Quelque part dans ses Coulisses, Juan donnait comme conseil aux blogueurs politiques de toujours "lire l'ennemi". Ce n'est pas si difficile, par les temps qui courent, puisque souvent l'ennemi est partout. Il suffit de lire la presse. Mais comme je suis un peu à la plage, pour ainsi dire, j'ai décidé de pousser le bouchon un peu plus loin en m'achetant Le Point avec, en couv', L'omni-président : l'homme qui veut tout faire. Quand le reste de la presse magazine prépare leurs numéros "spécial sexe", Le Point se lance lubriquement dans l'adoration de la puissance du TGH, espérant aider l'Elysée à transformer ses faiblesses communicationnelles en force, guidé, on imagine, par les communicants, les Saussez et les Guéants, pour refaire l'image de celui qui reste, malgré ses 35% dans les sondages, l'homme fort du régime.
Et c'est en lisant ces pages que j'ai commencé à formuler ce qui sera, vraisemblablement, le fondement de l'argumentaire sarkozyën pendant les années à venir. Quels que soient les difficultés, les couacs, les abérrations, les faux-pas, les imbécilités, les coups tordus et fourrés de ce qu'il faudra appeler désormais le "Bloc quinquennal", l'axe un peu fratricide Sarkozy-Copé, quoi qu'il arrive, on pourra toujours dire : Sarkozy, lui, au moins, il bosse.
On a beau suggérer qu'il ne peut y avoir qu'un seul Président à la fois, et qu'il est donc normal que celui qui l'est fasse un travail de Président, que la République 5.1 ne laisse pas plus de place à l'opposition que la version précédente, et que celle-ci n'a pas l'occasion d'entreprendre la moindre action, ne peut guère bosser, tous ces arguments techniques n'enleveront pas l'impression qu'il n'y a que Lui à travailler, pendant que les autres se chamaillent, se prennent la tête pour ci ou ça.
Pour booster ses ministres, il a constitué une véritable armée dans les rouages de L'État qui privilégie la compétence et l'efficacité sur l'idéologie.
L'article de Sylvie Pierre-Brossolette insiste sur le fait que Sarkozy est en train de changer la manière dont les hauts fonctionnaires sont recrutés, boudant les "technocrates" et favorisant des candidats "capables d'entrâiner leur administration et d'appliquer avec zèle sa politique". Des sortes de mini-TGH que l'on lâche dans la nature. Pour tout justifier, on fait l'impasse sur "l'idéologie", préférant celle de l'"efficacité", une idéologie d'autant plus efficace (les mauvais esprits diraient : "dangereuse") qu'elle prétend n'en être pas une. Des types qui bossent, encore une fois.
En général, dans la publicité, il faut centrer son message sur les points faibles de son produit : pour vendre un yaourt dégueulasse, il vaut mieux dire qu'il est délicieux. L'impopularité et l'inefficacité des mesures de Sarkozy vont devenir, pour lui et ses communicants, des points forts : Sarkozy est désavoué par l'électorat ? C'est qu'il s'en fout d'être populaire, il bosse, il avance. Les mesures économiques sont autant de flops? C'est que le Très Grand Homme oeuvre dans la durée, il "réforme la France", c'est un travail tellement profond que nous, pauvres imbéciles que nous sommes, ne pouvons même pas deviner les effets positifs. Car, vous voyez, celui qui ne peut pas laisser passer plus d'un news cycle sans qu'on parle de lui, en réalité il travaille sur du très long terme.
Et devant cet argument ("au moins il bosse"), je n'ai, pour l'instant, pas de réponse. Il est d'autant plus difficile à contrer qu'il est simplissime. Pour le contrer, les grandes explications, les leçons de politique et de justice sociale n'y feront rien. Il faut une phrase, il faut trouver la phrase.
Sarkozy, au moins, il bosse.
Oui, mais ça ne donne rien.
Pas terrible, je sais. Il va falloir réfléchir.