Je parlais l'autre jour de la dévaluation interne, cette technique
économique très avancée qui consiste à augmenter la compétivité d'un
pays de l'Eurozone (qui ne peut pas pratiquer la dévaluation "externe"
traditionnelle par le biais de sa monnaie) en appauvrissant sa
population. Les gens sont plus pauvres, consomment moins – ce qui
améliore la balance commerciale – et surtout travaillent pour
beaucoup moins, ce qui permet de réduire les prix à l'exportation.
Dans la théorie, ce système doit aussi faire baisser les prix,
rendant le tout moins douloureux pour les gens qui se trouvent
dévalués. Malheureusement, il y a beaucoup de raisons de penser que
les prix ne peuvent pas baisser, ou en tout cas pas autant que les
salaires.
Prenons par exemple le secteur agricole, qui représente d'ailleurs une
grosse part des exportations françaises. Si les salaires des
consommateurs baissent en France, et que ceux-ci continuent à
manifester leur désir de se nourrir, le marché va-t-il corriger les
prix en fonction de cette nouvelle donne ? On peut penser que l'essor
du discount alimentaire va déjà dans ce sens. Mais cela fait penser
aussi que s'il y avait auparavant un peu de marge de manoeuvre du côté
de la distribution, il y en a beaucoup moins aujourd'hui. On sait que
la grande distribution fait tout ce qu'elle peut pour obliger ses
fournisseurs à accepter de très mauvais prix. Et pour les
agriculteurs eux-mêmes, ils sont, pour beaucoup, coincés entre leurs
coûts, c'est-à-dire le prix du pétrole, et le prix de leurs produits,
souvent fixés sur l'échelle internationale.
La dévaluation interne et la baisse des salaires en France ou même en
Europe ne feront pas baisser le prix du pétrole. Et même si nos
agriculteurs pouvaient produire pour moins cher, ou accepter moins de
marge sur leurs produits en vivant plus frugalement, ils n'auraient
aucun intérêt, quand même, à vendre en dessous du prix
international. Le blé et le maïs ont beau être "made in France",
leur prix ne l'est pas.
L'économie est internationale, mais votre salaire est bien local.