6 mai 2007

6 mai 2007, trois heures du matin

N'arrive pas à dormir. Trop de café peut-être tout à l'heure, je n'ai plus l'habitude d'en boire le soir.

C'est l'élection, peut-être?

Pourquoi? C'est déjà perdu, on attend seulement que la chose deviennent réelle, impossible à réfuter ou à repousser.

Car il y a bien quelque chose de repoussant dans la façon dont les choses se sont passées. Au début je pensais que c'était la situation, l'espoir d'enfin pouvoir respirer après tant d'années passées dans le malaise politique, l'insatisfaction permanente. Mais maintenant, à quelques heures de la grande déception finale, c'est plutôt elle, Ségolène, Ségolène Royal, Royal, qui me semble la cause de la gravité du moment.

Quelle que soit l'issue de tout cela, et je pense là plutôt aux manoeuvres au sein de la gauche, Ségolène Royal aura apporté à la politique un sentiment nouveau ou du moins inhabituel, qui rend sa défaite, aux mains d'un jeune cynique pour remplacer le vieux cynique, beaucoup moins supportable que si c'était simplement Fabius, Strauss-Kahn ou Jospin.

Et pas seulement parce que c'est une femme, même si l'une des leçons de cette histoire, c'est qu'en dépit de tout ce qu'on peut dire ou tout ce qu'on est censé dire ou penser, le fait que ce soit une femme est inextricablement lié à tout. Ceux (et peut-être surtout celles) qui disaient, ou pensaient, du début jusqu'à la fin: "ce n'est pas parce que c'est une femme, que je ne l'aime pas, mais je ne l'aime pas" ne mentaient pas, mais ne comprenaient pas, ne comprennent pas, que leur perception d'elle était si profondément influencée par leurs idées de ce que doit être une femme et ce que doit être un homme politique. Mais je ne devrais pas dire "idées" dans la phrase qui précède, parce que tout cela arrive bien avant les idées. Le problème de la femme-itude des femmes sera long à résoudre pour ces gens-là.

Et donc, dans la désolation anticipée de ce 6 mai 2007, je n'ignore pas, j'essaie de ne pas ignorer, le fait que cette désolation n'a pas le même caractère que si c'était un homme qui allait perdre. Je suis persuadé qu'une présidente Royal aurait, par sa présence même dans le psyché national, fait basculer énormément de choses. Et finalement le pays a réagi comme un inconscient tout à fait réptilien qui se protège en expulsant l'élément déstabilisateur, la femme qui met en danger le système.

Mais cela est en-deça de la question politique. Il y aurait suffisamment de temps après pour penser à cela. Ce blog va commencer donc dans l'émotion de la catastrophe annoncée.

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