troisième homme" de cette élection soit à gauche, et pas à droite comme en 2007. Pour cela, nous pouvons remercier le talent de Mélenchon.

Votez comme vous voulez, mais pas à droite. Et n'oubliez pas que le premier tour de la présidentielle n'est pas une élection législative.

25 juin 2007

Retour sur "le SMIC à 1500 euros"

La déclaration par Ségolène Royal, selon laquelle elle ne trouvait pas "crédible" la proposition socialiste d'un SMIC à 1500 euros brut dans cinq ans, continue à faire du bruit à gauche. J'en ai parlé l'autre jour, mais j'y reviens.

Prenons certains des commentaires à ce billet au Cabinet de subversion, ou encore ces remarques d'Olivier Bonnet

Dernier dérapage en date : elle annonce que le SMIC à 1500 euros bruts et la généralisation des 35 heures figuraient dans son programme mais qu'elle jugeait ces deux mesures non crédibles.

On dirait que la majorité des anti-Ségo-de-gauche ont lu, plutôt que les paroles de Royal elle-même, les remarques de Mélenchon: Est-ce que cela signifie que si elle avait été élue, après les avoir promises, elle ne les aurait pas appliquées ?

La question n'est pas celle du mensonge, tout d'abord, mais de l'efficacité en communication politique. Royal, si on l'écoute vraiment, ne dit pas qu'elle pensait que le SMIC à 1500 brut dans cinq ans n'était pas souhaitable, mais que, puisque dans cinq ans le SMIC sera de toute façon à 1500 euros brut, qu'il était ridicule de le faire ainsi figurer dans le programme présidentiel. Que ce n'était pas de la bonne communication, parce que tout le monde le comprenait de travers: les smicards y voyait de la tiédeur, les bas salaires croyaient qu'ils allait être rattrapés par le SMIC, les autres voyaient une sorte d'utopisme socialiste en mal d'idées.

Il n'était donc pas du tout question de ne pas appliquer cette mesure : son défaut était qu'elle serait appliquée de toute façon.

Bref : ce n'était pas efficace, pour quelqu'un qui veut gagner une élection présidentielle. On ne peut plus gagner l'élection présidentielle en théorisant sur le capital et le prolétariat. Surtout quand le PCF n'existe plus et que les seules voix à chercher sont vers le centre...