Depuis deux jours, mon routeur me ferme l'internet. Par conséquent, ceci arrive un peu tard, mais je ne pouvais pas laisser passer ce petit article dans Le Monde du 27 juin, intitulé « Nicolas Sarkozy embarrasse l'opposition en lui offrant un statut ».
Si l'on met de côté le titre pour l'instant, l'article lui-même est assez anodin. Il raconte les réunions du TGH avec divers membres de l'opposition, ainsi qu'avec Balladur et Le Pen. Ne pouvant aller s'adresser lui-même à l'Assemblée nationale, Sarkozy fait venir l'opposition chez lui. L'article souligne que cette démarche va de pair avec la présidentialisation du pouvoir.
Est raconté notamment un échange entre François Hollande et le TGH : Hollande dit qu'il ne veut pas être « complice » de cet exercice du pouvoir, et Sarkozy lui répond : « Je ne vous ai rien demandé. Je ne vous raconte pas ça pour savoir ce que vous en pensez ». Vive le dialogue !
Bref, rien d'extraordinaire. Le problème, c'est le titre, qui n'a rien à voir avec le contenu de l'article. Tout d'abord, Sarkozy n'offre aucun statut, hormis l'invitation à l'Elysée, et la promesse de continuer avec ce type d'entretien. Le seul « statut de l'opposition » en vue est celui sur lequel Jean-François Copé est censé plancher, et qui sera rendu public début juillet. Ce statut n'était pas discuté, apparamment, par Sarkozy et ses invités, et il est seulement évoqué en toute fin d'article. Par ailleurs, l'article précise même que les propositions de Sarkozy en termes de « rééquilibrage des pouvoirs » sont très en-deçà de celles de Royal et Bayrou. Si l'opposition a un « statut », c'est qu'elle l'a gagné aux législatives.
Et, deuxième chose, l'opposition n'est pas du tout embarrassée. Hollande flaire bien la manipulation sarkozyzte et en fait la remarque. Si quelqu'un est embarrassé, c'est le TGH lui-même, qui s'énerve lorsqu'on ose critiquer son petit jeu.
Je ne sais pas comment les choses se passent au Monde. Toutefois, le décalage entre ce papier et son titre laisse supposer que ce ne sont pas les auteurs de l'article, Philippe Ridet et Patrick Roger, qui ont écrit le titre, mais plutôt un éditeur qui se conforme à une ligne beaucoup plus pro-UMP, selon laquelle « l'ouverture » sarkozyzte serait un énorme problème pour le PS.
Ce n'est pas la première fois que je remarque cela. J'ai déjà parlé d'un article d'Ariane Chemin (co-auteure de Femme fatale), paru quelques jours après l'élection présidentielle, qui était beaucoup plus nuancé que son titre, nettement anti-Royal. Je donnerais les liens si mon routeur le voulait bien, mais je crois que le titre était « Ségolène Royal : l'ambition insatiable ».
Est-ce Alain Minc qui passe dans la salle de rédaction pour apporter sa petite touche ? Le coupable pourrait tout aussi bien être cet esprit de conformisme aux stéréotypes dominants qui fait qu'un titre apparaît plus accrocheur, plus vendeur lorsqu'il caresse le lecteur dans le sens de ses idées reçues.
C'est quand même déspespérant, quand le démenti du titre est dans l'article lui-même.
Update: Je viens de tomber sur une très bonne analyse d'un autre papier par Philippe Ridet.
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