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14 juin 2012

La tentation médiatique

Juan pose une question intéressante :

Pourquoi certains journalistes parlent autant du #Tweetgate?

Et il répond :

Pour que le buzz médiatico-politique prenne, il faut trois ingrédients: l’affaire doit être (1) simple à comprendre, (2) inattendue, (3) politiquement fort. Le #Tweetgate cochait les trois cases.

[…]

Mais le Tweetgate restait une pépite médiatique: nul besoin d’un grand savoir pour le juger. La documentation requise était minimale. Et chacun pouvait s’en faire une opinion.

Construire un message, expliquer un programme, une politique, des grands enjeux économiques, internationaaux, ce n'est pas facile. Le public dans l'ensemble ne saisit que des grandes lignes, et seulement quand la communication est réussie. C'est pour cela que la droite s'acharne, à chaque élection qu'elle risque de perdre, à marteler le même vieux message : les socialos vont augmenter les impôts. C'est un message facile à comprendre, et comme dirait Juan, "la documentation requise [est] minimal".

30 mai 2012

Normal : salubrité de l'institution

 

À propos de l'intervention de François Hollande, Thomas Weider écrit :

Surpris, peut-être, que son interlocuteur ne relève pas cette "normalité" à laquelle les précédents présidents ne nous avait pas habitués, François Hollande se fit lui-même - il en a l'habitude - le commentateur de sa propre démarche : "Je ne vous ai pas demandé de venir à l'Elysée", fit-il ainsi remarquer à David Pujadas vers la fin de l'interview. "Je préfère faire simple", lui a-t-il aussi expliqué. C'était une façon de rappeler que la "normalité", en termes de communication politique, n'a d'intérêt que si elle est se donne à voir comme remarquable. Ce qui amènera sans doute François Hollande à se poser un jour la question : comment tirer profit dans la durée d'une "normalité" qui ne tire de sa valeur que parce qu'elle apparaît à un moment donné comme exceptionnelle ? Comment, en somme, éviter avec le temps que la "normalité" ne se banalise ?

29 mai 2012

Zemmour viré : souvenez-vous de PPDA ?

 

Eric Zemmour ne pourra plus vendre ses petites doses de haine réactionnaire sur RTL. Heureusement pour la liberté d'expression, il ne lui manquera pas d'autres surfaces de vente. En général, je n'aime pas les mesures qui suppriment la parole à qui que ce soit. En revanche, si RTL estime que la nostalgie du petit blanc dans la moulinette de la provocation-spectacle ne genère plus le buzz recherché, c'est peut-être un signe du temps malgré tout positif.

Naturellement, la droite court à sa défense, ce martyr sacrifié sur l'autel de la bien-pensance. Quant aux blogueurs républicains (ceux qui ont décidé que tout ce qui est contre la gauche va dans le sens des valeurs républicaines), Zemmour, qui ne faisait que tâcler Taubira, était : "une indispensable bouffée d’air frais" et ils se demandent comment l'intolérance va continuer à s'exprimer.

19 mai 2012

Fin des blogs de gauche ? Le cache-sexe antisarkozyste

 

Les médias s'interrogent sur la suite des blogs de gauche, prédisant leur disparition ou leur remplacement par un équivalent de droite.

Voici quelques exemples :

  • Le Monde annonce l'arrivée d'une droitosphère, Romain Pigenel réplique en expliquant la particularité galvanisante de Sarkozy en tant que sujet politique ;
  • L'Express demande : "La défaite de Sarkozy va-t-elle tuer les blogs de gauche?" ; Nicolas J. réplique : "Les blogs de gauche ont un bel avenir devant eux : ce sont les derniers – les seuls ! – à faire de la politique."
  • Le Figaro parle d'une reconversion délicate et Juan met des bons bémols.

Pour résumer, les journalistes voudraient que les choses suivent une logique naturelle et équilibrée : anti-hollandisme et anti-sarkozysme sont symétriques, l'alternance concerne aussi les blogs. Mais surtout, ils ne voient dans les blogs de gauche que leur antisarkozysme, et la conclusion s'impose toute seule : sans Sarkozy, pas de blogs antisarkozyste, pas de blogs de gauche.

3 mars 2012

75%

Sur France Inter hier matin, l'un des commentateurs disait, en somme, que François Hollande, avec la tranche à 75%, "faisait du Sarkozy" en sortant une mesure qui n'était pas dans son plan pour la fiscalité (d'où les gémissements du Président sur "l'improvisation"), et qui a surtout un impact symbolique et médiatique. Effectivement, les socialistes doivent toujours se comporter comme des sages petits écoliers, tandis que Sarkozy se réserve toute la gamme d'effets de manche, manipulations et distorsions, ce à quoi il s'entraîne depuis tant d'années. L'espace politico-médiatique, en somme, appartiendrait à Nicolas Sarkozy.

Non, ici à la Pire Racaille, nous admirons cette peau de banane lancée sous les talonettes de la droite. Nous admirons comment les grandes figures de cette droite, même Juppé, s'y sont engouffrées : "racisme financier", "confiscation fiscale", etc.

La vraie "révolution" fiscale, c'est plutôt ceci :

Deuxième mesure : une tranche exceptionnelle d’impôt sur le revenu à 45 % sera créée pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par an et par part. Un peu moins de 0,5 % des Français sont concernés par cette disposition.

Ce genre détail n'a presqu'aucune existence médiatique, même si au final il va rapporter bien plus que les fameux 75%. L'annonce de cette nouvelle tranche permet de représenter, médiatiquement et avec une belle séquence de réactions, ce qui était déjà dans le programme.

Ce qui, finalement, me fait le plus plaisir dans cet épisode, c'est que, pour une fois, une véritable mesure très symboliquement "à gauche" puisse produire de tels effets. Il faut savoir doser, et Hollande a l'air de savoir le faire, mais c'est un reversement important : plutôt que de courrir après la droite en proposant des versions allégées du programme de l'UMP, le PS réussit un coup jusque dans les sondages avec de la vraie gauchitude.

24 février 2012

L'aplomb

Il paraît que Sarkozy a été mauvais à la télé, l'autre soir sur France 2. Je ne l'ai pas vu, mais je n'ai pas de mal à le croire. J'ai même l'impression que la contre-offensive du PS sur la question de la "Vérité" (voir mes deux derniers billets) a un peu calmé l'UMP sur cette lancée de la Vérité Forte. Quand on veut faire un concours de crédibilité, il faut y venir avec assez de billes, surtout quand on est le candidat sortant. Vu du Web, la crédibilité de Sarkozy semble atomisée, en miettes, évaporée depuis des lustres.

Mais à écouter Sarkozy parler, dans des reportages plutôt flatteurs sur France Intox par exemple, parler avec des gens – genre : Ah, c'est comme ça alors qu'on fabrique les jambon-beurre ! D'abord le beurre, et après le jambon… –, l'impression est tout autre. Pour l'amnésiaque récemment guéri, Sarkozy a l'air d'être encore un maître du monde, en pleine confiance. Ce n'est pas pour rien qu'il a réussi à monter à l'intérieur de l'UMP et qu'il a finit par se faire élire : il a un aplomb à toute épreuve. Enfin, presque : il paraît qu'il a bafouillé hier à propos du Fouquet's. Sa capacité à projeter une image de maîtrise de la situation, tandis qu'en réalité il ne maîtrise pas grand'chose, et ne se maîtrise pas si bien que ça non plus, est proprement hallucinante.

C'est une qualité nécessaire chez les personnages politiques, bien sûr, et ils l'ont tous à des degrès différents. Le cas Sarkozy est particulier dans la mesure où il semble qu'il y ait un déconnexion totale entre la réalité de ce qu'il veut nous vendre, que ce soit son bilan ("c'est la faute à la crise") ou ses fameuses "Idées", une déconnexion totale donc entre la réalité et son air à mi-chemin entre le vendeur de bagnoles ou de politiques d'assurance vie, et le gendre idéal un peu obséquieux.

Et tout cela n'aurait d'importance particulière si ce n'était que cette posture passe très bien dans le poste. C'est du petit lait pour l'énorme caisse de résonance médiatique qui, depuis cinq ans, a l'habitude. Les critiques sont molles et timides tandis que tout ce qui va dans le sens du poil du TGH est assuré et heureux. Sarkozy est un excellent produit médiatique. Les médias préfèrent le spectacle aux réalités et Sarkozy joue bien son rôle, fournit des bons morceaux qui passent bien dans les tuyaux. La presse le lui rend bien.

Pour un anti-sarkozyzte primaire, comme moi, la défaite de Sarkozy devrait passer par la destruction intégral de son discours, y compris sur TF1. J'imagine un monde où chacune de ses paroles serait mise en pièces aussitôt énoncée. Cela ne passera pas ainsi, malheureusement. Du moins pas à l'écran. Dans les urnes, oui.

23 mai 2011

Jeter un homme en pâture

Sur les plateaux télé et dans les éditos de la presse papier, l'« affaire DSK » aura suscité mille fois plus d'interrogations sur l'usage des images et du traitement journalistique du sexe des politiques que sur les actes dont l'accusé est accusé. Je ne compte plus le nombre de fois que j'ai lu que Strauss-Kahn a été « jeté en pâture », ou qu'on parle de sa « mise à mort ». À la soirée télé consacrée à l'audience de demande de liberté conditionnelle, le fait qu'un grand jury ait retenu les sept chefs d'accusation, jugeant donc que le fait de passer quelques nuits en prison largement plus grave. C'est la vision myope de l'information en temps réel, certes, mais je crois que c'est encore plus symptomatique de ce qui se passe dans cette affaire.

Au delà des réactions stupidement machistes ou stupidement stupides, les médias ayant peu d'informations réelles à transmettre, ils se sont focalisés sur la "victimisation" de celui qui est accusé de tentative de viol et de l'injustice de la justice américaine qui l'aurait "jeté en pâture", "jeté aux chiens", en le laissant se faire photographier avec ses menottes. Dominique Wolton, dans son rôle, à la télé, à la radio et dans la presse écrite, de grincheux scientifique, dénonçant toutes les dérives de l'internet, peut disserter des heures sur l'horreur médiatique infligée au pauvre homme, mêlant un anti-américanisme à une peur bleue de la démocratisation de l'information. Wolton mériterait un billet pour lui tout seul, d'ailleurs, mais voici un avant-goût :

Les Américains, grands pourfendeurs des libertés individuelles, ont foulé au pied toutes les valeurs que nous avons en commun.

Ou encore (je n'invente pas, promis !) :

On assiste à une incompréhension réelle entre les deux pays, identique à celle qui a eu lieu pendant la seconde guerre en Irak.

Jean Daniel a également parlé de mise à mort, évoquant un gouffre culturel entre la France et les États-Unis. C'est presque comme si Obama avait annoncé l'annexation de l'Alsace-Lorraine. Prochain débat : fallait-il utiliser l'arme nucléaire pour venger Strauss-Kahn.

Et tout ce bruit, à cause de quoi ? Parce que le monde a vu Dominique Strauss-Kahn menotté, hagard et "débraillé". Mise à mort en effet.

Certes, ce n'est pas sympa de se retrouver partout sur la toile avec les mains dans le dos, entouré de flics avec les cravates que l'on connaît. Bien sûr. La véritable mise à mort de Strauss-Kahn, s'il faut poursuivre dans ce langage hystérique et hyperbolique, n'était pas ces fameuses photos, mais bien le fait d'être inculpé d'un crime terriblement grave, en désaccord total avec, oui, l'image qu'avait le grand public de l'homme. Le problème, pour DSK, ce sont les faits, non les images. L'effet sur son image serait à peu près identique si nous étions limités aux simples informations écrites : "DSK arrêter pour viol, puis inculpé sur sept chefs d'accusation".

Pourquoi donc tant de haine ? Parce que ces gens, de BHL à Wolton, ne vivent, apparamment, que dans l'image, que dans cet univers profond de seulement quelques pixels. La véritable brutalité du crime dont Strauss-Kahn est accusé n'y a pas sa place, ne peut, à la rigueur, même pas être représentée ou pensée. Ainsi on préfère se lamenter sur le fait que ce héros national a été privé de maquilleuse avant ses audiences, justement pour échapper au réel.

13 juillet 2009

Karachigate, même sans l'attentat

Petit à petit, Karachigate s'impose. Je prends pour preuve le fait que l'ancien journal de référence a enfin fait un papier sur l'enquête en cours, sans se cacher à chaque phrase derrière des "Mediapart dit que..." ou des "Bakchich dit que...", comme c'était le cas il n'y a pas si longtemps. Non, cette fois-ci il y aurait des éléments dignes d'un journal véspéral.

Qui sont les véritables auteurs de l'attentat commis le 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan, dans lequel onze Français de la direction des constructions navales (DCN) ont trouvé la mort ? Cette question se pose avec une force nouvelle depuis que le juge d'instruction chargé de l'enquête à Paris, Marc Trévidic, a écarté soudainement, fin juin, la piste Al-Qaida, et qualifié de "logique" celle liée au non-versement de commissions dans un contrat de sous-marins de la DCN à Islamabad.

Et on admet même qu'il pourrait y avoir une implication chiraco-balladurienne :

Cette autre piste pourrait potentiellement avoir des implications politiques explosives si elle mettait au jour un financement lié à la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy, actuel chef de l'Etat, était proche.

Mais...

la justice ne dispose à ce jour que de peu d'éléments, que ce soit dans le volet terroriste ou financier, pour soutenir une quelconque accusation. Seule réelle avancée des magistrats : la mise en lumière des dessous des grands contrats internationaux de la DCN (devenue DCNS après sa fusion en 2007 avec Thales) en matière de pots-de-vin [...]

À prendre avec des pincettes quand même, donc.

En tant que misérable blogueur, agent du « tout-à-l'égoût de la démocratie » (ne l'oublions pas), on ne peut pas espérer apporter des informations, mais il reste possible, et même utile, d'en commenter l'encadrement médiatique et politique. Et sur ce plan, il devient de plus en plus clair qu'il ne faut pas se laisser obnubiler par l'attentat et la responsabilité de l'attentat. Je m'explique.

Même sans l'attentat contre les ingénieurs français, le principe de rétrocommissions au bénéfice d'une campagne présidentielle est un problème en soi. Tout de même. La véritable « affaire d'État » est . Aucun niveau de pourriture dans la politique française ne saurait justifier un tel acte. Il ne s'agira jamais d'accuser les balladuriens ou les chiraquiens d'être directement responsables de l'attentat. Et comme je disais, même si l'attentat n'avait jamais eu lieu, cela n'enleverait rien à la gravité de l'accusation de rétrocommissions.

Quand Denis Olivennes interrogait le Très Grand Homme (TGH) sur la question du journaliste (courageux, soit dit en passant) de l'AFP qui lui a demandé s'il était au courant de rétrocommissions, le TGH avait dit que la question à laquelle il voulait répondre était celle là : quelle était la cause de l'attentat ? Pourquoi voulait-il cette question là ? Parce que c'est une question stupide. Même avec ses super-pouvoirs, le Président de la R. n'est pas censé savoir lire dans la pensée des terroristes, d'autant moins qu'on ne sait pas qui ils sont. L'identité des auteurs de l'attentat reste une question importante, mais désormais il y a deux questions indépendantes : celle de l'attentat et celle des rétrocommissions. Vous pouvez être certain que le camp des « balladuriens » préférera parler de l'attentat plutôt que des rétrocommissions.

Et c'est le sens du papier du Monde, qui démarre sur cette question :

Qui sont les véritables auteurs de l'attentat commis le 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan [...] ?

La réponse à cette question là risque de rester obscure. Elle risque aussi d'être complexe :

S'agirait-il d'une mesure de rétorsion d'une frange de l'ISI contre les Français qui ont vendu, en juin 2001, six sous-marins à l'Inde, l'ennemi juré, comme l'a suggéré Le Canard enchaîné ? Ou d'un réel attentat islamiste commis par des extrémistes pakistanais dénonçant le lâchage des talibans afghans par leur gouvernement et son alliance avec les Occidentaux ? Ou encore de règlements de comptes au sein de l'appareil militaire pakistanais, qui connaîtra même un volet judiciaire après la poursuite de généraux de la marine pour corruption ? Faute de preuves, aucune thèse ne l'emporte.

On peut toujours imaginer toutes sortes de manipulations qui auraient permis de combiner plusieurs de ces pistes dans l'organisation d'un attentat.

En revanche, la réponse à la question des rétrocommissions risque d'être très simple.

6 juillet 2009

Drôle d'Epok

Dans mon dernier billet, j'ai mentionné le célèbre entretien du Chef de l'État avec Denis Olivennes, l'ancien PDG de la Fnac, reconverti, paraît-il, dans le journalisme. Les confrères blogueurs n'ont pas apprécié que ce même Olivennes considère que "internet" est le "tout-à-l'égout de la démocratie". Après avoir détruit l'art et la culture, l'internet vise donc la démocratie elle-même, donc. On peut s'interroger sur cet usage du mot même d'"internet" dans ce contexte, comme si c'était une simple chose, ou un produit unique, comme l'iPod par exemple, vendu à la Fnac. Monsieur Olivennes, l'ancien "agitateur depuis...", devrait savoir, pourtant, que l'internet n'est plus vraiment une chose, mais est devenu l'air que respire une certaine société moderne et occidentale. C'est cette même attitude qui a produit des abérrations comme Hadopi, les subventions pour la presse écrite payées par les fournisseurs d'accès, et fnac.com.

Denis Olivennes publie donc dans Epok, pardon, dans le Nouvel'Obs cet entretien qui a déjà reçu, quand même, un certain nombre d'attaques bien mérités, en commençant par les rédacteurs eux-mêmes du Nouvel'Obs, mais aussi (et surtout!) les blogueurs : Juan, Dagrouik, entre autres, et surtout Vogelsong qui nous livre un réquisitoire méchant juste comme il faut, auquel je n'ai pas grand'chose à ajouter.

Qu'est-ce qu'il y de si insidieux dans cet entretien, hormis le fait qu'il n'est pas paru dans Figaro Magazine ? Là où Olivennes passe véritablement les plats, c'est dans le détournement permanent du politique vers la "personnalité" du TGH. Souvenez-vous de ce "je ne suis pas narcissique" ou de cette magnifique explication du bling-bling :

Ces critiques avaient commencé bien avant le Fouquet’s. Cela correspondait à une époque de ma vie personnelle qui n’était pas facile et où j’avais à me battre sur plusieurs fronts.

Bon à savoir. Si j'ai des difficultés côté perso, je n'hésiterai pas à compenser par la multiplication des signes extérieurs de richesse. Se battre sur plusieurs fronts. Le pauvre.

Et pendant que nous nous appitoyons sur le pauvre petit Très Grand Homme, nous nous détournons du politique. Et c'est peut-être là où est le secret de l'alchimie Olivennes-Sarkozy : tout peut se réduire à du personnel, à des facettes de cette personalité insondable. Karachigate ? La question du journaliste ne me plaisait pas. Conception monarchique de la présidence ? Euh, j'ai grandi.

Eh bien, ici à la Pire Racaille, on s'en fout de la personalité du Président de la R., on s'en fout s'il grandit ou au contraire se rapetisse. Mais on n'est pas pour autant indifférent devant la compromission de la presse. Pourtant, cela ne devrait pas nous surprendre. (À ce propos, David Desgouilles fournit des intuitions importantes sur les liens entre Sarkozy et les « libéraux de gauche » comme Minc et Olivennes.)

Pendant les dernières semaines de la campagne présidentielle, j'entendais sans cesse : « il ne faut pas diaboliser Sarkozy ». Je ne me souviens pas de l'origine de ce thème, mais il est évident qu'aujourd'hui, déjà, après deux ans seulement, tout ce qu'on pouvait craindre est déjà en place. Sans parler des libertés individuelles, du Ministère de la Haine et de l'Identité Raciale, nous sommes effectivement arrivés à ce bloc de pouvoir médiatico-politique qu'il était déjà logique, en 2007, de redouter. L'« ouverture » est une bide politique qui ne sert qu'à maintenir la pression sur les cadres UMP. L'« ouverture » idéologique qui permet à cet homme de réseaux à peser sur presque tous les médias traditionnels est bien plus dangereuse.

3 juillet 2009

Karachigate et moi, et vous, et eux... et lui

Petit à petit, des éléments sur "l'affaire Karachi" (ou "Karachigate", puisque ainsi qu'il faut l'écrire désormais) sortent. Sortent, oui, mais sortent où ? Pas au grand jour médiatique et télévisuel, bien sûr. La presse dite écrite se contente de commenter l'enquête menée par les magistrats et par Mediapart. Le dernier papier du Monde, par exemple, est truffé de ces "Selon le site Internet Mediapart" et "Mediapart appuie sa révélation sur le témoignage d'un ancien agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Claude Thévenet" sans qu'il y ait le moindre mot qui puisse mouiller l'ancien journal de référence. On informe sur ceux qui font du journalisme, mais pas plus. Ou encore, il faut parler pour soi, comme l'a fait Eva Joly dans une très bonne Opinion pour plaider contre la suppression des juges d'instruction et une redéfinition du "secret défense" qui pourraient, ensemble, rendre les Karachigates de l'avenir totalement opaque à la justice, à la presse, aux citoyens.

Dommage qu'il faut être un média alternatif, comme Arrêt sur image, pour enquêter sur cette affaire.

Le rôle des blogueurs est donc de synthétiser, de rassembler les informations. Et surtout d'empêcher cette histoire de s'éssouffler devant l'apathie médiatique. La démocratie française moderne fonctionne en montant en épingle certains petits épisodes. À partir d'une pratique vestimentaire ultra-minoritaire de certaines femmes musulmanes, nous nous dirigeons vers un grand débat national sur le sens profond de la République qui risque d'occuper nos ondes pour des centaines d'heures de débats inutiles. Karachigate n'est ni un détail, ni un fait divers, mais, si l'hypothèse la plus probable devait s'avérer, une grave affaire d'État. S'il y a bien des épisodes qui méritent de recevoir toute l'attention dont la machine médiatique est capable, Karachigate en est un.

Le rôle des blogueurs est donc de maintenir le buzz. Nous avons au moins ce pouvoir de lutter contre l'oubli programmé d'une histoire un peu trop compliquée pour servir accompagnement à la publicité de 20 heures. Cherchez #Karachigate sur Twitter et vous verrez qu'il y a en effet du buzz.

Maintenir la visibilité de Karachigate demande cependant un effort constant, une lutte contre l'inertie des médias, de l'État lui-même. On le constate au plus haut niveau, lorsque le Très Grand Homme (TGH) essayait d'humilier un journaliste AFP qui a osé lui poser une question pointue et peut-être même gênante sur sa possible connaissance de l'affaire, en tant que Ministre du Budget. Ou encore, ce qu'il n'a pas dit (mais Juan, si), en tant que directeur de campagne du malheureux Balladur.

Le clip d'un TGH se débarrassant de la question avec mépris, et avec ce célèbre "la douleur des familles et des trucs comme ça" qui a déjà fait le tour de l'internet, nous montre surtout un président qui botte en touche, ou qui fait diversion. Car dire qu'une hypothèse est "grotestque" n'est pas dire, tout simplement : "non, je n'avais pas connaissance de rétrocommissions". Il était plus simple de fanfaronner que de répondre à la question.

Du coup, lorsque l'on lui pose la question, dans cet entretien du TGH au Nouvel'Obs, déjà désavoué par les rédacteurs du même Nouvel'Obs, Sarkozy explique son comportement, indigne et grotesque, ainsi :

N. O. – Tout récemment encore, à Bruxelles, vous avez éconduit un journaliste de l’AFP qui vous interrogeait sur les rebondissements dans l’enquête judiciaire sur l’attentat de Karachi.

N. Sarkozy. – Si ce journaliste m’avait demandé: "L’assassinat de nos compatriotes est-il lié à un différend franco-pakistanais à propos de commissions non payées ?", je lui aurais répondu que je n’en savais rien et qu’il fallait que la justice aille jusqu’au bout de la recherche de la vérité. Mais la question était : "Vous étiez ministre du Budget, vous souteniez Balladur dans la campagne présidentielle, il y a l’attentat de Karachi, est-ce que vous étiez dans le coup ?" Je fais de la politique depuis trente-cinq ans, je n’ai jamais été associé à un scandale quel qu’il soit, et pourtant on a enquêté sur moi sous tous les angles. Cela devrait vous rassurer d’avoir un président pointilleux sur les questions d’honnêteté. J’en ai connu d’autres qui disaient à la télévision: "Des écoutes ? Moi, jamais." Je ne suis pas capable d’une telle hypocrisie !

Pas "capable d'une telle hypocrisie" ? Pas narcissique ? Évidemment, il aurait été très facile de dire qu'il n'en savait rien sur le lien entre l'attentat et les (rétro)-commissions. Comment sonder l'esprit d'un terroriste, n'est-ce pas, surtout quand on ne sait même pas qui était l'auteur de l'attentat ? Beaucoup plus dur de répondre : "je n'étais pas du tout au courant d'un financement pakistanais de la campagne Balladur..." Dur, dur.

Bon, admettons qu'il n'était pas, psychologiquement, préparé à répondre sur le champ à cette question, et que la dignité de sa très haute fonction l'obligeait à faire diversion, de préférence de façon indigne. Admettons. Ce que je trouve difficile à admettre, c'est que le Président de la République n'accepte pas qu'on le questionne là dessus. Il n'a pas été accusé, c'était une question relativement simple. Mais visiblement inadmissible. Et c'est cela qui est inadmissible.

21 avril 2009

Le verre d'eau des tempêtes

En effet, le psychodrame, ou le double psychodrame, qui entoure les "excuses" offertes par Ségolène Royal, servira de cas d'école dans l'étude de la structure médiatico-politique d'une Ve République agonisante. On suppose que ce seront des chercheurs étrangers qui se pencheront sur l'affaire, les éventuels chercheurs français seront bien entendu trop occupés à des projets à rentabilité immédiate pour y perdre leur temps.

L'une des conclusions auxquelles ces chercheurs ne manqueront pas d'arriver, c'est qu'aucune information politique ne saurait exister si elle ne peut pas s'insérer dans le récit fondamental qui est le roman des personnages politiques.

Richard Trois l'explique très bien:

Mais personne ne pose cette question pourtant essentielle :
Si Ségolène Royal n'avait pas écrit ces quelques lignes d'excuses à José L. Zapatero, les français dans leur grande majorité auraient-ils entendu parler du tollé soulevé en Espagne par cette phrase, qui aurait été prononcée par M.Sarkozy, selon Libération, sur M. Zapatero qui "n'est peut-être pas très intelligent" ?
Les Français d'en bas, ceux qui ne suivent pas au quotidien les faits et gestes de Nicolas Sarkozy, auraient-ils su avec quelle condescendance et quel mépris Nicolas Sarkozy a traité Barack Obama devant les députés issus de la representation nationale reçus à l'Elysée ?
Les auraient-on informé de ces costards XXL taillés par la presse internationale tout spécialement pour Nicolas Sarkozy et son comportement à l'égard de ses homologues ?

L'image désastreuse de Lui-Même que notre Très Grand Homme (TGH) donne à l'étranger ne devient une « information » que si elle entre dans la narration déjà rôdée de la campagne de 2007. Vous vous souvenez du test dans Elle : « Êtes-vous Sarko ou Ségo? ». Nous en sommes encore là, malheureusement. Aujourd'hui il n'y a pas d'autre schéma pour expliquer la politique.

Bien sûr, Ségolène Royal n'est pas toujours dans le coup. Excellent exemple d'un coup 100% médiatique : Nicolas Sarkozy est battu à plates coutures par Chirac dans un sondage Paris Match (votre source pour tout ce qui est sérieux en politique : nous attendons impatiemment leur dossier sur les nouveaux emplois précaires ou l'avenir du syndicalisme.) Juan

Un autre baromètre, de Paris Match cette fois-ci, place le président loin derrière Jacques Chirac en termes de popularité. Seul motif de satisfaction, il devance Ségolène Royal. Un sociologue, président de Mediascopie, explique que Nicolas Sarkozy est devenu "inaudible".

Oui, Sarkozy est ridicule, inaubile. Oui, on lui préfère Chirac. Si ce n'est pas Zidane, Laure Manaudou ou l'Abbé Pierre. Mais cela ne donne rien : en désapprouvant Sarkozy, on tombe dans la nostalgie de Chirac, justement un choix non-politique. Avec Chirac, comme dirait Jean d'Ormesson, "c'était bien". Quoi exactement ? Rien, en fait. Chirac, maître du dos rond et de l'hypocrisie politique, est simplement plus sympa que son successeur. C'est trop génial pour nous.

Le gauchiste en nous, notre sur-moi trotskyste (dût-il exister) dirait aussitôt : il faut dénoncer la personnalisation de la vie politique, donc Ségo et Sarko, même combat. Ce qui me fait revenir à l'un des principes fondamentaux que j'affirme depuis le début de ce blog, l'efficacité. Non pas celle de ces socialistes "libéraux" qui veulent produire avant de distribuer, et qui, à force de couper les poires en deux, en quatre et en huit, finissent avec une sorte de compote de droite mais allégée en sucres. Trotsky lui-même était, dans ses jeunes années surtout quand il a livré à Lénine l'Armée Rouge, quelqu'un d'assez efficace, et ce n'est pas sûr qu'aujourd'hui son premier réflexe serait de s'embarasser de principes sur ce que doit être une parole de gauche.

Aujourd'hui, maintenant, le monde est télévisuelle, la République est Cinquième, et il va falloir s'y faire. Une seule personne à gauche est capable, par un simple discours plein de bon sens, de semer l'hystérie dans le camp de droite, de faire sortir de ses gonds la garde rapprochée sarkozyste. J'ai donc du mal à comprendre ceux qui crachent dans la soupe. Il y a si peu de soupe.

10 juillet 2008

Sois intimidée et tais-toi!

Tout le monde va sans doute parler de la même chose aujourd'hui, mais bon. Un choeur de blogs braille plus fort. D'ailleurs, Marc Vasseur, avec un excellent billet sur la question, nous a déjà fait la plupart du travail.

L'affaire de la "mise à sac" de l'appartement de Ségolène Royal se poursuit. Libération met en une "La gaffitude". Laurent Joffrin pond un éditorial suffisant et inepte :

Que dire pour défendre Ségolène Royal ? Rien. On cherche vainement une raison qui pourrait justifier un tant soit peu les accusations à peine voilées qu'elle a portées mardi soir contre le «clan Sarkozy».

Même le Figaro est plus sérieux, malgré un titre légèrement condescandant et machiste : "Ségolène Royal se sent «suivie ou écoutée»". Elle "se sent" suivie. Car une gonzesse, ça sent les choses, car une gonzesse n'est pas raisonable, une gonzesse a peur, est parano, hystérique, émotionnelle, pas sérieuse. Ah, mais c'est le Fig, me dîtes vous tous en même temps. Oui, mais Laurent Joffrin ne fait pas mieux, il fait même pire :

L'ancienne candidate a bien été cambriolée, expérience toujours traumatisante d'autant qu'elle s'est répétée. Mais des millions de Français ont été cambriolés au fil des années. Rares sont ceux qui ont incriminé le président de la République...

Oui, c'est "traumatisant", du coup l'ex-candidate pète les plombs. C'est la variante parano du thème de la "gaffitude" : si ce n'était pas des martiens, alors c'était Nicolas Sarkozy.

Je disais donc que le Figaro était pour le coup plus sérieux. Car là où Joffrin "cherche vainement une raison qui pourrait justifier un tant soit peu les accusations", le Figaro en fournit plusieurs qui méritent d'être répétées :

  • "Les policiers du Service départemental de police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine, chargés de l'enquête parlent d'une «mise en scène», voire de «mise à sac», selon une source proche de l'enquête."
  • "le procès-verbal de [la] plainte [concernant le cambriolage précédent] a été «mis en évidence à dessein, de façon à ce que ce soit repérable», assurent les enquêteurs, confirmant une déclaration de l'avocat de Ségolène Royal, Me Jean-Pierre Mignard."
  • Les policiers auraient fait remarquer que l'heure de la mise à sac était atypique.

Visiblement, le Service départemental de police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine est une antenne de Désirs d'avenir pour pouvoir accréditer ainsi les délires de cette dame.

Sérieusement, qui peut, hormis Laurent Joffrin, soutenir que cette affaire n'a pas tout d'un acte d'intimidation politique ? Laurent Joffrin n'est-il pas assez informé pour savoir que ce ne serait pas la première fois qu'un incident de ce type vient salir l'immaculée vie politique de la France ?

Laurent Fabius, pourtant pas franchement un allié de Royal, est moins naïf que Joffrin (je prends ceci chez Marc Vasseur) :

Pssst Monsieur Joffrin ... L'ancien Premier ministre Laurent Fabius (PS) a affirmé jeudi sur LCI avoir déjà eu le sentiment d'être "suivi, écouté, espionné", mais a de nouveau refusé "d'entrer dans la polémique" à propos de la mise à sac de l'appartement de Ségolène Royal. A la question "avez vous eu le sentiment d'être suivi, d'être écouté, d'être espionné", l'ancien Premier ministre a répondu sobrement: "oui". "Donc ça existe", a poursuivi le journaliste qui l'interrogeait. "Je le crains", a rétorqué M. Fabius. source Ouest France.

Du coup, quand Laurent Joffrin écrit,

D'où vient cette hypothèse sensationnelle ? On ne sait. Rien dans l'enquête, rien dans l'appartement mis à sac, rien dans les milieux judiciaires.

on se demande s'il lit les journaux de temps en temps. Dans le sien, dans le papier correspondant à celui du Fig, les faits accréditant la piste de l'intimidation ne sont présents que sous forme de citations de Ségolène Royal elle-même, confortant ainsi l'interprétation "elle est folle".

Le pire dans cette histoire, c'est que l'effraction dans l'appartement de Madame Royal passe pour beaucoup moins grave que le fait que la première concernée en parle. Sois intimidée et tais-toi! Le fait de dire ce qui ne nous surprendrait pas du tout si le pays en question était l'Italie par exemple, semble, en France, tout à fait hors de propos.

Marc, écrit encore, en s'adressant à Joffrin :

Et pour tout dire, je crois que le temps de l'opposition gentillette est désormais révolue... il s'agit de lutter pied à pied contre une droite revancharde et idéologique. A ce propos, Je m'étonne de votre mansuétude vis-à-vis des tombereaux d'insanités qu'elle nous sert quotidiennement depuis la fin de l'état de grâce de votre ami... cela ne semble guère vous émouvoir,.

Voilà ce que si peu de personnes dans le grand consensus médiatico-politique semblent avoir compris : Ségolène Royal est la seule à taper fort contre la communication sarkozyste elle-même. Cela surprend plus encore à gauche qu'à droite, peut-être, mais, comme je le dis depuis que ce blog existe, pour gagner des élections il faut savoir communiquer, exister sur le plan de l'image. La plupart des cadres socialistes ne parviennent pas à dépasser la petite phrase, l'ironie ou, les bons jours, le sarcasme, alors que face à l'UMP, face à un Sarkozy, il faut taper fort.

L'épisode Ingrid Bétancourt le montre bien. Lisez surtout ce billet de Nicolas J., pourtant pas un ségolénophile, qui montre la nécessité absolue de dire que Sarkozy n'était pour rien dans la libération de l'ôtage des FARC. Il est essentiel de dégommer les faux-semblants sarkozyëns qui n'ont peut-être pas d'importance dans la technocratie ou dans la compétition à l'intérieur du PS, et pour l'instant une seule responsable politique semble l'avoir compris. (Enfin, il y a aussi Noël Mamère qui peut être très efficace quand il veut.)

Ségolène Royal tape fort : c'est l'une des leçons à retenir. Raffarin l'avait traitée de délinquante sociale, Royal sort l'histoire de l'appartement parisien que ce même Raffarin faisait louer par la Région Poitou-Charentes. "T'en veux une, la voilà ta baffe."

Au vu de la réaction de Laurent Joffrin, ce langage politique-là n'est pas acceptable pour la gauche, qui ne doit rien oser, qui doit rester dans sa molle acceptation de la politique et de la communication de la droite, qui doit accepter les termes du débat que la droite lui impose, qui ne doit finalement exister que comme la proposition d'une petite inflexion de la politique de l'UMP. Si on était au pouvoir, on ferait presque pareil, mais un peu mieux...

16 mai 2008

Le sens du poil

Sur Le Monde propose, en tant que "Décryptage", un article de Philippe Ridet sur le Très Grand Homme (TGH) et le service mininum à l'école : M. Sarkozy revient aux fondamentaux de la politique. Déjà le titre est dans la droite lignée de la nouvelle comm' élyséenne, un Sarkozy plus posé, calme, présidentiel, etc. Donc là il revient aux fondemantaux, tout le contraire des excès qu'on lui attribue si souvent.

Depuis la réforme des régimes spéciaux de retraites, en novembre 2007, M. Sarkozy attendait avec impatience une occasion de rebondir. Pour espérer quitter les profondeurs des sondages, où l'ont entraîné les mauvaises nouvelles sur le front du pouvoir d'achat et ses propres erreurs de communication.

La ligne la plus pure : quelques erreurs de communication mais pas d'erreurs politiques, et des problèmes de pouvoir d'achat qui n'ont rien à voir avec la politique du "président du pouvoir d'achat". La faute à pas de chance. Et pourtant, pendant ce temps là, le vrai Sarkozy piaffait d'impatience, attendant anxieusement l'occasion de faire de la politique. C'est vrai que, quand on est Président de la R., de telles occasions sont assez rares.

Ainsi, une position de droite somme toute classique devient un véritable coup pour le toujours admiratif Monsieur Ridet :

Pour M. Sarkozy, le bénéfice de la manoeuvre est multiple : il honore une promesse de campagne, il satisfait une large proportion de Français favorables à cette mesure et il place la gauche, hostile à ce "service minimum" dans les villes qu'elle administre, en porte-à-faux avec l'opinion; il s'offre une tribune.

Pourquoi faut-il être si dur avec Philippe Ridet ? Je croyais qu'il ne devait plus s'occuper de l'Elysée. Quand j'ai lu son article, je me disais : "tiens, c'est bizarre, on dirait du Ridet. Et pourtant." Et pourtant, c'était bien lui, fidèle au poste.

Dans un Tchat au Monde, j'avais posé la question :

omelette16oeufs : Plus qu'aucun autre président, Nicolas Sarkozy a fait de son "comportement" ou de son "style" un enjeu majeur de sa personnalité politique. Les journalistes qui suivent de près le président sont un relais important dans cette communication. Cette proximité permet-elle un jugement clair des éventuelles manipulations de l'image présidentielle ?

Philippe Ridet : La proximité est nécessaire tant qu'elle n'est pas connivente. Elle permet d'approcher au plus près un personnage politique, de rendre compte le plus précisément de sa stratégie et de sa communication.

En réponse à un autre, il avait écrit :

Philippe Ridet : Je n'ai jamais eu le sentiment d'avoir été instrumentalisé. Même si j'ai parfois eu l'impression d'être un maillon d'une grande chaîne de communication.

Mais j'ai toujours veillé à rendre compte le plus précisément possible, quand c'était nécessaire, des dispositifs de communication mis en place par le candidat et par le président. C'est une manière d'avertir les lecteurs des mises en scène produites par l'UMP et par l'Elysée.

On n'a jamais le sentiment d'être instrumentalisé quand on l'est, c'est normal. Sa lucidité sur les "mises en scène" est, comme dans ce papier, toujours admirative. Bien joué, Monsieur Président! Et la plupart du temps ces informations vont dans le sens du poil élyséen. Car il faut être un grand connaisseur des manoeuvres du Président, un journaliste aguéri, pour en arriver à la conclusion : tout baigne.

13 mai 2008

Blogosphéricité (on fait quoi là?)

De temps en temps on s'arrête pour se demander ce qu'on fait. Ou on ne s'arrête pas, mais on se le demande quand même. Ce weekend a été l'un de ces moments, pour moi mais aussi pour d'autres, comme Donatien, Maxime et oRélie. Est-ce que ça sert à quelque chose de s'époumonner sur les blogs, de se rassembler, de se disputer, alors que l'influence politique de tous ces mots et de tous ces pixels est parfaitement intangible.

Pourtant, chaque jour le Web devient un peu plus un champ de bataille politique. On s'est bien moqué de l'interactivité de Désirs d'avenir, et encore du nom Congrès Utile et Serein, dont on ne sait si le choix était naïf, manipulateur, ironique... ou tout cela en même temps. Bertrand Delanoë lance Clarté, courage, créativité et puis aujourd'hui on découvre Terra Nova qui n'est pas une agence de voyage spécialiste de l'Amérique Latine, mais une sorte de think tank à la Gracques_2.0, dirigé par un ensemble de notables de gauche. A priori, cela ressemble au Monde devenu une sorte de parti politique.

Mais je digresse... L'internet est un espace politique, et les blogs ont un rôle à y jouer, justement parce qu'ils ne sont pas le produit de telle fondation, parti ou think-tank, mais un endroit où les gens, les mal-lavés peuvent dire ce qui leur passe par la tête. La question devient, alors : quand on tient un blog politique, est-ce qu'on fait de la politique?

Ce matin, Nicolas J a réussi à résumer tout ce billet qui n'était même pas écrit en un seul twit:

@marcvasseur : je ne fais de politique ! J'écris dans un blog.

Quand je dis que Nicolas a résumé ma pensée, c'est qu'il me semble essentiel de distinguer l'action politique au sens traditionnel, et l'activité blogoësque. Non que celle-ci doit être complètement détachée de celle-là. La beauté des blogs, c'est justement qu'ils sont si libres qu'ils peuvent s'attacher à, ou se détacher de, tout et n'importe quoi. Nicolas, encore lui, nous rappelle souvent que l'influence des blogs est nulle ou quasi-nulle. Il a raison : le poids de la blogosphère dans les grandes tractations politiques sera toujours zéro. Le modèle syndical ou militant des blogs qui se mettent ensemble, deviennent une force, impose quelque chose aux partis... cela ne pourra pas marcher : les blogueurs, au départ, ne représentent qu'eux-mêmes.

Et pourtant, l'influence réelle des blogs peut être grande. Pas en termes d'action politique, mais en termes de représentations. Car, avec tous ces mots que nous balançons et que l'on nous rebalance, nous finissons par créer des représentations, ou par infléchir, ou dégrader, ou nuancer celles que les médias et les institutions déversent sur nous. C'est donc là, à mon avis, le pouvoir, la force des blogs.

Un exemple : le travail incessant de Juan de Sarkofrance, qui mérite d'être souligné à chaque occasion. Peu à peu, on commence à reprendre ses Nème en sarkofrance, d'abord sur Betapolitique, ensuite sur le site de Marianne. Y a-t-il un lien allant du blog jusqu'à la désormais célèbre couverture, "Putain! quatre ans", qui a réussi à énerver notre Très Grand Homme (TGH) :

Selon plusieurs témoignages, le président a détaillé ses récriminations à l'encontre des journaux. Il aurait aussi visé Marianne, dont la dernière "Une" titrait, sur une photo du président, "Putain 4 ans!", et a accusé le Journal du dimanche de ne pas avoir publié dans son édition papier un sondage plus positif que les autres sur sa récente intervention à la télévision.

Je n'en sais rien. Peut-être.

Toujours est-il que c'est dans ce domaine que les blogs pourront "faire quelque chose", exercer non pas un pouvoir politique, mais influencer, infléchir la vision de la sphère politique. C'est-à-dire en restant des blogs.

28 avril 2008

Contrit?

Du grand entretien télévisé de notre Très Grand Homme (TGH), la chose à dire et à penser, la sagesse médiatique, c'est que Sarkozy a "reconnu ses erreurs", que c'est un modèle d'humilité. Sarkozy est calme et sage, présidentiel sans être hyperactif, et ainsi de suite. S'il y a une information là-dedans, c'est que la communication élyséenne a changé, mais ça, on le savait déjà, depuis le revirement brutal qui a suivi la chute, tout aussi brutale, dans les sondages de notre héros.

Mais cette image d'un TGH contrit, c'est difficile à vendre quand même. Plus c'est gros... Sauf que ça ne passe pas, pas tellement, auprès des français. Pourtant, un éditorialiste au Figaro nous rappelle que les Français sont la meilleure boussole. Non, Ivan Rioufol ne s'est pas converti au socialo-communisme; selon sa "boussole", toute déviation de la ligne d'une droite très dure irait contre les souhaits profonds des Français, tous déçus de retrouver un Sarkozy tiède et confus.

Il y a pourtant quelque chose d'étrange dans cette lecture, car, sur le fond, Sarkozy ne renie pas une miette de cette première année. Les seules erreurs étaient de communication, voire de déma... de pédagogie. Même son de cloche chez Fillon. Lui, qui ne loupe jamais une occasion pour égratigner une gauche qui ne ferait pas de mal à une mouche, regrette de ne pas avoir été plus "offensif" :

J'assume ma part d'erreur! Je regrette notamment de ne pas avoir été, à l'époque, plus offensif face à une gauche qui travestissait la vérité avec des chiffres et des arguments archi faux. Nous aurions dû combattre ce discours mensonger et irresponsable avec plus de fermeté. J'ai pensé qu'il était tellement éloigné de la réalité qu'il ne prendrait pas dans l'opinion publique. J'ai eu tort.

En l'occurence, ce qui est "archi faux" c'est de dire que le bouclier fiscal a coûté 15 milliards. Il confond bouclier et paquet. C'est le paquet qui a coûté 15 milliards. Le bouclier était dans le paquet, c'est tout. Bref.

La nouvelle ligne n'est donc pas nouvelle : on fait tout bien, sauf la communication. Pour un président obsédé par la communication, pour qui tout doit être soumis aux besoins de la communication, c'est en effet un énorme échec, celui de tout un système dans lequel le pouvoir était centré sur la personne du TGH, sur sa popularité individuelle relayée et soutenues par les médias amis. D'une certaine façon, il me semble permis d'espérer que ce système là a vécu. Mais les aveux d'erreurs, la contrition présidentielle ne concernent pas cette déroute-là. La véritable erreur de communication était une sur-communication. L'aveu concerne une sous-communication : on n'a pas su expliquer ça aux Français, ou encore, on n'a pas assez tapé sur les socialos.

Finalement, l'"erreur" sarko-filloniste, celle qu'ils reconnaissent, est tout à fait à leur honneur. Ils ont trop travaillé sur le fond, les pauvres, ils ne se sont pas assez occupé de la com'. C'est terrible. Plus jamais ça, en effet.

L'erreur de com' cache la com' véritable.

24 mars 2008

La presse admire la ligne printemps-été de Sarkozy

Depuis la déroute humiliante de la droite aux municipales, la mode dans les médias est de savourer les efforts de notre Très Grand Homme (TGH) pour se "présidentialiser". Il paraît que même l'intéressé parle en ces termes (voir le Canard de cette semaine). Je me suis déjà interrogé sur la possibilité d'un style bling-bling très voyant à un style qui serait, d'après Devedjian (mon UMPiste préféré), plus "classique", donc de s'afficher comme celui qui s'affiche moins.

Sarkozy a beau être la cible d'ignobles attaques dans les médias, il pourra toujours compter sur Le Monde pour une approche favorable. Aussitôt désavoué par l'opinion, il faut faire de Sarkozy un petit gars sympathique qui se plie en quatre pour bien faire son boulot.

Premier exemple : cette comparaison, par Bertrand Le Gendre, entre Sarkozy et De Gaulle, comparaison a priori défavorable : Sarkozy y a quand même l'air d'un guignol, surtout dans le récit de la scène du "honeymoon" avec Merkel devant les journalistes. Et pourtant, à la conclusion de cette "analyse", Le Gendre insiste surtout sur le côté Vieille France du Général :

Personne n'imagine non plus de Gaulle montant quatre à quatre les marches du perron de l'Elysée en short Nike. Ni faisant un jogging dans les rues de Manhattan vêtu d'un tee-shirt "NYPD" (New York City Police Department). Invariablement habillé d'un costume foncé, le Général ne le quittait que pour son uniforme de serge kaki. Même son fils Philippe ne l'a jamais vu, dans le parc de Colombey-les-Deux-Eglises, qu'en veston et cravaté.

Ce sont les dernières lignes du papier. Tout est toujours bien équilibré : si Sarkozy n'est pas assez présidentiel (Nike, NYPD), De Gaulle l'était trop, ou le serait trop encore pour notre époque. Evidemment. Ce qui confirme l'argument premier de Sarkozy : il faut un président "moderne", "transparent" et "décontracté", pas comme ce vieux schnoque de De Gaulle. Sauf que malgré tout De Gaulle était encore plus "transparent" que Sarkozy : non seulement payait ses propres "frais de bouche" et ne se serait pas autorisé à doubler son propre salaire, mais, même en termes vestimentaires, il était en public comme il était en privé : le même veston, la même cravate.

C'est donc la nouvelle technique médiatique : se moquer gentiment des excès de Sarkozy, tout en admirant chacune de ses tentatives, pourtant risibles, de se présenter comme plus digne.

Le papier de Philippe Ridet de la semaine dernière fournit bon nombre de ces anécdotes, surtout Sarkozy au plateau des Glières :

Originellement, une garde rapprochée composée de Brice Hortefeux, Nicolas Bazire et Pierre Charon aurait dû être de cette cordée haut-savoyarde. "Trop clanique", a jugé M. Sarkozy qui ne souhaite pas aller trop loin dans la comparaison. "Honnêtement, c'est mieux que l'autre...", lâche-t-il dans une allusion un rien perfide à son prédécesseur.

Admirez-moi! Admirez-moi! Personne ne peut lui expliquer que pour avoir la classe, il ne faut pas avoir l'air de chercher à tout à prix à l'avoir? Non, ne lui expliquez pas, ça ne fait rien.

Le schéma est toujours le même, pourtant : on se moque du TGH, et après on se rassure en l'admirant. Le moment le plus mielleux de l'article de Philippe Ridet est pourtant la scène du conseil des ministres :

"Plus les obstacles se multiplient, plus il faut de calme et de sang-froid", a expliqué le chef de l'Etat. On croirait du Chirac. Les anciens ministres respirent : ils ont retrouvé un président.

Il suffit de dire une connerie pour que la présidentialité de Sarkozy soit rétablie : ah, enfin un président! Oui, c'est incroyable : il a dit "calme" et "sang-froid". Dans la même phrase en plus! Quel homme! Philippe Ridet depuis longtemps me paraît sinon franchement sarkophile, du moins trop content d'avoir accès en permanence au TGH pour être contrariant. Mais le phénomène dépasse un seul journaliste, ou même un seul journal : l'obsession du style, de l'anti-style, du style de l'absence de style est en train d'occulter, à nouveau, la dimension politique de ce style.

Le style de Sarkozy n'est pas accessoire, un "habit" que l'on endosse pour communiquer plus ou moins bien. Le style de Sarkozy est indissociable d'une certaine pratique du pouvoir, réalité que tous ces bavardages autour du style ne font que dissimuler.

10 mars 2008

Elections antidémocratiques

Du Monde du 18 février :

"un climat très malsain, antidémocratique et antirépublicain avec de très mauvais relents de la presse des années 1930" (Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement), "une utilisation de la République à des fins de règlements de comptes personnels" (Valérie Pécresse, ministre des universités).

Karoutchi et Pécresse parlaient évidemment de Sarkozy victime des médias. Mais aujourd'hui, iront-ils jusqu'à dire que les électeurs qui ont désavoué Sarkozy et l'UMP sont, eux aussi, antidémocratiques ?

Utilisent-ils la République à des "fins de règlements de comptes personnels"? Oui, peut-être.

Edit: petite correction.

24 février 2008

Vie privée politique

(Aujourd'hui je blogue en déconnecté, alors pas de liens...)

Dans Libé, on interroge des blogueurs français et des journalistes étrangers : s'ils avaient la certitude que le célèbre SMS ("Si tu reviens..." -- bientôt le nom d'un nouveau parfum chez Dior, sûrement) était authentique, auraient-ils publié l'information. Tandis que les journalistes (étrangers) l'auraient publié, il semblerait que la plupart des "blogueurs" (on se demande de qui il s'agit) ne l'auraient pas fait.

Bien. Peu importe.

Ce qui commence à me porter sur les nerfs, c'est que le seul argument en faveur de la publication du SMS, la seule justification qui revient encore et encore, c'est que Sarkozy lui-même a enlevé la distinction entre vie privée et vie publique, en instrumentalisant celle-ci pour arranger ses affaires en celle-là. Disons que je n'ai rien contre cet argument, il est parfaitement valable, je n'en veux pas à ceux qui le reprennent.

Si ça finit par m'agacer, c'est que l'argument s'arrête toujours là. La plupart du temps on ajoute que Ségolène Royal en faisait autant pendant la campagne, comme si elle s'était affichée partout avec le trop désirable François Hollande. Et ensuite on lui reproche d'avoir trop dissimulé les problèmes dans sa relation avec son compagnon. Bref, c'était exactement pareil qu'entre Sarkozy et Cécilia et entre Sarkozy et Carla.

Ça finit par m'agacer, finalement, parce que ça reste sur la surface et n'engage pas la dimension proprement politique de la chose. Afficher ou non sa vie de couple pourrait ne pas avoir de conséquences ; ces questions pourraient très bien rester le domaine de la presse people. L'instrumentalisation de la vie privée pour des besoins d'image est en effet devenue courante, en France et ailleurs, et de ce fait elle constitue une invitation à la presse, et à une certaine presse... Toutefois, le cas Sarkozy est différent, profondément différent. Sa poursuite permanente de la popularité personnelle est indissociable d'une démarche politique consistant à réinterpréter les relations entre le Président de la R., le gouvernement, le Parlément, la Justice. La présidentialisation du pouvoir s'est accompagnée d'une personnalisation du pouvoir.

Nous sommes bien loin des conclusions purement théoriques et totalement enterrées de la commission Balladur. D'ailleurs, qui, à droite, parle encore de ces "réformes" ? A l'automne dernier, la présidentialisation du régime semblait s'imposer ; Sarkozy était la preuve vivante que de toute façon nous étions entrés dans un univers présidentiel. Modifier la Constitution se justifiait comme une manière de rendre plus "transparente" une réalité déjà en place. Avec la chute de la popularité du Très Grand Homme (TGH), ces perspectives ont disparu. La nouvelle sagesse veut que le Président soit calme et distant. C'est la preuve que la déformation des institutions que Sarkozy justifiait par la "légitimité du suffrage universel" et surtout par sa puissance de feu médiatique était directement liée à sa personnalité. Et cette personnalité était elle-même le produit d'une manipulation des images du bonhomme : Sarkozy qui fait ses footings, Sarkozy en Ray-Ban, Sarkozy qui envoie sa femme chez Kadhaffi, et ainsi de suite.

Donc, non seulement le TGH a-t-il gommé la distinction entre vie privée et vie publique, mais sa vie privée est devenue politique. La droite s'indigne de l'impitoyable "lynchage" dont le TGH est devenu l'objet ; mais ce "lynchage" -- plutôt timide à mon goût : les "lyncheurs" ont attendu, pour la plupart, la baisse du TGH dans les sondages avant d'accrocher leur corde à l'arbre -- concerne non pas un type qui fait des voyages avec sa copine, mais une façon de faire de la politique, une façon de concevoir les relations entre les institutions. Faut-il s'étonner qu'une politique fondée sur la personnalisation suscite une opposition tout aussi personnelle ?

17 février 2008

L'horreur dans le vacarme

Quelque chose d'étrange est en train de se passer...

Les sarkozystes pensent que soudain la presse veut les lyncher. Enfin, lyncher le sarkozyste numero uno, surtout. Juan réagit à cette nouvelle saloperie, prononcée cette fois par Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Il dit, à propos de nos chers journalistes et de nos encore plus chers médias :

On a l'impression d'un vent de folie qui respire les années 30 avec ce que cela a de plus nauséabond. (Source.)

Cette semaine, Carla Bruni établit également le lien entre le NouvelObs et les Français qui dénonçaient les juifs pendant l'Occupation. Au départ, ça passe pour la gaffe de notre nouvelle Première Cruche...

Ensuite, Sarkozy sort une nouvelle énormité, typique de sa technique du vacarme : un enfant victime de la Shoah pour chaque écolier. Typique, également, de sa capacité à mobiliser des sujets très graves et porteurs d'émotions très fortes, pour des manoeuvres à très court terme, dont la finalité ne va pas plus loin que l'espoir (mince) de distraire quelques minutes les téléspectateurs et grappiller un point ou deux dans les sondages. La souffrance des autres au service toujours du même Très Grand Homme (TGH).

Mais, au delà du vacarme, ou peut-être plus précisément dans son coeur même, on commence à déceler la logique d'une analogie proprement grotesque : pour établir son statut de victime, Sarkozy doit comparer son sort à celui des victimes de l'Holocauste. En tapant ces mots, je suis quand même horrifié par le déséquilibre entre les deux parties de ma phrase, entre la bassesse d'un homme politique qui cherche par absolument tous les moyens à se rendre sympathique, et un événement historique qui le dépasse très évidemment.

14 février 2008

Raffarin et Le Monde

Alain Minc est parti du Monde, une « nouvelle équipe » est censée être en place. Hier, daté de je ne sais quand, nous avons eu le plaisir de lire dans Édito une très belle attaque contre la politique audiovisuelle du Pouvoir. Voici la partie qui m'a plu :

Les pouvoirs publics ont beau jurer, la main sur le coeur, que chaque euro de publicité supprimé sera compensé et qu'il n'est pas question de modifier le périmètre des chaînes publiques, tous les doutes sont permis. Surtout quand l'on entend les responsables de chaînes privées affirmer avec aplomb que les télévisions publiques sont peut-être trop nombreuses et pourraient sans problème fonctionner à moindre coût.

De deux choses l'une : ou bien l'exécutif sait où il va, et il est urgent qu'il le dise ; ou bien il a pris le risque de déstabiliser les chaînes publiques sans en mesurer les conséquences. Ce serait d'une coupable désinvolture.

Est-ce le signe d'un changement ? Espérons. Car, malgré tout, le journal véspéral joue un rôle important dans la formation de la pensée collective du jour. Quand le Monde se met à nous refourguer du sarkozysme refroidi, ce n'est pas bon.

À ce propos, prenons ces paroles dans le récent tchat avec J-P Raffarin, ce même tchat où l'ancien Premier Ministre tente de relancer Valls à gauche ("J'ai de l'estime pour des responsables comme Manuel Valls par exemple"), histoire de mettre un peu de désordre à gauche, sûrement. Prenons donc ces paroles :

Naaba : 9 mois, c'est le temps de gestation chez l'Homme, mais c'est également le temps qu'a passé Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République. Quel est selon vous le résultat de ces 9 mois de gestation ? [...]

Jean-Pierre Raffarin : Pour moi, ces neuf mois sont marqués par le succès du traité de Lisbonne, par l'accord des partenaires sociaux pour un nouveau contrat de travail, par l'augmentation significative du nombre d'heures supplémentaires en France, ou par l'autonomie des universités.

Il est paradoxal que l'on apprenne le même jour ces deux nouvelles : chute de 8 points de Nicolas Sarkozy dans le dernier sondage Sofres et baisse de 200 000 chômeurs dans la France de 2007. En termes de bilan, la baisse du chômage l'emportera.

Il est tout de même curieux que ces deux arguments (glorieuses réalisations de Sarkozy, baisse du chômage) furent formulés en presque exactement les mêmes termes par les éditorialistes anonymes du Monde. J'ai déjà consacré un billet au deuxième point, me demandant pourquoi le journal avait décidé de s'occuper de la communication défaillante du Très Grand Homme (TGH).

Pour ce qui est des réalisations, un éditorialiste anonyme, dans un papier intitulé L'effet boomerang avait écrit ceci :

Quant aux Français, hier stupéfiés ou séduits, les voilà qui grognent et doutent, oubliant ce qui a été fait (le nouveau traité européen ratifié, les régimes spéciaux de retraite alignés, la réforme de l'université engagée, une présidence active et assumée...) pour mieux pointer ce qui ne l'a pas été : le "choc de confiance" propice à la croissance réduit à néant par la récession économique qui menace, et le "président du pouvoir d'achat" contraint à de cruels aveux : "Les caisses sont vides" et, en quelque sorte : "Circulez, il n'y à rien à attendre." (C'est moi qui souligne, o16o.)

L'éditorialiste et Raffarin ne citent pas exactement les mêmes choses, mais les deux phrases sont curieusement semblables dans l'ordre de présentation : Lisbonne, le social, la réforme. Le Monde pousse le bouchon un peu loin en ajoutant une présidence active et assumée, comme si c'était un bien en soi, et en affirmant ensuite que tout ce qu'a fait Sarkozy est bien, mais oublié par la population ; tous ses échecs sont dûs aux circonstances. (Le fait que ce soit justement le "choc de confiance" qui ait vidé les caisses a malheureusement échappé au journaliste. En tout cas, il est difficile de trouver une meilleure défense du TGH.)

Peut-être, tout simplement, que Raffarin avait intégré l'édito et que la formule est sortie toute seule. Où est le mal? Peut-être que c'est une pure coïncidence. Je ne veux pas me lancer dans une théorie du complot, selon laquelle un grand journal qui n'est pas Le Figaro pomperait directement ses éditos dans les argumentaires de l'UMP. Ce qui est remarquable, ici, c'est le fait que les deux discours soient compatibles à ce point. Ecouter un haut responsable de l'UMP ou lire les éditos du journal dit "de référence", cela ne devrait pas être tout à fait la même chose.