2 août 2007

Faiblesses de l'hyperouverture

Pendant la campagne présidentielle, toutes les interrogations sur la compétence portaient uniquement sur Madame Royal. La compétence à gouverner du Très Grand Homme (TGH) ne faisait pas l'ombre d'un doute. Pourtant, pendant le débat, c'était Sarkozy qui racontait des conneries sur l'entrée de la Turquie dans l'UE, tandis que Ségolène Royal présentait une position totalement en phase avec la véritable position diplomatique de la France.

Aujourd'hui, avec l'Affaire de la Contrepartie Libyenne, nous avons droit au spectacle d'un président, convaincu que sa bonne mine peut l'emporter dans n'importe quelle situation, qui se heurte à la réalité internationale. En condensé, la méthode Sarkozy ne fonctionne pas lorsque son interlocuteur n'a rien à foutre de l'opinion des téléspectateurs de TF1, ou a des intérêts de communication parfaitement opposés à ceux du TGH. Les ministres des finances de l'UE étaient très gentils à côté.

Ainsi, Saïf Al-Islam Kadhafi assure la communication auprès non seulement des Libyens, mais surtout auprès du reste du monde arabe, avec un message très simple : mon père les a eus. Il est évidemment suffisamment proche du pouvoir pour que l'on comprenne bien que ce n'est pas une petite fuite. Tiens, cette proximité avec le pouvoir, ça ne vous rappelle rien ? L'intervention de l'épouse du chef de l'Etat, par exemple?

Sarkozy ne peut pas proposer un poste de ministre à Kadhafi. Kadhafi ne fera pas partie de "l'ouverture". Il paraît qu'il n'a même pas sa carte à l'UMP. Kadhafi veut ses armes, il s'en fout des besoins de com' de celui avec qui il a fait son marché. D'autant plus qu'il lui suffit de dire la vérité. Au contraire de Sarkozy.

Pire encore pour le TGH, Bernard Kouchner, malgré sa soumission totale à l'ouverture, ne fait pas partie du petit cercle de personnes en qui Sarkozy a confiance. Il n'est pas au courant et il n'est pas content. Il ne joue pas le jeu en se laissant humilier, et oblige Sarkozy à s'enfermer définitivement dans le refus de toute contrepartie. Déjà personne n'y croit, et même Le Monde (j'allais dire Le Minc) est monté timidement sur ses chevaux de taille moyenne:

La "République irréprochable" que veut installer M. Sarkozy est prise en défaut de transparence, voire en flagrant délit de manipulation de l'opinion.

Double faiblesse du système Sarkozy. Faiblesse du côté de la kouchnerture, faiblesse surtout de l'omni-hyper-présidence. Ce n'est pas par hasard qu'il existe des hiérarchies diplomatiques. Le principe de toujours tout faire vite en y mettant un max d'énergie, c'est très cool, beaucoup plus cool que des lentes négociations qui n'ont pas l'air d'avancer. Encore une de ses fourmillères dans lesquelles il suffit de mettre un bon coup de pied. En l'occurence un coup de Nike. Le vieux système passait mal à la télé, était difficile à expliquer aux téléspectateurs. Mais il avait des avantages. Dont le moindre n'était pas la protection du chef d'Etat. Si une affaire tournait mal, on pouvait toujours virer un diplomate ou même le ministre. Mais Sarkozy n'installe que des fusibles grillés, car toute la lumière doit venir de lui. Jusqu'à ce que Kadhafi coupe le courant.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah pour une fois je n'arrive pas du tout à la même conclusion.
Autant on a vu Sarko partout et sur tous les sujets, autant avec l'arrivée de ces nuages lybiens, on voit un Sarko absent.
Il envoie Kouchner au front, le secrétaire de l'Elysée, peut-être bientôt le Ministre de la Défense. Sarko, lui-même s'est contenté d'un laconique commentaire et ne dit plus rien.
D'ailleurs il est parti en vacances !
Bref, je veux dire que là, on voit la communication s'effondrer et aussi combien, en cas de complication, Sarkozy revient à une méthode plus "traditionelle" de fusible et de coupe-vent !
:-)

[Fait être con quand même pour croire une seconde qu'un type comme Khadafi va tenir sa langue ! :-) ].

Anonyme a dit…

j'aime bien ce genre de billet. ça démystifie, mais dans le retour à la réalité triviale, bete et mechante.

hier soir en ecoutannt france inter j'ai failli peter ma radio. c'etait telephone sonne

30mn de glose sur les conditions de la libération des infirmières et le role de cecilia sans aucune référence à cette info dans le canard de cette semaine:

"la veille de la libération des infirmières, les négociations ont failli capoter: kadhafi voulait l'argent de l'union européenne (soit 452 millions d'euros) tout de suite. Les procédures budgétaires de l'UE étant très lourdes, l'argent n'était toujours pas débloqué six mois après le premier accord de principe. Seuls 2.5 millions avaient été virés.
Sarko a alors téléphoné à l'émir du Qatar dans la soirée et, dans la nuit, le gouverneur de la banque centrale du Qatar s'est envolé par avion spécial pour Tripoli, avec en poche un chèque de 452 millions d'euros. L'UE s'est engagée à rembourser le Qatar dans les six mois.
Et, au matin, Kadhafi était content."

Anonyme a dit…

Le rôle de Kouchner est assez vague, je suis d'accord, mais j'ai l'impression que dans un premier temps il n'était pas dans le coup, l'accord étant une affaire sarko-sarkozienne. Mais il est solidaire avec son chef pour nier en bloc l'idée d'un accord armes/ôtages. A la différence de Kadhafi, Sarkozy et Kouchner ont les mêmes intérêts dans la négation. S'il y a eu un marché, et Kouchner n'était pas au courant, c'est qu'il n'est qu'un ministre factice (ce qui est biensûr le cas).

Mais effectivement, Sarkozy revient à une position traditionnelle où on nie tout en bloc. Sans fusible, en revanche, il ne peut que nier en bloc.

Bref, beaucoup de plaisir à voir la machine s'enrayer. Cela fait mauvaise impression juste avant de partir en vacances.

@martin

Je vois que les accents sont revenus sur tes caractères : la Chine t'a relâché?