L'autre jour, après la réunion du Conseil national du PS que Ségolène Royal a magistralement séchée, on lisait, dans un article du Monde, parmi les commentaires des uns et des autres, ceci, qui m'avait fait rire au moment:
Benoît Hamon dénonce la "présidentialisation du PS"
Quelques jour plus tard, nous lisons dans un Rebond chez Libé, un édito d'Alain Duhamel qui se félicite d'avoir trouvé la formule imbattable pour décrire désormais Ségolène Royal : « bonapartiste de gauche ». Il est tellement plaisant de remettre la gauche devant ses propres contradictions, genre « Hollande paie l'ISF, il ne doit pas s'aimer lui-même », que Monsieur Duhamel répète quatre fois ce terme (sans compter le titre), toujours en fin de phrase, comme une conclusion sans appel : « blah blah blah. Bonapartiste de gauche », « Logique ostensiblement populiste et plébiscitaire : bonapartiste de gauche. » Et ainsi de suite. On a suffisamment comparé Sarkozy à Napoléon qu'il est sûrement très habile de renverser la vapeur de temps en temps. Mais très sérieusement, je ne crois pas trahir les mots de Duhamel en les résumant ainsi : c'est une bonapartiste de gauche parce que, primo, elle fait appel à sa popularité plutôt que de passer par les instances du PS; et, secondo, de toute façon il n'y en a que pour elle. Bref, une femme (oui, je persiste) ne doit pas manoeuvrer au sein du PS, même si elle est très populaire avec les militants.
Je suis même allé voir l'article « Bonapartisme » de la Wikipédia (assez mauvais d'ailleurs, car visiblement écrit par un pratiquant), qui confirme l'aspect populiste du mouvement, mais qui insiste beaucoup sur l'idée d'un Etat centralisé très fort. Le mélange sarkozyzte de populisme et d'autorité se conforme mieux, bien sûr, à cette définition du bonapartisme, mais de toute façon toute la Ve République en est imbibée.
Ce qui nous amène donc à la citation de Benoît Hamon par laquelle j'ai commencé. Voici l'extrait de son discours au Conseil national:
Et je termine sur ce point : je n’ai pas combattu depuis quatre ans, et je remercie Arnaud Montebourg de m’avoir éclairé sur ces questions démocratiques-là, je n’ai pas combattu depuis quatre ans la présidentialisation de la Ve République, observé dans quels excès elle nous conduit aujourd’hui pour être de ceux qui iront achever la présidentialisation du Parti socialiste en substituant le scrutin majoritaire au scrutin proportionnel.
J'avoue ne pas très bien comprendre sa « blague » sur les scrutins majoritaire et proportionnel, mais le message sur la présidentialisation est très clair.
Il y aurait des bonnes vannes à faire sur cette façon de s'exprimer. Je n'arrive pas à les formuler, mais ce sont elles qui me faisaient rire. Effectivement, pas de présidentialisation du PS : ça ne risque pas, après trois défaites consécutives ! (Gros rires gras.)
Plus grave, je trouve, est cette volonté, que l'on aperçoit également dans le papier d'Alain Duhamel, de faire d'abord du PS une sorte de modèle réduit, mais idéal, de toute la République. Vous êtes contre la présidentialisation de la Ve République ? Eh bien, soyez contre la présidentialisation du PS! Finalement, il serait presque plus grave d'être présidentiel dans le Parti, que dans l'Etat.
Je ne trouve pas cette idée grave parce que je suis pour la présidentialisation du PS, mais parce qu'elle montre que pour un fabiuso-aubryste (et non-iste, voilà pour l'esprit collectif et démocratique!) comme Hamon, la guerre à l'intérieur du parti est aussi importante, voir plus importante, que celle à l'extérieur (je veux dire celle qui oppose la gauche et la majorité présidentielle).
Nous sommes dans une présidentialisation du pouvoir en France. C'est un fait. On peut imaginer que la victoire de Ségolène Royal aurait pu renverser cette tendance, mais Sarkozy a gagné, en partie sans doute parce qu'il incarne, jusqu'à la caricature, avec son vocabulaire méssianique de la hauteur et de la grandeur, les défauts du système présidentiel. Tant que quelque chose ou quelqu'un ne réussit pas à renverser ces tendances, nous resterons dans cette image là du pouvoir, dans son exercice et dans les façons de l'acquérir.
La défaite de 2002 est en large partie la conséquence de cette volonté de faire comme si l'élection présidentielle était une élection législative. La Gauche Plurielle n'a pas résisté à la consolidation du pouvoir qu'exige le système actuel. Un premier tour où chacun s'exprime avant de se rassembler au second tour, cela ne marche pas. Méconnaître cette réalité, c'est préparer les défaites de demain. Se plaindre de la présidentialisation du PS, ou du bonapartisme de Ségolène Royal, vouloir d'abord faire du PS un univers parallèle dépourvu des défauts du monde réel, c'est s'ôter toutes les possiblités d'arriver à accéder au pouvoir pour agir réellement dans la société.
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