20 mars 2012

Le Petit Père du peuple fait peur aux petits

Ceci n'est pas un billet sur la récupération politique.

Nicolas Sarkozy, dans un collège parisien explique aux enfants qui l'entoure qu'ils auraient pu, eux aussi, être les victimes du tueur qui a frappé à Toulouse et à Montauban. Sur Twitter, les parents dans ma TimeLine sont choqués par cette façon de faire peur. Les phrases sont effectivement assez fortes : "réfléchissez à cela". Les films de la scène montrent notre Chanoine devant les enfants avec un peu un air de prêtre, moralisateur avec des attitudes pédagogiques. Peu importe : c'est un moment hautement symbolique et le Président de la R. doit faire comme il peut, avec son style. Voyez comment je suis indulgent.

Alors en lisant ces phrases, je me dis que ce n'est peut-être pas si grave, les collégiens peuvent l'encaisser. Avec les images, en renvanche, ce que j'ai trouvé décevant, maladroit, léger, pas à la hauteur, petit, c'est que Sarkozy a en fait terminé son discours sur la peur, sur le "ç'aurait pu être vous". Ensuite il part, avec ses journalistes, laissant les enfants réfléchir. Il manquait le "mais" : /c'était horrible, ça nous concerne, mais… / Mais c'est la République, mais c'est la France, mais nous ne pouvons pas laisser cela s'installer, mais nous sommes meilleurs… mais n'importe quelle bêtise pontifiante pour ne pas les laisser, nous laisser, devant l'abîme de la peur sans fin.

Ce qui est bizarre, et qui montre une méconnaissance de son rôle (il a "appris", mais pas tout), c'est justement le fait de ne pas chercher à rassembler, réhausser, mais au contraire de laisser nos enfants en suspens, devant la peur. Le récit ne se termine pas, il nous lâche au moment où le grand méchant loup va dévorer tout le monde.

Mon anti-sarkozysme primaire est plus fort que moi, et donc je vois dans cette pédagogie râtée le signe que, dès que la campagne présidentielle aura "repris", ce sera sur le thème de la peur et de l'insécurité. On veut nous faire du mal, il faut quelqu'un pour vous protéger. Je ne sais pas encore quelles acrobaties permettront de faire oublier la haine qui est derrière les événements de ces derniers jours, mais l'une d'entre elles c'est de mettre l'accent sur la victime, non sur les victimes réelles, qui ne sont pas, certes, oubliées, mais sur la victime en chacun de nous, les victimes potentielles. En effet, le "vivre ensemble" est mis en cause ici, et si l'on veut vraiment réfléchir, il serait plus sain, plus digne de penser à ce qui, en nous, en notre société, nous empêche de tomber dans la haine, la méfiance et la barbarie. Si l'on va réfléchir, réfléchissons à ce qui nous empêche d'être le bourreau.

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