4 septembre 2007

Ministère de la Haine, de la Peur et du Codéveloppement

Via Sarkofrance, cet article sur le site de Marianne, où est confirmé ce que l'on soupçonnait déjà, à savoir que Brice Hortefeux n'arrive pas à tenir les promesses de son Président en termes de reconduites à la frontière des clandestins. Selon Marianne:

en réalité, les services de police ont expulsé environ 1300 personnes au 31 aout alors que l'objectif est de 3580 reconduites sur l'année entière. En réalité, la « base » policière renâcle à appliquer les consignes du ministère dans la mesure où la complexité de la règlementation, la multiplication des recours et la guérilla juridique menée par les associations rendent très difficiles les reconduites effectives. Du coup, bien des policiers préfèrent relâcher les sans papiers interpelés que de les enfermer dans des centres de détention déjà bien garnis.

D'abord que ce n'est pas facile, et en plus c'est compliqué. Pire encore, des associations de gauchistes s'en mêlent. Mais le vrai problème, en termes de rendement et de chiffres, semble venir d'en haut.

alors que la responsabilité du dossier de l'immigration clandestine revient à Brice Hortefeux, l'expérience et les compétences, elles, se situent plutôt place Beauvau, siège du ministère de l'Intérieur. Tandis que le cabinet de Brice Hortefeux espère voir le boss « piquer » son poste à MAM (notamment lors du rebondissement du dossier Clearstream), les hauts fonctionnaires se moquent souvent de l'ignorance manifestée par les membres du cabinet Hortefeux sur le sujet de l'immigration clandestine.

Le Très Grand Homme (TGH) voulait casser les administrations lorsqu'il a créé son gouvernement. Du coup, le Ministère de Hortefeux se retrouve avec une charge policière alors que la police dépend encore de MAM. Problème de gestion, ça peut arriver à tout le monde.

Le problème dans cette triste histoire, c'est que ce Ministère n'existe que pour répondre à des fantasmes qui, selon la conjoncture, sont partagés par une partie plus ou moins grande de la population, plus ou moins proche de l'Extrême droite, mais certainement pas limitée aux électeurs de Le Pen. Ce dernier a construit sa carrière politique en rendant l'immigration (légale et illégale) responsable du chômage, et, de façon beaucoup plus perverse encore, immigration et les déficits publics. Notre gouvernement actuel ne va pas jusqu'à dire des choses pareilles, et rien n'indique que Sarkozy et sa bande pensent selon ces axes. Cela ne les a pas empêchés d'instrumentaliser ces fantasmes, et de rendre l'immigration responsable d'un éffritement de la sacrosancte Identité Nationale, analogue aux entorses à l'Autorité Nationale qu'ils imputent à la génération Mai 68.

Le problème avec une politique fondée sur un fantasme, c'est que quand on commence à donner des ordres à des policiers, on se heurte assez rapidement à la réalité des choses. L'immigration du fantasme, ce ne sont pas ces 300.000 personnes que l'on estime présentes, clandestinement, sur le territoire français. Les "clandestins" qui sont visés véritablement, dans le fantasme, ce sont ces jeunes dits, hypocritement, "issus de l'immigration", citoyens français, nés en France de parents souvent citoyens français eux-mêmes. L'"immigration" que l'on voudrait arrêter, dans le fantasme, c'est celle des Trente Glorieuses; c'est en fait tout un pan de l'histoire du postcolonialisme français que l'on voudrait exorcer. Puisqu'il est impossible de revenir dans le temps, on cherche une victime expiatoire, une victime symbolique.

Car les 300.000 clandestins ne sont pas un problème réel (pour le reste de la société, j'entends; je ne parle pas de la difficulté, pour eux, de leur situation), ne sont pas une menace à une quelconque identité nationale. Juan écrit:

Toutes les polices de l'air et des frontières ont été mobilisées; un Ministère de l'Identité Nationale a été créé; le Président a été 4 ans durant Ministère de l'Intérieur; les instructions et les moyens ont été donnés pour que les interpellations et les reconduites aux frontières soient massives.

Et pourtant, cette politique est un échec au regard de ses propres objectifs.

Si l'Etat Français est incapable de les débusquer les sans-papier, quels problèmes représentent ils vraiment ?

Jettez un coup d'oeil sur ce tableau qui figure dans un rapport du Sénat sur l'immigration clandestine. (C'est là où je prends aussi ce chiffre de 300.000 clandestins. Il est important de noter que dans cette population, il y en a beaucoup qui rentrent au pays spontanément, ce que le Ministre Sarkozy ne prenait pas en compte dans ses calculs à lui.) En faisant un petit calcul, pour savoir le pourcentage de clandestins en France, j'en arrive à 0,5% de la population, ce qui place la France très confortablement dans le bas du tableau européen : les Pays-Bas (1,1%), la Suisse, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce (3,7%), ont tous, proportionnellement, beaucoup plus de clandestins que nous, sans parler des Etats-Unis, avec 3,6%.

Les clandestins en France sont une toute petite population, pauvre, qui souffre beaucoup, mais qui ne représente qu'une menace symbolique, un rappel de l'immigration de la décolonisation. Faire du chiffre sur leur dos, pour les besoins de la communication politique, pour des besoins d'image, relève d'un cynisme indigne. On ne peut que se féliciter de l'échec d'Hortefeux, et lui en souhaiter d'autres.

5 commentaires:

Le_M_Poireau a dit…

On a à faire à un ministère du symbole et il se retrouve sans objet. A regarder la société à travers un filtre artificiel, on finit par se prendre la réalité dans la g*e*le ! :-)

Mais, ce qui fait plaisir, c'est de voir que l'associatif, qui est aussi l'expression du peuple, réagit et fait son travail citoyen !
Ouf !
:-)

o16o a dit…

Oui, bravo pour les associations! Et pour les lois qui permettent de défendre les clandestins.

Hortefeux ne doit pas les porter dans son coeur, surtout qu'il s'est remonter les bretelles par NS l'autre jour.

Juan a dit…

merci de la citation.
Le déclic est venu récemment. Il y a quelques mois. j'entendais cette déclaration d'Hortefeux : "nous avons arrêté 5 fois plus de travailleurs clandestins qu'en 2006." Et ça fait combien ? 536 personnes.
Quoi ? 536 personnes ? Vous nous bassinez pour 536 personnes ?
Je suis partisan qu'un problème existe s'il est sanctionnable. Infractions routières ? hop, radars et sanction. On peut discuter de la sévértité ensuite.
Mais dans le cas de l'immigration clandestine, ILS N'ARRIVENT MEME PAS A NOUS TROUVER DES CLANDESTINS...
Les pauvres sans papiers qu'on trouvent devraient être soignés et médaillés du mérite pour avoir survécu!
Imposture du discours électoral d'extrême droite...
merci encore...

Juan a dit…

mille excuses pour les fautes d'orthographe..

o16o a dit…

Juan,

Les fautes d'orthographe sont pardonnées d'avance ici! C'est le prix de la vitesse de saisie, nécessaire avec un Président hyperactif.

Quant à ces histoires de clandestins, c'est à vomir. Je me rends compte, de plus en plus, que chez Sarkozy, tout est de la comm' : affaires étrangères, budget, justice -- c'est la comm' qui prime sur toute autre considération. Et tant pis pour les sans-papiers s'ils se font écraser par ce besoin de communiquer.