29 juillet 2012

Franco-grecque, ou gréco-française ?

 

Je vais essayer de brasser quelques informations. Je ne promets pas une conclusion éclatante de clarté et de certitude. On verra bien. Mais on y va.

Commençons par des "bonnes nouvelles". D'après Standard & Poors, les banques françaises seraient "parmi les plus solides du monde". Ouf, hein ? Sauf qu'il y a un truc :

Autre bémol, cette étude ne tient pas compte des activités internationales des banques, évaluées individuellement, banque par banque, et de leur exposition aux pays dont les finances publiques sont sous pression, Grèce, Espagne et Italie en tête.

Tout va bien, ou irait bien, s'il y n'avait pas la Grèce, Espagne et l'Italie. Quel intérêt y avait-il à claironner la bonne santé des banques françaises, tout en évitant de prendre en compte la situation la dangereuse pour les banques depuis un siècle ?

Voici des chiffres datant de juillet 2011, sur l'exposition des banques à la dette grecque :

Le Guardian donne des chiffres sur l'exposition des banques françaises à la dette grecque. Hormis la Grèce elle-même, la France arrive en tête avec 9,362 milliards d'euros, devant l'Allemagne avec 7,902 milliards.

Par banque, cela fait, en millions :

  • BPCE 1,185 14% 1%
  • BNP-Paribas 5,046 8% 0%
  • Société Général 2,500 6%
  • Crédit Agricole 631 1% 0%

Déjà, donc, la France est en tête. Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les soucis véritables du Crédit Agricole, propriétaire depuis 2006 d'une vraie banque grècque, Emporiki Bank. Et là les chiffres s'envolent. L'article des Echos est très bon :

27 juillet 2012

L'ennemi de la finance

 

Au Bourget, François Hollande disait ceci :

Mais avant d'évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s'engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l'économie, de la société et même de nos vies.

[…]

Si la finance est l'adversaire, alors il faut l'affronter avec nos moyens et d'abord chez nous, sans faiblesse mais sans irréalisme, en pensant que ce sera un long combat, une dure épreuve mais que nous devrons montrer nos armes.

Ce billet n'a pas pour but de dire le trop facile "il a dit ça pour se faire élire, et maintenant il n'ose plus rien face à la finance".

Ce n'est pas comme si c'était facile, de terrasser "la finance". Les constats sur les dangers, les dégâts et les dérapages d'un système qui paraît bien hors de contrôle. (Lisez ce billet de Dagrouik, par exemple.) Non seulement le problème

  • est complexe ;
  • est international et
  • concerne les entités parmi les plus puissantes de planète,

mais la dette, tout ce réseau des dettes entrecroisées et circulaires, est partout, du voisin qui paie 450 € par mois pour pouvoir rouler en Audi TT, jusqu'aux États qui dépendent d'un influx constant de nouveaux crédits. Nous avons beau être contre la finance, contre la dette, contre les banques et les banksters, contre Merkel, contre Greenspan, contre Citigroup, contre Goldman Sachs, contre Moody's, il reste le fait incontournable que le moindre ralentissement, même de quelques semaines, de notre perfusion aurait des conséquences catastrophiques. Et pas seulement la France : l'ensemble des pays dit "développés" sont dans à peu près la même situation.

Personne n'aurait jamais planifier cette situation, personne n'aurait souhaité en arriver là, y compris les banques elles-mêmes, mais un ensemble de décisions, prises une par une depuis des décennies sont responsables. À chaque pas de cette longue marche vers le précipice, les décideurs (banques, parléments, chefs d'états) ont sûrement cru tirer vers eux ; certains ont saisi des occasions pour accéder à des nouvelles formes de rapacité.

Et aujourd'hui, les cris d'alarme, les constats semblent inutiles. Oui, des erreurs commises il y a quarante, trente, vingt ans ont conduit à d'autres erreurs plus récentes. Dans la tragédie, ce qu'il y a de vraiment tragique, c'est que tout le monde sait que tout va s'empirer, que la spirale est lancée, mais personne n'est capable d'agir pour échapper à l'inévitable.

Car concrètement, je ne vois pas d'où pourrait venir même le début d'une solution. Le programme de Roosevelt 2012 est sans doute ce qui s'en rapproche le plus, mais, comme j'ai essayé d'expliquer dans un autre billet, il est lui-même trop optimiste, et de toute façon dépendrait d'un consensus international qui reste très loin des attitudes actuelles. Bien sûr, le jeu en vaut la chandelle ; il ne faudrait pas abandonner l'initiative pour autant, puisque la tentative elle-même peut avoir une influence, à terme, sur ces mêmes attitudes.

23 juillet 2012

Le non-cumul fait-il perdre des élections ?

 

Réponse rapide : on ne sait pas, personne n'a jamais essayé.

Pourtant, c'est une inquiétude réelle, dans la classe politique : François Patriat, sénateur (Côte-d'Or) et Président de Conseil Régional de Bourgogne, voit un danger :

"La droite souhaite reconquérir le pouvoir grâce aux municipales. Alors, ce n'est pas le moment de retirer tous nos élus compétents. Ca serait se tirer une balle dans le pied!"

Finalement, c'est pratique : quand un homme politique est dans l'opposition, il est contre le cumul, ou du moins il ne dit rien ; quand son parti est au pouvoir, son sens du devoir le pousse à changer d'avis, pour protéger sa majorité. Je caricature un peu, car les sénateurs PS n'ont jamais été de féroces critiques du cumul.

Nous ne sommes plus sur le plan des grands principes démocratiques, comme avec Gérard Collomb (sénateur, maire, président de communauté urbaine), hier, mais plutôt dans les tranchées et l'esprit collectif.

22 juillet 2012

Collomb et le cumul : jacobinisme contre jacobinisme

 

Hier on parlait de cette Commission des Finances qui a rapidement décidé qu'il valait mieux éviter de se déclarer ses dépenses de parlementaire tout en gardant la possibilité d'empocher les excédents sans payer d'impôt dessus. Les notes de frais, ce n'est pas pour les représentants du peuple.

Chaque étape semble confirmer que préserver ses petits conforts vaut bien tous les idéaux démocratiques. Concrètement, c'est symbolique. Ce n'est pas un peu CSG prise sur l'IRFM des députés qui mettre fin à la crise de l'euro. Le non cumul des mandats, en revanche, est autre chose. Ce n'est pas symbole. C'est tout le fonctionnement du jeu démocratique qui est en cause.

J'étais donc déçu de lire ceci : "Gérard Collomb opposé au non-cumul des mandats voulu par Hollande".

21 juillet 2012

Boulette transparente

 

Les détails sont importants, mais l'image publique les ignore, et la politique oblige à prendre en cet écart. Qu'est-ce qui s'est passé avec l'amendement proposé par Charles de Courson, député centriste ayant navigué, depuis 2007, entre Bayrou, le Nouveau Centre et Sarkozy ?

La fin de l'épisode est désormais bien connue :

La proposition de l'élu de la Marne n'a guère soulevé l'enthousiasme de ses collègues : l'amendement n'a obtenu que trois votes favorables sur une vingtaine de députés présents en commission.

Et le resultat fut l'expression de beaucoup saine colère, de tous bords d'ailleurs. Par exemple, sur Atlantico :

Une erreur parce qu’une représentation nationale qui ne fait pas corps avec le peuple qui l’a élue, qui n’en partage ni les efforts ni les épreuves, est une représentation nationale sans aucune légitimité. Au moment où chacun sent bien qu’il faut « prendre sur soi », l’écoeurant spectacle de ces petits marquis qui refusent de se soumettre aux rigueurs qu’ils imposent au peuple français n’est pas admissible, et sape pour longtemps le droit de cette assemblée à parler en notre nom.

Par exemple…

Pendant le Président de la République et le gouvernement se font critiquer parce qu'ils ne voyagent pas en avion, la mesquinerie de la Commission des Finances n'a pas bon effet.

19 juillet 2012

Espoirs et inquiétudes jospino-bachelotiens

 

Revenons à cette commission présidée par Lionel Jospin, qui va proposer un plan pour moraliser la vie politique. J'avais manqué le communiqué officiel. Voici leur mission :

Cette commission aura notamment pour mission de définir les conditions d'un meilleur déroulement de l'élection présidentielle et s'interrogera sur le statut juridictionnel du président élu. Elle examinera également les voies d'une réforme des scrutins applicables aux élections législatives et sénatoriales, et formulera des propositions permettant d'assurer le non cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement avec l'exercice de responsabilités exécutives locales. Elle définira des règles déontologiques de nature à garantir la transparence de la vie publique.

Réduisons tout cela à une liste, qui passe mieux sur l'Internet.

  • Déroulement de l'élection présidentielle ;
  • Statut juridique du président ;
  • Réforme des élections législatives et;
  • Sénatoriales
  • "le non cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement

avec l'exercice de responsabilités exécutives locales"

J'espère qu'ils vont réussir. J'ai pourtant des inquiétudes.

18 juillet 2012

Bruits et bruitages : le nouveau niveau du débat politique à l'UMP

 

Cécile Duflot se fait chahuter à l'Assemblée Nationale à cause d'une robe, alors qu'avant les mêmes désapprouvaient son jean. Bien sûr, c'est du machisme, qui ne prend même plus peine de se déguiser avec quelque grand principe.

Au-delà de la bassesse, il y a la stupidité de la manoeuvre, et c'est là qu'on reconnaît facilement la marque de Jean-François Copé, dont l'originalité profonde émerge peu à peu, sous la forme d'une utilisation savante de la bêtise. Au-delà de cet incident révélateur, donc, une stratégie de communication se met en place.

16 juillet 2012

Subtilités de la CSG, suivies de nos exigences

 

Françoise Fressoz sur Hollande et le CSG est assez dure :

Le candidat socialiste s'en tenait à un seul discours, un rien simpliste : les riches paieront, les classes moyennes seront épargnées. C'était bien trop beau pour être vrai : la hausse de la CSG qui se profile touchera évidemment tout le monde : les riches mais aussi les classes moyennes et populaires, les actifs et les retraités.

Elle s'annonce d'autant plus conséquente que le gouvernement n'a pas qu'un problème de transfert de charges à régler. Il doit aussi boucher le trou conséquent de la sécurité sociale.

La CSG était l'impôt caché de François Hollande. C'est ce non dit qui, d'emblée, fragilise la réforme.

Elle ne va pas jusqu'à rendre "quand il y a du flou, il y a un loup", mais c'est presque pareil. Marc Vasseur est également décu :

Alors, on ne manquera pas de nous présenter la CSG comme une TVA sociale de gauche… A un taux d’1,1 %, c’était probablement encore défendable dans son approche puisqu’elle touche tous les revenus, aujourd’hui alors que nous en sommes à 7,5% du salaire brut, elle s’apparente de plus en plus à une flat tax d’inspiration fort libérale, plus encore si nous passons à 9,5 voire 11,5….

Pour conclure :

Je le disais, il y a quelques jours à propos du sommet européen ; je le redis et on pourra y mettre tous les enrobages qu’on veut… le gouvernement Ayrault prend une pente social libérale…. je n’ai pas voté pour ça en mai 2012.

(Juste avant de lâcher sa bombe, le terme "blogueurs de gouvernement", qui a rapidement fait le tour de la blogosphère de gauche. Mais cette question-là, nous en avons parlé l'autre jour.)

Et pour finir, voici quelques salves supplémentaires tirées par Rue89 :

« Je ne viens pas annoncer aujourd’hui de prélèvement supplémentaire pour une grande majorité de Français », a déclaré Hollande. Pourtant, si comme on le suppose, c’est une hausse de deux à quatre points de CSG qui se profile, la grande majorité des Français seront touchés, pas seulement la petite minorité des plus riches.

La vérité, c’est que le gouvernement s’apprête à troquer une hausse de 11 milliards de la TVA pour une hausse de la CSG de plus du double.

Alors, qu'en est-il ? La CSG qu'on nous prépare, est-ce une flat tax ultra-libérale déguisé en Rocard ?

15 juillet 2012

L'unique chance pour mettre fin au cumul des mandats

 

Hier, lors de son entretien télévisé, François Hollande a annoncé qu'il confiait à Lionel Jospin une commission sur "la moralisation et la rénovation de la vie politique". Jospin n'aurait pas été mon premier choix, ni même dans mon Top 10, pour ce travail. Son rôle dans l'affaire Falorni ("On a beaucoup trop parlé de la 1re circonscription de Charente-Maritime") est plus une question de feuilleton ; en revanche, le quinquennat qu'il nous à légué ne témoigne pas en sa faveur pour une réflexion sur la modernisation de la démocratie.

Certes, Jospin, oui, bof.

Ce qui est paradoxalement rassurant, c'est que pour la mesure la plus importante, la personalité du président de la commission importe peu. Car la mesure la plus importante est aussi la plus simple : le non-cumul des mandats. Toute tentative de rendre plus compliqué, subtile, moderne, technique le passage du cumul généralisé au non-cumul ne sera qu'un affaiblissement du principe.

12 juillet 2012

Blogs de gauche : un contre-pouvoir quand même ?

 

Ou plutôt contre-média.

Récemment, j'ai rencontré, en chair et en os, Marc Vasseur, que connais depuis cinq ans, virtuellement, comme tous mes amis blogueurs. C'était la première fois que je serre la main à une personne que je connais grâce à la blogosphère. C'était la confirmation que les amitiés virtuelles ne sont pas, en fait, virtuelles, du moins quand il s'agit de gens qui s'engagent dans l'écriture et la durée.

En tout cas, l'un des sujets que nous avons abordés, c'était celle de la raison d'être du blog de gauche, dès lors qu'il n'y a plus un pouvoir de droite à combattre. Bien sûr, personne ne sait quel est le véritable poids des blogs à l'intérieur du grand jeu de la démocratie : quelque part entre "aucun" et "on ne sait pas". Je finis par conclure qu'en l'état actuel les blogs (et leurs blogueurs) ne constituent pas une force politique, mais sont plutôt un média, et c'est pour cette raison que les politiques et les médias ne peuvent pas nous ignorer, et sans pour autant nous reconnaître quoi que ce soit. On finit même par se rendre compte que les "réseaux sociaux" finissent par alimenter les blogs, ou s'alimenter avec le contenu des blogs.

Admettons donc que cela sert à quelque chose d'avoir une blogosphère. Ce n'est pas si fantaisiste : le fait que sommes lus, parfois courtisés ou exploités laisse quand même penser que tout ce bruit aboutit quelque part.

3 juillet 2012

Je suis socialo-traître et j'aime ça

 

À vrai dire, je ne suis pas socialiste : je n'ai jamais pris ma carte au P"S". Je suis juste socialo-traître sympathisant, pire encore que les socialo-traîtres encartés, car même pas engagé corps et âme pour Laurent, Dominique ou Martine.

Quelques jours après le second tour des législatives, ou quelques heures peut-être, je ne me souviens plus, j'ai eu deux pensées successives.

  • D'abord je me suis dit : "ça y est, la droite est défaite, maintenant on va passer notre temps à se disputer avec les Front de Gauche".
  • Un peu plus tard, je me suis dit : "ça y est, le pouvoir est assuré pour cinq ans, on va revenir à l'occupation habituelle d'un blog de gauche, c'est-à-dire qu'on va tirer le PS."

1 juillet 2012

Sommet : changement ou pas ?

 

Tout ce qui se passe au niveau européen sera toujours nimbé de confusion, tant les enjeux sont complexes et les intérêts communicationnels des uns et des autres sont doubles, triples. Le sommet d'hier soir et ce matin, avec ses moments dramatiques, quand les chefs d'État décident ne pas se coucher à 2h, les bras de fer, l'attaque surprise par l'Espagne et l'Italie : tout est là pour nous faire espérer un changement profond. Le changement promis, par le candidat qui disait qu'il allait faire renégocier les accords présidés par Merkozy.

Qu'en est-il ? Marc Vasseur est très pessimiste :

On savait déjà que la question des eurobonds était déjà tranchée, on espérait que cet abandon pouvait au moins se « marchander » contre un effort conséquent en matière de croissance… en vain à moins de se réjouir de cette énorme enveloppe de 120 milliards consacrée à cette dernière. Pour situer l’ampleur de ce soutien, il convient de mettre en parallèle les 1.500 milliards pour sauver les banques. Je n’ose même pas souligner que sur ces 120 milliards, la moitié est confiée à la Banque Européenne d’Investissement sous la forme d’une augmentation de sa capacité à prêter. Au final, nos dirigeants européens ont réussi à mobiliser 60 milliards d’euro pour dynamiser une croissance anémique voire moribonde… c’est juste risible.

Marc a raison sur les 120 milliards : c'est loin d'être une révolution.

Il s'inquiète également pour la souveraineté, y voyant la plus grande et grave concession de François Hollande :

Ne nous y trompons pas, la finalité de cette démarche est de donner pouvoir à la Commission de donner son avis et par la suite son aval aux budgets et aux orientations en matière économique des Etats Membres et probablement le cas échéant de sortir le baton si d’aventure un Etat prenait trop de libertés vis à vis de la doxa néo-libérale – en clair Roosevelt et Keynes ont été abattus lâchement dans une courée sombre cette nuit.